Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur la politique d'accueil des étudiants étrangers en France, le bilan et les mesures prises pour renforcer à l'étranger la promotion et l'attractivité des formations dispensées par l'enseignement supérieur français, Paris le 28 mars 2002.

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Circonstance : Installation avec le ministre de l'éducation nationale du Conseil national pour l'accueil des étudiants étrangers en France au ministère de l'éducation nationale le 28 mars 2002

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
L'installation du Conseil national pour l'accueil des étudiants étrangers en France s'inscrit dans la logique de la politique d'accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France mise en oeuvre par le gouvernement depuis 1998.
On a eu un débat, une hésitation intellectuelle au début à considérer cette question de l'enseignement supérieur aussi comme un marché, cela n'est évidemment pas que cela, et le terme heurte parfois, est parfois trop réducteur. Mais dans le monde tel qu'il est, on voit bien que c'est à la fois un élément de politique de solidarité mais que c'est aussi un élément de la compétition économique et on voit bien que c'est utilisé comme tel, évidemment par les Etats-Unis, mais aussi par l'Allemagne, le Royaume-Uni, on a vu que c'était devenu un objectif pour l'Australie, donc, cela a alimenté notre réflexion.
La puissance et le rayonnement d'un pays, dans un monde où l'enseignement supérieur constitue aussi, qu'on le veuille ou non, un véritable marché, se mesurent largement aujourd'hui à sa capacité à attirer un nombre élevé d'étrangers désireux d'acquérir une formation de qualité et reconnue au niveau international.
Encore faut-il que tous les mécanismes depuis l'information initiale jusqu'à l'accueil et même ce qui se passe après la fin des études, que tout cela soit constamment attractif.
Le constat que nous avions fait en 1998 du recul de la place de la France dans ce domaine, a ainsi conduit à l'époque Claude Allègre et moi-même à engager une politique vigoureuse pour renverser cette tendance : en faisant mieux connaître l'offre française de formation, en simplifiant les démarches des étudiants étrangers afin qu'ils puissent s'inscrire plus facilement dans nos établissements d'enseignement supérieur et obtenir leur visa pour études, et en soutenant ces établissements dans leurs efforts d'ouverture internationale afin qu'ils offrent les meilleures conditions d'accueil et de séjour à ces étudiants, ce que beaucoup d'établissements faisaient, mais souvent se privant des avantages d'une coordination ou d'une information plus générale.
Les mesures prises ont déjà donné déjà des résultats significatifs : le nombre d'étudiants étrangers accueillis dans nos formations supérieures (universités, écoles d'ingénieurs, institutions privées) a commencé à remonter et atteint 174.000 pour l'année universitaire 2000-2001, soit 25.000 étudiants de plus qu'en 1998. Témoigne aussi de cette progression la hausse sensible du nombre de visas étudiants délivrés chaque année par nos postes diplomatiques, les deux choses sont liées.
Nos programmes d'attribution de bourses d'études, de stage et de recherche devaient être restructurés et renforcés. C'est ainsi que plusieurs grands programmes, cofinancés avec nos partenaires étrangers, de formation de doctorats, d'enseignants-chercheurs, d'ingénieurs, ont été mis en place dans le cadre de notre coopération bilatérale, notamment avec le Brésil, le Chili, le Mexique, le Vietnam, la Syrie, l'Algérie. Grâce à la très bonne relation de travail qui s'est établie entre mon département ministériel et le ministère de l'Education nationale, tout a été fait ensemble pour que ces programmes se déroulent dans les meilleures conditions.
Dans le même esprit, les bourses d'excellence Eiffel, destinées à appuyer l'action d'ouverture internationale de nos établissements d'enseignement supérieur, et à former les futurs cadres de l'entreprise et de l'administration des pays étrangers partenaires, ont été attribuées depuis leur lancement en 1999 à plus de 1.100 étudiants étrangers. J'ai eu moi-même l'occasion, à deux reprises, de recevoir les bénéficiaires de ce programme et de mesurer à la fois leur enthousiasme, leur fraîcheur, leur plaisir d'être ici. On sent quelque chose, à quoi le ministère de l'Education et moi-même sommes très sensibles, qui a fait l'objet d'un rapport parlementaire avec un très beau titre, il s'appelait "Le désir de France" un rapport de Patrick Bloch, et cela est quelque chose que nous, nous le ressentons, et dès qu'on met les pieds hors de France, on le mesure. Et c'est quelque chose, dont malheureusement beaucoup de gens de notre pays, ne sont pas sensibles, qu'ils sous-estiment. La France a connu historiquement des périodes prétentieuses et là on est plutôt dans l'inverse, on est plutôt dans une période de sous-évaluation, de nous-mêmes, de ce que nous représentons. Et dès lors que nous le faisons d'une façon moderne, d'une façon gentille, mais qu'on répond à une demande possible, il est clair que l'on représente quelque chose qui est vraiment attirant, pour beaucoup de pays et de peuples dans le monde, surtout vu la forme brutale sous laquelle avance la globalisation.
Les bourses Major, plus récemment créées, donnent désormais aux meilleurs élèves étrangers des lycées français à l'étranger la possibilité de poursuivre cinq années d'études supérieures en France après l'obtention du baccalauréat : près d'une centaine d'étudiants sont ainsi sélectionnés chaque année. La mise en place d'autres programmes d'échanges, tel le programme Duo pour le renforcement de la mobilité des étudiants entre l'Europe et l'Asie, est en cours.
Au-delà des nouvelles mesures relatives à l'attribution des bourses du gouvernement français, une importante action de promotion de notre enseignement supérieur à l'étranger a été entreprise. Elle s'appuie notamment sur l'agence EduFrance, créée en 1998 et qui regroupe à présent quelque 170 établissements français adhérents et qui dispose en 2002 d'un réseau de 77 espaces dans 36 pays différents. Par la mutualisation de nos efforts de promotion, et avec l'appui de notre réseau diplomatique, la France est désormais présente dans les principaux salons et forums éducatifs à l'étranger. Ces premiers succès, qu'il importe naturellement de confirmer, expliquent que Jack Lang et moi-même avons souhaité qu'EduFrance assure le secrétariat des travaux du Conseil que nous installons aujourd'hui.
Il y a évidemment toutes sortes de choses à faire pour que ce soit de mieux en mieux ajusté à l'objectif, que les mécanismes se perfectionnent, cela se fera dans les années qui viennent.
Le ministre de l'Education nationale évoquait à l'instant l'effort accompli, pour améliorer la lisibilité du système français. Les profondes modifications introduites dans ce cadre favoriseront la mobilité étudiante et rendront nos formations à la fois plus compréhensibles et plus accessibles, pour les étudiants étrangers.
Enfin, l'allégement des procédures de traitement des demandes de visas et de titre de séjour pour les étudiants étrangers permet à présent à ceux qui peuvent justifier de leur inscription dans un établissement d'enseignement supérieur et de ressources suffisantes pour vivre en France, d'obtenir facilement leur visa pour études. C'est dans le même esprit, et en étroite association avec le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Education nationale, que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et le ministère de l'Intérieur ont décidé d'améliorer les conditions d'accès à l'emploi des étudiants étrangers pendant leurs études, par l'assouplissement de la procédure d'autorisation de travail, et ont mis en place un traitement plus favorable des demandes de changement de statut (d'étudiant à salarié), lorsque l'emploi prévu après les études en France est en adéquation avec les études suivies.
En peu d'années, on a quand même réussi, les uns et les autres, à faire sauter toute sorte de verrous. Il faudra qu'on s'organise pour bien faire face aux nouveaux flux mais il fallait commencer par cela.
Il reste naturellement beaucoup à faire et, comme l'a souligné le professeur Elie Cohen, dans son excellent rapport, certaines mesures peuvent et doivent être mises en oeuvre rapidement. Comme cela a été fait déjà par la déclaration d'action internationale par établissement d'enseignement supérieur, la facilitation de l'accès des élèves des lycées français de l'étranger à l'enseignement supérieur français, notamment en accélérant le traitement des dossiers de pré-inscription, la généralisation de la traduction des diplômes, la création d'un conseil pour l'accueil des étudiants étrangers, chargé d'assurer un suivi quantitatif et qualitatif de notre politique d'accueil, et de formuler des avis pour la mener à bien.
Je remercie à nouveau le professeur Cohen pour la qualité du travail, la justesse des recommandations, la précision de ses suggestions et c'est une base de progrès et de réforme très précieuse.
C'est pour moi un grand motif de satisfaction que de participer aujourd'hui à l'installation de cette instance consultative, dont je ne doute pas, compte tenu de la qualité et des compétences des personnalités qui ont bien voulu accepter d'y siéger aux côtés des administrations concernées, qu'elle contribuera rapidement à améliorer la chaîne de l'accueil et à élaborer des propositions concrètes favorisant l'attractivité de nos formations.
Mes souhaits accompagnent tous ceux qui ont contribué à la mise en place de ce Conseil national pour l'accueil des étudiants étrangers en France, et tous ceux qui s'apprêtent à le faire vivre, pour l'accomplissement de cette mission ,fondamentale pour la place de la France dans le monde, dans la formation des élites, mais aussi essentielle dans notre politique de solidarité.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2002)