L'avis adopté le 20 novembre 2025 par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) constate que la France, 2e exportateur d'armes au monde, est l'un des pays qui est le plus scrupuleux sur l'application du Traité sur le commerce des armes (TCA) du 2 avril 2013. Toutefois, une certaine opacité structurelle du secteur de l'armement demeure. Or, le TCA interdit certains transferts d'armes classiques, de munitions ainsi que de pièces et composants, lorsque ceux-ci peuvent avoir pour conséquence de violer des sanctions ou autres mesures coercitives imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou le non-respect par un État de ses obligations internationales. Il implique aussi de ne pas transférer d'armes ou de munitions qui pourraient servir à commettre des crimes internationaux (génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre).
La CNCDH propose de mettre en place un véritable contrôle mais aussi de renforcer la responsabilisation des entreprises du secteur en matière de droits humains. Elle formule une série de recommandations à l'intention du gouvernement, des parlementaires, des juges et des entreprises.
Mieux encadrer les transferts d'armes
Le droit français soumet les activités du secteur de la défense à l’autorisation et au contrôle de l’État :
- d’une part, leur fabrication ou leur commerce mais aussi les activités d’intermédiation et, depuis 2018, leur utilisation et exploitation dans le cadre de la fourniture de services ;
- d’autre part, le déplacement d’armes à destination ou en provenance du territoire national.
La CNCDH estime que le cadre juridique français fixe des exigences relativement élevées. Ce cadre repose sur un principe de prohibition et/ou d’autorisation préalable et encadre une liste de matériels relativement complète. Toutefois, des lacunes demeurent. Par exemple, la France n’a pas intégré formellement dans son droit national les critères fixés par le TCA et la position commune 2008/944/PESC de l’Union européenne (UE) régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. Des progrès restent notamment à produire concernant le contrôle a posteriori des armes vendues. La Cour recommande à la France :
- d’augmenter le nombre de contrôles sur pièces et sur place, et d’adopter des sanctions dissuasives en cas de manquement à la règlementation ;
- de préciser dans quelles circonstances et à quelles conditions les activités des transporteurs et des acteurs financiers nécessaires à la réalisation de ces transferts nécessitent une autorisation ;
- de réévaluer les critères encadrant les transferts d’armes.
Responsabiliser les entreprises du secteur pour prévenir la violation des droits humains
Les entreprises ne sont pas directement soumises au TCA ni à la position commune 2008/944/PESC, qui n’imposent des obligations respectivement qu’aux États parties et aux États membres de l’UE. Il revient donc aux États de contrôler l’application de ces règles par les entreprises relevant de leur juridiction. Les entreprises sont pourtant des actrices clés du transfert d’armes. La CNCDH recommande aux entreprises du secteur de l’armement de mieux rendre compte des impacts négatifs (potentiels et réels) de leurs activités sur les droits humains et le droit international.
En outre, une analyse plus fine doit être réalisée par les États pour permettre la mise en œuvre de mesures d’atténuation des risques et de prévention des violations des droits humains. La CNCDH reconnaît que la création, par la loi de programmation militaire pour les années 2024-2030, d’une commission parlementaire spécifiquement dédiée à l’évaluation de la politique du gouvernement d’exportation de matériels de guerre et de matériels assimilés est une avancée significative. Mais, à ce jour, la CNCDH constate, entre autres, qu’aucun des documents publiés par l’administration à l’intention des entreprises du secteur ne rappelle les responsabilités propres qui leur incombent en matière de droits humains et de droit international humanitaire.