Déclaration de Mme Rachida Dati, ministre de la culture, sur le projet de loi de finances 2026 pour la culture, à l'Assemblée nationale le 29 octobre 2025.

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Circonstance : Audition devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation

Texte intégral

M. le président Alexandre Portier. Nous poursuivons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2026 au sein de notre commission, avec l'audition de la ministre de la culture, Mme Rachida Dati. Nous examinerons ensuite les missions Culture et Médias, livres et industries culturelles, ainsi que le compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public. Vous avez reçu la partie budgétaire des quatre projets de rapports pour avis sur ces missions.

Après l'intervention liminaire de Mme la ministre, nos échanges s'organiseront en deux temps. Nous débattrons d'abord de la mission Culture avec les interventions des rapporteurs pour avis, des orateurs de groupe et les questions, auxquelles la ministre répondra.

Nous passerons ensuite, selon le même schéma, à la discussion conjointe des missions Médias, livres et industries culturelles et Avances à l'audiovisuel public. Nous étudierons les amendements dans un second temps, après les deux discussions générales et le départ de Mme la ministre. Nous poursuivrons leur examen ce soir et demain matin si nécessaire.

Madame la ministre, je vous invite à présenter votre projet de budget pour 2026. J'aborderai ensuite quelques points avant de céder la parole aux orateurs de groupe, certaines préoccupations étant largement partagées.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je souhaite commencer par un point sur le Louvre pour anticiper vos questions. Comme vous le savez, nous avons lancé différentes enquêtes, notamment une enquête administrative. La procureure de la République s'exprimera également à 17 heures. J'attends les conclusions de l'enquête administrative pour prendre toutes les mesures nécessaires et urgentes afin de remédier à cet échec sécuritaire. Nous identifierons toutes les défaillances et tous les manquements pour sécuriser le musée du Louvre. Nous réviserons sans doute son organisation et déploierons de manière urgente tous les dispositifs de sécurité et sûreté nécessaires, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment.

Ces décisions s'articuleront avec l'instruction que j'ai donnée conjointement avec le ministre de l'intérieur aux différentes directions régionales des affaires culturelles (Drac) et aux préfets pour identifier les menaces éventuelles et renforcer la sécurité des établissements culturels. Elles s'inscriront également dans le cadre de la mission confiée par le Premier ministre à Jérémie Patrier-Leitus, qui sera chargé de formuler des recommandations sur la sécurité globale de nos établissements culturels.

Je salue votre amendement, Monsieur le président, visant à relever les crédits du programme 175 Patrimoines d'un montant de 50 millions d'euros pour créer un fonds d'action pour la sécurisation du patrimoine national. Je souscris pleinement à cette idée, compte tenu des retards cumulés en matière d'investissement dans la sûreté de nos établissements culturels pour garantir la sécurité des collections qu'ils abritent, comme je l'avais souligné lors de ma première audition devant votre commission. Il importera néanmoins que ces crédits soient des crédits nouveaux, afin de ne pas affecter d'autres politiques publiques culturelles.

Le projet de budget du ministère de la culture pour 2026 s'inscrit dans un double contexte particulier : une situation politique inédite et un cadre budgétaire particulièrement contraint, marqué par la nécessité de redresser nos finances publiques. Malgré ces contraintes, l'ambition culturelle de la France demeure intacte. Je considère que la culture constitue une politique régalienne à part entière, qui trouve son fondement dans notre cohésion sociale et nationale. Elle favorise l'intégration et transmet les valeurs de la République.

Le budget 2026 traduit concrètement cette ambition avec plus de 8,3 milliards d'euros, un niveau supérieur à celui de 2023. Comme en 2025, le programme 131 consacré à la création artistique disposera de plus d'un milliard d'euros, dont près de la moitié, soit 450 millions d'euros, bénéficiera aux territoires. Cette orientation territoriale représente ma priorité depuis mon arrivée au ministère, notamment dans un contexte où certaines collectivités se désengagent. L'État doit rester exemplaire sans pour autant se substituer à elles.

Ces crédits conforteront le plan "culture et ruralité" lancé dès ma prise de fonction, doté de 60 millions d'euros sur deux ans. Les résultats se révèlent déjà tangibles : près de 70 festivals soutenus en métropole et en Outre-mer, 4 millions d'euros pour le développement d'artothèques dans 43 départements et plus de 240 résidences d'artistes accompagnées par nos Drac. Par ailleurs, un tiers de la dotation du programme, soit 363 millions d'euros, financera nos 14 opérateurs nationaux de la création.

J'ai obtenu la prorogation du Fonds national pour l'emploi dans le spectacle (Fonpeps), conformément à mon engagement. Cette négociation s'est avérée complexe dans un contexte où tous les dispositifs font l'objet de réexamens, voire de remises en cause. Nous refusons de fragiliser davantage l'emploi artistique, déjà affecté par le désengagement des collectivités. La création reste donc au cœur de notre action, accessible, vivante et présente sur tout le territoire.

Le vol survenu au musée du Louvre nous rappelle que la protection de notre patrimoine et de nos musées doit demeurer une priorité absolue. Depuis 2017, sous l'impulsion du président de la République, le budget du patrimoine a augmenté de plus de 39 %, contrairement à ce que certains affirment. En 2025, un amendement gouvernemental que j'ai porté, de plus de 275 millions d'euros, a permis de renforcer ce budget. En 2026, nous consacrerons 1,15 milliard d'euros au patrimoine.

Ces moyens permettront de poursuivre les grands chantiers : la rénovation du centre Pompidou, la restauration du Palais de la Cité, la modernisation de Versailles, de Fontainebleau, des Archives nationales ou encore de la tour Saint-Nicolas à La Rochelle.

Investir dans le patrimoine ou dans la création n'a de sens que si chacun, quel que soit son lieu de vie ou son parcours, accède réellement à la culture. Le programme 361, doté de 723 millions d'euros, soutiendra la formation, la médiation, l'égalité des chances et les équipements culturels et éducatifs.

Concernant le pass Culture, j'ai tenu parole sur la réforme que j'ai engagée, répondant ainsi à une attente largement exprimée au sein de votre commission. Certains considéraient, comme moi, que le pass Culture pouvait parfois constituer un outil de reproduction sociale. J'ai souhaité le rendre plus juste, plus efficace et plus ciblé pour les jeunes qui en ont le plus besoin. Désormais, il se concentre sur les 17-21 ans, avec un bonus pour les jeunes précaires, les boursiers et les jeunes en situation de handicap. Il intègre davantage de médiation, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Les résultats attestent de cette évolution avec 12 millions de réservations en 2024, dont 45 % en offres dites duo, démontrant que le pass fonctionne aussi comme un outil de partage. Grâce à la part collective, plus de 70 % des élèves du secondaire ont bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle. Parmi ces 70 %, près de 90 % des enfants concernés n'avaient jamais eu accès à la culture ou n'avaient jamais fréquenté un équipement culturel. Ainsi davantage de jeunes accèdent à la culture, dans des territoires plus diversifiés et sous des formes beaucoup plus variées.

La mission Médias, livres et industries culturelles enregistrera une baisse globale d'environ 4 % dans un contexte économique difficile pour les médias. C'est pourquoi je présenterai prochainement en Conseil des ministres le texte issu des états généraux de l'information, comme je l'avais annoncé il y a un an. Ce texte vise à préserver les conditions permettant à nos médias de produire une information de qualité, fiable et indépendante. Parmi ces conditions figure également l'aspect économique, dans un environnement de plus en plus complexe.

Ces difficultés touchent particulièrement les éditeurs de presse. Nous maintiendrons les aides au pluralisme à 23,2 millions d'euros. L'aide à la distribution, qui avait diminué l'an dernier, augmentera cette année pour accompagner la modernisation des réseaux, avec une réforme visant à mieux intégrer la logique industrielle. Le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, dédié aux radios associatives, connaît une baisse de 16 millions d'euros. Je suis consciente de vos inquiétudes, nombreux sont ceux qui m'ont interpellée à ce sujet. Comme je l'ai indiqué hier au Sénat, j'ai obtenu que cette question puisse être réexaminée avec l'ensemble des parlementaires.

Le programme 334, qui regroupe les politiques du livre et des industries culturelles, s'élève à 343 millions d'euros. La baisse, limitée à 2 %, ne compromet aucunement nos grands projets. Le financement demeure intégralement assuré pour la construction du pôle de conservation de la Bibliothèque nationale de France (BNF) à Amiens, le relogement de la Bibliothèque publique d'information (BPI) durant la fermeture du centre Pompidou, ainsi que la création de la Maison du dessin de presse, dont les travaux débuteront fin 2025 et se poursuivront en 2026 pour une ouverture en 2027. Son financement est intégralement assuré.

Ce projet de budget préserve également nos politiques publiques en faveur du livre et de la lecture. J'ai lancé, en coordination avec le ministère de l'éducation nationale, les états généraux de la lecture pour la jeunesse, qui présenteront leurs conclusions le 1er décembre à Montreuil. À la fin de l'année 2025, nous aurons signé des contrats départementaux lecture avec 83 départements pour développer la lecture et enrichir les collections de nos bibliothèques rurales, conformément à l'engagement que j'avais pris il y a un an. En 2026, nous poursuivrons cet objectif afin que tous les territoires soient couverts par un contrat départemental lecture.

Concernant les horaires des bibliothèques, plus de 250 projets d'extension des heures d'ouverture ont été soutenus cette année, avec en moyenne 9 heures 30 d'ouverture supplémentaire par semaine. La politique que nous menons sur ce volet permet d'atteindre près de 7 millions d'inscrits dans nos bibliothèques, ce qui constitue à ce jour un record.

S'agissant du Centre national de la musique (CNM), les plafonds des taxes affectées seront relevés de 8 millions d'euros en 2026, atteignant 58 millions d'euros pour la billetterie et 21 millions d'euros pour le streaming. Cette mesure permettra que la fiscalité du secteur revienne pleinement à ceux sur qui elle pèse et compensera la baisse des crédits, conformément à l'engagement que j'ai pris devant le secteur récemment.

Ce projet de budget prévoit également une participation de l'audiovisuel public à l'effort collectif avec une baisse de 71 millions d'euros, répartie entre France Télévisions pour 65,3 millions, Radio France pour 4,1 millions et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour 1,5 million. Je mesure l'inquiétude que cela suscite, notamment chez les producteurs. Toutefois, au-delà de cet effort budgétaire, le premier enjeu me semble être de redonner à notre audiovisuel public un cap, une vision, mais aussi une plus grande efficacité. C'est l'ambition de la proposition de loi portée par Laurent Lafon, qui doit faire l'objet d'une dernière lecture prochainement à l'Assemblée nationale. Les salariés de ces sociétés ont fait le choix du service public, nous devons leur redonner du sens et de la visibilité sur l'avenir de notre audiovisuel public.

Concernant le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), un prélèvement de 50 millions d'euros sur sa trésorerie est prévu. Ce montant, que j'ai fortement réduit par rapport aux discussions initiales, devra rester ponctuel et ne pas être reconduit, le CNC ayant atteint un seuil minimal en termes de trésorerie. Je tiens à rappeler avec force que le CNC est financé par des taxes affectées au secteur et que son financement ne pèse pas sur le budget de l'État.

Depuis ma prise de fonction, j'ai tenu mes engagements, que cette audition permettra d'évaluer : réinvestir les territoires, particulièrement les territoires ruraux ; soutenir la création, sans qu'un seul euro lui ait manqué pendant un an sur l'ensemble des territoires ; défendre notre patrimoine, avec l'augmentation du budget qui lui est consacré ces dernières années ; ouvrir la culture à tous par la démocratisation et les dispositifs engagés. Nous avons mis en place le plan "culture et ruralité", réformé le pass Culture, proposé un amendement au PLF 2025 abondant la dotation en faveur du patrimoine, exonéré pour la première fois de droits d'inscription les étudiants boursiers, créé une nouvelle direction de l'enseignement supérieur culturel, et mis en place le label "éducation populaire pour la culture".

Je tiens à souligner que les acteurs de l'éducation populaire n'avaient jamais été reçus au ministère de la culture depuis près de 40 ans. J'ai établi des conventions avec eux en leur accordant non seulement des moyens, mais également des postes. Les dispositifs "Premières pages" et "Ma première carte de bibliothèque" constituent autant d'actions concrètes et mesurables.

Dans un contexte où certaines collectivités se désengagent, l'État reste au rendez-vous. Soutenir la culture est un choix politique, et j'affirme qu'il coûterait plus cher de se désengager que de rester engagé. Le gouvernement a fait le choix de la culture, et cette audition permettra de le démontrer.

M. le président Alexandre Portier. Je vous remercie Madame la ministre. Nous passons maintenant à la discussion générale sur les crédits de la mission Culture. Je vais donner la parole à nos deux rapporteurs pour avis, en commençant par M. Erwan Balanant pour les programmes Création, Transmission des savoirs et démocratisation de la culture et Soutien aux politiques du ministère de la culture.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis de la mission Culture (Création, Transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Cette année, c'est avec un certain manque d'enthousiasme que je commenterai la baisse des crédits en faveur de la culture, mais je demeure persuadé que nous pourrons collectivement trouver des solutions à l'issue de nos débats.

Après un exercice 2025 marqué par des diminutions parfois conséquentes de crédits, l'année 2026 se profile à nouveau comme une période de contraintes budgétaires pour les acteurs et les structures culturelles. Les trois programmes sur lesquels porte mon avis subissent une baisse, certes contenue mais regrettable, de l'ordre de 2 % des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP), soit environ 60 millions d'euros.

J'ai toutefois conscience de l'effort engagé depuis 2017 en faveur de la culture. En huit ans, les crédits de la mission Culture ont augmenté de près d'un milliard d'euros. Les mesures en faveur du soutien à la création et pour la démocratie culturelle ont bénéficié d'un abondement significatif.

Si je reconnais l'action de l'État en faveur de la culture, je reste particulièrement vigilant quant au financement apporté par les collectivités territoriales. Je souhaite rappeler que la politique culturelle constitue une responsabilité conjointe de l'État et de celles-ci. À ce titre, je condamne fermement les choix politiques de certaines régions et collectivités qui suppriment tout financement en faveur de structures de création ou d'écoles, sans aucune considération pour les artistes ou les usagers affectés.

Si nous pouvons ainsi replacer ces baisses de crédits en perspective, nous ne devons pas éluder la situation parfois critique des acteurs culturels. Les structures font face à l'augmentation de leurs charges fixes et de leurs coûts de production, ce qui concourt à une tendance naturelle de réduction des marges artistiques. Les établissements labellisés et les opérateurs risquent d'être confrontés à une situation financière délicate, avec des marges de manœuvre très restreintes.

Avant d'entrer dans le détail de ce budget, je tiens à remercier les services du ministère de la culture pour leur disponibilité, ainsi que l'ensemble des organisations reçues pour la qualité de leurs interventions.

Le programme Création s'élève à plus d'un milliard d'euros, soit une faible hausse de moins de 1 % en autorisations d'engagement et une diminution de 3 % en crédits de paiement. Ce programme vise à soutenir le spectacle vivant, les arts visuels et les professions artistiques. Il permettra notamment de financer le plan "Mieux produire, mieux diffuser" qui disposera de 15 millions d'euros. Ce plan reçoit un accueil favorable du secteur et a bénéficié d'une augmentation de ses crédits depuis 2024, ce dont je me réjouis.

Si les moyens des opérateurs ont été revus à la baisse au titre de la participation à l'effort de réduction du déficit public, ce sont les crédits déconcentrés du ministère qui supportent principalement cet effort budgétaire. Ces crédits représentent 90 % des moyens du programme, hors financement des opérateurs, et connaissent une diminution alors même qu'ils financent l'essentiel des mesures de soutien à la création artistique. Des incertitudes persistent ainsi sur le financement du plan "culture et ruralité" et sur de nombreux dispositifs de soutien à la création, aux lieux de production et de diffusion et aux festivals.

Je souhaite m'arrêter quelques instants sur le soutien à l'emploi, dont le dispositif principal est le Fonpeps. Ce dernier étant chroniquement sous-budgété, les écarts entre prévision et exécution font peser une forte contrainte sur les crédits du programme Création et génèrent, année après année, un stress considérable pour tous les acteurs concernés. Je prends note de votre volonté, Madame la ministre, de le pérenniser et de l'amender, mais je resterai très attentif quant aux suites données à ce dispositif qui arrive à échéance en 2025 et qui mérite d'être rénové. Il est utile, bien utilisé et bien investi par le secteur. Cette politique demeure pourtant insuffisamment financée. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à augmenter les crédits qui lui sont dévolus, puisque chaque année, il est nécessaire d'abonder en cours d'exercice ces lignes budgétaires.

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture s'élèveraient à 737 millions d'euros en AE et 722 millions en CP, soit une baisse respective de 9 % et de 5 % par rapport à 2025. Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur culture subissent une baisse conséquente et le recul des crédits concerne principalement les dépenses d'investissement. Je reste toutefois vigilant quant au financement des dépenses de fonctionnement des écoles de l'enseignement supérieur culturel, notamment territorial. L'engagement des collectivités s'avère impératif dans ce contexte.

Madame la ministre, je souhaiterais obtenir une précision. L'an dernier, les écoles territoriales d'art et design avaient obtenu une compensation de l'exonération des frais de scolarité appliqués aux étudiants boursiers. Pouvez-vous me confirmer que cette compensation est bien sanctuarisée pour 2026 ? Dans le cas contraire, je déposerai un amendement visant à reconduire cette compensation.

Les crédits alloués à la démocratie culturelle et à l'éducation artistique et culturelle sont les plus durement touchés. Pour 2026, 278 millions d'euros seraient ouverts en AE et 273 millions en CP, soit une baisse de 13 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances pour 2025. L'ensemble des organisations que j'ai rencontrées m'ont alerté sur les conséquences de ces baisses sur ces deux années consécutives. Je m'inquiète particulièrement de cette diminution pérenne des crédits en faveur de l'éducation artistique et culturelle (EAC), pourtant cruciale pour notre jeunesse.

Vous savez par ailleurs que je défends le pass Culture, politique publique parfaitement identifiée par les moins de 25 ans. Malheureusement, à l'instar du Fonpeps, le pass Culture est sous-budgété et pèse sur les dépenses d'intervention en faveur de l'EAC et de la politique d'accès à la culture pour tous. Les crédits inscrits demeurent systématiquement inférieurs à leur consommation réelle, et cette insincérité budgétaire décrédibilise l'action du ministère en faveur de la démocratie culturelle, alors même que nous disposons d'un outil qui fonctionne efficacement.

Enfin, les moyens en faveur de la recherche culturelle et de la culture scientifique devraient être reconduits à l'identique pour 2026, ce dont je me félicite. Néanmoins, cette action s'appuie fortement sur l'opérateur Universcience, au sujet duquel persistent de trop nombreuses incertitudes.

Je m'attarderai moins sur les crédits du programme Soutien aux politiques du ministère de la culture, qui s'élèveraient à 870 millions d'euros, en légère hausse par rapport à 2025. Il recouvre l'action internationale du ministère et les fonctions support, dont l'ensemble des dépenses de personnel du ministère de la culture.

J'en viens maintenant au volet thématique de cet avis budgétaire. J'ai souhaité réaliser un état des lieux de l'enseignement supérieur culturel dans les domaines du spectacle vivant, des arts visuels et de l'architecture. L'enseignement supérieur de la culture constitue selon moi un angle mort de la politique culturelle, alors qu'il s'avère déterminant pour l'avenir de la création et de la scène française.

Ce choix est motivé notamment par la création, au 1er septembre 2025, d'une nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche, (DGDCER) au sein du ministère de la culture, et par la restructuration de la tutelle des établissements d'enseignement supérieur. L'enseignement supérieur culturel français présente une singularité en raison de la grande hétérogénéité des formes juridiques des établissements et des pratiques pédagogiques qui y sont développées.

Mon regard s'est donc porté sur différents enjeux relevant du financement des établissements, de l'offre de formation, de la structuration de l'enseignement et de la recherche, ainsi que de la vie étudiante au sein de ces écoles. J'en suis convaincu, ces institutions forment un écosystème essentiel pour la pérennité d'une filière française de création artistique d'excellence qui engendrera le patrimoine de demain. Il nous faut impérativement les préserver et leur accorder des moyens à la hauteur de leurs ambitions.

Je conclurai mon propos par un nombre : 55 millions d'euros. C'est ce qui manque, à mon sens, à ce budget de la mission Culture pour 2026, pour les programmes qui me concernent. Ces 55 millions constituent la condition pour que ce budget traduise un effort juste et équitablement réparti entre les acteurs culturels, sans mettre en péril la politique culturelle de la France, tout en restant raisonnable sur nos objectifs de réduction des dépenses.

Je formulerai un certain nombre de propositions pour que nous atteignions cet objectif et que nous puissions, tous ensemble, établir un consensus sur ce budget amendé de 55 millions environ à l'issue de nos débats.

M. le président Alexandre Portier. Nous abordons maintenant le programme Patrimoines.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR), rapporteur pour avis de la mission Culture (Patrimoines). Dans cette période incertaine pour notre pays, il s'avère essentiel de revenir aux grandes figures qui ont marqué son histoire. Victor Hugo, qui nous a précédés dans ces murs, nous invitait déjà, il y a près de deux cents ans, à mieux protéger notre patrimoine : "Il faut des monuments aux cités de l'homme, autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière". C'est ainsi qu'un siècle plus tard, André Malraux fixait à notre politique patrimoniale un objectif que nous devons toujours faire nôtre : "Puissions-nous faire que tous les enfants de France comprennent un jour que ces pierres encore vivantes leur appartiennent et qu'elles sont notre héritage commun le plus précieux."

Je tiens à l'affirmer aussi simplement que je le pense : quelles que soient nos convictions partisanes, nos querelles politiques, le patrimoine constitue l'un de ces combats qui nous unit. Non pas uniquement le 19 octobre 2025 ou le 15 avril 2019, lorsque nous découvrons sidérés le vol spectaculaire au musée du Louvre ou que nous regardons bouleversés la cathédrale Notre-Dame de Paris en proie aux flammes. Le patrimoine est un combat qui doit nous rassembler dans la durée, malgré les ferments de haine et de division, malgré les fractures qui traversent notre pays.

Je souhaite l'affirmer très clairement : malgré la nécessité impérieuse de redresser nos comptes publics, qui constitue une priorité absolue pour notre pays, la préservation et la valorisation de notre patrimoine doivent demeurer, Madame la ministre, une priorité politique, une grande cause nationale. Pour une raison simple : le patrimoine agit comme un ferment d'unité qui nous permet de faire nation, d'unir les Français autour d'une ambition fédératrice et universelle.

De tout temps, c'est au chevet de nos monuments que les Français se sont rassemblés dès qu'ils ressentaient le besoin de retrouver ce qui fondait leur unité, leur destin commun. Ce qui constitue une nation ne se résume pas simplement à parler la même langue, partager la même culture, appartenir au même groupe ethnographique. C'est au fond, comme nous l'enseignait Ernest Renan, "avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et vouloir en faire encore dans l'avenir". Voilà précisément ce que représente le patrimoine, et c'est pour cette raison qu'une nation qui laisse son patrimoine se déliter devient une nation qui s'oublie et se perd.

Si je me suis permis de rappeler ce que représente le patrimoine pour notre pays, c'est que l'examen d'un budget ne peut se départir d'un objectif politique. Augmenter ou baisser les crédits d'une politique publique n'a que peu d'intérêt si nous ne partageons pas son sens et ses objectifs. Mais je ne doute pas qu'ici, chacune et chacun d'entre nous mesure pleinement le sens et l'importance de se porter au chevet de notre patrimoine.

Il s'agit de redonner aux habitants des territoires ruraux leur fierté et de lutter ainsi contre le sentiment d'abandon. Une église en état de péril, un monument qui se délite contribue, nous le savons, au sentiment de relégation d'une France périphérique qui se sent délaissée. Il s'agit de contribuer à la vitalité économique de notre territoire à travers la préservation et la transmission des 231 métiers d'art, autant d'emplois non délocalisables. Gardez à l'esprit que chaque euro engagé génère jusqu'à 21 euros de retombées économiques et que restaurer notre patrimoine permet d'employer la main-d'œuvre locale, de développer des filières professionnelles et de préserver nos savoir-faire.

Il s'agit également de renforcer le rayonnement et l'attractivité touristique de notre pays, première destination touristique au monde. Vous le savez, sur les 100 millions de touristes qui viennent en France, la moitié visite un site culturel ou patrimonial.

Il s'agit enfin d'offrir aux jeunes de notre pays des lieux où ils peuvent prendre la mesure du temps long, éprouver physiquement l'histoire de France, quitter le temps d'une visite le monde virtuel, les écrans, les torrents d'informations charriés par les réseaux sociaux pour faire l'expérience matérielle d'une identité enracinée et d'une histoire commune.

Le budget qui nous est présenté permet-il de répondre entièrement aux objectifs que je viens d'esquisser ? Je crains que ce ne soit pas totalement le cas et, je vous le dis sans ambages et très directement, le budget proposé comporte une baisse importante qui m'inquiète, qui me préoccupe et qui doit nous alerter. Je connais, Madame la ministre, votre attachement à notre patrimoine et les efforts que vous avez déployés auprès de la ministre des comptes publics pour préserver les crédits qui lui sont dédiés.

S'il était voté en l'état, ce budget fragiliserait durablement notre patrimoine. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La baisse par rapport à 2025 atteint 18,1 % en AE et 8,5 % en CP pour le programme 175 Patrimoines. Vous l'avez dit vous-même, Madame la ministre : 1,47 milliard d'euros en AE, soit 232 millions d'euros de moins par rapport à 2025, et 106 millions de moins en CP. Cette baisse se concentre sur l'action Monuments historiques et patrimoine monumental qui doit absorber une réduction de 34 % en AE et de 3,5 % en CP.

Bien que le niveau de ces crédits demeure élevé, la contribution du patrimoine à la réduction du déficit de notre pays apparaît plus marquée que l'an dernier, ce que je ne peux que regretter. Je souhaite être très concret sur les conséquences inquiétantes d'un budget qui serait voté en l'état. Les Drac vont être fragilisées avec une baisse de 30 % des AE. Lorsque l'on connaît le fort effet de levier de ces crédits déconcentrés sur l'engagement financier des collectivités, nous parlons d'un risque de mise à l'arrêt de nombreux projets, ou à tout le moins de leur report durable.

Ce budget risque de fragiliser notre tissu d'entreprises, d'artisans d'art et du patrimoine qui ne peuvent absorber les revirements qui affectent les financements – hausse importante ces dernières années, baisse brutale cette année. Il existe également un risque pour les grands projets de notre pays, notamment concernant le château de Fontainebleau qui prévoyait des travaux importants. Le risque principal de ce budget pour notre patrimoine réside dans la perspective d'une année blanche en termes de nouveaux investissements pour le ministère de la culture et ses opérateurs.

En l'état des crédits, je réserve mon avis à l'adoption de l'amendement que je vous proposerai au cours de la discussion et qui vise à diviser par deux la réduction annoncée des crédits de l'action sur les monuments historiques, afin d'amortir la trajectoire baissière réclamée dans le projet de loi de finances.

Je remercie les nombreux collègues qui ont déposé des amendements poursuivant le même objectif, celui d'enrayer la diminution annoncée des crédits et, si vous en êtes d'accord, je formulerai des demandes de retrait pour que nous puissions adopter l'amendement global d'augmentation des crédits.

Par ailleurs, le vol spectaculaire au musée du Louvre doit nous servir d'électrochoc ; vous l'avez souligné madame la Ministre, et je tiens à saluer votre décision de diligenter une enquête administrative qui rendra ses conclusions ce soir même. Notre patrimoine est devenu la cible de délinquants, de trafics internationaux, de filières de plus en plus organisées et mondialisées, avec des motivations et des modes opératoires nouveaux : pillages dans nos églises rurales, vols dans nos musées régionaux – plus aucun lieu patrimonial, culturel ou cultuel n'est épargné.

Il nous faut donc renforcer nos mesures et dispositifs de sûreté et de sécurité. La mission que m'a confiée le premier ministre sur proposition de la ministre de la culture formulera des préconisations concrètes et devra établir le coût de ces mesures ainsi que le financement adapté. Vous pouvez compter sur mon engagement et ma détermination, et je me tiens, chers collègues, à votre disposition pour travailler avec vous et recueillir vos réflexions et suggestions. Sans attendre les conclusions de cette mission, il s'avère essentiel de financer des dispositifs de sécurité et de sûreté ainsi que des audits.

Pour ce faire, je vous proposerai un amendement visant à financer le fonds de sécurisation que Mme la ministre a proposé, et qui s'inspire du fonds de sécurité des cathédrales créé après l'incendie de Notre-Dame de Paris. Ce fonds agira dans l'immédiat. Le montant raisonnable que je proposerai ne préjuge nullement des sommes nécessaires à moyen terme pour renforcer la sécurité de nos lieux patrimoniaux. Elles devront faire l'objet d'un plan de financement précis à l'issue de la mission qui m'a été confiée.

Certains monuments occupent par ailleurs une place particulière dans l'histoire et l'identité de notre pays. Chambord en fait partie, joyau architectural de notre patrimoine et de notre histoire. L'aile François Ier se trouve actuellement en état de péril. Je me suis rendu sur place et je vous proposerai un amendement afin que nous apportions collectivement un soutien urgent et nécessaire au château de Chambord.

Malgré des fonds publics et privés sans précédent, notre patrimoine souffre et nous devons inventer des moyens de financement nouveaux et inédits.

J'ai choisi cette année de consacrer mon rapport thématique au mur d'investissements auquel l'État fait face Nous devons collectivement offrir aux acteurs du patrimoine davantage de visibilité pour leur permettre d'établir des budgets sur la durée. Il nous faut prévoir et élaborer une loi de programmation pluriannuelle de notre patrimoine afin de donner aux entreprises, aux élus locaux et aux acteurs du patrimoine cette visibilité indispensable.

J'ignore ce que sera le budget de la France pour 2026, s'il sera voté, comment il le sera et si nous serons encore présents pour examiner les budgets rectificatifs. En revanche, je sais qu'il nous faut aujourd'hui renforcer les moyens consacrés au patrimoine pour l'année à venir et réaffirmer ensemble qu'il doit constituer une priorité politique.

Pour conclure, permettez-moi d'emprunter les mots de Françoise Chandernagor : "Le patrimoine, c'est ce qui reste quand tout s'efface, encore faut-il le défendre avant qu'il ne disparaisse."

M. le président Alexandre Portier. Comme je vous l'avais annoncé, Madame la ministre, je me permets de rebondir sur quelques sujets. Vous m'avez déjà répondu par anticipation sur le plan "culture et ruralité", sujet qui intéresse de nombreux députés. Vous avez évoqué la question du Louvre, je n'y reviens donc pas.

Le rapporteur Balanant a brièvement mentionné la situation d'Universcience, sur laquelle je souhaite vous interroger. Cet opérateur, qui regroupe le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie, traverse actuellement une phase critique. Il serait utile d'éclairer notre commission en indiquant notamment quand nous pourrions envisager la réouverture totale du Palais de la découverte au sein du Grand Palais. De plus, le bâtiment abritant la Cité des sciences et de l'industrie à la Villette nécessite des travaux de rénovation de grande ampleur. Disposez-vous d'une évaluation du coût et d'un calendrier qui pourraient éclairer la commission sur le plan budgétaire ?

Je donne la parole aux orateurs des groupes.

Mme Caroline Parmentier (RN). Le casse du Louvre a bouleversé le monde. Il révèle bien sûr combien notre culture continue de rayonner partout, connue, admirée, attendue, mais il a mis au grand jour la fragilité du modèle français et le budget de votre ministère illustre cette fragilité.

Personne n'ignore la situation financière dramatique de notre pays et la faillite de huit ans de macronie, mais on donne 4 milliards d'euros par an à l'audiovisuel public, c'est-à-dire la moitié du budget de la culture. Des arbitrages incompréhensibles suscitent de graves inquiétudes. Comment justifier la baisse de plus de 200 millions d'euros pour la préservation des monuments historiques, alors que le patrimoine national souffre autant ?

Au-delà du symbole éclatant du cambriolage du Louvre, du symbole de notre humiliation nationale et d'une forme d'effondrement, une de plus, c'est l'ensemble de notre patrimoine français qui est menacé par la négligence de l'État – nos églises, nos chapelles, nos châteaux, qu'ils soient publics ou privés. Nous le constatons dans chacune de nos circonscriptions, avec nos édifices religieux et historiques qui tombent en ruine quand ils ne sont pas profanés, dans l'indifférence de l'État et des médias.

Notre-Dame restaurée en un temps record, grâce au formidable travail des compagnons, des artisans, des ingénieurs, ne compense pas votre défaillance et votre abandon de tout le reste. Vous, Madame la ministre, qui avez décrété l'urgence patrimoniale avec 45 000 monuments historiques en péril, vous ne pouvez pas soutenir devant nous que le patrimoine reste une priorité.

Nous devons soutenir ce secteur d'excellence, permettre d'embaucher, de faire appel à des apprentis afin de préserver et de restaurer les joyaux de notre patrimoine national. Dans le même temps, les dépenses des fonctions de soutien du ministère de la culture, tous ces services internes et transversaux progressent. Dans leurs rapports, la Cour des comptes et les inspections générales estiment que ces fonctions pourraient être rationalisées – mutualisation des services, dématérialisation, réduction des dépenses de fonctionnement. Non seulement ces dépenses ne diminuent pas mais elles augmentent.

Nos amendements témoignent de la volonté de rationaliser certaines dépenses et de soutenir une culture vivante proche de nos territoires. C'est à la hauteur de l'enjeu.

Madame la ministre, ne sacrifiez pas notre patrimoine national ! 200 millions d'euros en moins, ce n'est pas acceptable, d'abord parce que c'est notre patrimoine, c'est ce que les Français attendent de vous, mais aussi parce que c'est ce qui fait rayonner la France. C'est l'attractivité culturelle de notre pays qui est en jeu.

Mme Céline Calvez (EPR). Depuis 2017, la France a fait un choix clair : investir massivement dans la culture afin de la placer au cœur de son action publique. Ce choix s'est traduit par des engagements budgétaires sans précédent. Le financement de la mission Culture est passé de 2,9 milliards d'euros en 2017 à 3,9 milliards en 2025, soit une hausse de 30 %.

Cette progression illustre une politique volontaire et constante en faveur de la création, du patrimoine et de la démocratisation culturelle. Cette ambition, nous l'avons portée collectivement, convaincus que la culture ne constitue pas une dépense mais un investissement dans la cohésion nationale, dans notre identité et particulièrement dans notre avenir.

Pour 2026, le financement de la mission Culture connaîtra une baisse de plus de 4 %. Cette diminution ne résulte pas d'un renoncement ou d'un désintérêt, mais d'une nécessité nationale, car le redressement de nos finances publiques exige un effort partagé. Notre responsabilité consiste à en faire une transition maîtrisée qui ne fragilise pas nos acteurs culturels. Depuis huit ans, l'État n'a cessé de soutenir la culture sur l'ensemble du territoire. Nous avons investi dans notre patrimoine, pilier de notre identité, avec la restauration de Notre-Dame de Paris, l'ouverture de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, symbole d'un héritage vivant, ou encore la création d'un nouvel établissement, les Manufactures nationales, opérateur qui valorise nos métiers d'art et les savoir-faire, et qu'il convient d'accompagner davantage.

Toutefois, l'action Monuments historiques et patrimoine monumental subira une baisse de 21 % de ses moyens. Quelles méthodes préconisez-vous pour mieux flécher les investissements et optimiser les dépenses liées au patrimoine ?

Les crédits du programme Création ont augmenté de plus de 25 % entre 2020 et 2025. Cette progression significative a permis un formidable essor du spectacle vivant. Le Fonpeps a joué un rôle déterminant dans cette dynamique en favorisant l'emploi artistique. Ce dispositif a pleinement démontré son efficacité, et il convient désormais de le pérenniser et de le renforcer.

Depuis 2017, le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture a également progressé de près de 85 %, porté notamment par une véritable révolution : le pass Culture. Cette innovation majeure, voulue par le président de la République, est aujourd'hui unanimement reconnue. Elle fait confiance aux jeunes en leur permettant d'accéder, dans plusieurs centaines de lieux, à des œuvres, des spectacles, des musées, et de s'approprier ainsi, selon leurs choix personnels, notre patrimoine commun. Ce dispositif bénéficie également aux acteurs culturels qui rencontrent ainsi un nouveau public. Pour 2026, le programme connaît cependant un recul, le pass Culture étant particulièrement affecté avec une réduction de 170 à 127 millions d'euros. Malgré les réformes prévues cette année, les crédits alloués en 2025 demeurent inférieurs de 10 millions à l'exécution attendue. Cette sous-dotation chronique soulève de réelles interrogations, car au moment même où la société pass Culture va devenir un opérateur de l'État, nous devons lui garantir une stabilité financière et une visibilité pluriannuelle.

Comment s'assurer que les économies demandées n'affaiblissent pas un outil qui incarne l'une des plus grandes réussites culturelles de ces dernières années ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). L'an dernier, à vous entendre, vous aviez sauvé le budget de la culture des griffes de Bercy. Même lorsque plus de 93,7 millions d'euros ont été supprimés brutalement par décret, vous niiez l'évidence et expliquiez avec aplomb que pas un euro n'avait manqué. Oserez-vous reprendre ce discours ?

Les budgets des années précédentes entretenaient une illusion de hausse en jouant de l'inflation. Cette année, la saignée est assumée : moins 4,34 %, moins 6,4 % si l'on tient compte de l'inflation.

Faut-il rappeler la pétition "debout pour la culture", les assemblées générales "culture en lutte", bref, l'état d'urgence culturelle déclaré par le secteur en 2025 ? Nous n'en sommes plus au stade de l'urgence. Si ce budget était adopté, il signerait la mise à mort du service public de la culture à tous ses niveaux.

Les collectivités territoriales réduisent massivement leurs budgets culturels, certaines en déplorant les baisses des dotations de l'État. Comment le gouvernement leur répond-il ? Par une nouvelle coupe de 4,6 milliards d'euros ! D'autres s'en prennent à la culture par idéologie, à l'instar des Pays de la Loire de Mme Morançais, avec des ingérences politiques réactionnaires portant atteinte à la liberté de création partout dans le pays. Votre budget au rabais donne raison à leur haine de l'art et des artistes.

Quel signal terrible, un signal visible à l'international ! Notre fameuse exception culturelle française s'effondre aux yeux du monde entier. En plein délire égotique du président Macron sur le projet "Louvre Nouvelle renaissance", en plein fantasme sur un National Trust à la française, le Louvre subit un coup historique malgré les alertes de ses agents. Derrière se trouve tout un patrimoine local en décrépitude, réduit à jouer son sort au loto avec Stéphane Bern.

Le Festival d'Avignon ne dispose plus des moyens de production correspondant à sa réputation mondiale, selon son propre directeur. Sans parler de la baisse de l'action culturelle à l'international que l'extrême droite veut sabrer davantage parce que, décidément, elle n'aime ni la culture ni le rayonnement de la France.

Pour les Français, que signifie ce saccage budgétaire ? D'abord, un assèchement artistique : 26 % de représentations en moins, 72 % des compagnies réduisant leur format, 19 % des directeurs envisageant d'arrêter leur activité. De grands noms, comme Galin Stoev ou Stéphane Braunschweig, jettent l'éponge face aux coupes budgétaires.

Cet assèchement se traduit par un plan social massif : une compagnie sur cinq a dû licencier, trois quarts d'entre elles ont baissé les salaires. Des intermittents aux contractuels du ministère, en passant par les artistes-auteurs privés encore de toute protection sociale, la précarité devient la condition commune des travailleurs de l'art et de la culture.

Bientôt, il n'y aura plus d'artistes ni d'œuvres. Ironiquement, cela tombe bien car au rythme où va la démocratisation culturelle, il n'y aura bientôt plus de public non plus. En 2024, deux tiers des cadres ont visité un musée, contre seulement un tiers des ouvriers. Seuls 58 % des jeunes ont bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle.

Ces dernières années, vous avez réduit la démocratisation culturelle au seul pass Culture, un simple chèque, rendant les jeunes, les structures et les professeurs dépendants de ce dispositif. Et voilà que, rattrapé par vos propres coupes budgétaires, vous finissez même par le sabrer.

Ce budget couronne des années de renoncement et constitue une attaque mortelle contre les arts et la culture. Nous ne nous contenterons pas d'essayer d'annuler des coupes ici et là, comme nos collègues socialistes. Nous ferons tomber ce budget, nous tournerons la page de Macron et nous mènerons une vraie politique culturelle avec un budget correspondant à 1 % du PIB, comme devrait le faire toute nation soucieuse de son émancipation.

Mme Céline Hervieu (SOC). Le projet de budget que vous présentez pour la culture en 2026 est malheureusement à l'image du bilan que vous laisserez à la tête de votre ministère. Avec des réductions généralisées, c'est un budget qu'on est forcé de décrire par soustraction : moins pour la création, moins pour notre patrimoine et moins pour la démocratisation et la transmission de la culture.

Nous constatons 34 millions d'euros en moins pour la création, dont 30 millions prélevés sur le spectacle vivant, qui devient le grand sacrifié de vos errances politiques. Moins 4 millions sur le Fonpeps. 40 millions d'euros supprimés pour l'éducation artistique et culturelle, alors que parmi les plus défavorisés, 27 % des jeunes de 11 à 17 ans n'auront jamais accès à des pratiques culturelles extrascolaires. Et que dire des 115 millions d'euros retirés à notre patrimoine ?

Ce budget 2026 de la culture que vous portez constitue une véritable saignée. Qu'avez-vous fait depuis des mois, Madame la ministre ? Vous avez concentré tous vos efforts sur une réforme du mode de scrutin pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille, qui ne servait que vos intérêts. Vous vous êtes acharnée sur une réforme de l'audiovisuel public dont personne ne voulait. En somme, vous avez failli à votre mission.

Des acteurs du spectacle vivant à ceux qui font vivre notre patrimoine, tout le monde subit ces coupes : Versailles, moins 2,5 millions ; le Mucem, moins 1,1 million ; la Philharmonie, moins 2 millions ; l'Opéra national de Paris, moins 1 million. Et que dire du budget du Louvre ? Moins 5 millions pour ce musée national où, la semaine dernière, des bijoux d'une valeur inestimable ont été volés. À force de rogner sur les budgets malgré les nombreuses alertes, la sécurité des collections n'est aujourd'hui plus assurée.

Le spectaculaire vol des bijoux au Louvre a agi comme un révélateur de votre défaillance à la tête de votre ministère. Les événements qui se sont déroulés dans ce musée, le plus visité du monde, sont d'une gravité exceptionnelle et mettent en lumière le manque de moyens humains et financiers que le personnel dénonce depuis plusieurs années.

Au-delà du Louvre, tous ces établissements constituent des institutions incontournables de notre patrimoine commun et chacun, dans son domaine, concourt à l'émancipation par un accès offert à tous à la connaissance des arts et à l'histoire. Ces lieux doivent demeurer accessibles à un public toujours plus large, ce qui nécessite des investissements conséquents. En présentant ce budget, vous avez cautionné des coupes budgétaires et vous pouvez asséner le contraire, cela n'en fera pas une vérité.

Nous, les socialistes, défendons une vraie politique culturelle, une politique financée au service de la culture et du patrimoine, une culture accessible à tous et pour l'émancipation de chacun. C'est précisément le sens des nombreux amendements que nous avons déposés et que nous défendrons, car nous souhaitons être utiles aux Françaises et aux Français. Nous allons, point par point, rétablir les crédits que vous avez coupés et tenter de corriger ces baisses de budget, selon le principe que votre collègue évoquait : "vous cassez et nous réparons".

Mme Virginie Duby-Muller (DR). Nous examinons aujourd'hui les crédits alloués à la mission Culture pour l'exercice 2026. Ces crédits traduisent les moyens que la nation consacre à la protection de son patrimoine, à la vitalité de la création artistique, à la transmission des savoirs et à la démocratisation culturelle.

Pour 2026, le budget de la culture s'élève à 3,748 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,736 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce montant marque une baisse notable par rapport à 2025, soit moins 7,3 % en AE et 4,3 % en CP. Après plusieurs années d'augmentation, cette inflexion traduit un ralentissement significatif de la trajectoire budgétaire avec des marges de manœuvre réduites.

Je ne reviendrai pas sur les détails de chaque programme, déjà évoqués par Mme la ministre, les rapporteurs pour avis et plusieurs orateurs de groupe. Je concentrerai mon intervention sur trois points.

En premier lieu, concernant la création artistique, malgré une baisse de 3 % du programme 131, vous avez indiqué que les moyens des opérateurs nationaux de création sont confortés à hauteur de 364,5 millions d'euros et que le Fonpeps est stabilisé à 36,4 millions. Cela montre une priorité accordée à la qualité artistique et à la préservation de marges d'expérimentation. En tant que représentante d'un territoire de montagne, je mesure l'importance de la création artistique, non seulement dans nos grandes métropoles, mais également dans nos zones rurales ou périurbaines. Le plan "culture et ruralité" constitue un outil à préserver et à renforcer impérativement.

S'agissant du patrimoine et de la sécurité des musées, vous le savez, ce volet se situe au cœur des missions de la culture et revêt un caractère stratégique. Vous avez prévu notamment la première phase de travaux du centre Pompidou, le démarrage du projet Louvre Renaissance et la poursuite du plan cathédrales. Je souligne également la nécessité de renforcer la sécurité des musées et monuments. Les incidents récents et les actes de vandalisme doivent nous alerter sur la vulnérabilité de notre patrimoine. Il ne suffit pas de financer des travaux de restauration, nous devons aussi veiller à ce que les dispositifs de surveillance, les systèmes d'alarme, la prévention contre la malveillance et les réseaux de secours atteignent un niveau optimal. Je vous remercie de votre annonce dans vos propos introductifs concernant un fonds dédié à la sécurité à hauteur de 50 millions d'euros.

Enfin, pour le financement des églises, vous suggériez d'instaurer un droit d'entrée d'un montant symbolique pour les visites touristiques à Notre-Dame. Cette proposition avait suscité un débat. Bien entendu, la loi de 1905 reste très claire : la visite d'un lieu de culte ne peut donner lieu à aucune taxe ni redevance. Néanmoins, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, cette proposition ouvre une réflexion utile et innovante sur la manière de diversifier nos sources de financement pour préserver notre patrimoine exceptionnel. Cette piste mérite d'être approfondie, à condition de reposer sur trois garanties fondamentales, sur le modèle notamment de l'Italie : gratuité absolue pour les fidèles, association étroite des évêchés, et ciblage accru des visiteurs étrangers et touristiques dans une logique de contribution solidaire à la préservation d'un patrimoine mondial dont ils bénéficient également.

M. Steevy Gustave (EcoS). Nous sommes réunis pour examiner le budget de la culture proposé par le gouvernement pour l'année 2026. Il se caractérise par une baisse de plus de 170 millions d'euros par rapport à 2025. En prenant en compte l'inflation prévue en 2026, cette baisse représente plus de 213 millions d'euros. Ce gruyère budgétaire s'inscrit dans la politique d'austérité menée par le gouvernement, sans réelle ambition, réduit à peau de chagrin, il peine à remplir ses engagements.

Madame la ministre, je connais votre attachement au modèle culturel français et votre ambition de valoriser la culture dans tous les territoires. Pourtant, ce budget marque une rupture dans la dotation générale des collectivités. Alors qu'elles sont à l'origine des deux tiers du financement public de la culture, le budget prévoit une baisse de 4,7 milliards d'euros pour les collectivités territoriales. Selon le baromètre de l'Observatoire des politiques culturelles, près de la moitié des collectivités ont réduit leur budget culturel entre 2024 et 2025. Tuer la culture, c'est tuer le lien social. C'est affaiblir tout un écosystème qui fait vivre des territoires. C'est le cas du spectacle vivant, qui craint que l'effondrement du budget ne se traduise par la disparition d'une compagnie sur cinq dans les trois prochaines années.

Certaines mesures méritent d'être saluées, notamment l'évolution du statut du gestionnaire du pass Culture, qui deviendrait un opérateur d'État au 1er janvier 2026, suite aux critiques émises par la Cour des comptes, ou encore l'attention particulière accordée au développement de la culture scientifique à travers Universcience, dans un monde où la défiance vis-à-vis des savoirs s'accentue. On constate cependant une baisse de plus de 83 millions d'euros des crédits du pass Culture. À cette coupe s'ajoutent 10 millions de moins sur la part collective, pourtant prisée par le monde culturel et éducatif.

De nombreux éléments manquent également dans ce budget. Rien n'est prévu pour revaloriser les dotations aux opérateurs du spectacle vivant au niveau de l'inflation. L'Opéra de Paris, l'École de danse de Nanterre ou encore la Philharmonie de Paris subissent chacun une coupe budgétaire de près d'un million d'euros. Aucune mesure n'est envisagée pour revaloriser le Fonpeps.

Enfin, vous avez mis en avant le plan "culture et ruralité" comme une nouveauté du budget, visant à renforcer la place de la culture dans les territoires ruraux. Le PLF 2026 ne précise pas si les 20 millions d'euros nécessaires ont été préservés cette année.

En somme, vous avez sauvé ce que vous avez pu pour garantir l'accès à la culture pour tous sur tous les territoires. J'espère que nous pourrons, à travers l'examen des amendements, redonner de l'ambition à ce budget et adopter des mesures significatives pour la culture.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Dans un contexte où la maîtrise de nos comptes publics exige des efforts inédits, nous constatons qu'après la stabilisation des crédits budgétaires en 2025 à 4,45 milliards d'euros, niveau historiquement élevé, le budget du ministère de la culture accuse une nette baisse dans ce PLF avec 3,7 milliards en crédits de paiement. Cette diminution s'élève à 7 %, soit 216 millions d'euros, nous ramenant ainsi au niveau de 2023. Je rappelle que le budget de la culture avait progressé de 30 % entre 2017 et 2024.

Les ambitions et priorités ministérielles demeurent pourtant réaffirmées : accès à la culture pour tous, particulièrement dans les territoires ruraux ; amplification et rayonnement des enseignements et de la recherche artistique et culturelle ; protection et la valorisation du patrimoine ; accompagnement des acteurs du spectacle vivant et des arts visuels face aux défis sociétaux, économiques et environnementaux ; développement des coopérations internationales. Autant de missions essentielles.

Une vigilance particulière s'impose néanmoins, tant la place de la culture dans notre société est centrale, constituant un rempart primordial face aux attaques contre le savoir, la vérité et le vivre-ensemble, lézardes insidieuses qui menacent notre pacte démocratique et républicain.

Nous serons particulièrement attentifs, au cours des débats, au maintien intégral du soutien au Centre national du livre. La lecture était, je le rappelle, grande cause nationale en 2022. Le ministre de l'éducation nationale a d'ailleurs récemment souligné l'urgence d'un sujet étonnamment absent des préoccupations de nombreux responsables politiques, alors qu'il est manifestement crucial : un jeune sur cinq ne lit jamais dans le cadre de ses loisirs. Quels futurs citoyens préparons-nous ? Même si ce sujet concerne davantage la mission Médias, livre et industries culturelles, cette parenthèse me semble indispensable.

Un autre point de vigilance concerne la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, qui englobe les actions facilitant l'accès des jeunes à la culture, l'enseignement artistique dans le supérieur et la promotion de la langue française. Doté de 723 millions d'euros, le programme concerné subit un recul de 37 millions cette année, et de 100 millions d'euros en deux ans.

La baisse des crédits alloués aux patrimoines soulève également des interrogations face à une urgence patrimoniale unanimement reconnue. Vous avez d'ailleurs évoqué, Madame la ministre, l'idée d'un amendement auquel nous serons évidemment favorables.

Ainsi, si la culture contribue comme les autres ministères à la réduction des dépenses publiques, cet effort doit être évalué globalement, en tenant compte également des contributions des collectivités et des autres acteurs culturels engagés. Nous veillerons à ce que l'accès à la culture et la protection du patrimoine, missions primordiales pour l'avenir de la nation, demeurent absolument préservés.

M. Philippe Fait (HOR). Cher tor tous, j'sis r'v'nir d'v'nir ichi à ch't'heure sus eul sujet d'la culture, mais chésque su qu'j'v'os parler d'dos points sus nos traditions et nos identités. Je suis honoré d'intervenir aujourd'hui sur le sujet de la culture. Au-delà du budget, je souhaite aborder plusieurs points concernant nos traditions et notre identité.

Parler patois fait écho à l'actualité et à la disparition des accents régionaux. Parler patois au sein de l'Assemblée nationale me permet de ne pas oublier mes racines étaploises et les raisons pour lesquelles je siège ici.

Comme vous l'avez rappelé en préambule, Madame la ministre, la baisse du budget de la mission Culture s'inscrit dans un contexte général de nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Néanmoins, les diminutions constatées dans plusieurs programmes soulèvent des interrogations quant à la viabilité à moyen terme des ambitions que nous devons partager : soutenir la création, préserver notre patrimoine et garantir un accès équitable à la culture sur l'ensemble du territoire. Ces ajustements budgétaires, bien que compréhensibles, ne doivent pas fragiliser les politiques culturelles de proximité ni compromettre les efforts engagés pour la démocratisation culturelle. Tel est l'enjeu de ce débat budgétaire : veiller à ce que la culture demeure un droit pour tous et non un privilège réservé aux grands centres urbains.

Je souhaite tout d'abord revenir sur le pass Culture. Ce dispositif a permis à de nombreux jeunes d'accéder à des offres culturelles variées. Cependant, une question persiste : comment accompagner financièrement les groupes scolaires éloignés des propositions culturelles ? Le coût du transport vers un musée, un théâtre ou un château constitue souvent un frein réel à la participation.

Permettez-moi ensuite d'évoquer le plan fanfare, qui a rencontré un véritable succès populaire, amplifié récemment par le film En fanfare, lequel a su mettre en lumière la vitalité de ces ensembles musicaux. J'espère que nous pourrons les inscrire au patrimoine mondial de l'Unesco. Pourrions-nous envisager une extension de ce plan afin d'y inclure d'autres formes d'expression, comme les danses folkloriques ou les jeux traditionnels, qui participent pleinement à la cohésion de notre territoire et à la transmission de notre patrimoine vivant ?

Un mot également sur la préservation des églises et du patrimoine religieux, particulièrement dans nos communes rurales. Dans le Pas-de-Calais, comme ailleurs, nombre de ces édifices sont aujourd'hui menacés, faute de moyens suffisants. Je pense à Ambrines, Airon-Notre-Dame, Huby-Saint-Leu, Montcavrel et de nombreuses autres communes de ma circonscription. Quelles perspectives le ministère entend-il offrir dans le cadre du programme 175 pour soutenir durablement les collectivités dans l'entretien de ces édifices emblématiques qui structurent à la fois notre histoire et notre identité collective ?

Enfin, nous soutiendrons les amendements du rapporteur Jérémie Patrier-Leitus pour financer le fonds de sécurité et de sûreté du patrimoine, sauver l'aile François Ier du château de Chambord et diviser par deux la baisse de crédits du programme patrimoine.

Madame la ministre, au-delà des chiffres, c'est bien de la vitalité culturelle de nos territoires dont il est ici question. À ce titre, je sais que nous partageons la même conviction : la culture n'est pas un luxe, mais un lien qui unit, qui élève et qui fait vivre la République au plus près de ses concitoyens.

M. le président Alexandre Portier. Je vous remercie, Monsieur le député, d'avoir fait résonner du patois dans notre salle, ce n'est pas courant.

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Au nom du groupe LIOT, je tiens à souligner l'importance capitale de la culture dans notre société. Elle joue un rôle essentiel pour nous aider à comprendre, à réfléchir et à développer notre esprit critique. Sa fonction de transmission d'analyse et d'ouverture critique s'avère particulièrement précieuse à une époque où la désinformation prolifère et où les idées tendent à s'uniformiser. La culture représente donc un investissement fondamental pour notre société et mérite un budget à la hauteur de son importance.

Alors que le budget de la culture avait pu être stabilisé l'an dernier, nous regrettons de le voir en baisse en 2026. Nous constatons par ailleurs que les efforts d'économie ont dû être consentis sur le patrimoine, de l'ordre de 58 millions d'euros, alors que vous aviez su, jusqu'à maintenant, Madame la ministre, conserver des crédits importants sur ce secteur essentiel dans un pays qui compte 45 000 monuments historiques, dont 20 % en mauvais état et 5 % en péril.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, qui couvre les actions facilitant l'accès des jeunes à la culture, l'enseignement artistique dans le supérieur et la promotion de la langue française, subit également une forte baisse pour la deuxième année consécutive. Dotée de 723 millions d'euros en 2026, elle accuse un recul de 37 millions d'euros et de 100 millions d'euros en deux ans.

Cette diminution importante est largement imputable à la baisse des crédits du pass Culture. Dans le PLF pour 2025, le gouvernement l'avait budgétisé à 210 millions d'euros avant de le réduire à 170 millions d'euros lors du débat parlementaire. Dans le budget de 2026, il chute à 127,5 millions d'euros. Cette évolution est particulièrement dommageable car, malgré ses défauts et ses difficultés à toucher les publics les plus précaires, le pass Culture avait le mérite d'ouvrir les portes de la culture aux jeunes. Comment justifiez-vous cette baisse ? Annonce-t-elle une fin progressive de cette politique publique ?

L'éducation artistique et culturelle dès le plus jeune âge ainsi que la médiation culturelle doivent impérativement constituer des priorités fortes. Pourtant, nous constatons une diminution des crédits alors même que de nombreux projets sont lancés.

Nous tenons également à rappeler l'importance d'accentuer les politiques culturelles à destination des publics en situation de handicap. Leur accès à la culture est un élément indispensable pour garantir leur pleine participation à la vie citoyenne. Nous défendons la mise en œuvre d'un plan d'accès aux métiers de la culture pour les personnes en situation de handicap.

L'accès à la culture pour tous et sur l'ensemble du territoire doit demeurer une priorité. C'est pourquoi, Madame la ministre, nous vous soutiendrons face à Bercy pour que la culture puisse maintenir son budget et ne serve pas de variable d'ajustement.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les trois missions que nous examinons cet après-midi – Culture, Avances à l'audiovisuel public, Médias, livres et industries culturelles – suivent malheureusement une même trajectoire, celle de l'austérité. À l'heure où les subventions au secteur culturel versées par les collectivités locales connaissent une forte baisse, l'État aurait dû se positionner comme le premier soutien des acteurs et actrices de la culture. Or, c'est tout l'inverse qui se produit. Votre ministère s'engage dans une logique budgétaire restrictive inquiétante pour l'avenir de notre vie culturelle.

Nous savons depuis longtemps que les crédits alloués à la préservation de notre patrimoine sont structurellement sous-dotés et le récent cambriolage au musée du Louvre en a donné une illustration tragique. Il révèle le manque criant de moyens consacrés à la sécurisation d'œuvres inestimables, pourtant au cœur de notre héritage collectif.

Le soutien à la création recule de 34 millions d'euros. Ce choix entraîne des conséquences graves, car sans soutien à la création, il n'existe pas d'œuvres culturelles. La mission flash que je mène avec ma co-rapporteure Camille Galliard-Minier sur la continuité de revenus des artistes-auteurs et autrices met en lumière les fragilités de notre système et la nécessité de renforcer les droits sociaux. Protéger la création implique d'abord de protéger celles et ceux qui la font vivre.

Quant aux écoles d'art, elles continuent de souffrir. L'école supérieure d'art et de design de Valenciennes vient de fermer ses portes, faute de subventions locales suffisantes et d'un soutien renforcé de l'État. Ce drame symbolise la précarité croissante de ces établissements, pourtant essentiels à la formation et au renouvellement des créateurs et créatrices de demain.

Le pass Culture subit une coupe de 40 millions d'euros, tant sur la part individuelle que collective. Comment ne pas y voir un désengagement délibéré ? Ce dispositif qui avait vocation à démocratiser l'accès à la culture semble désormais sacrifié, alors que la transmission culturelle et la rencontre des œuvres devraient constituer le cœur de nos priorités.

Nous sommes donc loin du rôle de pilier que l'État devrait jouer pour soutenir les acteurs et actrices de la culture. C'est pourquoi, en l'état, sans ajout de véritables moyens et sans inflexion de cette trajectoire d'austérité, nous ne pourrons pas approuver ce budget.

M. Maxime Michelet (UDR). En présentant son budget pour 1967, André Malraux définissait la mission du ministère de la culture ainsi : "faire en sorte que chaque enfant de France puisse avoir droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma, comme il a droit à l'alphabet". Pour André Malraux, la politique culturelle devait donc être nécessairement une politique de transmission. Près de 60 ans plus tard, cette transmission traverse une crise profonde, comme en témoignent non seulement la baisse globale du budget du ministère de la culture, mais surtout la diminution drastique des fonds dédiés au patrimoine. Parallèlement, le budget de la création demeure maintenu.

À la lecture de ce projet budgétaire, nous nous interrogeons sur les priorités de la politique culturelle du gouvernement, car s'il convient d'opérer des choix budgétaires, ceux-ci doivent reposer sur des priorités clairement établies.

Depuis plusieurs décennies, la politique culturelle a été reconfigurée par l'émergence de nouveaux acteurs, non seulement issus de l'initiative privée, mais surtout par le financement des collectivités territoriales, dont le budget dédié à la culture cumulé au niveau national représente trois fois celui du ministère. Dans ce contexte, celui-ci a vu son influence stratégique relativisée et l'axe de sa politique nationale brouillé.

En 2021, la Cour des comptes écrivait ainsi que le ministère consacre une part toujours plus importante de ses activités à la distribution de fonds publics. La Cour dénonçait "un saupoudrage des aides selon une politique de guichet et de droits acquis difficile à remettre en cause" et concluait à "des priorités de moins en moins lisibles". Votre projet budgétaire pour 2026 valide malheureusement ce constat.

Alors que d'innombrables signaux d'alerte retentissent quant à l'état de dégradation de notre patrimoine, alors que nos musées, jusqu'aux plus célèbres d'entre eux, deviennent la cible d'entreprises criminelles toujours plus fréquentes, alors que les églises de nos villages s'abîment, et alors même que le chef-d'œuvre de François Ier, Chambord, se trouve au bord de la ruine et se voit contraint de "faire la manche" pour assurer sa survie, vous faites le choix de préserver la création au détriment du patrimoine. Ce choix intervient alors même que notre pays fait face, dans le domaine de la création, à une offre surabondante, souvent déconnectée des attentes de la population, et trop fréquemment transformée en simple succursale des obsessions idéologiques de certains.

Cette orientation nous interpelle profondément, car nous considérons que la priorité réside dans la préservation et la transmission, non seulement des monuments, mais également des métiers d'art et de leurs savoir-faire. Les Français ne s'y trompent pas. Là où l'incendie de Notre-Dame ou le cambriolage du Louvre ont suscité une vive émotion, les supposées transgressions de la création contemporaine subventionnée provoquent bien souvent la consternation.

Le legs commun de notre patrimoine constitue le socle fondateur de notre unité culturelle et donc de notre identité. Il doit incarner notre priorité absolue. Il y a deux siècles, Victor Hugo écrivait : "Chaque jour, quelques vieux souvenirs de la France s'en vont avec la pierre sur laquelle ils étaient écrits." Madame la ministre, préservons notre patrimoine, nos pierres et nos souvenirs.

M. le président Alexandre Portier. Nous sommes arrivés au terme des interventions des orateurs de groupe. Je vous propose de prendre immédiatement les questions individuelles afin d'obtenir des réponses globales.

M. Éric Liégeon (DR). Alors que le PLF pour 2026 prévoit une nouvelle baisse préoccupante de 232 millions d'euros pour le programme Patrimoines, nous nous trouvons paradoxalement confrontés à un mur d'investissements pour la restauration de notre patrimoine monumental, particulièrement dans les territoires ruraux.

Dans les campagnes du Doubs, les maisons typiques, les moulins, les fontaines, les lavoirs, les chapelles et les églises représentent une richesse culturelle et historique inestimable, aujourd'hui menacée par la dégradation naturelle et le manque de fonds pour leur conservation. De nombreux bâtiments se détériorent faute d'entretien régulier, et les petites communes rurales se retrouvent en première ligne pour préserver ce patrimoine fragile. Ces territoires disposent rarement des moyens techniques et surtout financiers nécessaires pour entretenir ou restaurer ces monuments, qui constituent pourtant un levier essentiel de dynamisme économique et touristique local.

Pour éviter la remise en cause de nombreux projets de restauration, quelles mesures envisagez-vous pour mieux accompagner ces petites communes rurales dans la rénovation de leur patrimoine local ?

À l'instar de certains de nos voisins européens, la piste un temps envisagée de financements mutualisés grâce à la mise en place d'entrées payantes pour certains monuments serait-elle réalisable ?

M. Frédéric Maillot (GDR). Madame la ministre, dans votre avant-propos vous avez prononcé le mot "patrimoine" pas moins de quinze fois. Nous, peuples d'outre-mer, possédons également notre patrimoine propre à nos territoires, notamment nos langues.

Ma question porte sur le retrait des langues régionales et, plus précisément, des langues créoles du concours de l'agrégation. Je précise que seules nos langues créoles, parlées par deux millions d'hommes et de femmes ont été retirées, décision qui suscite une profonde inquiétude dans les territoires ultramarins, mais également parmi les défenseurs du patrimoine linguistique, comme en témoigne la question au gouvernement de mon collègue Paul Molac hier.

Pouvez-vous nous exposer les raisons qui ont motivé cette décision et nous expliquer pourquoi uniquement nos langues créoles ont été visées par cette mesure ? Pourquoi chercher à faire taire nos langues si chantantes pour ceux qui souhaitent enseigner au plus haut niveau et dans l'enseignement supérieur ?

Sachez que, avec ou sans l'autorisation de l'État, nous continuerons à parler nos langues. Cependant, pour les enseigner au niveau académique supérieur, nous avons besoin du soutien de l'État. En tant que député de La Réunion, je demeure profondément attaché et amoureux de ma langue créole, unique héritage que m'ont transmis mes parents.

M. Laurent Croizier (Dem). La protection des créateurs est au cœur de l'exception culturelle française. En garantissant leur accès aux droits et leur pleine reconnaissance, notre pays préserve la liberté de création et la diversité artistique qui fondent sa singularité et sa renommée internationale. Le statut d'artiste-auteur demeure aujourd'hui imparfaitement défini, ce qui crée des obstacles majeurs dans l'accès aux droits sociaux. À cette situation s'ajoutent une forte irrégularité de revenus, un besoin impérieux de simplification administrative et un niveau de rémunération souvent insuffisant au regard du temps de travail. La précarité de leur statut contraint nombre d'entre eux à abandonner parfois leur activité artistique ou à recourir à un emploi alimentaire au détriment de la création.

Les artistes-auteurs doivent pouvoir faire valoir leurs droits selon les mêmes principes que les intermittents du spectacle. Comment comptez-vous répondre à ces difficultés dans ce budget ? À moyen terme, quelles réformes envisagez-vous pour renforcer leur protection et leur reconnaissance ?

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur le rapporteur Balanant, vous avez souligné les baisses que connaît le budget de la mission Culture. Je tiens néanmoins à rappeler que le budget du ministère a augmenté depuis 2017 de 29 %, et de 31 % pour la seule mission Culture. Pour le patrimoine, cette augmentation atteint 39 %. Vous ne pouvez donc pas affirmer, Madame Parmentier, qu'avec une augmentation de 39 %, le patrimoine ne constitue pas une priorité. Si nous parvenions à augmenter tous les budgets de 39 %, quelle que soit la mission, il s'agirait incontestablement d'une véritable priorité. Vous ne pouvez pas davantage prétendre que cela n'a pas figuré parmi les priorités que j'ai portées depuis un an. Je vais détailler les mesures et financements dédiés au patrimoine, notamment dans le cadre du plan "culture et ruralité".

Plusieurs amendements renforceront les crédits alloués à la protection du patrimoine. Nous concentrerons l'effort sur un niveau important de soutien, marquant ainsi cet engagement fort et la priorité accordée à la protection patrimoniale. L'amendement du président nous permettra de lancer et d'amplifier ce plan d'ampleur de protection du patrimoine.

Les crédits du patrimoine connaissent une légère baisse par rapport à 2025 mais demeurent très largement supérieurs à 1 milliard d'euros si l'on considère les AE et les CP. La diminution, relativement modeste, résulte essentiellement d'un lissage des opérations d'investissement priorisées selon le degré d'urgence. Certaines opérations ont été lissées en raison de retards dans les travaux, d'autres pour des questions de soutenabilité financière. Je tiens à votre disposition la liste détaillée des opérations concernées.

Ce lissage se traduit également dans les moyens alloués aux Drac, avec une légère baisse sur les AE et les CP, mais nous préservons les travaux en cours, notamment les grands chantiers et les subventions importantes.

Je réaffirme qu'il ne manquera pas un euro pour la création dans les territoires. Le budget de la création s'élève à plus d'un milliard d'euros, dont près de la moitié est destinée aux lieux, équipes et festivals en région, et un tiers aux opérateurs nationaux.

Quant à la stratégie nationale des métiers d'art, nous la maintenons intégralement. La légère baisse constatée s'explique par la création d'un opérateur public unique au monde, regroupant tous les métiers d'art et les savoir-faire de la culture française. Cette stratégie se poursuit au sein de cet opérateur unique qui intègre non seulement la préservation des objets d'art, mais également la formation et l'apprentissage pour pérenniser et transmettre des métiers en voie de disparition. Nous avons créé deux centres de formation d'apprentis (CFA) avec cet opérateur. Comme je m'y étais engagée devant vous il y a un an, nous avons relancé et amplifié l'apprentissage et l'alternance dans un ministère traditionnellement peu concerné par ces dispositifs.

Concernant la transmission et la démocratisation de la culture, nous avons préservé le budget des enseignements culturels et de la démocratisation sur les territoires.

S'agissant du pass Culture, vous avez raison, nous observons une légère baisse, qui correspond toutefois à la consommation réelle des crédits. J'ai obtenu un dégel de 21 millions d'euros et je peux vous assurer qu'à la fin de l'année 2025, aucun manque ne sera constaté dans l'utilisation du pass Culture.

Les moyens consacrés au soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle dans tous les territoires demeurent au niveau de 2025, avec une attention particulière aux besoins spécifiques de la ruralité. Nous procédons simplement à des ajustements sur les politiques de la ville et les étés culturels, en fonction des besoins identifiés.

Vous m'avez interrogée sur la compensation de l'exonération des frais de scolarité pour les étudiants boursiers. Il s'agit d'une mesure nouvelle, importante et innovante. Les écoles d'art sont payantes et particulièrement onéreuses. Jusqu'à présent, les boursiers devaient s'acquitter des frais de scolarité, mais ils en sont désormais exonérés. J'ai commencé par les écoles du spectacle vivant et les écoles d'art. L'ensemble des établissements bénéficiera de cette mesure à compter du 1er janvier 2026 et, Monsieur le rapporteur, je vous confirme que ces crédits seront bien "soclés".

En ce qui concerne la culture scientifique, dès mon arrivée, j'ai constaté qu'un conseil de la culture scientifique existait au sein du ministère, mais qu'il se réunissait rarement, menait peu de travaux et ne poursuivait pas d'objectifs concrets. Le président de la République et moi-même avons souhaité réexaminer les missions d'Universcience dans une perspective plus globale, intégrant les trois sites. Trois missions d'évaluation sont en cours, qui devront également répondre aux recommandations formulées par la Cour des comptes. Les conclusions nous seront transmises très prochainement et nous permettront de redéfinir la mission et l'ambition de notre culture scientifique, particulièrement importante en cette période marquée par la montée du complotisme et la remise en cause systématique de la science.

Vous avez raison de souligner l'importance de la formation et de l'enseignement. La France dispose d'une formation exceptionnelle en matière de création et de métiers d'art, recherchée à l'international. Nous exportons notre formation et notre expertise. Nous occupons le premier rang mondial dans les domaines de l'architecture et de l'expertise muséale. La restauration de Notre-Dame a constitué la plus belle vitrine des métiers d'art, que nous pouvons valoriser à l'international. Il était donc anormal que le ministère de la culture ne dispose pas d'une direction dédiée à la formation et à l'enseignement. Ces missions étaient auparavant dispersées, sans vision cohérente ni véritable stratégie. J'ai donc demandé la création de cette direction, qui est désormais en place et commence à être opérationnelle.

Concernant les écoles d'art, nous sommes confrontés à une diversité de statuts. Nous distinguons les écoles nationales et les écoles territoriales, parmi lesquelles certaines bénéficient d'un engagement de l'État tandis que d'autres en sont dépourvues. Les statuts hybrides de ces établissements sous tutelle des collectivités présentent une particularité : les enseignants sont des fonctionnaires territoriaux, la formation relève du cadre national avec des diplômes nationaux, mais l'école est rattachée à la collectivité. Cette configuration explique pourquoi, souvent, lorsque l'État apporte son soutien, la collectivité peut se désengager, et inversement, si l'État se retire, l'école se trouve en péril. Ces statuts hybrides appellent une plus grande cohérence. La nouvelle direction de l'enseignement supérieur et de la formation constituera un interlocuteur unique pour ces écoles territoriales.

En matière d'apprentissage, nous avons réalisé des progrès considérables. À la rentrée 2026, 30 filières diplômantes seront proposées, contre pratiquement aucune il y a un an. Ces formations concernent 26 écoles, représentant un quart de notre réseau qui intègre désormais l'apprentissage, en lien avec le CFA métiers d'art. Par ailleurs, nous avons décidé de créer à Paris, au sein du Musée du Louvre, un CFA spécifiquement dédié aux métiers des musées.

Concernant le patrimoine, Monsieur Patrier-Leitus, nous avons intensément collaboré cette année. J'en ai fait une priorité majeure de mon action. L'amendement gouvernemental de l'année dernière, que vous avez soutenu, nous a permis d'amplifier cette protection du patrimoine. Quant aux différentes ventilations budgétaires, la baisse apparente s'explique par le lissage des opérations d'investissement. Je dispose de la liste complète des projets en cours et de ceux qui sont lissés, soit en raison de retards dans les travaux, soit pour des questions de soutenabilité financière.

Je précise à Mme la députée Parmentier que les crédits alloués aux monuments historiques sur les territoires s'élèvent à 243 millions d'euros. Une attention particulière a été portée aux petites collectivités grâce au fonds incitatif permettant de majorer l'aide de l'État pour les communes de moins de 10 000 habitants, ce qui concerne essentiellement les communes rurales.

Vous avez également évoqué la mise en valeur du patrimoine. Notre politique intègre non seulement la protection, la restauration et la réhabilitation, mais aussi les usages. Plus ces bâtiments historiques et patrimoniaux sont préservés, protégés et utilisés comme lieux culturels, mieux ils sont sauvegardés. Notre approche s'articule donc autour de ce triptyque : restaurer, protéger et utiliser.

Enfin, concernant les entreprises des monuments historiques, Monsieur le rapporteur, vous avez justement souligné que celles-ci ont besoin de visibilité pour assurer leur activité et garantir la transmission des savoir-faire, comme l'a démontré le chantier de Notre-Dame. C'est pourquoi, en mars dernier, j'ai signé une charte avec le groupement des entreprises des monuments historiques et la Fédération française du bâtiment, afin de valoriser nos entreprises et favoriser l'apprentissage, ces groupements et entreprises travaillant étroitement avec ce mode de formation. Nous avons ainsi établi un partenariat fructueux entre ces acteurs et le ministère de la culture.

Concernant Chambord, j'ai pris note des difficultés que vous avez évoquées. Je tiens à vous assurer que les financements sont garantis. Plus précisément, le financement fléché sur l'établissement est assuré pour 2026, comme vous nous l'aviez demandé.

Quant au fonds d'action pour la sécurisation du patrimoine, nous y avons répondu grâce à l'amendement du président Portier qui a été intégré. Cela me permet également de vous informer que le projet lié à l'ancienne centrale de Clairvaux, qui était quelque peu enlisé, a été intégré dans ce budget et sera donc réalisé dans le cadre du budget 2026.

Vous avez parfaitement raison, Madame Parmentier, de souligner que la France est un pays extrêmement patrimonial, ce qui constitue une véritable chance. Les budgets ont considérablement augmenté et continueront de progresser si nous maintenons cette priorité. Je vous remercie de votre soutien à cet égard.

Concernant le plan "culture et ruralité", je souhaite préciser que les villages représentent notre patrimoine culturel rural. Nous avons soutenu plus de 130 projets dans plus de 250 petits villages. Les musées ruraux bénéficient également d'un soutien significatif dans le cadre de ce plan, avec 100 millions d'euros sur trois ans. Ces crédits sont sanctuarisés, sans gel ni baisse.

Nous avons également intégré le patrimoine culturel immatériel, rendant désormais éligibles au soutien du ministère de la culture ce qu'on appelle communément les danses folkloriques et autres arts et traditions populaires, ce qui n'était pas le cas auparavant. Cela fait partie intégrante de notre patrimoine. Le plan fanfare, déjà évoqué, a connu un succès tel que je l'ai amplifié, et cette dynamique va se poursuivre.

Dans ce même plan "culture et ruralité", nous soutenons les librairies rurales et itinérantes pour répondre aux enjeux de mobilité. Les radios associatives sont également concernées, tout comme les monuments historiques qui bénéficient de financements spécifiques.

Les scènes culturelles de proximité jouent un rôle essentiel en permettant aux artistes et compagnies locaux de se produire. Trop souvent, ces structures ne peuvent pas accueillir d'artistes en résidence en raison de leur fragilité financière, ce qui conduit à faire venir des artistes parisiens pour une journée, avec des coûts logistiques supérieurs à ceux que générerait le soutien d'artistes locaux. Ce plan permet de financer et soutenir ces initiatives territoriales.

Pour lutter contre les déserts architecturaux, nous avons intégré dans ce plan le soutien aux projets des écoles nationales d'architecture pour le développement de projets ruraux. L'enseignement agricole, souvent parent pauvre, bénéficie également de ce soutien. Le plan comprend au total 23 mesures très détaillées, avec un bilan à un an que nous pouvons vous transmettre. Votre circonscription en a d'ailleurs bénéficié.

Pour les langues régionales, les crédits ont doublé depuis 2022. Nous sommes aujourd'hui à environ 1,6 million d'euros et ces crédits sont préservés. Le député Molac a reçu hier une réponse très précise et détaillée du ministre de l'éducation nationale lors des questions d'actualité. Il n'y a aucun retrait du financement et du soutien aux langues et cultures régionales. La suspension est uniquement temporaire et l'option créole reste ouverte pour le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes).

Monsieur le député Gustave, vous avez raison de souligner que nous avons préservé autant que possible la création, qui demeure essentielle. En tenant compte des décrets d'annulation, aucune baisse de crédits n'affecte la création. Sur les territoires, pas un euro n'a manqué, aucun projet de création n'a souffert d'un défaut de financement. Ces affirmations s'appuient sur des chiffres concrets, et un an après nos engagements, nous pouvons démontrer leur réalisation effective sur l'ensemble des territoires.

Le Fonpeps, qui aurait pu être remis en cause, a non seulement été préservé mais également pérennisé. Pour répondre au rapporteur Balanant, ce dispositif qui devait normalement prendre fin en 2025 est désormais garanti pour 2026. Le Fonpeps, dans ses trois composantes d'aide, continue de soutenir pleinement la création.

Madame la députée Legrain, je partage entièrement votre préoccupation concernant les atteintes à la création et à la programmation. C'est précisément pour cette raison que j'ai créé un poste de haut fonctionnaire chargé de lutter contre ces atteintes. Au-delà des aspects budgétaires, c'est un combat que nous avons en commun. Je le mène depuis longtemps, particulièrement dans certains territoires et quartiers populaires où l'entrisme islamiste constitue un frein réel à la création et à la programmation culturelles. J'espère vous compter à mes côtés dans cette lutte contre les atteintes à la liberté de création.

Votre remarque selon laquelle nous risquons de ne plus avoir d'artistes, d'œuvres et donc de public est parfaitement fondée. Des publics entiers n'osent plus fréquenter certaines salles pour voir un spectacle ou un film. Lors d'une récente visite, des familles m'ont confié qu'elles auraient souhaité assister à une projection ou une pièce de théâtre, mais se sentaient menacées et ont donc renoncé. J'espère, Madame la députée, que nous mènerons ensemble ce combat contre les atteintes à la programmation culturelle.

Je tiens à rappeler mon soutien indéfectible aux artistes victimes d'attaques. La DJ Barbara Butch, après les Jeux olympiques, a fait l'objet d'attaques, et le ministère de la culture s'est constitué partie civile pour défendre tous les artistes ciblés. Face à toutes ces atteintes, je serai toujours à leurs côtés. Je sais personnellement ce que signifie être entravée dans sa liberté. Concernant les atteintes à la création et à la programmation, il est essentiel d'être exhaustif. J'ai personnellement connu l'entrisme islamiste, expérience que je ne souhaite à personne, Madame la députée. Ce combat doit être mené collectivement.

Les crédits en faveur de la création sont intégralement maintenus. Quant aux crédits destinés à lutter contre ces atteintes, non seulement ils sont préservés, mais ils ont été augmentés en un an. J'espère que cet engagement ferme contre ces atteintes vous satisfait.

Concernant l'éducation artistique et culturelle, il n'y a aucune diminution budgétaire. En 2025, nous mobilisons 82,4 millions d'euros, répartis comme suit : 7,9 millions pour l'éducation à l'image, 16 millions en faveur de la lecture, 20 millions pour l'éducation artistique et culturelle en temps scolaire. Pour 2026, cette enveloppe atteindra 85,5 millions. Nous constatons donc une augmentation de ces crédits.

Sur la lecture spécifiquement, je considère que certaines opérations de sensibilisation à la culture et à l'apprentissage s'adressent principalement à un public sachant déjà lire, pour qui le livre fait naturellement partie de l'environnement culturel. Il existe cependant des angles morts, des populations entières pour lesquelles le livre reste étranger et qui ne maîtrisent pas la lecture. Notre devoir est d'atteindre également ces publics. Nous avons donc développé les bibliothèques itinérantes.

Avec le CNC, nous avons également lancé les cinémas itinérants qui se sont fortement déployés en un an, particulièrement en milieu rural. Ces dispositifs concrétisent mon engagement en faveur de l'accès à la culture.

J'ai également financé les maisons des jeunes et de la culture (MJC) et reçu les acteurs de l'éducation populaire, pour lesquels j'ai dégagé des emplois. Ces structures avaient été négligées depuis près de quarante ans. Elles sont désormais pleinement intégrées au ministère de la culture, alors qu'elles n'y avaient pas été reçues auparavant. Nous partageons cette même ambition pour la démocratisation culturelle et la médiation. L'accès à la culture passe nécessairement par ces structures, et les financements sont pleinement assurés.

Concernant les situations d'urgence des 33 écoles supérieures territoriales d'art et de design évoquées par Mme la députée Bourouaha je m'engage à restructurer la participation de l'État pour qu'elle réponde plus efficacement aux besoins, selon des critères transparents. À mon arrivée, aucune cartographie des écoles d'art et du spectacle vivant n'existait. Cette cartographie vient d'être finalisée et sera prochainement publiée. Elles disposeront désormais d'un interlocuteur unique avec la direction de la formation et de l'enseignement supérieur. Cela répond directement à votre préoccupation.

En réponse à M. le député Croizier sur la situation des auteurs de l'audiovisuel et du cinéma, je précise que les auteurs de l'audiovisuel bénéficient de quatre accords signés en 2023 et 2024 sous l'égide du ministère et du CNC, prévoyant notamment des rémunérations minimales. Ces accords sont pleinement en vigueur. Les auteurs du cinéma ont récemment rejoint ce mouvement avec un accord historique, signé le 15 octobre et étendu dès le 16 octobre, qui améliore considérablement la rémunération, particulièrement celle des jeunes scénaristes. 50 % d'entre eux bénéficieront d'une revalorisation immédiate dès leur prochain scénario.

Pour répondre au député Castiglione concernant l'amélioration de l'accessibilité culturelle pour les personnes en situation de handicap, j'ai signé une convention avec la fédération dédiée à l'intégration des personnes handicapées dans tous les secteurs professionnels, convention dont le ministère de la culture n'avait jamais été signataire auparavant. J'ai également créé le portail national de l'audiodescription, permettant désormais l'accès à 3 000 films aux malvoyants sur le site du ministère.

Nous nous sommes engagés devant la Commission nationale culture et handicap à mettre en œuvre les recommandations de l'inspection générale concernant l'accessibilité à tous les lieux culturels. Pour les sites qui ne peuvent pas être rendus physiquement accessibles en raison de contraintes spécifiques, nous développons des solutions alternatives comme les visites virtuelles, les applications utilisant l'intelligence artificielle ou des équipements immersifs.

Nous avons également lancé deux missions sur l'accessibilité des métiers culturels aux personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, tous les nouveaux livres numériques sont nativement accessibles. Le CNC maintient par ailleurs ses crédits pour l'accessibilité de l'ensemble des salles de cinéma.

En réponse à M. le député Michelet sur l'ingénierie culturelle pour les petites communes, le plan "culture et ruralité" a été élaboré à la suite d'une large consultation à laquelle ont participé élus locaux, associations et collectivités. La première carence identifiée concernait précisément l'ingénierie. Désormais, les Drac assurent systématiquement l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, ce qui n'existait pas auparavant. J'ai doublé pour 2025 toutes les vacations des architectes conseils de l'État qui constituent le dernier maillon d'accompagnement pour les élus des petites collectivités. J'ai également initié le déploiement d'un second poste d'architecte des bâtiments de France (ABF) dans les départements n'en possédant qu'un seul. Nous avons ainsi pratiquement comblé l'ensemble des besoins en matière d'ingénierie. Ces actions sont intégrées et financées dans le budget actuel.

M. le président Alexandre Portier. Je vous remercie pour vos réponses claires, exhaustives et engagées. Je cède maintenant la parole aux deux rapporteurs qui ont été interpellés sur des points très précis pour des réponses concises.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Nous aborderons ces points lors de l'examen des amendements. Il est important de rappeler que le budget du ministère de la culture a connu une hausse considérable depuis sept ans. Cette progression budgétaire n'avait jamais atteint un tel niveau depuis très longtemps.

Nous constatons cette année une légère baisse que je propose d'atténuer par plusieurs amendements, afin de maintenir un niveau d'engagement tout à fait raisonnable qui permettra d'atteindre un consensus. J'espère ainsi que nous pourrons voter ce budget.

Il ne s'agit aucunement d'une saignée budgétaire. Ce budget préserve les capacités d'action qui ont été considérablement renforcées ces sept dernières années. Nous détaillerons ces aspects au fil de l'examen des amendements, ce qui nous permettra d'être plus précis.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Je souhaite rappeler à nos collègues qui nous ont interpellés sur les questions budgétaires que les difficultés surviennent principalement lors de hausses brutales ou de baisses significatives, point sur lequel nous pouvons tous nous rejoindre. Gardons néanmoins à l'esprit qu'en 2017, le budget du ministère de la culture s'élevait à 3,4 milliards d'euros, hors audiovisuel public, contre 4,2 milliards aujourd'hui. Évoquer une casse sociale semble donc particulièrement inapproprié lorsqu'on augmente le budget d'un ministère de plus de 800 millions d'euros en sept ans.

Concernant le financement du petit patrimoine rural et local évoqué par M. Liégeon, question qui rejoint celle de M. Michelet, il devient impératif de mobiliser des financements inédits et novateurs. Nous avions proposé avec la ministre de la culture de créer un droit d'entrée à Notre-Dame de Paris. La question se pose également concernant la taxe de séjour qui, actuellement, ne contribue pas au financement du patrimoine.

Ma conviction profonde est que, compte tenu des fonds publics considérables consacrés au patrimoine par l'État et les collectivités locales, les fonds privés de la Fondation du patrimoine et les mécènes, nous devons, pour préserver l'immensité de notre patrimoine, mobiliser des ressources complémentaires et innovantes, telles que le droit d'entrée à Notre-Dame ou la taxe de séjour. C'est sur ces pistes qu'il nous faudra concentrer nos efforts.

La séance est suspendue de seize heures trente à seize heures trente-cinq.

M. le président Alexandre Portier. Nous poursuivons nos travaux avec la discussion générale sur les missions Médias, livre et industries culturelles d'une part, et Avances à l'audiovisuel public d'autre part.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis de la mission Médias, livre et industries culturelles. L'an dernier, le déficit public de la France a atteint 5,8 % du PIB. Pour 2026, le gouvernement ambitionne de le ramener à 4,7 %, objectif dont nous pouvons légitimement douter, tant les recettes semblent surévaluées et les économies structurelles peu ambitieuses. Cette cible apparaît hypothétique, le gouvernement semblant prêt à céder sur tout au Parti socialiste qui ne cesse de faire la démonstration de son irresponsabilité budgétaire.

Le Rassemblement national a, quant à lui, présenté un contre-budget articulé autour de trois principes fondamentaux : cohérence, lisibilité et justice. Nous souhaitons réduire les dépenses inutiles et inefficaces, et affecter principalement ces économies à la réduction du déficit public, le redressement de nos finances constituant désormais une urgence vitale. L'aggravation de la charge de la dette devrait tous nous en convaincre.

En 2026, les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles diminueraient de près de 30 millions d'euros. Je souhaite d'abord établir un constat : année après année, nous voyons les acteurs du secteur fragilisés par l'irruption dans la vie des Français de grandes plateformes numériques et l'émergence de nouveaux modes de consommation de l'information, entraînant un transfert massif de valeur ajoutée des premiers vers les secondes. Néanmoins, nous considérons que chacun doit prendre part à l'effort de redressement des comptes publics. Nous proposons donc des mesures d'économies supplémentaires ciblées.

Le modèle économique de ces acteurs est également mis à mal par l'essor des intelligences artificielles génératives qui pillent les contenus culturels sans aucune contrepartie financière. L'atteinte inédite aux droits d'auteur à laquelle se livrent les grandes entreprises de la tech n'est que la partie émergée de l'iceberg. Ces entreprises s'affirment déjà comme des concurrentes directes des créateurs.

La récente affaire Tilly Norwood, cette actrice fantôme dont certains voudraient faire la prochaine Nathalie Portman, sonne comme un avertissement. Le combat des industries culturelles contre les systèmes d'IA génératives aurait fait pâlir d'envie David lorsqu'il affrontait Goliath. C'est pourquoi ces acteurs ont besoin du soutien de l'État pour survivre. L'inscription dans le code de la propriété intellectuelle d'une présomption d'utilisation des contenus culturels est désormais envisagée, ce dont nous nous réjouissons.

En matière d'information, nous devons prendre conscience des bouleversements qui s'annoncent. À l'heure de la numérisation croissante de l'information, la presse écrite peine à capter les investissements des annonceurs en raison du pouvoir de marché des grands acteurs du numérique et de leur rôle d'intermédiation devenu incontournable.

À l'horizon 2030, les recettes publicitaires de la presse devraient s'élever à 1,2 milliard d'euros contre 1,8 milliard en 2022, soit une diminution d'un tiers. Si les fonctionnalités AI Overviews et AI Mode de Google, qui proposent des résumés explicatifs avant les liens renvoyant vers les sites des éditeurs, n'ont pas encore été déployées en France, plusieurs études conduites à l'étranger concluent à une chute du trafic internet pouvant atteindre 80 %.

Le groupe Rassemblement national soutiendra toutes les mesures visant à consolider le modèle économique de la presse écrite, aujourd'hui trop dépendante des aides publiques. Celles-ci prennent trop souvent la forme d'aides automatiques à la diffusion et au pluralisme pour 177 millions d'euros. Je souhaite qu'elles soient largement recentrées sur le soutien à la modernisation et à la transition numérique du secteur qui nécessite des investissements lourds. Je regrette donc que 40 % des crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) aient été gelés en 2025 et que la dotation de ce fonds soit réduite à hauteur de 45 % en 2026.

Je saisis cette occasion pour vous alerter sur la distribution de la presse dans les territoires ultramarins. Si l'impression numérique a pu améliorer la situation dans les Antilles, notamment grâce au crédit du FSDP, de grandes difficultés persistent ailleurs, particulièrement en Polynésie où la distribution de la presse est interrompue depuis janvier dernier.

Nous défendons depuis plusieurs années le remplacement des aides au pluralisme par un crédit d'impôt sur le revenu au titre de l'abonnement à des publications de presse d'information politique et générale. Comme l'an dernier, je déplore que nous n'ayons pas suffisamment donné sa chance à l'ancien dispositif créé en 2020, dénaturé par Bercy.

Concernant les radios associatives, les crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale seraient en recul de 44,5 %. Nous connaissons ce scénario par cœur. Le gouvernement, la main sur le cœur, assurera avoir entendu le cri de détresse des radios associatives et les inquiétudes des parlementaires, puis consentira au rétablissement partiel des crédits comme l'an dernier. Le problème de ces radios est connu : sur ces 700 stations, certaines accomplissent un excellent travail quand d'autres se situent en marge de nos valeurs républicaines.

Le groupe Rassemblement national entend accélérer la réduction du déficit public, mais certaines dépenses méritent d'être maintenues. C'est notamment le cas des crédits du Centre national du livre (CNL), dont la subvention diminuerait de 4,3 millions d'euros en 2026, alors même qu'il s'agit d'un petit opérateur aux moyens modestes. Les crédits du CNL relèvent pleinement d'une logique d'investissement d'avenir. Pour s'en convaincre, il suffit de prendre connaissance des conclusions de sa dernière étude sur la pratique de la lecture des Français : seulement 56 % d'entre eux se déclarent spontanément lecteurs, proportion la plus faible jamais enregistrée depuis dix ans. Il ne suffit pas de déclarer la lecture grande cause nationale, il faut doter les acteurs qui la soutiennent de moyens, d'autant plus à une époque où l'esprit des jeunes est colonisé par des outils numériques qui prétendent penser à leur place.

Contrairement à la presse écrite, les crédits des filières musicale et cinématographique sont en expansion. Nous pouvons nous en réjouir, mais il me paraît naturel que, dans un contexte budgétaire aussi dégradé, elles soient invitées à fournir un effort important. Je propose donc plusieurs mesures d'économies ciblées qui relèvent d'une logique de solidarité et de sérieux budgétaire, non d'une intention de punir.

Concernant le Centre national de la musique (CNM), je m'étais déjà interrogé l'an dernier sur le niveau de financement de cet opérateur en croissance constante, malgré une absence d'évaluation sérieuse des besoins de la filière musicale, comme l'a révélé la Cour des comptes dans un rapport publié l'an dernier. Cette situation est tout simplement inadmissible. La dépense fiscale associée aux trois crédits d'impôt musicaux est en augmentation : 80 millions d'euros en 2025 et 2026 contre 72 millions d'euros en 2024. Leur efficacité sera auto-évaluée par le CNM l'an prochain. Je souhaite que le ministère de la culture et Bercy y soient pleinement associés. S'agissant des deux taxes affectées au CNM, le groupe Rassemblement national propose d'abaisser leur plafond à 40 millions d'euros pour la taxe de billetterie et à 8 millions d'euros pour la taxe streaming. On peut également s'interroger sur le montant de 31 millions d'euros du crédit d'impôt pour la production phonographique.

Quant aux ressources du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), le produit de ses taxes affectées s'élèverait à 836 millions d'euros en 2026 contre 810 millions en 2024. Il ne me paraît donc pas déraisonnable de prélever 50 millions d'euros sur la trésorerie du CNC afin qu'il contribue à l'effort de redressement des comptes publics, d'autant que la dépense fiscale associée aux trois crédits d'impôt en faveur du cinéma et de l'audiovisuel est en forte augmentation : 472 millions d'euros en 2023 contre 544 millions en 2026. Je propose donc de réduire le coût des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica) en abaissant le plafond de la réduction d'impôt et en supprimant les deux taux majorés de 36 % et 48 %. Enfin, je m'associe à la proposition de l'Inspection générale des finances de moduler le taux du crédit d'impôt cinéma en fonction du budget des films pour limiter la dépense fiscale, tout en préservant l'effet localisant du dispositif sur les tournages. Cette mesure permettrait d'économiser entre 27 et 30 millions d'euros.

La partie thématique de mon avis budgétaire est consacrée à la chronologie des médias. Ce dispositif régissant l'exploitation des œuvres cinématographiques sur toute leur durée de vie fait l'objet d'un large consensus parmi les diffuseurs traditionnels. Son objectif premier est de protéger ces lieux d'échange et de sociabilité que sont les salles de cinéma et de soutenir la création cinématographique en offrant à chacun un positionnement cohérent avec son niveau d'investissement dans le cinéma.

Ce dispositif vertueux, auquel la filière est très attachée et que beaucoup nous envient à l'étranger, est aujourd'hui remis en cause par deux plateformes, Netflix et Prime Video, qui ont déposé des recours devant le Conseil d'État. J'espère qu'un compromis pourra être trouvé, mais ma priorité consistera à défendre les intérêts des diffuseurs historiques, partenaires naturels de la filière cinématographique.

Je défendrai également les grands équilibres de la chronologie des médias et le principe d'équité qui constitue le cœur de sa philosophie. Si des services de médias audiovisuels à la demande souhaitent avancer dans la chronologie, ils doivent investir davantage. Il serait pertinent de rouvrir le débat sur le mode de calcul de ce dispositif, en privilégiant l'investissement en valeur plutôt qu'en pourcentage du chiffre d'affaires.

En conclusion, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission, compte tenu des propositions d'économie insuffisantes du gouvernement.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public. Avant toute chose, j'aimerais réaffirmer l'attachement viscéral que je porte, comme l'ensemble de mon groupe, au service public de l'audiovisuel. France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, mais aussi l'INA (Institut national de l'audiovisuel) et Arte remplissent une mission d'intérêt général. Ces institutions constituent des instruments indispensables de notre démocratie au regard des missions qui leur sont assignées en matière d'information pluraliste, indépendante, accessible à toutes et à tous, mais aussi de leur mission d'éducation et de divertissement de qualité.

Tout ce qui peut affaiblir notre audiovisuel public représente donc une menace pour notre démocratie, particulièrement en ce moment de bascule où les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle produisent des contenus de plus en plus problématiques, voire dangereux lorsqu'ils se mettent au service de la désinformation et de la propagande.

Il me paraît essentiel d'exprimer ce soutien indéfectible au moment où notre audiovisuel public est attaqué par un camp politique qui rêve de sa privatisation pour en faire des médias d'opinion à sa botte, puisque CNews et Europe 1 ne lui suffisent pas. C'est un soutien pour les 17 000 salariés de cet audiovisuel public qui accomplissent un travail formidable dans des conditions toujours plus difficiles, dans un contexte de réduction budgétaire et de mutation des métiers liés au numérique.

C'est précisément parce que nous défendons l'existence d'un audiovisuel public puissant que nous devons pointer ses dysfonctionnements actuels, particulièrement inquiétants, car l'indépendance, condition indispensable de sa réussite, n'est pas assurée. Pour qui roule l'audiovisuel public ? Cette question n'est pas nouvelle, mais nous ne devrions plus nous la poser aujourd'hui, en 2025. En réalité, nous ne nous la posons pas vraiment, puisqu'une orientation politique se dégage sur ces différentes antennes, ne laissant pas beaucoup de place au doute. Le pluralisme de France Télévisions et de Radio France est un pluralisme "Canada dry". Cela ressemble à du pluralisme, cela sonne comme du pluralisme, mais ce n'est pas du pluralisme.

Dans le traitement de l'information, des partis pris et des biais empêchent les citoyens d'accéder à la présentation la plus exhaustive et la plus impartiale des événements et des idées. Ces biais trompeurs et déformants se diffusent par le choix des sujets, des animateurs, des chroniqueurs, des éditorialistes et des invités. Ces partis pris engendrent deux conséquences graves : ils privent les citoyennes et les citoyens de contenus indispensables à l'exercice de leurs droits et ils alimentent une défiance croissante à l'égard des médias publics.

Certains événements particuliers creusent cette défiance. L'affaire Cohen-Legrand a dévoilé des liens de connivence entre deux éditorialistes vedettes et le Parti socialiste ou Place publique. À la rentrée, France Télévisions a confié la présentation du plus grand journal du service public à une journaliste qui, aussi talentueuse soit-elle, est la compagne d'un futur candidat à la présidentielle déjà en campagne. Cette journaliste interviewe dès à présent les adversaires de ce compagnon candidat et la logique de l'information voudrait qu'elle interviewe prochainement aussi ce candidat quasi officiel, à moins qu'elle ne s'en abstienne précisément en raison de leur situation personnelle, ce qui constitue également une interférence troublant le bon fonctionnement de l'information.

Sur Radio France, des émissions d'enquête sont rabotées, les voix les plus critiques des dangers de la société néolibérale sont écartées depuis des années, et des humoristes trop critiques d'Israël sont congédiés. Puisque nous parlons d'Israël, la présence le 5 octobre dernier d'une éditorialiste vedette de France Télévisions, Nathalie Saint-Cricq, à un événement du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) où elle animait une table ronde avec Raphaël Enthoven, suscite l'étonnement. On la découvre tutoyant Enthoven qu'elle appelle son "ami", tout en rappelant son soutien personnel à Israël quelques minutes avant l'intervention sur scène de Joshua Zarka, l'ambassadeur de l'État génocidaire israélien.

Nathalie Saint-Cricq réapparaît deux jours plus tard sur France Info TV, interviewant sur Gaza Raphaël Enthoven, l'ami de la famille. Enthoven était également présent sur BFM répondant à Benjamin Duhamel, fils de Nathalie, tous deux s'accordant sur l'absence de génocide à Gaza et d'apartheid envers les Palestiniens. Benjamin Duhamel a ensuite été recruté par France Inter, où il a réalisé le 17 septembre dernier une interview sans contradiction de Joshua Zarka, l'ambassadeur de l'État voyou israélien, lequel sera sur scène quelques jours plus tard avec la mère de Benjamin. Sur cette même scène, Zarka sera présenté par l'animateur Arthur, lui-même invité de Benjamin Duhamel sur France Inter le 30 septembre.

Nous comprenons alors mieux pourquoi France Télévisions et Radio France ont tu pendant presque deux ans le génocide des Palestiniens à Gaza. Pourquoi ils l'ont d'abord invisibilisé, puis nié, et finalement minimisé, refusant de rendre compte objectivement des rapports de l'ONU, des ONG, des instances de justice internationale, refusant d'accorder la même attention aux victimes palestiniennes et aux victimes israéliennes. Depuis deux ans et jusqu'à aujourd'hui, la voix de l'État voyou d'Israël a été vigoureusement portée sur le service public de l'audiovisuel, tandis que celle des enfants palestiniens a été délibérément étouffée. C'est une faillite pour France Télévisions et Radio France.

La question fondamentale et cruciale qui se pose est celle de l'indépendance, de l'impartialité et de l'objectivité du service public, au moins concernant l'information et l'éducation. Or, cette indépendance, cette impartialité et cette objectivité sont compromises par deux phénomènes. D'une part, le fonctionnement de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui nomme les présidents de l'audiovisuel et dépend du pouvoir politique, lui-même actuellement tributaire du pouvoir économique. D'autre part, concernant France Télévisions, qui représente près des deux tiers du budget de l'audiovisuel public, l'externalisation des émissions de flux vers des groupes de production de plus en plus puissants pose problème. Concrètement, toutes les émissions phares de France Télévisions sont produites en externe, majoritairement par quelques grands groupes, parmi lesquels Mediawan et Banijay. Mediawan produit "C à vous", "C l'hebdo", "C dans l'air", "C à dire" ; c'est déjà beaucoup – ce n'est pas le titre d'une émission, mais un constat. Mediawan produit également "Ça commence aujourd'hui" et d'autres grandes émissions. Le groupe Banijay, en grande partie détenu par Bolloré, produit toutes les émissions de Nagui.

Cette externalisation engendre de nombreux problèmes. Elle génère d'abord des dépenses superflues pour France Télévisions qui verse des marges confortables aux producteurs sans disposer du moindre contrôle sur les rémunérations des animateurs et chroniqueurs, lesquelles demeurent opaques. Dans le cadre de ce rapport, j'ai sollicité auprès de France Télévisions les montants perçus par leurs animateurs vedettes également producteurs. Je n'ai obtenu aucune réponse. France Télévisions a affirmé ne pas disposer des moyens de connaître ces informations, puisqu'elle ne rémunère pas directement ces personnalités. Par ailleurs, même concernant les salaires des journalistes présentateurs du journal télévisé, qui sont, eux, directement employés par France Télévisions, nous avons rencontré de grandes difficultés à obtenir des éléments précis. Nous avons ainsi compris que ce sujet revêt un caractère particulièrement délicat, ce qui interroge dans un contexte où l'on prône la plus grande transparence.

La délégation par France Télévisions de la production de ses programmes emblématiques à des sociétés extérieures affecte négativement tant le contenu des programmes que les conditions sociales des salariés des sociétés de production. Concernant le contenu, se pose la question de l'actionnariat. Le groupe Mediawan, par exemple, est détenu à plus de 50 % par un fonds de pension américain. Dans ces conditions, peut-on véritablement considérer les productions de Mediawan comme des œuvres européennes ? Est-il acceptable que des fonds publics alimentent les bénéfices d'un fonds de pension ? L'objectif de ces sociétés de production est de générer du profit, une recherche qui s'avère contradictoire avec les impératifs et missions du service public.

J'ai été alerté sur de potentielles infractions au droit du travail dont seraient victimes des intermittents du spectacle travaillant sur les plateaux de "C dans l'air" et "C à vous". L'affaire a été portée devant le conseil de prud'hommes de Paris.

Cette externalisation pose également un problème éditorial majeur, puisque dans ces émissions, les rédacteurs en chef, les animateurs et les chroniqueurs ne relèvent pas directement de la rédaction de France Télévisions. Ils sont placés sous l'autorité directe des dirigeants de ces sociétés de production, entrepreneurs défendant leurs propres intérêts et non ceux du service public, entretenant des relations privilégiées avec le monde politique.

Je préconise cinq mesures pour améliorer le fonctionnement du service public audiovisuel. Premièrement, une refonte complète de l'Arcom. Deuxièmement, une réinternalisation des programmes de flux les plus emblématiques de France Télévisions. Troisièmement, dans l'attente de cette réinternalisation, je recommande que les journalistes, animateurs et chroniqueurs qui incarnent l'image de France Télévisions à l'antenne soient directement salariés par le groupe, avec des rémunérations raisonnables, distinctes des niveaux excessifs pratiqués dans le secteur privé. Quatrièmement, toujours dans cette phase transitoire, je préconise que tous les contenus liés à l'information soient placés sous l'autorité directe de la rédaction de France Télévisions. Cinquièmement, parmi les mesures à mettre en œuvre immédiatement, il est inacceptable qu'un seul éditorialiste par programme propose son point de vue dans les émissions phares du service public. Je souhaite que l'ensemble des sensibilités politiques soit représenté de manière équilibrée par les éditorialistes des émissions de France Télévisions et de Radio France.

Le budget s'avère évidemment insatisfaisant puisque toutes les antennes subissent une diminution de leurs ressources. Les engagements des années précédentes ne sont pas honorés. Vous demandez aux acteurs de l'audiovisuel d'accomplir leurs missions avec des moyens nettement insuffisants, suscitant une inquiétude particulière cette année pour les programmes patrimoniaux de France Télévisions ainsi que pour les producteurs indépendants, le coup de rabot s'élevant à 60 millions d'euros.

En synthèse, l'audiovisuel public fait face à un risque d'asphyxie budgétaire orchestré par l'actuel gouvernement. Je me vois donc contraint d'émettre un avis défavorable sur le budget proposé.

M. le président Alexandre Portier. Je vous propose de poursuivre avec les interventions des orateurs de groupe.

M. Julien Odoul (RN). Nous sommes en 2025 après Jésus-Christ, toute la France est envahie par l'austérité budgétaire. Toute ? Non. Un petit village peuplé d'irréductibles privilégiés résiste encore et toujours à l'effort commun. Je veux bien évidemment parler de l'audiovisuel public. En effet, alors que notre pays croule sous 3 400 milliards d'euros de dettes, alors que l'hôpital est à l'agonie, alors que la justice et la police sont en pénurie, alors que les retraités et les salariés sont pressés comme des citrons, que les collectivités locales sont au pain sec et à l'eau, une petite caste se gave non pas de potion magique, mais de l'argent des Français.

En 2026, ce ne sont pas moins de 3,8 milliards d'euros qui seront absorbés, digérés et gaspillés. La baisse symbolique de 3,74 % ne changera rien au train de vie honteux d'un système constamment sanctuarisé. Malgré les polémiques et les dérapages, France Télévisions engloutit 2,44 milliards d'euros de dotations. Les Français s'interrogent légitimement : qu'est-ce qui justifie ce traitement spécial ? À quoi sert notre argent ?

Notre argent sert à financer les monologues filmés de Bernard-Henri Lévy à hauteur de 750 000 euros pour quatre documentaires. Notre argent sert à offrir un salaire juteux de 25 000 euros par mois à Léa Salamé. Notre argent sert à sponsoriser des producteurs sans aucune concurrence. La Cour des comptes note que 48 % des productions de France Télévisions ont été contractualisées sans appel d'offres. Notre argent sert à Patrick Cohen, Thomas Legrand et à toute une bande de militants à carte de presse pour faire de la politique dans le confort de leurs studios. Notre argent maintient également en vie des chaînes fantômes comme Culturebox qui coûte plus de 20 millions d'euros par an aux Français pour une audience insignifiante.

Certains prétendent que l'audiovisuel public éclaire les citoyens. En vérité, il les plonge dans l'obscurité de la pensée unique qu'ils subventionnent : les éditocrates, les donneurs de leçons, les idéologues du déclassement culturel et de la rééducation sociétale. L'audiovisuel public est devenu la fabrique de l'entre-soi et le chantre de la déconnexion. Pendant ce temps, les crédits dédiés aux radios associatives locales subissent une baisse de 44 %. Je pense notamment à Radio Nord Bourgogne, dans ma circonscription, qui relaie l'actualité du territoire avec toujours moins de moyens.

Sur l'audiovisuel public, la Cour des comptes a été très claire : absence de contrat d'objectifs et de moyens, manque de stratégie et de pilotage budgétaire, risque de dérive dans la gouvernance livrée à la connivence entre producteurs et diffuseurs. Madame la ministre, quand un système ne fonctionne pas, on en change. Or, dans ce budget pour 2026, c'est "circulez, il n'y a rien à voir". Aucun changement structurel, aucune baisse significative, aucun effort demandé. Pendant que les Français se serrent la ceinture et s'appauvrissent, vous continuez d'engraisser ceux qui veulent représenter la France telle qu'ils voudraient qu'elle soit.

Le Rassemblement national demande la privatisation de la majeure partie de l'audiovisuel public. Nous exigeons également un plafonnement des recettes publicitaires et la fin du monopole idéologique d'un audiovisuel public qui confond mission de service et militantisme politique. Il est temps d'abolir les privilèges de cette aristocratie médiatique archaïque.

Mme Céline Calvez (EPR). La mission Médias, livre et industries culturelles devra, comme la mission Culture, participer à l'effort budgétaire qu'exige la situation financière du pays. Le PLF propose ainsi une diminution de 30 millions d'euros des crédits de cette mission qui passera de 720 millions à 690 millions, soit une baisse de 4 %. Cette réduction, bien que nécessaire, ne doit être ni brutale ni remettre en cause l'essentiel : la vitalité de nos industries culturelles et la liberté de la presse.

Depuis 2017, l'État a mené une politique culturelle cohérente et ambitieuse visant à soutenir la presse, les médias et les industries culturelles, à accompagner leur transition numérique, à défendre les acteurs indépendants face aux plateformes mondiales et à promouvoir la lecture et la création artistique. Cet engagement constant a servi le pluralisme, la diversité culturelle et l'accès de tous à l'information.

Alors que les crédits alloués aux aides à la presse diminueront cette année de près de 11 millions d'euros, cette baisse ne doit évidemment pas être considérée comme traduisant un déni de l'importance du rôle joué par la presse dans notre démocratie. Jamais la presse n'a été aussi essentielle : à l'heure des infox et des manipulations, elle demeure le premier rempart contre la désinformation.

Cette évolution budgétaire doit au contraire être l'occasion d'une réflexion plus large sur une refonte du modèle économique de l'information, fondée sur une meilleure répartition de la valeur entre les plateformes numériques et les éditeurs. Le système des droits voisins a ouvert la voie, mais nous devons aller plus loin pour que la richesse produite par le numérique bénéficie à ceux qui produisent de l'information. À ce titre, nous appelons de nouveau à l'arrivée rapide d'un projet de loi issu des réflexions des états généraux de l'information, élément indispensable pour refonder ce modèle et garantir un avenir durable au pluralisme.

Nous regrettons également la diminution brutale de 44 % des crédits alloués à nos radios associatives locales qui jouent un rôle essentiel dans nos territoires. Nous soutiendrons l'amendement de notre collègue Julie Delpech visant à maintenir ce financement.

Enfin, alors que nous avons renforcé depuis huit ans la place du livre et de la musique dans la vie des Français, notamment via le plan lecture, l'élévation de la lecture comme grande cause nationale, mais aussi pour la musique avec la création du Centre national de la musique ou encore la France music week plus récemment, il apparaît essentiel de préserver ces deux piliers de nos politiques culturelles qui connaissent une diminution respective de 4 et 7 millions d'euros.

Si la hausse des plafonds des taxes allouées au CNM paraît bienvenue, bien que leur recouvrement complet reste incertain, les diminutions proposées ne permettent pas de garantir la pérennité et l'équilibre de ces deux institutions essentielles à la vitalité culturelle du pays. Le groupe EPR a déposé des amendements visant à rehausser ces budgets.

S'agissant de l'audiovisuel public, pilier de notre démocratie, garant d'une information fiable ainsi que d'un écosystème audiovisuel et cinématographique dynamique, des réformes apparaissent effectivement nécessaires afin de renforcer les synergies entre les opérateurs. Cependant, la suppression des augmentations prévues ces dernières années, l'absence de contrats d'objectifs et de moyens et les tentatives de réforme de la gouvernance créent une insécurité stratégique qui ne saurait justifier une nouvelle coupe de 70 millions d'euros. Nous soutiendrons le maintien des crédits de l'audiovisuel public, condition indispensable à la vitalité démocratique et culturelle du pays.

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). L'examen de la mission Médias, livre et industries culturelles révèle une logique décidément récurrente : la baisse des moyens partout ou presque, en ciblant tout ce qui touche à des secteurs qui ne sont pas rentables aux yeux des libéraux. Si l'on prend en compte l'inflation, nous arrivons à une baisse réelle de plus de 37 millions d'euros de crédits de paiement.

Partout, le service public est démantelé. Les soutiens à l'édition, aux librairies et aux bibliothèques diminuent, alors que des géants comme Amazon concurrencent fortement nos industries culturelles en détruisant des milliers d'emplois. La précarisation des métiers du livre s'aggrave et le personnel des bibliothèques doit désormais travailler davantage sur des horaires élargis avec moins d'effectifs.

Le soutien aux radios locales est également menacé. Une réduction de 44 % de leur budget pourrait entraîner la disparition de 800 radios et mettre en danger des milliers d'emplois. Par ailleurs, aucune mesure n'est prise pour développer les médias de proximité, pourtant essentiels pour le pluralisme et pour donner la parole aux populations invisibilisées, que ce soit dans les zones rurales ou les quartiers populaires.

Les aides à la presse ne sont toujours pas conditionnées à des garanties d'indépendance vis-à-vis des actionnaires, compromettant le pluralisme et la diversité de l'information. En revanche, les quelques milliardaires qui collectionnent les médias, offrant un marchepied à l'extrême droite et muselant les journalistes, bénéficieront de plus de 177 millions d'euros pour l'année prochaine. En résumé, on sacrifie des radios associatives locales et des médias de proximité au profit de Bernard Arnault, Xavier Niel, Vincent Bolloré et Arnaud Lagardère.

Concernant l'audiovisuel public, la ministre de la culture s'est d'ailleurs illustrée l'an dernier en tentant d'imposer son projet de holding par tous les moyens, pendant qu'à travers ce PLF, on continue de baisser les budgets pour préparer ni plus ni moins que sa privatisation. Le message envoyé aux professionnels qui font vivre l'audiovisuel public chaque jour est limpide : la qualité importe peu, tant que le coût reste minimal.

Votre stratégie est bien rodée. Comme pour tous les autres services publics, elle se déroule invariablement en trois étapes : d'abord, vous réduisez les moyens, ce qui dégrade la qualité du service, justifiant ensuite le recours au privé. Cette dérive s'accentue par une complaisance avec l'extrême droite qui, depuis longtemps, rêve de privatiser totalement le service public de l'audiovisuel.

Ce mois-ci encore, France Info a diffusé un plateau composé exclusivement d'anciens de CNews, illustrant la tournure réactionnaire que prend le service public médiatique. Plus scandaleux encore, au sein même de l'audiovisuel public, certains dirigeants comme Delphine Ernotte ou des journalistes comme Léa Salamé toucheraient jusqu'à 25 000 ou 30 000 euros par mois. Ne soyons pas dupes face à l'exploitation de ces faits par le Rassemblement national. Leur objectif reste identique, voire pire : détruire le service public tout en s'inclinant devant des personnalités comme Cyril Hanouna ou Pascal Praud qui gagnent jusqu'à trois fois plus, y compris grâce aux aides publiques.

Ce PLF ne constitue pas simplement une réduction budgétaire, mais une attaque globale contre nos services publics culturels et médiatiques, contre le pluralisme, la diversité de l'information et le droit à un audiovisuel public de qualité. La France insoumise continuera de se battre pour que l'émancipation collective l'emporte sur les logiques de profit et de rentabilité.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Ce budget présente une caractéristique fondamentale : celle d'une véritable saignée. Madame la ministre, vous vous êtes enorgueillie de l'augmentation du budget de la culture au sens global de l'action de votre ministère depuis 2017. Si j'étais taquin, je pourrais avoir la malignité de rendre hommage à vos prédécesseurs en soulignant que le budget a progressé depuis 2017 et qu'il ne diminue que sous votre magistère.

Depuis deux ans, nous assistons d'abord à un artifice comptable dont nous maîtrisons le secret avec cette différence nette entre les budgets votés et l'exécution observée. Mais cette année, vous ne faites même pas semblant de présenter un dossier convenable. Je n'aurais pas le temps, en trois minutes, de reprendre toutes les incongruités de votre discours introductif ou de vos réponses concernant les chiffres relatifs au patrimoine. Vous annoncez la création d'un fonds du patrimoine alors même que vous avez réduit le budget du patrimoine. Vous affirmez soutenir la démocratisation de la culture, mais le seul programme 361 sur la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture perd 34 millions d'euros. Comment pouvez-vous prétendre que c'est une priorité, tout en réduisant de 34 millions d'euros le programme concerné ?

Nous constatons également un décalage considérable entre votre discours et la réalité sur la mission Médias, livre et industries culturelles. Cette réalité se traduit par une baisse systématique et généralisée des différents programmes : – 10,9 millions sur les aides à la presse – je cite vos chiffres puisqu'ils diffèrent généralement de ce que vous affirmez – et – 15,7 millions d'euros pour le fonds destiné à la radiodiffusion locale. Rien n'échappe à cette politique d'austérité.

Le Centre national du livre subit une réduction de 7 millions d'euros, la lecture de 4,3 millions d'euros pour un opérateur de petite taille dont la mission est pourtant essentielle et qui sera manifestement confronté à une contrainte majeure dans l'exercice de ses fonctions si ce budget est adopté. La Bibliothèque nationale de France voit également son budget amputé de 1,6 million d'euros.

Concernant l'audiovisuel public, je constate que vous reprenez le chemin de votre obsession avec des baisses généralisées : – 62 millions pour France Télévisions, – 4,1 millions pour Radio France, – 1,5 million pour l'INA.

Dans votre propos introductif, deux éléments m'ont particulièrement surpris. D'abord, l'annonce tant attendue d'un projet de loi à la suite des états généraux de l'information. C'est une très bonne nouvelle car il s'agit d'un sujet majeur. Je vous suggère toutefois d'en informer le premier ministre, puisque ce projet ne figure pas dans le calendrier parlementaire transmis à la présidente de l'Assemblée nationale, à moins qu'il ne vous ait réservé une fenêtre pour le deuxième trimestre 2026. Par ailleurs, la proposition de loi dite Lafon n'est pas inscrite à l'ordre du jour.

Vous poursuivez l'audiovisuel public de votre vindicte et de vos rancœurs à l'égard d'un certain nombre d'acteurs. Ce budget est inacceptable en l'état et nous le retravaillerons évidemment en séance publique.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission Médias, livres et industries culturelles ainsi que ceux du concours financier Avances à l'audiovisuel public pour 2026. Le constat est clair : un budget en baisse avec 583,6 millions d'euros pour la mission, soit une diminution de 2 % par rapport à 2025, et 3,878 milliards pour l'audiovisuel public, après deux années de réduction consécutives. Dans un secteur déjà fragilisé par le numérique et la concentration des acteurs, ces choix suscitent de légitimes interrogations.

Je souhaite attirer votre attention sur trois urgences. Premièrement, le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, qui constitue un dispositif vital pour les 770 radios associatives qui animent nos territoires, créent du lien social et emploient 2 400 salariés ainsi que des milliers de bénévoles. Pourtant, le PLF pour 2026 prévoit une baisse drastique de 44 %, représentant 15,7 millions d'euros, ce qui menace la survie de plus de la moitié de ces structures. Cette réduction remet également en cause le bonus ruralité de 2,3 millions d'euros introduit dans le cadre du plan "culture et ruralité". J'ai déposé des amendements pour revenir sur ces baisses. Quelle est votre position pour garantir la diversité, le pluralisme et l'emploi dans nos territoires ?

Ma deuxième question concerne le Centre national de la musique. Il s'avère impératif de soutenir cette filière qui constitue un pilier allant des musiques actuelles à la musique classique, en passant par le spectacle vivant, l'humour et les variétés. Si le projet de loi de finances pour 2026 relève les plafonds des taxes billetterie de 5 millions d'euros et streaming de 3 millions d'euros, ces mesures demeurent insuffisantes. Les professionnels dénoncent un écrêtement des recettes au profit du budget général, au détriment des missions du CNM. Plus préoccupant encore, la dotation du CNM diminue de 7 millions d'euros, fragilisant ainsi son fonctionnement et ses actions d'accompagnement. Pourquoi maintenir cette baisse, alors que le déplafonnement des taxes permettrait de mieux redistribuer les ressources et de sécuriser l'avenir de la filière ?

Enfin, concernant la réforme de l'audiovisuel public, la proposition de loi de Laurent Lafon a été adoptée par le Sénat. Elle reste aujourd'hui bloquée alors qu'elle est attendue par tous les acteurs pour moderniser la gouvernance et renforcer la stabilité de l'audiovisuel public face à des défis technologiques et économiques considérables. Quel calendrier envisagez-vous pour reprendre l'examen de ce texte et offrir enfin une visibilité à ce secteur stratégique ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Dans votre propos liminaire, vous avez évoqué, Madame la ministre, le projet de loi sur les états généraux de l'information en affirmant qu'il sera très prochainement présenté en Conseil des ministres. Permettez-moi cependant de vous dire que plutôt que de vous enliser sur le projet néfaste concernant l'audiovisuel public que vous avez tant soutenu, vous auriez dû vous occuper de la presse privée qui subit aujourd'hui encore, comme ces dernières semaines le démontrent, les contraintes terribles liées à la concentration.

J'en veux pour preuve la situation du magazine Challenges qui va être racheté par Bernard Arnault. Nous venons d'apprendre que la rédaction est en pleine mobilisation parce que M. Arnault pose comme condition absolue la remise en cause de la charte d'indépendance et de déontologie qui contient le droit d'agrément, et souhaite modifier l'orientation du journal pour passer d'un magazine sur l'économie sociale de marché à un magazine sur l'économie libérale de marché. Il s'agit là d'une attaque directe contre l'indépendance d'une rédaction. Nous aurions dû disposer d'un projet de loi adopté pour empêcher cela, mais évidemment, rien n'a été fait.

Je tiens à adresser tout mon soutien à cette rédaction qui se mobilise face à un actionnaire ayant démontré qu'il intervenait très régulièrement pour faire modifier les informations diffusées dans ses journaux et qui, par cette acquisition, risque de concentrer entre ses mains la quasi-intégralité de la presse économique de notre pays, ce qui compromet gravement la capacité des citoyens et citoyennes à être correctement informés sur la situation économique nationale. J'attire particulièrement votre attention sur ce journal.

Sur l'audiovisuel public, comme nous l'avons tous observé, c'est l'acharnement qui se poursuit. Avec 71 millions d'euros de moins, j'ai effectué un calcul simple : cela représente 900 millions d'euros constants économisés. En réalité, le budget 2026 équivaut à celui de 2008, comme s'il n'y avait pas eu 32 % d'inflation. On peut concevoir toutes sortes de réformes extraordinaires, mais je doute que quiconque puisse croire qu'il soit possible de faire mieux, ou même simplement pareil, avec tant de crédits en moins, si ce n'est en recourant à des réformes qui maltraitent les salariés, ce qui a déjà été le cas avec des plans sociaux à répétition.

Notre démocratie a besoin d'un audiovisuel public libre, fort et bien financé. Force est de constater que votre acharnement à son égard se poursuit. Nous restons en attente du projet sur les états généraux de l'information qui vous permettrait une sortie convenable.

M. Erwan Balanant (Dem). Je commencerai par aborder la question de l'audiovisuel public. Dans le monde actuel, perturbé et soumis à des crises majeures, qu'il s'agisse de menaces sur la paix ou de questions liées aux transitions et mutations en lien avec la crise climatique, je considère que nous avons plus que jamais besoin d'un audiovisuel public puissant.

Dans plusieurs pays nordiques, les institutions responsables de la défense, les armées, ont alerté sur la nécessité de renforcer l'audiovisuel public. Elles soutiennent cette position car celui-ci constitue fondamentalement un outil de souveraineté permettant de défendre les valeurs propres à chaque nation et, par extension, celles de notre pays. Les attaques frontales que nous observons aujourd'hui, émanant d'une partie de la droite et de l'extrême droite de l'hémicycle à l'encontre de l'audiovisuel public, doivent nous interpeller et nous rappeler son importance capitale. L'audiovisuel public joue un rôle essentiel dans le contrôle de l'information, l'éducation aux médias et la vitalité de notre démocratie.

J'entends les accusations de "Pravda" formulées par notre collègue Odoul, mais lorsque l'on observe certaines chaînes privées qui agissent à leur guise, je constate qu'elles sont très orientées. Il convient de rappeler qu'elles utilisent des fréquences publiques. Notre pays a besoin d'une régulation efficace, précisément parce que notre liberté d'expression n'est pas une liberté absolue et qu'elle doit se fonder sur un socle de valeurs communes.

Je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de protéger notre modèle culturel qui repose, dans de nombreux secteurs, sur un principe particulièrement vertueux : la mutualisation de la création de valeur. Le système des taxes affectées que nous connaissons sur la billetterie de cinéma, sur celle du spectacle vivant ou encore sur le streaming constitue un mécanisme de mutualisation de la valeur créée par ces filières afin de soutenir de nouvelles créations. Nous assistons aujourd'hui à une attaque frontale contre ce modèle. Je vous demande donc, Madame la ministre, de déplafonner les taxes affectées. Elles seront ainsi mieux comprises par les Français. On leur expliquera qu'il ne s'agit pas d'argent public mais bien des recettes générées par les billets qu'ils achètent.

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles subissent dans le PLF pour 2026 une politique de réduction budgétaire dont les principales victimes sont les radios associatives. Le budget alloué au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale connaît une chute drastique, passant de 35 millions à seulement 19 millions d'euros. Je salue votre volonté d'ouvrir le débat sur ce sujet, mais cette diminution aura des conséquences dévastatrices pour l'ensemble du secteur.

Sans ce soutien public, qui représente entre 40 et 60 % de leur budget, plus de la moitié des radios associatives risquent de disparaître, entraînant la suppression potentielle de près de 2 400 emplois directs. Ces radios constituent un maillon économique et social essentiel dans nos territoires. Elles font vivre la culture, l'emploi, le lien social et la citoyenneté, particulièrement dans des zones où aucun autre média n'est présent. Dans ma commune de Wallers-Arenberg et sur mon territoire, je constate quotidiennement l'importance cruciale de ces radios associatives.

Cette réduction des financements s'avère particulièrement insoutenable pour les radios à fort impact social qui donnent la parole à des populations souvent marginalisées, qu'elles se trouvent dans les banlieues ou en milieu rural. Par ailleurs, certaines de ces stations émettent en langues régionales telles que le basque, le breton ou le corse, ou proposent des programmes bilingues.

Madame la ministre, ces radios associatives jouent un rôle fondamental dans nos territoires. Elles créent de l'emploi et renforcent la cohésion territoriale. Nous avons déposé un amendement visant à revenir sur cette décision afin de rétablir le niveau de financement à 35 millions d'euros.

Les aides à la presse souffrent également d'une diminution de 5,8 %. Ces économies semblent négligeables à l'échelle du budget national, mais sur le terrain, elles peuvent déstabiliser tout un écosystème. Une réforme d'ampleur s'impose pour favoriser l'émergence et la diffusion des médias indépendants tout en respectant l'autonomie des rédactions.

Le budget de l'audiovisuel n'est pas davantage épargné dans ce projet de budget 2026. Ce dernier prévoit une nouvelle réduction des dotations aux sociétés de l'audiovisuel public, particulièrement à France Télévisions. Cette baisse risque d'avoir un impact majeur sur le financement de la création audiovisuelle française, dont l'audiovisuel public constitue le premier soutien avec près de 40 % des investissements, mais également sur la diffusion d'événements sportifs, domaine dans lequel France Télévisions excelle.

Si nous comprenons parfaitement l'objectif de réduction de la dépense publique, nous estimons que la culture ne doit en aucun cas devenir une variable d'ajustement. Nous vous soutiendrons, Madame la ministre, pour inverser cette tendance tout au long du débat budgétaire.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Dans le cadre de l'examen des crédits budgétaires 2026 consacrés à la culture et aux médias, je souhaite attirer votre attention sur une réalité préoccupante : celle d'une politique d'austérité qui fragilise progressivement les piliers de notre démocratie culturelle.

Les médias ne sont nullement épargnés. Le soutien à l'expression radiophonique locale perd 15,7 millions d'euros, avec des conséquences qui s'annoncent dramatiques : plus de 3 000 emplois menacés, un recul du pluralisme, un appauvrissement de la diversité médiatique locale et, finalement, un affaiblissement de notre démocratie culturelle.

Les aides à la presse diminuent de près de 6 %. Tout en nous opposant à cette réduction des crédits, nous estimons que le système d'aides à la presse nécessite une réforme profonde. En effet, les grands titres adossés à des grands groupes industriels demeurent les premiers bénéficiaires de ces aides. La réforme doit permettre de soutenir les médias indépendants, favoriser leur émergence et leur diffusion, garantissant ainsi l'autonomie des rédactions.

L'audiovisuel subit également une sévère réduction budgétaire. France Télévisions voit ses crédits diminuer de 65,3 millions d'euros par rapport au PLF pour 2025. Les plans d'économie se multiplient, tant sur la production que sur la masse salariale, sans jamais satisfaire votre ministère. Ce désengagement soulève une question fondamentale : souhaitez-vous réellement défendre un audiovisuel public fort, indépendant et de qualité ? Votre soutien à la proposition de loi Lafon et votre volonté de créer une holding aux conséquences potentiellement néfastes ne nous rassurent guère.

Concernant Radio France, la baisse s'avère moins importante mais demeure conséquente, avec une réduction de 4,1 millions d'euros. Un budget rectificatif a été voté début 2025 dans un contexte budgétaire déjà marqué par les restrictions. Ces efforts ne sont pas sans conséquence sur la diversité des contenus, entraînent une dégradation des conditions de travail et affectent la qualité des productions.

Madame la ministre, le constat apparaît sans équivoque : à tous les niveaux – patrimoine, création, éducation artistique, médias, audiovisuel – votre budget manque d'ambition et d'horizon. La culture ne saurait être une variable d'ajustement budgétaire ; elle constitue une condition essentielle à notre cohésion, à notre liberté et à notre vitalité démocratique. C'est pourquoi, en l'état actuel, sans ajout de moyens substantiels et sans inflexion de cette trajectoire d'austérité, nous ne pourrons approuver cette vision.

M. Maxime Michelet (UDR). L'audiovisuel public traverse actuellement une double crise : une crise budgétaire doublée d'une crise d'identité qui soulève aujourd'hui la question de sa pertinence démocratique.

Près des deux tiers des crédits alloués à l'audiovisuel public sont attribués à France Télévisions, une proportion qui avoisine les 80 % lorsqu'on y ajoute ceux de Radio France. Ce sont précisément ces deux opérateurs qui incarnent le plus nettement cette situation critique. Dans son récent rapport sur France Télévisions, la Cour des comptes qualifie ainsi la situation financière du groupe de "critique", avec un déficit structurel cumulé atteignant 81 millions d'euros pour la période 2017-2024. Cette dégradation financière considérable appelle des mesures vigoureuses.

Pourtant, le régime salarial des employés de l'audiovisuel public semble intouchable. La dénonciation par la présidente de France Télévisions de l'accord collectif de 2013 a immédiatement suscité la traditionnelle protestation syndicale. En 2023, nous avons comptabilisé près de 10 000 jours de grève cumulés, symptômes d'un dialogue social devenu impossible. Un rapport de l'Inspection générale des finances a pourtant relevé en 2024 plus de 22 écarts à la convention collective nationale, représentant un surcoût de 62 millions d'euros.

Cette situation financière trouve également son origine dans une gestion dispendieuse s'agissant du train de vie des cadres dirigeants. 31 hauts responsables perçoivent plus de 200 000 euros de salaire annuel, tandis que 53 d'entre eux bénéficient d'un véhicule avec chauffeur, formant ainsi une véritable "nomenklatura" audiovisuelle, prompte pourtant à donner quotidiennement des leçons de morale à nos concitoyens. À cela s'ajoutent des frais de réception somptueux : 46 millions d'euros par an, soit près de 126 000 euros par jour.

Puisqu'il est financé par l'impôt de tous les Français, nos concitoyens seraient en droit d'attendre un service public irréprochable et représentatif de la diversité de toutes les opinions. Malheureusement, les exemples de collusion entre l'audiovisuel public et un certain agenda politique ne manquent pas. La rencontre stratégique entre Patrick Cohen, Thomas Legrand et des représentants du Parti socialiste constitue un exemple récent, tout comme la nomination de Léa Salamé, compagne du candidat à la présidentielle Raphaël Glucksmann. Je me réjouis d'ailleurs que le récent divorce entre les Socialistes et les Insoumis amène M. le rapporteur à partager notre dénonciation récurrente de ces collusions.

Rappelons que le poste stratégique de directeur des antennes et des programmes est occupé depuis plus de cinq ans par un ancien conseiller spécial de Cécile Duflot et ex-directeur de campagne d'Eva Joly. La présidente Delphine Ernotte, prenant très à cœur sa mission de propagandiste en chef, avait annoncé devant cette commission vouloir représenter la France "telle qu'on voudrait qu'elle soit".

Face à un audiovisuel public mal géré et mal employé, il nous paraît impossible de voter les crédits qui nous sont proposés. Il est plus que jamais indispensable que la représentation nationale examine en profondeur l'usage des deniers publics par les opérateurs de l'audiovisuel public. La commission d'enquête demandée par l'UDR et défendue sur ses bancs par mon collègue Charles Alloncle répondra à ce besoin démocratique de transparence qui s'avère désormais urgent. Il est impératif de rendre l'audiovisuel public à tous les Français, y compris en envisageant sa privatisation.

M. le président Alexandre Portier. Nous sommes arrivés au terme des interventions des orateurs de groupe. Je vous propose de prendre deux questions complémentaires afin d'obtenir une réponse globale de Mme la ministre.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). En France, notre fierté est de ne pas faire de la culture une production comme une autre, régulée par la loi du marché, mais un bien commun. Nous disposons d'outils mutualistes et de régulation, comme le Centre national du cinéma et le Centre national de la musique, des taxes sur la billetterie et sur les plateformes pour financer la création, ainsi que des dispositifs pour protéger notre production. Le RN souhaite détruire ce modèle pour tout laisser aux appétits de Bolloré. Nous, Insoumis, voulons au contraire le renforcer et étendre la régulation sur les industries culturelles hyperconcentrées.

Et vous, où êtes-vous ? Comme pour les municipales, on ne comprend plus clairement où vous vous situez au sein du bloc central. Vous affirmiez hier devant le Sénat être opposée au plafonnement des ressources du CNC, or les députés de votre parti déposent des amendements pour sabrer les taxes affectées au CNC.

Vous laissez Bercy lui voler 50 millions d'euros, ponctions soi-disant ponctuelles, comme celles tout aussi ponctuelles de l'année dernière s'élevant à 450 millions. Tout cela pendant qu'un député macroniste, Cazeneuve, propose de réduire les crédits d'impôt au cinéma.

Quant au CNM, il réclame un déplafonnement de ses taxes et n'obtient qu'une légère hausse de son plafond, tandis que vous réduisez son budget de près de 7 millions. Quelles sont réellement vos intentions et quels amendements soutiendrez-vous concernant le CNM et le CNC ?

M. Steevy Gustave (EcoS). Depuis l'effondrement du groupe Hersant qui détenait l'essentiel des quotidiens sur les territoires ultramarins comme France-Antilles en Guadeloupe et en Martinique, La Dépêche de Tahiti ou encore Les Nouvelles Calédoniennes, les outre-mer voient leur presse locale disparaître, ce qui met en péril le pluralisme de l'information dans ces territoires. L'égalité d'accès de tous nos concitoyens à une information fiable et de qualité exige une mobilisation immédiate avec des réponses adaptées.

Face à cette urgence démocratique, que comptez-vous faire pour assurer la distribution et garantir la diversité de la presse ultramarine ? Comment répondez-vous aux enjeux spécifiques de cette presse, notamment l'accès aux matières premières, le surcoût de la production ou encore la distorsion de concurrence ?

Mme Rachida Dati, ministre. Cette gauche qui ne supporte pas ma position devient véritablement insupportable. Vous me demandez où je me situe, Madame Legrain ? Je suis à la bonne place. Je comprends que cela vous dérange, mais ces attaques incessantes de la gauche deviennent suspectes. Je vous ai toujours dérangée et je continuerai non seulement à vous déranger, mais à la place où je suis et où je serai, je vous dérangerai toujours. Je tenais à le préciser en propos introductif.

Pour répondre à M. le rapporteur Ballard sur l'intelligence artificielle, j'ai initié un cycle pour établir des accords entre les entreprises d'IA et les détenteurs de contenus culturels. Ces accords demeurent aujourd'hui très rares. J'ai souhaité lancer cette concertation précisément parce que nous nous positionnons résolument aux côtés des ayants droit. Sans transparence, ces derniers ne peuvent actuellement ni identifier leurs œuvres, ni percevoir une juste rémunération. Vous avez raison de souligner qu'il s'agit d'un problème majeur. Nous nous sommes battus pour l'application de l'IA Act, que certains souhaitent encore différer afin de continuer à spolier auteurs et créateurs. Cette concertation permettra d'assurer une rémunération équitable aux créateurs et auteurs. Je me suis positionnée à l'initiative de ce dialogue pour démontrer notre engagement dans la protection des auteurs et créateurs. Ce cycle de concertation devrait aboutir très rapidement.

Concernant le financement des médias par la publicité, vous avez raison de souligner qu'il est fragilisé par l'accaparement du marché publicitaire par les acteurs du numérique. L'étude publiée par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGmic) et l'Arcom montre qu'à l'horizon 2030, les médias qui investissent dans la création et l'information pourraient perdre 800 millions d'euros de recettes publicitaires. Face à ces conclusions, la DGmic a mené une consultation publique au printemps 2024, identifiant plusieurs pistes pour assurer la pérennité du financement des médias par la publicité.

D'abord, nous souhaitons imposer une obligation de transparence aux annonceurs sur la répartition de leurs investissements publicitaires. Cette mesure sera intégrée dans le texte issu des états généraux de l'information. Nous voulons également renforcer la concurrence sur le marché de la publicité afin de permettre aux médias de lutter contre la position abusive de certains géants du numérique, particulièrement Google. Nous agissons en ce sens au niveau européen, notamment sur la question de l'interopérabilité. Concernant la mission Soriano sur les aides à la presse, nous constatons depuis 25 ans une chute de 80 % des ventes au numéro. L'ensemble de la chaîne de valeur est concerné par cette problématique, qu'il s'agisse des éditeurs, des imprimeurs, des messageries ou des marchands. J'ai lancé la mission Soriano afin d'impulser une réorganisation industrielle et logistique de la filière de distribution. Cet enjeu concerne à la fois la préservation du modèle économique de la distribution et celle de notre presse imprimée, garantissant ainsi l'accès de tous à l'information sur l'ensemble de notre territoire.

La mutualisation accrue des moyens constitue une nécessité que les éditeurs de presse partagent dans leur grande majorité. Une proposition de contrat équilibrée, favorable à l'ensemble de la filière, a été élaborée à l'issue de cette concertation.

Conformément à mon engagement, l'État accompagne résolument la filière de la presse avec plusieurs dispositifs de soutien : une aide à la restructuration des imprimeries à hauteur de 5 millions d'euros par an pendant trois ans, un soutien à la mutualisation de l'outil industriel via une enveloppe de 10 millions d'euros sur le fonds stratégique pour le développement de la presse, ainsi qu'une revalorisation de l'aide à la distribution de la presse au numéro, portée à 22,5 millions d'euros en 2026 pour accompagner son élargissement, notamment aux magazines. Cette proposition a été transmise à l'ensemble des acteurs qui l'ont majoritairement accueillie favorablement, même si un ou deux expriment encore quelques réticences.

Concernant la presse écrite, je note les difficultés que vous avez soulevées. Le texte issu des états généraux de l'information nous permettra d'y répondre, notamment sur la présomption d'utilisation Ce point émergera également de la concertation que nous menons actuellement entre les acteurs de l'IA et les ayants droit.

S'agissant de l'impression numérique en outre-mer, l'État a financé deux installations : en 2021 en Guadeloupe, avec un soutien de 4,2 millions d'euros, et en Martinique, à hauteur de 4 millions d'euros. Cette installation vise à encourager l'impression locale de la presse quotidienne. Le bilan de ces mutualisations demeure toutefois mitigé, avec un impact très limité sur la diffusion, la presse quotidienne nationale touchant peu d'acheteurs sur place. Par ailleurs, malgré un coût d'acquisition raisonnable pour cette presse numérique, le coût des consommables reste très élevé.

Concernant les radios associatives, j'ai déjà apporté une réponse. Nous rencontrons les mêmes difficultés que l'année dernière et nous y répondrons dans le cadre du débat parlementaire.

Pour répondre au rapporteur Caron sur la baisse des crédits et l'indépendance de l'audiovisuel public, tous les groupes parlementaires ont voté un financement pérenne. Au 1er janvier 2025, la sanctuarisation de ce financement dédié à l'audiovisuel public devait normalement prendre fin. Grâce à la proposition de loi du sénateur Cédric Vial, soutenue par le gouvernement, nous avons pu affecter un montant de TVA à ce secteur. Cette solution garantit non seulement son indépendance mais va plus loin en assurant que le montant voté sera effectivement le montant versé, sans possibilité de régulation budgétaire ultérieure. Quant à l'indépendance, elle reste garantie par le mode de nomination des dirigeants par l'Arcom.

À la différence de la BBC qui privilégie la production interne, les programmes de France Télévisions sont majoritairement achetés à des producteurs extérieurs. Ce modèle permet à France Télévisions de contribuer à la vitalité d'un secteur générateur d'emplois et de recettes fiscales. L'entreprise en est le premier financeur, avec 36 %. Vous avez raison de souligner que cette situation exige une transparence accrue sur les achats de programmes et les producteurs privés.

Concernant l'uniformisation des programmes que vous mentionnez comme un problème d'indépendance de l'audiovisuel public, je rappelle que le ministère de la culture n'intervient pas dans la programmation, conformément au principe d'indépendance éditoriale.

Vous avez justement relevé que les rémunérations des journalistes qui travaillent pour des sociétés de production externes ne relèvent pas de France Télévisions. Il s'agit d'une question de modèle qui renforce la nécessité de transparence et d'exigence en matière d'impartialité. Un journaliste travaillant pour des sociétés de production reste soumis au principe d'impartialité lorsqu'il intervient pour l'audiovisuel public.

S'agissant du contrôle présumé insuffisant de France Télévisions sur les émissions d'actualité commandées à des sociétés extérieures, les magazines d'actualité sont supervisés par la direction des magazines. Les rédactions en chef des trois émissions que vous avez citées transmettent chaque matin à cette direction les thématiques qui seront abordées le soir même ainsi que la liste des invités prévus, liste que la direction des magazines peut modifier. Cette direction assure un suivi régulier de la parité des experts et du pluralisme des invités politiques, notamment grâce à des relevés hebdomadaires. La diversité des points de vue fait l'objet d'un suivi par les sociétés de production, sur la base d'un faisceau d'indices. Nous pourrions certainement débattre de la méthode ou envisager une révision des outils de mesure dans le cadre de la réforme du service public.

Concernant la maîtrise de l'antenne, les émissions étant diffusées en direct, sans décalage temporel, un représentant de la direction des magazines assiste systématiquement à la réalisation depuis la régie et peut communiquer avec le journaliste animateur pour recadrer les propos d'un invité qui dépasseraient les limites autorisées.

Quant à l'utilisation des fonds, vous avez mentionné les montants octroyés aux maisons de production extérieures. Les dépenses effectuées auprès des producteurs sont communiquées au conseil d'administration. En 2023, le programme national a été approvisionné à hauteur de 943 millions d'euros, dont 856 millions d'euros ont été consacrés à des producteurs et distributeurs extérieurs. Ces 856 millions d'euros ont été répartis entre 872 contractants différents, comprenant 635 producteurs et 237 distributeurs. Les trois principaux producteurs représentent 30 % des commandes, tandis que la production interne de France Télévisions ne représente que 10 % du total.

Concernant la production interne, en 2024, le chiffre d'affaires de France Télévisions Studio a atteint 114 millions d'euros et le nombre d'heures de programmes livrées par cette filiale a été multiplié par quatre entre 2018 et 2024. C'est désormais le deuxième fournisseur de programmes derrière les groupes privés que vous avez mentionnés. Il réalise 93 millions d'euros de chiffre d'affaires avec sa maison mère.

Sur le développement des recettes publicitaires de France Télévisions et de Radio France, face à l'effort budgétaire demandé, ces entreprises doivent développer autant que possible leurs ressources propres. Il n'est cependant pas question, à ce stade, de modifier les règles encadrant la diffusion de publicité linéaire sur les antennes de l'audiovisuel public, compte tenu de la grande fragilité de ce marché.

France Ô a été arrêtée en 2020. Un pacte a été conclu entre le gouvernement et France Télévisions afin de garantir la visibilité des programmes consacrés aux outre-mer sur les antennes du groupe. Ce pacte s'est traduit par une présence accrue des outre-mer dans l'offre généraliste du groupe, mais aussi par l'ouverture d'espaces dédiés à la programmation ultramarine. Je reconnais que ce sujet revient fréquemment. Lors d'une précédente audition, j'avais indiqué qu'il n'était pas envisagé de revenir sur cette décision. Cependant, un débat pourra avoir lieu dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public.

Nous avons obtenu le relèvement des plafonds des taxes affectées au CNM, avec plus de 8 millions d'euros qui compensent partiellement la baisse de la subvention. Dans ce contexte exigeant de maîtrise budgétaire, notre priorité demeure claire : consolider le CNM. Sa suppression a été évoquée, mais je ne le souhaite pas. Il est impératif de consolider non seulement son existence mais également son modèle de financement, aujourd'hui fondé sur des ressources dynamiques et équitables.

Sur la chronologie des médias, j'adhère pleinement aux propos du rapporteur Ballard. Il s'agit d'un pilier de notre exception culturelle qu'il convient de préserver. Si des évolutions doivent intervenir, les contributions devront suivre. L'enjeu fondamental est que les contributions demeurent équitables et proportionnées aux avantages accordés aux plateformes.

La subvention versée au CNL passe de 26,2 millions à 22,4 millions d'euros. Cette réduction ne compromettra pas notre ambition de favoriser l'accès à la culture et de réduire les inégalités, notamment à travers tous les dispositifs de démocratisation culturelle. Pour l'action du CNL en faveur des acteurs du livre, l'organisme pourra mobiliser sa trésorerie de 18 millions d'euros.

Il est absolument hors de question de remettre en cause l'existence du CNC. Il ne coûte pas un euro au budget de l'État et j'entends limiter la ponction sur sa trésorerie à 50 millions d'euros. Pour répondre à Mme Legrain, il n'existe pas de plafond sur le CNC. Le cas du CNM est différent.

Sur les états généraux de l'information, le texte reprendra les conclusions qui nous ont été proposées à leur issue, avec un point particulièrement important concernant le secret des sources. Je me réjouis de porter cette réforme et cette protection du secret des sources. Je l'avais déjà portée comme garde des sceaux en 2008, et je suis heureuse de la défendre aujourd'hui en tant que ministre de la culture. Ce texte majeur, qui abordera également les questions de concentration, de pluralisme et d'indépendance soulevées par Mme Legrain, sera présenté très prochainement au Conseil des ministres.

Sur la concentration des médias et des groupes de presse, la France demeure le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de publications. De nouveaux mouvements de concentration ont lieu en France, il ne faut assurément pas le nier. C'est précisément tout l'enjeu du maintien du pluralisme. Cette question sera traitée dans le texte issu des états généraux de l'information.

M. le président Alexandre Portier. Merci Madame la ministre pour vos réponses très complètes.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 19 novembre 2025