L'action de groupe permet à des personnes victimes d'un même dommage de la part d'un professionnel ou d'une personne publique de se regrouper au sein d'associations pour saisir la justice. D'abord introduite par la loi dite "Hamon" de 2014 aux litiges de consommation, l'action de groupe a été élargie en 2016 aux litiges de santé, d’environnement, de protection des données personnelles et de discriminations au travail puis, en 2018, aux litiges en matière de location immobilière.
Une mission flash menée en 2020 par les députés à l'origine de la proposition de loi a dressé un bilan décevant des actions de groupe. Seules 32 actions ont été intentées depuis leur création en France et moins de 20% ont eu un résultat positif.
C'est pourquoi les deux députés veulent faciliter pour les relancer ces procédures groupées. Leur texte, qui a été amendé, créé un régime juridique unifié des actions de groupe contre aujourd'hui sept fondements législatifs, avec des procédures et des préjudices indemnisables qui varient (initialement, le texte proposait d'insérer ce régime dans le code civil).
Un régime unique pour les actions de groupe
L'action de groupe est définie de façon unique (fusion des différentes définitions actuelles) et son champ est élargi à presque toutes les matières : fonctionnement des services publics, climat, transports, fourniture d’énergie, défense des collectivités territoriales… La double finalité de l’action (en cessation du manquement ou pour réparer les préjudices) est généralisée. Actuellement, les actions de groupe "consommation" et "santé" ne prévoient pas d'action pour faire cesser le manquement. Concernant les manquements aux dispositions du code de la santé publique et du code du travail, le Sénat a conservé le champ d'application actuel des actions de groupe, les estimant satisfaisants. Par ailleurs, la définition de l'action de groupe a été précisée, en lien avec une mesure de transposition nécessaire en ce qui concerne les actions de groupe en cessation de manquement.
L’ensemble des préjudices (corporels, matériels ou moraux) serait désormais indemnisable.
Les sénateurs ont instauré l'obligation d'un agrément ouvrant la qualité pour agir alignée sur les conditions prévues dans le cadre d'une action de groupe transfrontières. Cet agrément serait délivré par une autorité administrative. Pourraient ainsi lancer des actions de groupe : toutes les associations agréées, les syndicats représentatifs. Le Sénat n'a pas retenu l'élargissement de la qualité pour agir aux associations déclarées depuis deux ans, aux associations ad hoc spécialement créées regroupant au moins 50 victimes ou au moins cinq entreprises ou cinq collectivités locales ou groupement de collectivités. Les sénateurs ont jugé ces dispositions incompatibles avec :
- une nécessaire sécurité juridique des opérateurs économiques dans leurs activités ;
- la conduite fructueuse d'actions de groupe par des acteurs ne présentant les garanties de sérieux et de transparence nécessaires.
En revanche, le Sénat a ouvert la qualité pour agir aux syndicats agricoles et de pêcheurs.
En matière d'action de groupe transfrontière, un amendement a transposé une directive du 25 novembre 2020 dite "Actions représentatives" sur les actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs pour que les entités habilitées dans d'autres pays européens puissent agir. Le Sénat a assuré par ailleurs la transposition de plusieurs dispositions de cette directive ayant trait à la transparence des personnes ayant qualité pour agir (but non lucratif, critère de solvabilité, mesures de publicité).
Le dispositif permettant un contrôle des conflits d’intérêts des associations ou autres entités exerçant une action de groupe (mécanisme d’auto-certification permettant l’introduction de l’instance) a été supprimé du texte par les sénateurs, du fait de l'instauration de la délivrance obligatoire d'un agrément par une autorité administrative, conforme aux exigences européennes. Ont été introduites des dispositions plus rigoureuses de sanction des conflits d'intérêts par le juge et l'autorité administrative.
Le texte initial prévoyait de plus de donner un rôle accru au ministère public dans la procédure et de supprimer la mise en demeure préalable. Les députés avaient rétabli la mise en demeure en cas de manquement au code du travail pour favoriser le dialogue entre l'employeur et les syndicats ou associations avant toute possible action judiciaire. Partageant l'interrogation formulée par le Conseil d'État dans un avis sur la proposition de loi, les sénateurs ont restauré cette procédure de mise en demeure préalable pour l'ensemble des actions de groupe en reprenant les dispositions déjà prévues par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Ils ont par ailleurs conservé la mise en demeure spécifique à l'action de groupe en matière de droit du travail.
Concernant la réparation des dommages, la procédure collective de liquidation des préjudices est étendue à toutes les actions de groupe. Dans ce cas, le juge habilite l'association ou le syndicat à négocier avec le professionnel ou la personne publique l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe. Les députés ont toutefois exclu de cette procédure la réparation des dommages corporels. Le Sénat a restauré des mesures prévues par le droit actuel visant à éviter tout comportement du défendeur ou du demandeur tendant à faire obstacle à la conclusion d'un accord.
Sur amendement, des spécificités ont été introduites pour les actions de groupe qui reposent sur des pratiques anticoncurrentielles. Les sénateurs ont rétabli la procédure d'action de groupe simplifiée, supprimée par le texte initial, en prenant appui sur les dispositions existantes de l'action de groupe "consommation".
Des tribunaux judiciaires spécialisés
Pour traiter les actions de groupe relevant du juge judiciaire, des tribunaux judiciaires spécialisés seraient désignés pour les actions engagées dans toutes les matières. L’objectif est de concentrer le contentieux sur un nombre limité de juridictions pour favoriser le développement d’une certaine expertise et donc un traitement judiciaire plus rapide de ces actions. Actuellement, les actions de groupe peuvent être traitées par tous les tribunaux judiciaires. Les sénateurs ont estimé essentiel de prévoir une spécialisation des magistrats judiciaires et fixé un nombre minimal de deux tribunaux judiciaires à spécialiser.
Pour lever les obstacles financiers aux actions de groupe (qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros), le coût de la procédure serait allégé avec la possibilité pour le juge de mettre à la charge de l’État une partie ou tous les frais engagés par les associations plaignantes. Il s'agit de la transposition d'une disposition de la directive "Actions représentatives" qui incite les États membres à prendre des mesures pour limiter les frais de justice des entités demanderesses.
Un registre public des actions de groupe en cours devant les juridictions, qui serait tenu par le ministère de la justice, est créé. Son contenu a été étendu par les sénateurs aux actions désistées ou clôturées et aux accords de médiation homologués.
Des dispositions ont été ajoutées sur les actions de groupe transfrontières afin de transposer la directive "Actions représentatives".
L' article qui permettait au juge judiciaire ou administratif, à la demande du ministère public ou du gouvernement, de prononcer une sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels a été supprimé par le Sénat, qui a jugé ce mécanisme inopportun et trop fragile juridiquement.
Les sept types d'actions de groupe actuels sont supprimés. Le nouveau régime unifié devait s'appliquer aux actions intentées après la publication de la loi. Les sénateurs ont jugé préférable de ne prévoir l'application de la loi qu'aux actions intentées sur des faits générateurs postérieurs à sa publication. Le régime antérieur à la loi demeurerait applicable aux actions dont le fait générateur est antérieur à son entrée en vigueur.
Le texte a été transmis à l'Assemblée nationale pour une deuxième lecture.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.
Sources
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Assemblée nationale :
Dossier législatif : Régime juridique des actions de groupe -
Conseil d'État :
Avis du 17 février 2023 sur une proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe -
Défenseur des droits :
Avis 23-03 du 23 février 2023 relatif à la proposition de loi n° 639 relative au régime juridique des actions de groupe