En 2021, le programme société numérique de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a lancé une consultation pour la production d’une série d’études sur l’état de l’art de la société numérique française. Dans ce cadre, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) a réalisée une étude, publiée en novembre 2025, sur la nature des freins psychosociaux à l'appropriation des technologies numériques. Cette étude s'appuie sur une enquête menée en juillet 2024 auprès de 3 858 majeurs vivant dans l'Hexagone. Parmi les participants à l’enquête :
- 66% jugent que le numérique facilite leur vie quotidienne, et 12% qu’il la complique ;
- 24% sont éloignés du numérique (non-internautes et internautes estimant ne pas maîtriser suffisamment les outils numériques pour pouvoir les utiliser pleinement). 40% d’entre eux trouvent que le numérique facilite leur quotidien. Cette part atteint 48% chez les 70 ans et plus et 61% pour les bas revenus ;
- 27% redoutent de voir leurs données utilisées de façon inappropriée ou sans leur autorisation, 20% de faire l’objet d’une arnaque ou de harcèlement et 9% de commettre une erreur ; 9% n’ont pas confiance dans leurs compétences numériques.
Trois types de freins psychosociaux
72% des répondants font état de freins psychosociaux qui entravent l’appropriation des normes sociales d’usage du numérique. Il peut s’agir de freins :
- de protection. Ils touchent 47% des adultes. Ils ressentent le besoin de se protéger de risques tangibles (cybercriminalité, vol de données…) par des stratégies d’évitement (ne pas acheter en ligne…) ;
- socioculturels (40%), fondés sur le sentiment d’être sous-équipé, de ne pas maîtriser suffisamment les outils, et sur la peur de se tromper. Ils concernent 42% des 18-24 ans, 35% des 70 ans et plus et 32% des personnes ayant de faibles revenus ;
- à l’adhésion (20%), induisant une prise de distance volontaire, par rejet ou désintérêt, vis-à-vis du numérique. Ils affectent 28% des 18-24 ans et des 70 ans et plus.
Quelle appropriation des technologies numériques ?
Cette appropriation dépend :
- des usages prescrits par les concepteurs. La prédominance d’un profil type d’usager à l’aise à l’écrit et habile avec les technologies favorise les attentes d’un public mobile et connecté ;
- des normes sociales (par exemple, le rôle central de la famille et la distance vis-à-vis de l’écrit dans les milieux modestes) ;
- de l’estime de soi. Le non-usage permet parfois de se protéger d’éventuels échecs et humiliations ;
- des effets de saturation numérique. Des déconnexions volontaires visent à se préserver d’un excès de sollicitations.
L’étude distingue quatre postures psychosociales à l’égard du numérique :
- les réfractaires (7% de la population, dont 52% de 70 ans ou plus et 37% de ruraux). Ils se tiennent à distance du numérique, en cohérence avec leur mode de vie ;
- les technophiles (37%, dont 63% de 25-59 ans), socialement proches des concepteurs (43% sont diplômés de l’enseignement supérieur). Leur connexion est intense et fluide ;
- les empêchés (18%, dont 39% de 18-39 ans et 32% de bas revenus). Adeptes du numérique, ils ont cependant l’impression de manquer de compétences ou d’équipements adéquats ;
- les inquiets (37%, dont 55% de femmes et 41% de 40-59 ans), qui doutent de leurs aptitudes et se bornent à un usage utilitaire du numérique.