Dans un rapport d'enquête publié le 24 février 2022, la Cour des comptes évalue l'efficacité du dispositif chèque énergie et sa capacité à répondre aux objectifs de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) en matière de lutte contre la précarité énergétique.
Lancé en 2018 pour remplacer les tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, le chèque énergie a pour but d'aider les ménages modestes à payer leurs factures d'énergie ou à financer des travaux de rénovation énergétique. En 2021, il a été attribué à 5,8 millions de ménages.
Une perte de cohérence par rapport aux objectifs climatiques
Le chèque énergie est une aide, d'un montant moyen de 150 euros, attribuée sous conditions de ressources et selon la composition du ménage, sur la base des informations transmises à l’administration fiscale.
Selon le rapport, le choix de ce critère "relativement simple", fondé sur le revenu des ménages, conduit à un ciblage imprécis des bénéficiaires. En retenant le taux d'effort énergétique, c'est-à-dire la part des revenus consacrés aux dépenses d'énergie, il apparait que 25% des ménages qui sont en situation de précarité énergétique ne reçoivent pas le chèque énergie, tandis que 51% de ceux qui le reçoivent ne sont pas en situation de précarité (soit 3 millions de ménages).
La Cour des comptes estime que le chèque énergie relève plus d'un soutien au pouvoir d’achat des ménages que d'une aide ciblée sur les dépenses énergétiques. Cette tendance a été renforcée par la décision du gouvernement, en septembre 2021, d'attribuer un chèque supplémentaire de 100 euros aux 5,8 millions de ménages déjà bénéficiaires pour faire face à la hausse des prix de l'énergie.
La Cour juge, par ailleurs, le montant du chèque énergie trop faible pour lutter efficacement contre la précarité énergétique. Son montant limité explique également qu'il soit très peu utilisé pour financer des travaux de rénovation (moins de 900 bénéficiaires par campagne).
Autre point relevé dans le rapport, le fait que le chèque énergie puisse financer tout type d'énergie aboutit à subventionner pareillement l'usage d'énergies carbonées et décarbonées, ce qui va "à l'encontre des objectifs climatiques de la France".
Une clarification des objectifs est nécessaire
Face à ces constats, la Cour des comptes suggère d'engager une réflexion "sur la nature réelle du chèque énergie" pour renforcer la cohérence du dispositif. Elle avance trois scénarios distincts possibles :
- prendre acte de sa dimension essentiellement sociale et rendre cette aide libre d'emploi par les ménages. Cela impliquerait de rattacher ce dispositif au ministère des solidarités et de la santé et non plus au ministère de la transition écologique ;
- recentrer le dispositif actuel sur les objectifs climatiques de la France, en permettant l'utilisation du chèque sur les énergies les moins carbonées ;
- recentrer le chèque énergie sur son objectif initial de lutte contre la précarité énergétique, en ciblant les seuls ménages en situation de précarité. L'aide pourrait ainsi être augmentée et avoir plus d'impact sur la réduction de la précarité.