Le Haut-Commissariat au Plan publie, le 12 octobre 2023, une note "La grande transformation du travail : crise de la reconnaissance et du sens du travail". Elle est une réponse au débat sur la valeur travail et à la mise en cause de la place du travail dans la vie de chacun.
L'évolution des relations au travail
La note analyse l'évolution de la relation au travail depuis 30 ans.
Premier constat : le travail apparaît moins rémunérateur. La part des revenus du travail dans le revenu total des ménages apparaît stable. En revanche, les actifs immobiliers et mobiliers ont progressé à un rythme beaucoup plus soutenu. Cette hausse a rendu plus difficile la constitution d'un patrimoine grâce aux revenus du travail (il est par exemple plus difficile de se loger). En conséquence, la part de l'héritage dans le patrimoine a atteint 60% en 2021 (contre 35% en 1970). Par ailleurs, si les inégalités de revenus du travail n'ont pas progressé depuis 1995, les revenus des plus favorisés (1% de la population) ont, eux, fortement augmenté.
Il est plus difficile d'accéder à un emploi stable. Le marché du travail semble se figer entre ceux qui bénéficient de statuts stables et rémunérateurs et ceux qui n'occupent que des emplois précaires et peu rémunérés. Le recours croissant à la sous-traitance est un facteur de fragilité, les conditions de travail en sous-traitance étant plus difficiles que la moyenne.
S'agissant des conditions de travail, la note met en évidence une pression à l'accélération du travail. Entre 1984 et 2016, la part des salariés dont le rythme de travail est imposé par des normes ou délais d'une heure au plus est passée de 5 à 29%. La réduction du temps de travail au niveau national (35 heures) s'est, en outre, accompagnée d'un contrôle accru mais aussi de la progression des horaires atypiques (travail du dimanche, horaires de nuit).
Les salariés sont plus nombreux à ressentir leur charge de travail comme excessive. À cela deux facteurs explicatifs :
- les salariés constatent une baisse de leur part d'autonomie. 42% d'entre eux déclarent un travail répétitif ;
- les modes de management sont jugés trop verticaux et 44% des salariés estiment que leur travail n'est pas reconnu à sa juste valeur.
Pourquoi ces évolutions ?
La situation du travail en France subit les mêmes évolutions que les économies mondialisées. En France, le poids du secteur tertiaire induit des risques plus prononcés pour les conditions de travail (les tâches tertiaires étant moins mesurables que les tâches industrielles, elles sont soumises à un contrôle plus grand, source de stress).
En outre, la métropolisation du territoire (46% des emplois sont localisés dans les aires urbaines de plus de 500 000 habitants) fait monter le prix de l'immobilier dans les grandes villes et conduit les actifs à s'en éloigner. L'augmentation de la durée quotidienne des trajets domicile-travail est une nouvelle source de stress. Le temps de trajet joue aussi un rôle direct dans la charge de travail ressentie.
Pour le Haut-Commissariat, le travail reste le socle du modèle social et économique français malgré ces évolutions négatives. Sur le plan individuel aussi, il demeure, pour une majorité, un élément structurant et une source de satisfaction.
La numérisation va provoquer de nouvelles évolutions avec des conséquences majeures. Le travail n'est pas voué à disparaître mais il y a un risque accru de polarisation entre les tâches très qualifiées et les tâches peu qualifiées (fonctions de conception et fonctions manuelles), les tâches nécessitant un niveau moyen de qualification disparaissant peu à peu.