Un bien à double usage est un bien matériel ou immatériel (équipement, logiciel, technologie…), considéré comme suffisamment sensible, en raison de caractéristiques intrinsèques, pour justifier un contrôle de l'État avant son exportation. Ce contrôle permet d'éviter une utilisation illégitime pouvant contribuer à la prolifération d'armes de destruction massive.
Le règlement (UE) 2021/821 du 20 mai 2021 donne une définition des biens à double usage ainsi qu'une liste de ces biens, dont l'exportation est systématiquement soumise à contrôle. Commune à tous les États membres de l'Union européenne (UE), cette liste peut être complétée par des listes nationales (par exemple, hélicoptères et leurs pièces principales pour la France).
Afin d'apporter une vision d'ensemble de son action, le gouvernement vient de remettre au Parlement, le 6 octobre 2025, le rapport 2025 sur les exportations de biens à double usage de la France.
Un nombre d'autorisations en baisse pour une valeur cumulée en hausse
En 2024, 3 407 autorisations d'exportations de biens à double usage ont été délivrées par le Service des biens à double usage (SBDU), pour 128 refus. Le nombre d'autorisations est en baisse en 2024 par rapport à 2023 (-5,1%, contre -1,8% en 2023 par rapport à 2022). Les autorisations d'exportations prennent la forme de licences :
- licences individuelles (un destinataire avec des limites de quantités et de montants) ;
- licences globales (plusieurs destinataires, sans limite de quantité ni de montant) ;
- licences générales (nationale ou de l'Union) pour les exportations comprises dans le champ d'application (biens et destinations spécifiés).
Les licences individuelles représentent à elles seules 3 181 autorisations, pour une valeur cumulée de 15,7 milliards d'euros (Md€), soit une hausse de 41% par rapport à 2023. Cette augmentation est essentiellement due à deux domaines :
- nucléaire (+3,9 Md€) ;
- aéronautique et spatial (+1,1 Md€).
Les ventes d'avions, d'hélicoptères, de drones et de véhicules spatiaux sont en progression de 2,9% en 2024 par rapport à 2023, soutenues principalement par les exportations d'avions (+48%) et de moteurs (+34%).
En 2024, le délai moyen de délivrance des licences individuelles est de 30 jours, contre 32 jours en 2023.
Une instruction plus complexe du fait d'un contexte géopolitique dégradé
La poursuite de la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine en février 2022 et la montée des tensions géopolitiques ont affecté les régimes multilatéraux de contrôle, sur lesquels repose le système de contrôle européen.
L'UE a instauré un régime d'interdiction d'exportation des biens à double usage vers la Russie, hormis quelques exceptions très limitées. Une attention particulière est portée à la lutte contre le contournement des sanctions consistant à réexporter des biens de l'UE vers la Russie via des pays tiers.
L'identification de nouveaux risques, liés à l'émergence de nouvelles technologies duales, nécessite l'adaptation des listes de contrôle. Dans ce contexte, certains États membres de l'UE, dont la France, ont établi de nouveaux contrôles à l'exportation d'initiative nationale. Ces initiatives ont permis d'initier la mise en œuvre de nouvelles dispositions du règlement européen sur les biens à double usage.
Dans un contexte de montée des tensions commerciales en 2024, notamment entre la Chine et les États-Unis, l'UE tente de maintenir des conditions de concurrence équitable tout en renforçant sa sécurité économique. Les États-Unis ont élargi le champ des acteurs et des biens considérés comme duaux quand la transparence des agents économiques chinois a continué à se réduire.