Les évolutions de la carte Vitale et la carte Vitale biométrique

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L'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances ont été chargées d'étudier la faisabilité de la mise en place de la carte Vitale biométrique.

De manière générale, la fraude constatée - environ 0,1 % des prestations versées - est significativement inférieure à la fraude estimée - entre 3 % et 5 % des montants remboursés. Pour l'essentiel, elle est le fait des professionnels et des établissements de santé (pour environ les trois quarts des montants détectés). 

Parmi les actes de fraude imputables aux assurés, la fraude à l'identité, c'est-à-dire à la carte Vitale, est résiduelle. Le stock de millions de cartes surnuméraires qui existaient au début des années 2010 a été apuré et réduit à un millier à la fin septembre 2022. Les mesures prises pour éviter qu'il ne se reconstitue et empêcher des consommations de soins sont appropriées.

Par conséquent, le caractère proportionné du recours à la biométrie dans un objectif de lutte contre la fraude paraît difficile à établir, faisant peser un risque juridique majeur si cette solution était retenue. De plus, son coût estimé (plus d'1 Md€, qu'il s'agisse du scénario « empreintes digitales » ou « reconnaissance faciale ») n'apparaît pas proportionné à la fraude ainsi évitée. 
La mise en œuvre d'un contrôle biométrique, rejetée par les professionnels de santé, et appliquée à la population entière dans le cas particulier de l'accès aux soins et de la facturation des frais de santé, aurait pour inconvénients majeurs d'exclure une partie des assurés légitimes (a minima plusieurs centaines de milliers de personnes). Ce contrôle biométrique rendrait indispensables certaines adaptations limitant la portée du contrôle (pharmacies…), compliquerait les formalités d'admission en établissements et créerait un risque de compromission d'une donnée personnelle non révocable.

En revanche, l'inscription du numéro de sécurité sociale (NIR) sur la carte nationale d'identité électronique ou les titres de séjour permettraient de répondre à un triple objectif :

  • de lutte contre la fraude ;
  • de protection de la santé publique, en facilitant la mise en œuvre des mesures d'identitovigilance ;
  • et de simplification administrative, tant pour les usagers (une seule démarche, résolution des difficultés liées à la gestion des mineurs) que pour les professionnels de santé (même matériel que pour l'application Carte Vitale, diminution du taux de rejets), qui s'y sont généralement montrés favorables.

En outre, le remplacement de la carte Vitale par ces supports électroniques sécurisés s'inscrirait en cohérence avec le déploiement de l'application carte Vitale (ApCV), puisqu'elle partagerait son architecture (téléservice ADRi), et les mêmes matériels (lecteur NFC). Ce scénario, pour être acceptable par la CNIL, suppose de satisfaire certaines conditions de mise en œuvre (étanchéité du container, sécurité…), qui n'apparaissent pas hors de portée en première analyse. Une étude de faisabilité associant les services des ministères de la Santé et de l'Intérieur devrait permettre de s'en assurer.

S'agissant de l'ApCV, dont l'enrôlement est biométrique depuis septembre 2022, la mission recommande de sécuriser son déploiement et de desserrer son calendrier de généralisation, en raison des défauts opérationnels apparus lors de la présérie – testée sur des échantillons très modestes (moins de 200 cas).

La mission propose également d'autres pistes non biométriques afin d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude : horodatage des flux SESAM-Vitale, prescription sécurisée de médicaments onéreux ou stupéfiants, contrôles bloquants pour les actes et dispensations aberrants, contrôles resserrés des conditions de résidence pour l'ouverture des droits à l'assurance maladie.
 

INTRODUCTION

1. LA FRAUDE AUX PRESTATIONS D’ASSURANCE MALADIE, UN SUJET DONT LA PRISE EN COMPTE EST CROISSANTE, EST LE FAIT PRINCIPALEMENT DES PROFESSIONNELS ET ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ 

1.1. Les préjudices frauduleux détectés au détriment de l’assurance maladie représentaient entre 250 et 300 M€ mais pourraient être plus importants 
1.2. La fraude des assurés représente environ un quart des montants de fraude détectés par l’assurance maladie 
1.3. La fraude à l’identité ne représente probablement qu’une faible part des fraudes dans lesquelles une carte Vitale est utilisée 
1.4. Quelques pistes non biométriques pourraient être explorées afin de lutter contre les cas de fraude mettant en jeu l’utilisation d’une carte Vitale 

2. LE SYSTÈME DE LA CARTE VITALE PHYSIQUE QUI A FAIT LA PREUVE DE SA ROBUSTESSE ET DE SA PRATICITÉ, À UN COÛT DE GESTION AUJOURD’HUI MAÎTRISÉ, GAGNERA À ÊTRE DÉMATÉRIALISÉ SUR SMARTPHONE 

2.1. La carte Vitale est la pierre angulaire d’un robuste système de facturation dématérialisée, assortie d’une garantie de paiement pour les professionnels de santé 

2.2. La problématique des cartes surnuméraires est désormais bien documentée et le risque d’une utilisation frauduleuse massive est dorénavant maîtrisé
2.2.1. A la fin de l’année 2018, il était dénombré 2,35 millions de cartes Vitale « surnuméraires » 
2.2.2. A partir de 2016 des opérations de mise en fin de vie des cartes Vitale surnuméraires ont été conduites 
2.2.3. Des mesures automatiques et de sécurisation mises en place protègent dorénavant les régimes d’assurance maladie de préjudices financiers liés à l’utilisation de cartes surnuméraires

2.3. La carte Vitale physique présente un certain nombre de limites dans son utilisation au quotidien 
2.3.1. La carte Vitale présente des droits en carte non nécessairement à jour emportant, du fait de la garantie de paiement, de potentiels préjudices
financiers pour l’Assurance maladie
2.3.2. A l’hôpital, la carte Vitale n’est plus centrale dans les démarches d’admission en soins programmés 
2.3.3. Une autre difficulté de gestion récurrente concerne les modalités de rattachement des mineurs à l’AMO et à l’AMC 
2.3.4. La carte Vitale ne remplit pas les exigences de l’identitovigilance 

2.4. La future application carte Vitale (ApCV) constitue un réel progrès qu’il importe de déployer plus progressivement pour garantir son adoption large par les assurés 
2.4.1. Le projet d’application carte Vitale, lancé en 2016, propose une solution dématérialisée novatrice en termes de services et d’architecture 
2.4.2. Un enrôlement biométrique est prévu pour activer l’application et garantir la cohérence entre l’identité de l’assuré social et l’utilisateur du smartphone
2.4.3. L’assurance maladie ambitionne une adoption large à terme de l’ApCV 
2.4.4. Des expérimentations ont été conduites depuis 2019, et surtout à partir de septembre 2022, pour mieux définir le projet et préparer le lancement à
destination du public de l’application
2.4.5. A court terme, une généralisation réussie de l’application carte Vitale devrait s’appuyer sur un déploiement plus progressif 
2.4.6. A plus long terme, il faudra s’interroger sur l’articulation entre le support physique et l’application carte Vitale, en particulier sur l’avenir de la carte physique dans l’éventualité où l’adoption de l’application serait très large 

3. OUTRE DES RISQUES JURIDIQUES ET TECHNOLOGIQUES, LE DÉPLOIEMENT D’UN SCÉNARIO BIOMÉTRIQUE SERAIT ONÉREUX ET MAL ACCUEILLI PAR LES PROFESSIONNELS ET ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ 

3.1. L’usage à grande échelle de la biométrie, qui ne permet de traiter que les fraudes à l’identité, n’apparaît pas proportionné au regard du nombre de fraudes qui seraient évitées 

3.2. Les risques associés à la mise en œuvre d’une technologie biométrique à l’échelle d’une population entière sont disproportionnés par rapport à l’objectif de fiabilisation de la facturation des frais de santé 
3.2.1. Peu de retours d’expérience à l’échelle d’une population entière sont disponibles 
3.2.2. Le recours à une technologie probabiliste entraîne des risques intrinsèques significatifs 
3.2.3. Le risque de compromission des données aurait des conséquences néfastes durables sur la prise en charge des assurés concernés s’il se réalisait 

3.3. La mise en place d’une carte Vitale biométrique serait coûteuse et opérationnellement complexe 
3.3.1. Les contraintes juridiques et techniques conduisent à écarter la mise en place d’une base centralisée 
3.3.1. Le recueil des données biométriques de l’ensemble des assurés sociaux devrait être effectué aux guichets des organismes de sécurité sociale 
3.3.2. L’enrôlement de l’ensemble des assurés dans un système biométrique par empreintes digitales sur 5 ans coûterait de l’ordre de 1,2 Md€ au moins 
3.3.1. Le déploiement d’un système biométrique par reconnaissance faciale sur 10 ans s’établirait au moins à 965 M€ 
3.3.2. Certains coûts et risques supplémentaires doivent également être pris en compte 

3.4. L’usage de la biométrie fait l’objet des plus vives réticences de la part des professionnels de santé, qu’ils exercent en ville ou en établissement 
3.4.1. Les professionnels de santé libéraux critiquent l’inutilité de la mesure et insistent sur les risques associés 
3.4.2. Pour les professionnels exerçant en établissement, l’usurpation d’identité est un problème de santé publique limité qui n’empêche pas la délivrance du soin 

3.5. La CNIL n’est pas favorable aux scénarios biométriques présentés 

4. UNE SOLUTION ALTERNATIVE À LA BIOMÉTRIE EST ENVISAGEABLE : LA CNIE ET LES TITRES DE SÉJOUR POURRAIENT PORTER LE NIR DE L’ASSURÉ 

4.1. Cette solution, cohérente avec la stratégie développée par les pouvoirs publics en matière de santé et d’e-santé poursuit plusieurs finalités d’intérêt général 
4.2. Le déploiement opérationnel sera progressif et articulé avec le calendrier de généralisation de l’application carte Vitale 
4.3. En première approche, les éléments avancés par la CNIL ne sont pas bloquants 

ANNEXES ET PIÈCE JOINTE

ANNEXE I : LA CARTE VITALE
ANNEXE II : LES CARTES VITALE SURNUMÉRAIRES ET LES RÉSIDENTS AFFILIÉS À L’ASSURANCE MALADIE
ANNEXE III : LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX PRESTATIONS D’ASSURANCE MALADIE ET LA FRAUDE LIÉE À L’USAGE DES CARTES VITALE
ANNEXE IV : L’APPLICATION CARTE VITALE
ANNEXE V : LE RECOURS À LA TECHNOLOGIE BIOMÉTRIQUE : AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS
ANNEXE VI : SCÉNARIOS D’UNE CARTE VITALE BIOMÉTRIQUE
ANNEXE VII : ANALYSE JURIDIQUE
PJ1 : AVIS DE LA CNIL
PJ2 : RÉPONSE DE LA DAJ DES MINISTÈRES SOCIAUX
ANNEXE VIII : PARANGONNAGE INTERNATIONAL
ANNEXE IX : CONTRIBUTIONS ÉCRITES
PJ1 : CONTRIBUTION DE LA FÉDÉRATION HOSPITALIÈRE DE FRANCE
PJ2 : CONTRIBUTION DE L’ORDRE NATIONAL DES MÉDECINS
PJ3 : CONTRIBUTION DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES PHARMACIENS
PJ4 : COURRIEL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CNAM
ANNEXE X : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
PIÈCE JOINTE LETTRE DE MISSION

  • Type de document : Rapport d'inspection
  • Pagination : 388 pages
  • Édité par : Inspection générale des affaires sociales : Inspection générale des finances