L’idée d’un Grand Paris n'est pas nouvelle. Au XIXe siècle, Napoléon III a voulu agrandir la capitale en annexant ses communes voisines, comme Auteuil, Passy et les Batignolles. Il a confié au baron Haussmann la transformation de Paris pour en faire une grande métropole moderne capable de rivaliser avec Londres. Aujourd'hui, les enjeux sont identiques : comment transformer Paris et sa région pour en faire une métropole mondiale à l’échelle de mégapoles comme Tokyo ou de New-York ?
L’élaboration du Grand Paris a été initiée par Christian Blanc, nommé secrétaire d’État au développement de la région capitale en 2008. Plusieurs lois ont été nécessaires pour dessiner les contours du futur Grand Paris. Après des années de concertation entre l’État, la région Île-de-France, les collectivités locales et les citoyens, la Métropole du Grand Paris (MGP) est officiellement née le 1er janvier 2016.
Une intercommunalité de grande ampleur
Une métropole à statut particulier
La Métropole du Grand Paris rassemble aujourd’hui :
- les 123 communes des départements de la Petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ;
- les 7 communes de la Grande couronne (Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Morangis, Paray-Vieille-Poste, Savigny-sur-Orge et Viry-Châtillon dans l’Essonne et Argenteuil dans le Val-d’Oise) ;
- la Ville de Paris.
En tout, le Grand Paris compte un peu plus de 7 millions d’habitants (11% de la population nationale), ce qui en fait la plus importante métropole française. Celle-ci est organisée en 12 territoires d’au moins 300 000 habitants et étendue sur 814km², soit huit fois la superficie de la Ville de Paris.
La Métropole du Grand Paris n’est pas qu’une réorganisation territoriale, c’est aussi une nouvelle instance administrative et politique. Elle prend la forme d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à statut particulier et fiscalité propre.
La MGP est gouvernée par un Conseil métropolitain de 208 élus avec au moins un représentant pour chaque commune des 131 communes présentes. Depuis l'application de la loi de modernisation publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi Maptam) du 27 janvier 2014, les membres du Conseil sont élus au suffrage universel direct. Ce sont eux qui élisent le président.
Hormis Paris qui conserve un statut particulier, 11 des 12 territoires de la Métropole du Grand Paris ont un statut d’établissements publics territoriaux (EPT) et se substituent aux anciennes intercommunalités existantes (communautés d’agglomération et de communes). Chaque EPT est administré par un conseil du territoire composé des délégués des communes incluses dans le périmètre du territoire. Pour la représentation parisienne, la commune et le département fusionnent en une seule entité : la Ville de Paris.
La loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) du 7 août 2015 définit les compétences attribuées à la Métropole du Grand Paris. La MGP élabore les politiques publiques en matière :
- d'aménagement de l'espace métropolitain ;
- de politique locale de l’habitat ;
- de développement et aménagement économique, social et culturel ;
- de protection et mise en valeur de l’environnement et politique du cadre de vie.
Le bureau métropolitain, présidé par le président de la MGP et composé de 20 vice-présidents et de 23 conseillers, fixe la stratégie et détermine les grandes orientations de la Métropole. Il examine l'ordre du jour et les projets de délibérations devant être soumis au vote du Conseil métropolitain.
Un équilibre financier difficile à trouver
Sur le plan financier, la Métropole du Grand Paris doit respecter un principe de neutralité financière, c’est-à-dire que la construction de la métropole et de ses territoires ne doit pas avoir d’impact négatif sur le budget des communes et des anciennes intercommunalités. Dans les faits, ce principe est difficile à appliquer.
La Métropole du Grand Paris est financée par deux sources :
- les impôts sur les entreprises perçus par les communes et transférés en partie à la MGP, conformément à la loi NOTRe : jusqu’ à la fin de 2024 principalement une fraction de TVA qui s’est substituée depuis 2023 au produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et également, à partir de 2025, la moitié de la croissance de la cotisation foncière des entreprises (CFE). La Métropole a aussi mis en place, depuis 2018, la taxe Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI).
- les dotations de l’État (dotation globale de fonctionnement) qui s'élèvent à 1,2 milliards d'euros en 2024. Elles se composent de deux dotations : la dotation d'intercommunalité aux EPCI et la dotation de compensation de la suppression de la part des salaires de l'ancienne taxe professionnelle. Ces dotations sont perçues à la fois par les communes et la Métropole du Grand Paris.
Les établissements publics territoriaux (EPT) ne reçoivent pas de dotation de l’État, mais ils bénéficient d’un Fonds de compensation des charges territoriales de la part des communes qui correspond au coût de leurs compétences transférées aux territoires.
Un projet de développement régional
L’objectif du Grand Paris est de mettre en commun toutes les ressources de ses territoires pour répondre aux enjeux majeurs : la modernisation et le développement du réseau de transport, la construction de nouveaux logements, le développement de l’activité économique et la transition énergétique à travers le plan climat air énergie métropolitain (PCAIM).
Les transports
Dès les premières réflexions sur le Grand Paris, le transport est apparu comme un levier majeur dans la construction d’une nouvelle métropole. Chaque jour, 8,5 millions de voyageurs empruntent les transports en commun en Île-de-France. Certaines lignes, comme la 13 et les RER A et B, sont arrivées à saturation et les déplacements des Franciliens sont devenus de plus en plus longs. Les habitants d’Île-de-France passent en moyenne 1 heure et 20 minutes dans les transports au quotidien.
Afin de répondre à la forte augmentation du trafic, le Grand Paris Express, un nouveau métro automatique, doit proposer quatre nouvelles lignes autour de Paris (lignes 15, 16, 17 et 18) ainsi que le prolongement de la ligne 14. L'objectif est de permettre aux Franciliens de se déplacer de banlieue à banlieue grâce au Grand Paris Express sans avoir à transiter par le centre de Paris. Ce développement des transports vise à favoriser une diminution des déplacements en voiture des Franciliens permettant ainsi de réduire la pollution et les embouteillages.
La Société du Grand Paris (SGP), établissement public créé par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, devenue Société des grands projets depuis la loi du 27 décembre 2023, est chargée de mener à bien la construction des 200 km de lignes et des 68 nouvelles gares du Grand Paris Express. Elle contribue par ailleurs à la modernisation des RER et participe à hauteur de 3,4 milliards d’euros au prolongement de la ligne 11 entre Mairie des Lilas et Rosny Bois-Perrier (les six nouvelles stations sont en service depuis juin 2024) et du RER E à l’ouest jusqu'à Mantes-la-Jolie (l'ouverture des trois premières gares jusqu'à Nanterre a eu lieu en mai 2024).
Depuis le début des travaux en 2015, le projet a rencontré une série de problèmes techniques et financiers qui ont engendré des retards sur certains tronçons.
Sur les cinq tronçons du GPE (lignes 14, 15, 16, 17 et 18), dont quatre devaient être initialement achevés en 2024 dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024, seul le prolongement de la ligne 14, qui permet de relier l’aéroport d’Orly à Saint-Denis Pleyel, a été opérationnel pour les JOP.
Les autres liaisons seront finalisés au-delà de 2024 :
- fin 2025 pour la ligne 15 entre Pont de Sèvres et Noisy-Champ et horizon 2031 pour les tronçons : Saint-Denis Pleyel - Champigny centre et Pont de Sèvres - Saint-Denis Pleyel ;
- fin 2026 pour la ligne 16 entre Saint-Denis-Pleyel et Clichy-Montfermeil et fin 2028 pour la section Clichy-Montfermeil - Noisy-Champs ;
- fin 2026 pour la ligne 17 entre Saint-Denis Pleyel et Le Bourget aéroport, fin 2028 pour la liaison Bourget aéroport - Parc des expositions et fin 2030 pour la liaison Parc des expositions - Le Mesnil-Amelot.
La mise en service de la ligne 18 qui doit desservir le pôle Ouest du Grand Paris (de Massy Palaiseau à Versailles-Chantiers en passant pas l'aéroport d'Orly) doit s’échelonner entre fin 2026 et 2030.
Au-delà des décalages de calendrier causés en partie par la crise sanitaire, certains retards sont liés à la complexité de cet immense chantier qui aurait été sous-estimée, notamment sur les besoins en main d’œuvre. La Cour des Comptes avait réévalué à 34,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2017 le coût de financement du projet du Grand Paris Express (GPE) contre 22,6 milliards d'euros en mars 2013. En octobre 2020, un rapport du Sénat faisait état d'une augmentation supplémentaire des coûts de construction.
En 2024, un nouveau rapport de la Cour des comptes portant sur le contrôle des comptes et la gestion de la Société du Grand Paris fait un point d'étape sur les chantiers engagés et ceux dont le calendrier a été revu. Pour les projets de ligne dont la mise en service a été retardée, si des travaux sont d'ores et déjà engagés, ils feront l'objet d'un nouvel ajustement de calendrier, notamment pour les tronçons Est et Ouest de la ligne 15.
Le rapport pointe des risques opérationnels et financiers liés à la complexité des interfaces entre les différentes structures publiques : la SGP, maître d'ouvrage, la RATP et Île-de-France Mobilités (IDFM), respectivement futur gestionnaire de l’infrastructure et autorité organisatrice.
Si la Cour des comptes reconnait une stabilisation de la trajectoire financière après une "forte dérive des dépenses" (le coût final estimé en 2023 est d’environ 40 milliards d’euros) et un progrès dans la gouvernance de la SGP grâce à un renforcement significatif des effectifs, elle signale la vulnérabilité d'un modèle financier soumis aux évolutions des recettes de fiscalité dont elle n'a pas la maîtrise. La Cour recommande de sécuriser le modèle économique du Grand Paris Express en maintenant un niveau de recettes fiscales et de péages compatible avec l’objectif d’un remboursement des coûts de réalisation du projet et des dépenses totales de la SGP 40 ans après la livraison du dernier tronçon.
Des logements pour une ville durable
La création du Grand Paris Express a pour objectif de désenclaver certains territoires mal desservis et d’accroître ainsi l’offre de logements en Île-de-France. La pénurie de logements en France métropolitaine est un sujet de société majeur. À Paris, la rareté de l’offre a engendré une hausse des prix de l’immobilier sans précédent qui empêche de nombreux ménages de pouvoir se loger.
Pour sortir de cette crise, le Grand Paris doit rattraper son retard dans la construction de logements neufs et proposer aux Franciliens des habitations à des prix accessibles. La loi de 2010 relative au Grand Paris prévoyait la construction de 70 000 logements chaque année sur une période de 25 ans, dont 30% de logements sociaux. Depuis, le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement 2024-2030, qui s’inscrit dans les orientations du schéma directeur de la région Île-de-France et de la loi du Grand Paris, a revu ces objectifs et les a centrés sur la part de logements dits "abordables". Ces logements neufs doivent se concentrer aux abords des futures gares du Grand Paris Express, dans le but de désengorger la Ville de Paris. De nombreux quartiers devraient voir le jour le long de ce réseau de transport, mêlant logements, commerces, bureaux, pôles universitaires et équipements culturels.
Ces nouvelles constructions devront s’inscrire dans un nouveau modèle de ville durable. Afin de voir émerger des projets innovants d’aménagement urbain, l’État et la métropole du Grand Paris ont lancé en 2016 "Inventons la métropole du Grand Paris", un concours d’aménagement, d’urbanisme et d’architecture. Deux autres éditions du concours ont été organisées en 2018 et 2021. Les lauréats composés d’architectes, de promoteurs et d’investisseurs ont été sélectionnés pour réaménager 104 sites de la Métropole du Grand Paris (MGP). Au cœur de ces projets, des innovations pour soutenir l’agriculture urbaine ou encore réaliser des bâtiments aux services mutualisés (autopartage, conciergerie, etc.).
Emploi et développement économique
Premier pôle d’emploi en Europe et première destination touristique mondiale, le Grand Paris est un moteur important de l’économie nationale. Les 7 millions d’habitants vivant dans la métropole produisent 75% du PIB régional et 25% du PIB national. Avec la création du Grand Paris Express, la métropole est susceptible de générer de plus fortes retombées économiques.
À court terme, le Grand Paris Express devrait créer près de 15 000 emplois directs par an pour la réalisation des travaux de génie civil.
À long terme, la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Île-de-France estime que le Grand Paris apportera une richesse supplémentaire de 140 milliards d’euros au PIB français et plus de 60 milliards d’euros de recettes publiques par an à l’horizon 2030.
Une fois les travaux du Grand Paris Express terminés, 90% des Franciliens habiteront à moins de 2 km d’une gare selon la Société du Grand Paris. Ces déplacements facilités et plus rapides offriront aux Franciliens un meilleur accès aux zones d’emplois.
Mais le développement économique du Grand Paris reposera surtout sur ses grands pôles d’activité comme La Défense (pôle de la finance), la Plaine Commune (pôle de la culture et de la création), Roissy-Charles De Gaulle (pôle des échanges internationaux), Le Bourget (pôle de l’aéronautique), ou encore le plateau de Saclay (nouveau pôle d’innovation scientifique et technologique). Ces pôles doivent participer à l’attractivité et la compétitivité de la Métropole du Grand Paris à l’échelle mondiale.
En attendant les effets du Grand Paris sur la croissance économique, les entreprises de Paris et des Hauts-de-Seine mais aussi les touristes visitant l’Île-de-France ont été, à travers des hausses de taxes (taxe sur les bureaux et taxe additionnelle à la taxe de séjour), mis à contribution pour financer les surcoûts du Grand Paris Express et apporter des ressources supplémentaires à la SGP pour lui permettre de mener à bien ce chantier urbain de grande ampleur.
Rééquilibrage territorial
La Métropole du Grand Paris prend également en charge des zones d’aménagement concerté (ZAC) et des opérations d'aménagement d'intérêt métropolitain (OIM) dans la demi-couronne située à l'est de la région parisienne (de Saint-Ouen à Orly). Ce soutien vise à corriger le déséquilibre territorial en termes d'attractivité économique entre l'ouest et l'est de la région parisienne. Parmi les projets soutenus par la MGP on peut noter :
- la création de pôles économiques comme la ZAC des Docs à Saint-Ouen ou la Plaine Saulnier à Saint-Denis ;
- le financement de projets structurants (pont, gare, axe de franchissement, équipements culturels, complexes sportifs) dans les communes de l'est francilien.
Un rapport d'information du Sénat de mars 2021 considérait cependant que la création de la MGP n'avait pas, à ce jour – malgré le lancement du Grand Paris Express et les projets d'urbanisme – inversé la tendance d'une "ségrégation territoriale".
Dans un rapport de mars 2024, la Chambre régionale des comptes d’Île-de -France estime également que l’ambition de rééquilibrage territorial est menacée car la MGP n’exerce que faiblement sa compétence en matière d’aménagement, ne se déclarant maître d’ouvrage que pour six OIM. Le Grand Paris compte pourtant environ 1000 projets d’aménagement programmés d’ici à 2030.
La Chambre constate que les communes et les départements conservent la maîtrise des projets les plus structurants, tandis que la MGP subventionne des projets dispersés qui ne présentent pas d’intérêt à l’échelle de la métropole. Le nombre d’opérations qui s’inscrivent dans le cadre d’une véritable stratégie territoriale susceptible de contribuer au rééquilibrage du territoire métropolitain et in fine à la réduction des inégalités entre les territoires est minime.
Un rapport de mai 2024 du député Eric Woerth au président de la République consacré à la décentralisation partage également cette analyse.
Le rapport estime que la MGP n’est pas parvenue à atteindre l’objectif initial de penser le développement du Grand Paris dans une perspective globale afin de parvenir à un rééquilibrage entre l’ouest et l’est du territoire métropolitain. Il constate notamment que, depuis sa création en 2016, les compétences exercées par la MGP, ainsi que son budget propre, restent limitées.
Une solution pour remédier à cette situation serait de renforcer les compétences de la MGP, mais cette option suppose de conserver cinq strates administratives sur le territoire de la métropole sans l’assurance de donner, en raison de la dilution des responsabilités, plus de poids à l’échelon métropolitain. Le rapport préconise plutôt la suppression de la Métropole du Grand Paris et la transformation des établissements publics territoriaux (EPT) qui la composent en EPCI à fiscalité propre. Selon le rapport, les enjeux métropolitains s’inscrivent dans des limites territoriales bien plus larges que celles de l’actuelle Métropole. Il propose ainsi, une fois la strate administrative de la MGP supprimée, de confier le portage du projet métropolitain du Grand Paris au conseil régional d’Île-de-France, qui dispose de la compétence économique et est chef de file en matière de mobilités. Dans le cadre d’une réforme de la décentralisation, il suggère de faire à terme de la région Île-de-France une "région-métropole".