En réponse aux demandes d'organisations agricoles, les sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, auteurs du texte, proposent une série de mesures, qui se veulent complémentaires de la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
Ces mesures ont été largement amendées par les parlementaires et le gouvernement. Des décrets d'application sont attendus.
Le Conseil constitutionnel a jugé conforme la procédure d'adoption de la loi (motion de rejet préalable déposée, à l'Assemblée nationale, par le rapporteur de la proposition de loi). Le Conseil a, en revanche, censuré les dispositions qui permettaient de déroger à l'interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes. Il a formulé deux réserves d'interprétation sur les dispositions relatives aux ouvrages de stockage d'eau.
Les mesures sur les pesticides
Le texte revient sur la réglementation sur les produits phytopharmaceutiques (PPP), communément appelés pesticides. Son article 2 prévoyait en particulier la possibilité de déroger à l'interdiction d'utiliser un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride pour un usage précis, pour "des filières qui ne disposent pas d'autre solution et qui se retrouvent pénalisées par rapport à leurs voisines européennes qui disposent de cette solution (comme les filières betterave ou noisette)" selon les parlementaires. Ce néonicotinoïde, approuvé par l'Union européenne jusqu'en 2033 et autorisé dans les autres pays membres, a été interdit en France en 2018 de même que les 4 autres néonicotinoïdes avec de possibles dérogations jusqu'au 1er juillet 2020. En 2021 et 2022, de nouvelles dérogations ont été accordées à la filière betteraves sucrières pour traiter les semences avec une substance néonicotinoïde sur la base d'une loi du 14 décembre 2020.
Députés et sénateurs en commission mixte paritaire (CMP) avaient précisé que trois ans après la publication des décrets, puis chaque année, un nouvel avis public de ce conseil de surveillance devait déterminer si les conditions légales de recours à la dérogation étaient toujours réunies.
Ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Le Conseil a jugé que les possibilités de dérogation étaient trop larges :
- elles n'étaient pas limitées à une filière (à l'inverse, la loi du 14 décembre 2020 ne concernait que les betteraves sucrières) ;
- elles n'étaient pas accordées à titre transitoire pour une durée déterminée ;
- elles pouvaient être décidée pour tous types d'usages et de traitement.
Le Conseil constitutionnel a considéré "qu'en permettant de déroger dans de telles conditions à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, [ces dispositions ont] privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement."
La loi prévoit par ailleurs l'interdiction de planter des végétaux qui attirent les pollinisateurs, comme les abeilles, sur les parcelles préalablement traitées avec de l’acétamipride. Elle acte l'obligation pour l’État d’accompagner la recherche et d’indemniser les agriculteurs lorsqu'il interdit des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives autorisées au niveau européen.
Le "comité des solutions à la protection des cultures", créé au début de l'année 2024, puis relancé à la fin de cette même année par la ministre de l'agriculture, voit son existence consacrée dans la loi. Cette instance de dialogue entre toutes les parties prenantes recense les filières en impasse et les méthodes pouvant constituer des solutions de remplacement crédibles.
Le texte initial allait beaucoup plus loin. Il proposait d'abroger purement l’interdiction d'utiliser des néonicotinoïdes en agriculture (en pratique l’acétamipride) et contenait d'autres dispositions amendées au Sénat sur l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui ont été supprimées et ne figurent plus dans le texte final.
Toujours en matière de pesticides, le texte tel qu'issu de la CMP ré-autorise, dans certaines conditions, les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, comme les coopératives, à réaliser une activité de conseil, mais pas les fabricants de ces pesticides (les firmes), compte tenu "du risque élevé de conflits d'intérêts". Le dispositif des certificats d'économie phytopharmaceutiques (CEPP) est recentré sur ces distributeurs, dans une logique de compensation, afin de maintenir un cadre incitatif à la réduction des usages. Le texte initial envisageait d’abroger purement et simplement la séparation des activités de vente et de conseil à l'utilisation des PPP issue de la loi "Egalim 1" de 2018. Un conseil stratégique global facultatif est créé au service des agriculteurs, articulé avec les diagnostics modulaires de la loi d'orientation agricole de mars 2025, afin de les inciter à mener une réflexion d’ensemble pour renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur exploitation. Des décrets sont prévus.
À l'initiative des députés, au 1er janvier 2026, il sera interdit de produire, de stocker et de faire circuler des substances actives ayant fait l’objet d’un refus ou d’un non-renouvellement au niveau européen.
Les mesures sur les élevages, les bassines agricoles et l'OFB
D'autres mesures complètent le texte. Elles intéressent en particulier les projets de bâtiments d'élevage et de stockage d'eau, à l'instar des mégabassines.
Les procédures environnementales aujourd’hui applicables pour la construction ou l’extension des grands bâtiments d'élevage (porcs, volailles, bovins) sont modifiées.
Les retenues de stockage d'eau à vocation agricole sont présumées "d'intérêt général majeur" ou "répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur" (RIIPM) au sens des directives européennes sur l'eau et les habitats, sous certaines conditions : dans les zones de déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole, nécessité d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers....
Sur ce point, le Conseil constitutionnel a formulé deux réserves d'interprétation :
- les prélèvements sur les eaux souterraines excluent les prélèvements au sein de nappes inertielles ;
- la présomption d'un intérêt général majeur n'interdit pas de contester devant le juge l'intérêt général majeur ou la RIIPM d'un projet.
La proposition de loi initiale revenait aussi sur la définition des zones humides (correspondant aux prairies, tourbières, marais, mares...) et intégrait dans la politique de gestion de l’eau le principe de "non-régression du potentiel agricole", mesures qui ont finalement été supprimées.
Par ailleurs, un article proscrit le forçage génétique pour les insectes non stériles, notamment dans le cadre de la lutte autocide.
Enfin, des dispositions réécrites entendent "apaiser les relations entre l'Office français de la biodiversité (OFB) et les agriculteurs". La position du préfet, déjà délégué territorial de l’OFB, est renforcée. Son rôle dans la détermination du programme annuel de contrôles des inspecteurs de l'environnement est clarifié (il devra l'approuver). Lors des contrôles, le port de caméra individuelle pour les inspecteurs de l'environnement sera mis en place, sur le modèle de la police et la gendarmerie.
Un amendement du gouvernement prévoyait que l'épandage par drones de certains pesticides sur certaines cultures et parcelles (vignobles en pente, bananeraies...) puisse être autorisé temporairement par arrêté. Cette mesure a entre-temps été intégrée dans la loi du 23 avril 2025.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.
Sources
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Légifrance :
Loi n° 2025-794 du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (version initiale) -
Légifrance :
Loi n° 2025-794 du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (version consolidée) -
Conseil constitutionnel :
Décision n° 2025-891 DC du 7 août 2025. Loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur -
Légifrance :
Dossier législatif : Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur