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La notion d'urgence psychiatrique, recouvrant la crise émotionnelle aiguë à la décompensation de troubles psychiques graves, reste mal définie. La prise en charge des urgences psychiatriques se fait aujourd'hui dans le cadre global de l'organisation des soins psychiatriques, reposant depuis 1960 sur un principe de sectorisation : centre médico-psychologique (CMP), centre d'accueil de crise (CAC) ou encore, de plus en plus, dans les services d'accueil des urgences (SAU) des hôpitaux. Selon les établissements et les régions, un même patient peut être orienté vers des services très différents, sans garantie d'une continuité des soins.
Une détérioration rapide de la santé mentale, particulièrement chez les jeunes, peut être observée en France ces dernières années. Chez les 18-24 ans, la prévalence des épisodes dépressifs est passée de 11,7 % à 20,8 % entre 2017 et 2021, soit une hausse de 77 % en quatre ans. Les jeunes femmes âgées de 10 à 19 ans sont spécialement touchées, avec une progression des hospitalisations pour tentative de suicide ou auto-agression de l'ordre de 133 % depuis 2020. Dans le même temps, la consommation de médicaments psychotropes chez les adolescents et les jeunes adultes a augmenté de façon inquiétante : en 2023, 936 000 jeunes de 12 à 25 ans ont bénéficié du remboursement d'au moins un psychotrope, soit une augmentation de 18 %, touchant aussi particulièrement les jeunes femmes. La pédopsychiatrie est caractérisée par une offre de soins insuffisante dans le contexte de l'explosion des troubles psychiques des jeunes. Or, les capacités d'accueil des mineurs en centre de crise comme au sein des services d'urgences sont extrêmement limitées, mal réparties sur le territoire et insuffisantes pour répondre à la forte augmentation des besoins.
566 000 passages aux urgences pour motif psychiatrique ont été recensés en 2023, soit une hausse de 21 % par rapport à 2019 alors que près de 8 800 places d'hospitalisation à temps complet ont été fermées en quinze ans dans le secteur public ; le secteur privé connaît un essor relatif et gère 26 % des lits d'hospitalisation complète en 2023. L'offre de soins psychiatriques est insuffisante et la prise en charge est souvent tardive, dans un état de santé dégradé, tandis que les urgences deviennent alors un point d'entrée majeur dans le système de soins psychiatriques.
La mission d'information souligne l'opportunité de la désignation de la santé mentale comme grande cause nationale de l'année 2025 et formule des préconisations visant à améliorer la prise en charge de l'urgence psychiatrique tout au long de la filière, à travers cinq axes :
- renforcer l'offre de soins de premier niveau pour garantir une prise en charge précoce, graduée et homogène sur le territoire et pour prévenir les urgences psychiatriques ;
- structurer un parcours de prise en charge d'urgence qui soit clair et accessible ;
- mobiliser davantage le secteur privé pour mieux prendre en charge les patients et pour une équité accrue entre établissements et professionnels de santé ;
- soutenir particulièrement la pédopsychiatrie et la santé mentale des jeunes ;
- améliorer la formation et l'attractivité des métiers de la psychiatrie.
AVANT-PROPOS
SYNTHÈSE
PARTIE I : SI LA NOTION D'URGENCE NE FAIT PAS CONSENSUS EN PSYCHIATRIE, L'URGENCE DEVIENT LE POINT D'ENTRÉE DANS LE PARCOURS DE SOINS
I. EN PSYCHIATRIE, LA NOTION D'URGENCE, VASTE ET DISCUTÉE, ADMET DES MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE TRÈS VARIÉES
A. LA PRISE EN CHARGE PSYCHIATRIQUE EN URGENCE S'INSCRIT DANS UN CADRE JURIDIQUE IMPRÉCIS
1. L'urgence en psychiatrie recouvre un champ très vaste
2. Les urgences psychiatriques n'ont pas de service dédié
B. LA PRISE EN CHARGE DE L'URGENCE S'INSCRIT DANS LE CADRE GLOBAL DE L'ORGANISATION DES SOINS PSYCHIATRIQUES
1. La prise en charge psychiatrique, en urgence ou non, repose historiquement sur une organisation par secteurs
2. La prise en charge psychiatrique est complétée par une offre de soins "non sectorisée"
3. La psychiatrie et la santé mentale : entre concurrence et complémentarité
C. IL N'EXISTE PAS DE PARCOURS TYPE D'UN PATIENT PRIS EN CHARGE EN URGENCE PSYCHIATRIQUE
II. LA DÉGRADATION DES INDICATEURS DE SANTÉ MENTALE DEPUIS 2020 SE TRADUIT DANS LES PASSAGES AUX URGENCES
A. UNE DÉGRADATION DE LA SANTÉ MENTALE DE LA POPULATION EST OBSERVÉE DEPUIS 2020
1. La santé mentale de la population se détériore depuis 2020
2. L'évolution de la consommation de psychotropes chez les adolescents et les jeunes adultes est préoccupante
3. La souffrance psychique se traduit dans une hausse de l'activité d'urgence depuis fin 2020, principalement dans le secteur public
B. LA CROISSANCE DE L'ACTIVITÉ D'URGENCE PSYCHIATRIQUE EST NOTAMMENT INDUITE PAR LE FORT NIVEAU DE RECOURS DES JEUNES GENS ET, EN PARTICULIER, DES JEUNES FEMMES
1. La détresse psychique des jeunes se traduit dans l'augmentation du recours aux urgences
2. Les urgences liées à un geste auto-infligé chez les femmes de 10 à 19 ans ont augmenté de 133 % depuis 2020 et de 570 % depuis 2007
C. UNE CROISSANCE MARQUÉE DES PASSAGES AUX URGENCES ET DES HOSPITALISATIONS POUR SEVRAGE, EN PARTICULIER POUR LES PATIENTS ÂGÉS DE 40 À 59 ANS
III. LES SERVICES D'URGENCES DEVIENNENT PAR DÉFAUT LE POINT D'ENTRÉE DANS LES SOINS PSYCHIATRIQUES ET SONT RÉGULIÈREMENT SATURÉS
A. L'EFFONDREMENT DES CAPACITÉS D'HOSPITALISATION PUBLIQUES EN PSYCHIATRIE N'EST PAS COMPENSÉ PAR L'ESSOR DU SECTEUR PRIVÉ LUCRATIF
1. Le "virage ambulatoire", qui a réduit les capacités d'hospitalisation à temps complet de près de 7 000 places en quinze ans, affecte principalement le secteur public
2. Le secteur privé lucratif gère désormais plus du quart des séjours et du capacitaire en lits d'hospitalisation complète, dégageant une forte rentabilité
3. L'essor du secteur privé lucratif ne compense pas la réduction de l'offre de service public
B. EN AMONT, L'OFFRE DE SOINS PSYCHIATRIQUES EST INSUFFISANTE ET TROP COMPLEXE, CE QUI INCITE LES PATIENTS À SE TOURNER VERS LES URGENCES
1. L'organisation complexe des soins psychiatriques en amont engendre un renoncement aux soins et un report vers les urgences
2. Des délais excessifs d'accès aux soins de ville en amont
3. En conséquence, les urgences deviennent le point d'entrée dans les soins psychiatriques
C. EN AVAL, LE MANQUE DE LITS RETARDE LES TRANSFERTS DE PATIENTS, CE QUI EMBOLISE LES URGENCES
1. Favorisées par la pénurie de personnels, les fermetures de lits retardent le transfert de patients nécessitant une hospitalisation et renforcent la pression qui pèse sur les urgences
2. Des lits d'hospitalisation complète en psychiatrie sont occupés par des patients nécessitant une prise en charge médico-sociale
IV. LA PRISON, MARQUÉE PAR LA SURREPRÉSENTATION DES TROUBLES PSYCHIATRIQUES, EST UN AUTRE POINT D'ENTRÉE DANS LES SOINS
A. LA PRÉVALENCE DES TROUBLES PSYCHIATRIQUES CHEZ LES DÉTENUS EST SIGNIFICATIVEMENT SUPÉRIEURE AU RESTE DE LA POPULATION ET S'AGGRAVE EN DÉTENTION
B. LES SOINS PSYCHIATRIQUES EN MILIEU PÉNITENTIAIRE SONT RÉGIS PAR DES SERVICES SPÉCIFIQUES
C. LA PSYCHIATRIE EST MAL APPRÉHENDÉE PAR LA JUSTICE, CE QUI ACCROÎT LA PROPORTION DE MALADES EN DÉTENTION
D. LES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ DEVIENNENT UN POINT D'ENTRÉE DANS LES SOINS PSYCHIATRIQUES
PARTIE II : LES DYSFONCTIONNEMENTS CONSTATÉS DANS LA PRISE EN CHARGE EN URGENCE TRADUISENT UNE CRISE PROFONDE DE LA PSYCHIATRIE
I. LA PRISE EN CHARGE EN URGENCE EST INSATISFAISANTE, Y COMPRIS DANS DES ÉTABLISSEMENTS À LA QUALITÉ DE SOINS RECONNUE
A. LES PRISES EN CHARGE SONT DAVANTAGE LIÉES AUX MOYENS DISPONIBLES QU'À DES STANDARDS DE QUALITÉ
1. L'organisation de la prise en charge dépend principalement des moyens disponibles
2. La démarche qualité est insuffisamment adaptée et peu mise en œuvre en psychiatrie
B. LA PRISE EN CHARGE AUX URGENCES EST ASSOCIÉE À UNE EXPÉRIENCE DE LA VIOLENCE POUR PATIENTS ET PROFESSIONNELS
1. La psychiatrie et les urgences sont historiquement des secteurs plus exposés aux violences
2. Les violences ont d'importantes répercussions sur les conditions de travail des soignants et de traitement des patients
C. LES CONTRAINTES DE L'ENSEMBLE DU SECTEUR CONVERGENT VERS LES URGENCES, INDUISANT CONTOURNEMENTS ET PRATIQUES ABUSIVES
1. La saturation des urgences favorise des pratiques délétères pour les patients comme les professionnels
2. Les contraintes d'accès aux lits d'hospitalisation en psychiatrie induisent des stratégies de contournement délétères
3. La permanence des soins psychiatriques, qui ne fait l'objet d'aucune obligation, est particulièrement fragile
II. LE RECOURS CROISSANT AUX URGENCES NUIT À LA QUALITÉ DU PARCOURS DE SOINS EN PSYCHIATRIE
A. LE PASSAGE PAR LES URGENCES MARQUE UN RETARD DE PRISE EN CHARGE ET NE GARANTIT PAS L'ACCÈS AUX SOINS
1. L'augmentation de l'activité psychiatrique aux urgences révèle l'ampleur des ruptures de parcours et des retards de prise en charge
2. La venue aux urgences ne garantit pas l'entrée dans un parcours de soins psychiques
B. EN DÉPIT D'UN CADRE STRICT, LES SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT AINSI QUE L'ISOLEMENT ET LA CONTENTION SONT EN HAUSSE TENDANCIELLE DEPUIS 2012
1. Les soins sans consentement en psychiatrie obéissent à un cadre juridique strict et renforcé
2. Le recours aux soins sans consentement et aux pratiques d'isolement et de contention est pourtant en hausse depuis 2012
III. LA CRISE ACTUELLE INVITE À RECONSIDÉRER L'ÉVOLUTION DES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS DÉVOLUS À LA PSYCHIATRIE
A. LES EFFETS DE LA RÉFORME DU FINANCEMENT DE LA PSYCHIATRIE COMME DE LA HAUSSE DES DÉPENSES SONT À RELATIVISER
1. Le mode de financement historique de la psychiatrie, qui entretenait des inégalités de prise en charge, a fait l'objet d'une réforme pleinement effective en 2026
2. La hausse des dépenses d'assurance maladie liées à la prise en charge des maladies psychiatriques est toutefois à relativiser
B. UN LIEN MANIFESTE ENTRE LES DIFFICULTÉS D'ACCÈS AUX SOINS ET L'ÉVOLUTION EN TROMPE-L'ŒIL DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE
1. La croissance en trompe-l'œil du nombre de psychiatres en activité entre 2010 et 2023
2. Les psychiatres libéraux, de moins en moins nombreux, voient davantage de patients en consultation
3. Des inégalités de répartition persistantes expliquent les difficultés d'accès aux soins dans certains territoires
IV. CONJUGUANT LES DIFFICULTÉS DE LA PSYCHIATRIE ET DU SECTEUR DE L'ENFANCE, LA PÉDOPSYCHIATRIE EST SINISTRÉE
A. UNE OFFRE DE SOINS TRÈS INSUFFISANTE, AFFECTÉE PAR DES INÉGALITÉS ENTRE LES TERRITOIRES
1. Le capacitaire de lits et places d'accueil en psychiatrie infanto-juvénile est insuffisant et creuse les inégalités territoriales d'accès à la santé
2. Des effectifs de pédopsychiatre en forte diminution
B. UN PARCOURS DE SOINS ET UNE GOUVERNANCE INADAPTÉS
C. AFFAIBLI PAR DES STRUCTURES DÉFAILLANTES ET PAR UNE DEMANDE EXTRÊMEMENT DYNAMIQUE, L'ACCÈS AUX SOINS PÉDOPSYCHIATRIQUES EST EN PÉRIL
1. Les besoins de prise en charge en psychiatrie infanto-juvénile, comprenant des populations très vulnérables, sont criants
2. Un secteur dans une situation de crise majeure aux implications durables
PARTIE III : FACE À CETTE SITUATION ALARMANTE, POUR MIEUX PRÉVENIR ET PRENDRE EN CHARGE LES URGENCES, UNE ACTION PUBLIQUE AMBITIEUSE EST IMPÉRATIVE
I. UN NÉCESSAIRE NOUVEAU SOUFFLE DES POLITIQUES PUBLIQUES EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE ET DE PSYCHIATRIE
A. DEPUIS 2018, L'ACTION PUBLIQUE NATIONALE SUIT LA FEUILLE DE ROUTE DE LA SANTÉ MENTALE ET DE LA PSYCHIATRIE
1. Une feuille de route évolutive donne le cap d'une transformation du champ de la santé mentale et de la psychiatrie depuis 2018
2. L'ambition que transcrit la feuille de route est complétée par des mesures ciblées
B. POUR UNE NOUVELLE IMPULSION EN FAVEUR DE LA PSYCHIATRIE À L'OCCASION DE LA GRANDE CAUSE NATIONALE ANNONCÉE PAR LE PREMIER MINISTRE
1. Si les mesures engagées produisent des résultats encourageants, un nouveau cycle plus ambitieux encore doit s'ouvrir
2. Alors que la santé mentale a été définie grande cause nationale par le Premier ministre, la psychiatrie publique doit en constituer une dimension essentielle
II. UNE OFFRE DE SOINS À RESTRUCTURER ET À SOUTENIR POUR MIEUX PRÉVENIR ET PRENDRE EN CHARGE LES URGENCES PSYCHIATRIQUES
A. RENFORCER L'OFFRE DE SOINS DE PROXIMITÉ POUR PRÉVENIR L'URGENCE PSYCHIATRIQUE
1. Améliorer la réponse de premier niveau à la souffrance psychique
2. Simplifier l'accès aux soins de secteur par une meilleure organisation territoriale
3. Se donner les moyens d'accompagner durablement les personnes les plus vulnérables
B. STRUCTURER UN VÉRITABLE PARCOURS DE PRISE EN CHARGE PSYCHIATRIQUE D'URGENCE LIMITANT LES PASSAGES AUX URGENCES
1. Réduire les venues non pertinentes aux urgences en renforçant l'offre de consultations en soins non programmés
2. Formaliser au niveau national un parcours de prise en charge de l'urgence psychiatrique lisible, gradué et commun à tous les territoires, qui s'appuie sur les structures existantes
3. L'amélioration des conditions d'accueil aux urgences requiert une plus grande disponibilité de lits d'hospitalisation en aval
C. L'AMÉLIORATION DE L'OFFRE DE SOINS NÉCESSITE UNE CONTRIBUTION PLUS ÉQUITABLE DU SECTEUR PRIVÉ
1. La nécessité d'un partage plus équitable entre établissements
2. Les dispositions de la récente loi "Valletoux" et la réforme des autorisations en psychiatrie peuvent permettre un rééquilibrage à court terme
D. UN SURSAUT ATTENDU POUR LA PÉDOPSYCHIATRIE ET LA SANTÉ MENTALE DES JEUNES
1. Mettre en œuvre les mesures issues des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant de 2024
2. Développer une politique de prévention et de repérage précoce associant l'institution scolaire
3. Garantir une offre de soins pédopsychiatriques sur tout le territoire
4. Déployer des mesures ciblées sur les enfants protégés
5. Faire de la santé mentale périnatale un axe fort des politiques de santé publique
E. LA FORMATION ET L'ATTRACTIVITÉ DE LA FILIÈRE SONT DÉTERMINANTES POUR L'AVENIR DE LA PSYCHIATRIE
1. Un effort de formation à amplifier pour le renouveau démographique de la filière
2. Renforcer l'attractivité des métiers en combattant la stigmatisation de la filière et en améliorant les conditions de travail
LISTE DES PROPOSITIONS
TRAVAUX DE LA COMMISSION
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES
ANNEXE N° 2 : DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION
ANNEXE N° 3 : MESURES DE LA FEUILLE DE ROUTE SANTÉ MENTALE ET PSYCHIATRIE
- Type de document : Rapport parlementaire
- Pagination : 238 pages
- Édité par : Assemblée nationale
- Collection : Documents d'information de l'Assemblée nationale
- Numéro dans la série : 714