Rapport d'information (...) en conclusion d'une mission d'information sur la gestion de la dette sociale

Remis le :

Auteur(s) : Hadrien Clouet ; Stéphanie Rist

Auteur(s) moral(aux) : Assemblée nationale. Commission des affaires sociales

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La première partie du montre comment, à partir des années 1990, le niveau atteint par les déficits cumulés de la sécurité sociale a fait de la gestion de la dette de cette dernière un enjeu central de la gouvernance des finances sociales.
Après une première reprise de dette mise en œuvre dès 1993 sous la forme d'un transfert des déficits de l'Acoss à l'État, le choix est fait en 1996, dans le cadre du "plan Juppé" de réforme de la sécurité sociale, de confier à une structure ad hoc – conçue pour être temporaire – la mission de rembourser la dette des régimes obligatoires de base qui lui est transférée sur la décision du législateur.
L'objectif énoncé lors de la création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) était de ne pas reporter sur les générations ultérieures les charges inhérentes au remboursement d'une dette qui résultait pour l'essentiel de dépenses de prestations excédant les ressources des régimes de sécurité sociale. Il apparaît ainsi que l'objectif d'éteindre dans un horizon de temps resserré une dette présentée comme exceptionnelle n'a pas été atteint. En effet, si la Cades n'a pas été transformée en institution perpétuelle chargée de couvrir des déficits dont on aurait admis le caractère récurrent, force est de constater que les "réouvertures" successives de la Caisse, en repoussant l'extinction de ses missions de 2009 à 2033, ont écarté la perspective d'un apurement rapide de l'ensemble de la dette de la sécurité sociale – et cela en dépit du renforcement progressif du cadre juridique des reprises de dette.

Les rapporteurs constatent, dans une deuxième partie, que la Cades respecte les objectifs assignés par le législateur. Elle a ainsi su maintenir, entre ses propres conditions de financement et celles dont bénéficie l'État pour la gestion de sa propre dette, un écart de taux relativement faible pour que les coûts supplémentaires qui en résultent soient contenus. 

Dans un troisième temps, les rapporteurs rappellent que, dans le contexte de la pandémie de covid-19, le choix a été fait d'organiser une nouvelle reprise de dette par la Cades afin de couvrir notamment les besoins de financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale liés à la crise sanitaire. Ils montrent que cette reconduction des mécanismes historiques de gestion de la dette sociale a été décidée dans l'urgence, dès le printemps 2020, compte tenu des difficultés rencontrées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pour se financer auprès des marchés. 

AVANT-PROPOS DE M. HADRIEN CLOUET, RAPPORTEUR 
AVANT-PROPOS DE MME STÉPHANIE RIST, RAPPORTEURE
INTRODUCTION

I. LA DETTE SOCIALE EST UNE NOTION AUX FRONTIÈRES MOUVANTES QUI FAIT L'OBJET D'UN ENCADREMENT JURIDIQUE STRICT ET D'UNE GESTION DISTINCTE DU RESTE DE LA DETTE PUBLIQUE

A. LA DETTE SOCIALE : UN EXERCICE DE DÉFINITION INDISPENSABLE À TOUTE TENTATIVE DE MESURE 
1. La dette sociale correspond pour l'essentiel aux déficits cumulés des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse repris par la Cades 
2. La dette sociale inclut plus largement les déficits des organismes de sécurité sociale non couverts par des versements de la Cades 
3. La dette des administrations de sécurité sociale autres que les régimes obligatoires de base échappe largement à la compétence du législateur financier social 
4. Certaines dépenses de protection sociale prises en charge par d'autres administrations publiques ne sont pas non plus comprises dans la dette sociale stricto sensu 

B. L'IDENTIFICATION DE LA DETTE SOCIALE S'EST ACCOMPAGNÉE, DÈS L'ORIGINE, DU CHOIX DE SON CANTONNEMENT VIS-À-VIS DU RESTE DE LA DETTE PUBLIQUE 
1. La dette sociale résulte de l'accumulation de déficits que les modalités historiques de couverture des besoins de financement de la sécurité sociale ne permettaient plus de résorber 
a. À l'origine, des besoins de financement couverts par des mesures de rééquilibrage et des avances de trésorerie 
b. En 1993, les déficits résultant de la récession justifient un premier transfert de dette de la sécurité sociale à l'État 
2. Pour faire face à des déséquilibres devenus récurrents, une nouvelle architecture financière est mise en place à partir de 1993 et aboutit à la création de la Cades en 1996 
a. La création de la Cades s'insère dans le cadre d'une réforme générale de la sécurité sociale renforçant le rôle de l'État et du Parlement dans sa gouvernance
b. Un cantonnement conçu comme le corollaire de l'amortissement à brève échéance d'une dette résultant de dépenses de prestations 
c. La Cades est affectataire de ressources qui lui permettent d'apurer les déficits qui lui sont transférés 

C. L'ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA DETTE SOCIALE S'EST ÉTOFFÉ À MESURE DES REPORTS SUCCESSIFS DE SA DATE D'AMORTISSEMENT 
1. De premières reprises de dette ont pu être mises en œuvre par des dispositions de loi ordinaire, témoignant de la relative souplesse du cadre initial 
a. La LFSS pour 1998 : une première « réouverture » de la Cades décidée moins de deux ans après sa création, sans affectation de ressources 
b. La loi du 13 août 2004 : la couverture des déficits de la branche maladie entraîne une nouvelle prolongation de la Cades 
2. L'introduction de contraintes organiques portant sur les recettes de la Cades et la durée d'amortissement de la dette sociale n'a pas suffi à empêcher la
reconstitution des déficits 
a. La LOLFSS de 2005 interdit au législateur ordinaire d'allonger la durée d'amortissement de la dette sociale 
b. Un cadre rénové par la loi organique de 2010 qui introduit de nouvelles contraintes portant sur les recettes de la Cades 
c. Des contraintes organiques qui ont contribué à ce qu'aucune nouvelle reprise de dette ne soit mise en œuvre avant la révision du cadre organique intervenue en 2020 
3. Un encadrement européen commun à l'ensemble de la dette publique au sein duquel les sommes amorties par la Cades sont comptabilisées comme des excédents 

II. LA GESTION OPÉRATIONNELLE DE LA DETTE SOCIALE EST CONFIÉE À LA CADES ET À L'ACOSS ET SE CARACTÉRISE PAR SA QUALITÉ ET SON EFFICACITÉ 

A. LA GESTION OPÉRATIONNELLE DE LA DETTE SOCIALE PAR LA CADES ET L'ACOSS : RÈGLES DE FONCTIONNEMENT ET PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES 
1. La gouvernance et les règles comptables et budgétaires applicables à la Cades et à l'Acoss 
a. Les règles applicables à la Cades
b. Les règles applicables à l'Acoss 
2. Les modalités d'intervention sur les marchés de la Cades et de l'Acoss sont différentes et se distinguent de celles de l'État 
a. La Cades émet des titres en euros et en devises, à court et à long termes, selon la technique de la syndication 
b. L'Acoss peut recourir à des financements de marché de court terme dans les limites votées par le législateur financier social 

B. LA CADES ET L'ACOSS NE CONNAISSENT AUCUNE DIFFICULTÉ À EMPRUNTER 
1. Quelles sont les stratégies de financement de la Cades et de l'Acoss ? 
2. Le coût de financement est relativement contenu et la qualité de signature est reconnue par les acteurs du marché 
3. La Cades et l'Acoss cherchent à diversifier leurs bases de financement et leurs outils d'émission 
4. La Cades et l'Acoss ont recours à des programmes d'émissions sociales 

C. LA DETTE SOCIALE EST ESSENTIELLEMENT FINANCÉE PAR LE BIAIS DE RESSOURCES SPÉCIFIQUEMENT CONSACRÉES À SON REMBOURSEMENT 
1. Les ressources dont la Cades dispose pour apurer la dette sociale ont été progressivement renforcées 
2. La Cades perçoit des recettes fiscales portant sur l'ensemble des revenus perçus par les ménages ainsi que des dotations du FRR 
a. Le produit d'impositions de toute nature dont l'assiette porte sur l'ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques : la CRDS et la CSG 
b. Les dotations versées par le Fonds de réserve pour les retraites 
3. Les implications du choix d'un financement par l'impôt plutôt que par les cotisations sociales 

III. QUATRE ANS APRĖS L'ADOPTION DU DERNIER PROGRAMME DE REPRISE DE DETTE PAR LA CADES, LA SITUATION FINANCIĖRE DÉGRADÉE DES COMPTES SOCIAUX APPELLE À PRENDRE D'AUTRES MESURES POUR ASSURER LE FINANCEMENT DE LA DETTE ET RÉDUIRE LES DÉFICITS 

A. LES LOIS DU 7 AOÛT 2020 ONT ORGANISÉ UNE REPRISE DE 136 MILLIARDS D'EUROS DE DETTE PAR LA CADES 
1. La crise sanitaire a entraîné une dégradation des comptes sociaux d'une ampleur inédite et fragilisé la capacité de financement des organismes de sécurité sociale
a. L'"effet ciseau" des recettes et des dépenses a suscité des besoins de financement d'une ampleur inconnue jusqu'alors 
b. Les incertitudes pesant sur les capacités de financement de l'Acoss imposaient de soulager sa trésorerie 
2. Les lois organiques et ordinaires du 7 août 2020 ont prévu la reprise des déficits de la sécurité sociale ainsi que d'une partie de la dette des hôpitaux 
a. Des transferts permis par un allongement de la durée d'amortissement de la dette sociale 
b. Les déficits constitués au 31 décembre 2019 : une reprise de dette répondant aux mêmes modalités que les transferts précédents 
c. La reprise de 13 milliards d'euros de dette hospitalière : une mesure proposée par le Gouvernement à l'automne 2019 qui traduit un élargissement de la dette sociale amortie par la Cades
d. La "dette covid" : une application des modalités habituelles de gestion de la dette de la sécurité sociale aux déficits des années de crise sanitaire 
3. Une reprise de dette contestée à plusieurs titres
a. Une décision de « rouvrir » la Cades prise sans que d'autres modalités de gestion de la dette sociale n'aient été pleinement envisagées 
b. Des critiques portant sur le choix de ne pas isoler la "dette covid" des autres déficits sociaux 
c. La reprise de la dette des hôpitaux : un élargissement de la dette sociale 

B. LA SITUATION FINANCIĖRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE PRÉSENTE UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉE
1. Entre 2020 et 2023, les déficits de la sécurité sociale se sont réduits mais se stabilisent néanmoins à un niveau élevé 
2. Les déficits se sont stabilisés à un niveau élevé et se creuseraient davantage dans les prochaines années 
3. Les branches maladie et vieillesse portent l'essentiel du déficit de la sécurité sociale 
a. Les déficits de l'assurance maladie se stabiliseraient à un niveau élevé 
b. Les comptes de l'assurance vieillesse se dégraderaient du fait du régime général et de la CNRACL 

C. CETTE SITUATION APPELLE DES MESURES VISANT À ASSURER LE FINANCEMENT DE LA DETTE ACCUMULÉE HORS CADES ET À RÉDUIRE LES DÉFICITS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 
1. La réduction des déficits de la sécurité sociale permettrait de tarir la dette à sa source 
a. L'Acoss n'est pas outillée pour assurer durablement le financement de déficits élevés 
b. Scénario n° 1 : une augmentation des recettes de CSG ou de cotisations 
c. Scénario n° 2 : une baisse des dépenses d'assurance maladie 
2. Faut-il prévoir une reprise de dette par la Cades pour amortir les déficits accumulés qui ne rentrent pas dans le champ des lois du 7 août 2020 ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION 
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS