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© Michel / Stock-adobe.com

Environnement : 7 limites planétaires sur 9 ont été dépassées

Temps de lecture  6 minutes

Par : La Rédaction

Le concept des limites planétaires est une méthode d’évaluation et de suivi des changements environnementaux provoqués par l’homme et susceptibles de menacer la stabilité des écosystèmes. En mettant en évidence des signaux d’alerte, ce concept définit les conditions pour préserver un "espace de vie sûr pour l'humanité".

Le concept de "limites planétaires" a été défini, en 2009, par une équipe internationale de chercheurs et repris par le Stockholm Resilience Centre
Il a été ensuite adopté par l’Organisation des Nations unies, l’Agence européenne de l’environnement et la Commission européenne (voir la publication de la Commission "Bien vivre dans les limites de notre planète").

Cette approche scientifique consiste, concernant les grands équilibres naturels, à fixer des seuils à l’échelle mondiale que l’humanité ne devrait pas dépasser, afin de préserver la stabilité des écosystèmes et maintenir des conditions favorables à la vie sur Terre. 

Le concept de limites planétaires permet une analyse globale des impacts environnementaux provoqués par les activités humaines susceptibles de provoquer un changement d’état des écosystèmes planétaires.

  • Qu’entend-on par limite planétaire ?

    Nous, les humains, exerçons des pressions sur notre environnement, changement climatique, érosion de la biodiversité.

    Bref, il y a plein de sujets, plein de dégradations de notre planète.

    Et dépassé certains seuils de pression qu'on appelle des limites cela devient très problématique car cela remet en question les conditions d'habitabilité de cette planète pour nous les humains.

    Ce concept est issu de travaux scientifiques qui ont été publiés pour la première fois dans la revue Nature en 2009, menés par une équipe de 26 chercheurs, dont Will Steffen et Johan Rokström, et évidemment ces travaux ont été améliorés, approfondis, mis à jour depuis, une récente mise à jour datant de 2023.

    Concrètement, dans ces limites planétaires, on en compte neuf, et certaines sont connues, d'autres moins.

    Par exemple, nous avons le changement climatique, l'érosion de la biodiversité, la consommation d'eau douce, l'acidification des océans ou encore l'introduction de nouvelles entités toxiques dans l'environnement, comme par exemple le plastique.

    Sur ces neuf limites, six sont déjà franchies.

  • Que se passe-t-il lorsqu’une limite est franchie ?

    Franchir une limite, c’est jouer avec les conditions d'habitabilité de la planète.

    Donc il faut éviter.

    Pour comprendre ce que cela veut dire, je vais introduire une notion, la notion de système complexe.

    La planète, en tant qu’environnement, est un système complexe.

    Différents éléments composent ce système : océans, terres, atmosphère, etc.

    Et ces éléments interagissent entre eux avec des cycles biochimiques, etc.

    Le tout forme l'environnement, le système complexe.

    Un système complexe, il a des propriétés particulières, il est résilient. Ça veut dire qu’il va résister à des chocs et son équilibre global ne va pas être perturbé par des chocs.

    Néanmoins, dépassé certains seuils de pression qu'exercent ces chocs, il va ne plus être résilient et changer complètement d'équilibre.

    Basculer dans un nouvel équilibre.

    Pour comprendre ça, on va prendre un exemple un peu plus concret, une forêt.

    Une forêt, c'est un système complexe.

    Différents éléments, des espèces des animaux, des plantes, etc., qui interagissent entre eux, et dont ces éléments et leur interaction forment le tout, la forêt.

    Appliquez à cette forêt, des petits chocs qui vont être largement gérés par la résilience de la forêt, la forêt va très vite s'adapter ou maintenir son équilibre global.

    Par contre, appliquez-lui une grosse perturbation, comme par exemple une élévation de la température globale annuelle de + 5°c, ça va générer peut-être trois fois plus de canicules, trois fois plus intenses, deux fois plus longues, etc. et la forêt va complètement se métamorphoser.

    Certaines des espèces vont disparaître, par incendie par exemple, d'autres vont apparaître.

    Peut-être que la forêt va complètement changer et va devenir une savane, voire un désert.

    Bref, la forêt change d'équilibre.

    À l’image de la forêt, l'environnement est résilient, mais dépassé certains seuils de pression, il change d'équilibre.

    Les limites planétaires, qu'on peut aussi appeler frontières parce qu'il y a un débat sur le terme et la traduction de l'anglais au français, sont des seuils à partir desquels ce changement d'équilibre devient possible.

    Donc l'activation de ces points de bascule devient possible.

    On ne sait pas exactement quand est-ce qu'ils vont s'activer parce que l'environnement est un système très complexe.

    Néanmoins, ça devient possible et c'est déjà largement trop.

    Il ne faut pas dépasser ces limites planétaires.

    Bref, les limites planétaires sont un concept qui est à associer à la résilience de notre système Terre et sont des seuils qu'il ne faut pas franchir pour rendre possible un déséquilibre.

    À ne pas confondre avec une autre notion qui est le jour du dépassement, qui est inspiré d'un indicateur : l'empreinte écologique.

    Cet indicateur mesure des pressions que l'humanité exerce et la comptabilise en nombre de planètes que nous consommons par an.

    Quel peut être l’intérêt de ce concept pour l’action publique ?

    Cette notion, elle a plusieurs intérêts.

    Le premier, à mes yeux, c'est qu'elle permet de rappeler, de faire prendre conscience, de rendre visible qu'il y a différents sujets sur l'environnement.

    Il y a le climat et la biodiversité, etc., donc déjà pour ça, c'est intéressant.

    Deuxième intérêt, c'est que ça initie à la vision systémique et ça permet de sortir d'une vision en silo, de penser le climat d'un côté, la biodiversité de l'autre, etc., alors que, on l’a vu ces limites ont des interactions entre elles et les actions pour rester sous ces limites ont des effets sur plusieurs limites à la fois.

    Troisième intérêt, c'est que ça permet de mettre en lumière de façon assez pédagogique le fait que nous pouvons changer d'équilibre.

    Aujourd’hui, enfin depuis 11000 ans, nous sommes dans une ère géologique qui s'appelle l'Holocène, avec des conditions d'habitabilité favorables et nous pouvons changer de régime car certains points de bascule peuvent être franchis et nous amener vers un environnement avec des conditions inconnues qui seront peut-être défavorables, voire même très difficilement vivables pour l'humanité.

    Donc c'est très grave.

    C'est un concept qui peut paraître un peu théorique, appliqué à l'échelle de la planète, qui permet, par les trois premiers points que j'ai évoqués, de sensibiliser, de former aussi sur l'approche du traitement des problèmes qu'il faut avoir.

    Et cette approche-là, on peut l'appliquer à différentes échelles.

    On peut l'appliquer à l'échelle nationale, à l'échelle locale, pour des collectivités par exemple, à l’échelle même individuelle.

  • Pourquoi ?

    Parce que ça fournit une grille d'analyse.

    On pense non plus climat, mais climat et biodiversité et les autres limites.

    On pense aussi interactions entre elles.

    Et donc ça permet de en regardant l'état de nos impacts actuels, en regardant aussi nos possibilités d’action, de les passer sous le crible de cette grille d'analyse.

    De penser, cette action-là va-t-elle avoir des impacts pour le climat et pour la biodiversité et pour les aérosols, etc.

    Donc, c'est en ce sens que c'est un bon outil pour prendre des décisions pour les décideurs, mais même en tant qu'individus, pour changer nos modes de vie par exemple.

    C'est aussi une notion qui inspire l'ONU, la Commission européenne, afin de renforcer leur vision de ce qu'est le développement durable.

    Cette notion a par exemple inspiré une économiste britannique, Kate Raworth, pour proposer sa théorie du donut.

  • Alors, qu'est-ce que c'est ?

    Vous avez des limites planétaires à ne pas franchir, un plafond environnemental à ne pas dépasser.

    Nous, les humains, nous avons des enjeux : social, éducation, santé, etc. que nous voulons garantir.

    Nous voulons répondre à ces enjeux, autrement dit un plancher social qu'il faut maintenir, qu'il faut garantir.

    Donc un plancher, un plafond, ça a une forme de donut.

    Et entre le plancher et le plafond, un espace juste et sûr pour l'humanité dans lequel il faudrait aller.

    Donc il faudrait rester sous le plafond, donc revenir sous le seuil des limites planétaires et répondre en même temps aux enjeux sociaux.

    Et c'est ça, la boussole que Kate Raworth propose pour l'humanité.

Neuf limites planétaires ont été définies. Il s’agit de processus naturels qui interagissent et forment ensemble le "système Terre" :

  • le changement climatique ;
  • l’érosion de la biodiversité ;
  • la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ;
  • le changement d’usage des sols ;
  • l'acidification des océans ;
  • l'utilisation de l’eau douce ;
  • l'appauvrissement de l’ozone stratosphérique ;
  • l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère ;
  • l'introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.

Le concept de limite planétaire est souvent confondu avec une autre notion : le jour du dépassement.

Le jour du dépassement est calculé tous les ans par l’organisation non gouvernementale Global Footprint Network (Overshootday). Il permet de déterminer le jour où l’humanité a "consommé" l’ensemble des ressources que la terre peut reconstituer en une année. Il s’appuie sur l’empreinte écologique d'origine humaine.

Sept limites sur neuf ont été dépassées. L'acidification des océans, due principalement aux émissions de CO2, est la septième limite à avoir été dépassée. Ce nouveau seuil, qui aurait été franchi il y a plusieurs années, s'ajoute aux six autres limites planétaires d’ores et déjà dépassées :

  • le changement climatique ;
  • l’érosion de la biodiversité ;
  • la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ;
  • le changement d’usage des sols ;
  • le cycle de l’eau douce ;
  • l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère (il s’agit des éléments introduits par l’homme qui n’existent pas à l’état naturel comme le plastique).

Si les seuils critiques de l’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique et de l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère n’ont pas encore été atteints,  les indicateurs montrent que des processus de dégradation sont en cours.

L’état d’équilibre dynamique qu’a connu la Terre au cours des 10 000 dernières années correspond à une ère géologique que les chercheurs des sciences du système Terre (étude de l’atmosphère, de l’hydrosphère, de la biosphère, de la lithosphère) appellent l’Holocène. Le régime de l’Holocène a offert des conditions de vie très favorables à l’humanité.

Le dépassement des limites planétaires constitue une menace pour la stabilité de ce régime. Chaque franchissement d’une limite planétaire nous rapproche d’un point de bascule susceptible de conduire à terme à une sortie de l’Holocène.

L’écosystème terrestre possède des mécanismes de régulation qui lui permette de supporter des perturbations. Les forêts et les océans séquestrent par exemple l’excédent des émissions de dioxyde de carbone (CO2) qui pourrait entraîner des perturbations climatiques. Mais ce système de régulation ne fonctionne plus au-delà d’une certaine limite. La fonte du permafrost (ou pergélisol) - un sous-sol gelé en permanence dont la température se maintient en dessous de 0°C pendant au moins deux années consécutives et qui couvre 20% de la surface du globe – offre une bonne illustration de ce mécanisme. Le réchauffement climatique entraîne un dégel du permafrost qui se met à expulser dans l’atmosphère des quantités importantes de méthane, un puissant gaz à effet de serre qui, à son tour, va contribuer au réchauffement.

Si le dépassement d’une limite planétaire ne se traduit pas par un basculement brutal et soudain, le mécanisme est irréversible et conduit à des phénomènes d’emballement et d’aggravation comme on peut l’observer dans le cas du dérèglement climatique.

La détermination précise d’un point de bascule est particulièrement complexe. La méthode utilisée consiste à déterminer une valeur à partir de laquelle le risque de dépassement d’une limite planétaire est susceptible de se produire.  
 

Le climat et la biodiversité font l’objet d’une attention particulière des décideurs publics, notamment dans le cadre de la participation des États aux conférences des parties (COP). Le concept de limites planétaires permet de mettre en évidence que d’autres processus biophysiques jouent un rôle essentiel de régulation des grands équilibres naturels. Dans une perspective de fonctionnement durable du "système Terre", ces processus complexes doivent donc impérativement être pris en compte par les politiques de transition écologique. 

Le cadre d’analyse des limites planétaires est un outil conçu à l’échelle de la planète, donc a priori difficilement applicable à une échelle plus petite comme celle d’un État ou d’une région. Cette approche peut toutefois présenter une utilité pour l’évaluation des impacts sur l’environnement de territoires ou de certaines activités. 

De nombreux travaux, qui s’inspirent du cadre des limites planétaires, proposent ainsi depuis quelques années des méthodes d’évaluation de la soutenabilité environnementale qui restent pertinentes au niveau local. Le Commissariat général au développement durable (CGDD), dans sa publication "La France face aux neuf limites planétaires", propose deux exemples d'application locale : l'un sur le portefeuille de produits agroalimentaires d'une entreprise de la grande distribution, l'autre sur le territoire du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Sud-Loire. Le CGDD en conclut que l'application du cadre des limites planétaires à l'échelle locale "peut favoriser une prise de conscience plus précise et transversale de l'impact des décisions prises au niveau local sur les impacts globaux et le système Terre".