Déclaration de Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, sur les mesures prises pour faciliter et accélérer le mouvement d'accession sociale à la propriété, notamment la convention entre l'Etat et la Fédération des coopératives, et sur la contribution de l'épargne salariale au développement de l'économie sociale et du logement, Paris, le 13 mars 2002.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM à Paris le 13 mars 2002

Texte intégral


Monsieur le Président, cher Jean-Louis,
Monsieur le Directeur,
mesdames et messieurs les représentants des Fédérations et des Offices,
mesdames et messieurs les représentants des différentes familles d'Hlm,
mesdames et messieurs,
l'une des premières sorties en ma qualité de Secrétaire d'Etat au Logement était déjà l'Assemblée générale des coopératives.
Un an après, je crois qu'une très large partie des engagements que j'avais pris devant vous a été tenue. Je crois que nous devons nous tourner vers ce qui a été fait mais surtout, à un moment aussi décisif pour le pays que la préparation d'une élection majeure, réfléchir aux pistes d'avenir pour le logement, pour le logement social et pour l'accession à la propriété.
L'année passée a été largement marquée par la mise en oeuvre de la loi SRU. J'ai entendu l'impatience du Président Dumont à voir l'ensemble des décrets et des textes d'application enfin publiés. Je voudrais lui dire que nous avons fait un grand chemin et que ce qu'il reste à arbitrer n'est, somme toute, pas déterminant et souvent bien engagé. De ce point de vue, je voudrais remercier l'administration de la Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, qui a eu à faire un double travail : mettre en oeuvre l'application de la loi SRU et répondre présent aux nouvelles politiques impulsées il y a seulement un an, qui ont été concrétisées dans les faits. Sans leur intervention, leur mobilisation et leur engagement, cela n'aurait pas été possible.
Concernant la loi SRU, on peut rappeler, en premier lieu, que les dispositions sur la CGLS ont été mises en place, après de longues discussions. Les discussions les plus longues n'ont d'ailleurs pas toujours eu lieu dans l'administration mais parfois au sein du mouvement HLM lui-même. En deuxième lieu, la société de garantie accession est évidemment un peu compliquée : comme vous le savez, notre Fédération - dont je fais partie de longue date - n'a jamais été favorable à la création de cette société de garantie. Nous ne souhaitions pas qu'elle soit mise en place dans de mauvaises circonstances et dans la précipitation. De ce point de vue, le législateur vous a entendu, Monsieur le Président : nous avons obtenu des délais plus longs pour sa mise en oeuvre. Je dirais pudiquement que la question est toujours en discussion, non pas sur son principe - car la loi étant votée, elle doit être appliquée - mais concernant sa mise en oeuvre. Selon les termes de la loi, si celle-ci devait être poursuivie dans les orientations actuelles, il faut qu'elle puisse fonctionner et qu'en aucune façon nous ne constations des blocages à la mise en oeuvre des programmes et des actions d'accession à la propriété.
Les textes sur les compétences, c'est-à-dire sur les clauses type, sont en préparation. Je crois qu'il ni a pas de retard à redouter dans leur traitement. Les plafonds d'accession seront, pour l'ensemble des familles HLM, hormis les coopératives, à arbitrer avant la fin du mois. Je rappelle en effet qu'à la demande de la Fédération, le principe de plafonds de ressources n'est pas retenu pour les coopératives. Cela sera acté. La solution que vous avez proposée sera retenue par le gouvernement. Nous signerons ainsi le 28 mars une convention entre l'Etat et la Fédération des coopératives, qui permettra de conserver l'esprit du dispositif (le logement social dans l'accession à la propriété réalisée par les coopératives), sans tomber dans un système " corseté " qui rendrait plus difficiles des opérations mixtes et la mixité sociale sur le terrain. Je crois pouvoir vous dire, Monsieur le Président, qu'il n'y a à ce jour aucun obstacle à ce que, sur la base des propositions faites - à une très mince différente près, qui ne concerne aucun point stratégique - nous soyons en situation de signer cette convention le 28 mars prochain.
Par ailleurs, sept décrets ont été présentés au Conseil supérieur HLM au début de ce mois. Répondant en cela à aux lenteurs que vous avez évoquées dans l'application de la loi SRU, je me permets ainsi de souligner que si toutes les lois étaient appliquées à ce rythme, le pays pourrait dire qu'il a relevé une de ses grandes difficultés historiques : le décalage, souvent trop grand, qui existe entre la loi et le décret.
Le point central demeure, bien entendu, l'accession à la propriété. Je crois qu'il a trouvé une première réponse à travers le principe selon lequel l'accession sociale pouvait aussi être une accession très sociale. Je ne reviens pas sur les primes que nous avons mises en oeuvre. J'ai l'intime conviction, en faisant le tour des premières opérations, que l'idée que nous avions, à travers l'expérimentation sur deux fois 1 000 primes, qui visait à convaincre les forces politiques dans leur diversité - les élus locaux et l'ensemble des acteurs qui interviennent dans les grands choix de ce pays - de l'opportunité d'une relance de l'accession à la propriété et de la faisabilité d'une accession très sociale, est un pari gagné.
Après avoir rencontré des élus et certaines des coopératives que vous avez citées, je crois en effet que ce travail de conviction est acquis, en des lieux et en direction d'une large part des élus locaux, souvent d'élus nationaux, qui en toutes circonstances pourront peser, culturellement, pour que ces systèmes de primes puissent être généralisés et que nous accélérions le mouvement d'accession sociale à la propriété.
Je crois qu'il nous faut nous mobiliser collectivement - particulièrement l'ensemble du mouvement HLM mais, au-delà, toutes celles et tous ceux qui luttent pour le droit à un logement décent et de qualité - pour que la France aille encore plus loin dans ses efforts de construction et de production de nouveaux logements. Il faut porter le message que nous avons besoin de logements. En effet, la démographie évolue, plutôt favorablement. Les Françaises font à nouveau des enfants. Cela veut dire qu'il faudra adapter nos logements à cette montée. Il vaut mieux y penser à l'avance plutôt que d'attendre que des difficultés et des tensions liées à l'inadaptation du marché du logement à cette réalité se fassent jour le moment venu - qui vient finalement assez vite.
En deuxième lieu, les modes de vie évoluent. Les divorces continuent à augmenter et la revendication d'une meilleure répartition de la garde - à travers la garde alternée mais aussi la co-parentalité, mieux assumé au cours de la vie - conduit souvent les familles, en cas de divorce, à revendiquer pour les deux parents des logements de taille plus importante qu'auparavant, lorsqu'un seul des parents avait la garde. On voit ainsi, notamment dans le logement social, monter des demandes de couples divorcés, en particulier d'un des deux conjoints, pour un logement abordable, le pouvoir d'achat n'étant plus garanti de la même façon que lorsque deux salaires contribuent aux frais du logement. En outre, la taille des logements demandés est plus importante que par le passé.
Ces évolutions de modes de vie s'ajoutent aux mécanismes de vieillissement et de maintien à domicile, que l'allocation personnalisée d'autonomie incarne, en tant que finalité, puisqu'elle vise à permettre à chacun, quand il le souhaite, de rester là où il ou elle a toujours vécu. Cela constitue une donnée lourde, dans la longue durée, là où jouait jusqu'à présent un renouvellement plus fréquent de petits et grands logements, de pavillons, par exemple vers des maisons de retraite ou d'autres réponses. De nombreux citoyens restent aujourd'hui plus longtemps dans leur appartement ou dans leur maison, parfois surdimensionnés au regard de ce que l'on pourrait objectivement juger raisonnable, mais affectivement indispensables au bien-être et au bonheur de chacun.
En troisième lieu, la France a besoin de permettre à ses jeunes d'acquérir leur autonomie - parfois en les aidant aussi à la vouloir - et de leur garantir que cela est possible. Or nous avons un très grand problème d'accès des jeunes (étudiants, jeunes couples qui s'installent et jeunes en général qui démarrent dans la vie) au logement. J'ajoute à ce bilan qu'il reste encore de nombreuses personnes sans domicile fixe ou dans des conditions de logement qui ne permettent pas la réhabilitation (habitat indigne). Il faut faire passer ce message au pays et je souhaite que les candidats à l'élection présidentielle l'assument : la France a besoin de logements supplémentaires, en construction neuve et en valorisation de son patrimoine existant, c'est-à-dire en réhabilitation d'ancien, souvent assez bien situé du point de vue des objectifs de mixité sociale, idée qui semble avoir fait son chemin.
J'ai proposé au candidat Lionel Jospin de proposer la construction de 2,5 millions de logements dans les cinq ans à venir. Le rythme actuel de constructions neuves est de 300 000 logements par an. Environ 35 000 logements sont, par le biais de l'ANAH, remis en usage chaque année. Au total, cela représente 335 000 logements, alors que nous devons passer à 400 000 nouveaux logements par an, pour tenir l'objectif de 2 millions de logements neufs. Cela dit, j'ai l'intime conviction qu'une plus grande marge peut être mobilisée dans le parc ancien. Il faut trouver les outils adaptés pour le faire. Néanmoins, il est nécessaire de construire davantage de logements neufs ou en tout cas de se situer dans la fourchette haute du niveau actuel, autour de 320 000 logements par an.
En matière de logement social, si nous souhaitons passer du rythme de 56 000 logements neufs chaque année - contre 42 000 il y a quelques années - à 70 000 ou 80 000 nouveaux logements par an, ce qui paraît un rythme somme toute assez normal en matière de HLM, lorsqu'on observe le numéro unique, les demandes et les évolutions sociales, je crois que nous pouvons tenir cet objectif. Cela suppose bien sûr de trouver les ressources qui nous permettront d'y parvenir.
Premièrement, ces ressources budgétaires seront d'autant plus faciles à exiger que nous aurons enfin bien consommé l'ensemble de nos lignes budgétaires. Deuxièmement, il faut mobiliser l'épargne des Français. Troisièmement, il nous faut déterminer comment répondre aux besoins de retraite de nos concitoyens dans quinze ou vingt ans, ce en quoi l'économie sociale et solidaire constitue certainement une piste intéressante. En effet, une très bonne solution existe : placer de l'argent aujourd'hui pour répondre à un intérêt collectif, le besoin de logement des Français et valoriser à l'échéance de quinze à vingt ans ce patrimoine que l'on aurait constitué, pour abonder les fonds de répartition. De ce point de vue, le 1 %, avec la foncière, ouvre une méthode qui mérite de faire l'objet d'une réflexion dans d'autres champs, pour le financement des retraites. A travers ces pistes et à travers la question foncière, qui est un autre volet indispensable de la réussite d'une politique de construction et de production de logements, il me semble que nous avons les moyens d'adosser une mobilisation financière du pays au service d'une double cause : répondre à l'exigence de droit au logement et à un logement de qualité, d'une part ; adosser cette réponse à un abondement des moyens pour la retraite.
Dans ce cadre, l'accession sociale à la propriété doit monter en puissance. Je l'ai déjà dit et je le répète : il s'agit de la première aspiration des Français. Or je pense qu'on ne fait pas le bien du peuple sans s'appuyer sur les besoins qu'il exprime. En effet, le prêt à taux zéro fut un réel succès. Il doit être amélioré, si l'on souhaite élargir le champ de l'accession à la propriété. Je préconise, pour ma part, qu'on l'améliore dans plusieurs directions et qu'on invente un nouveau prêt à taux zéro, pour élargir le champ des bénéficiaires, mais aussi pour rendre plus facile la mobilité. Cela constitue en effet une des difficultés actuelles : l'on peut être amené à revendre son bien, pour diverses raisons (mobilité professionnelle, problèmes familiaux, etc.). De ce fait, il demeure encore, pour nos concitoyens, une grande crainte de constater une perte du placement qu'ils ont effectué dans l'accession au regard de l'investissement qu'ils ont consenti. Une telle perte peut en effet s'avérer très importante, notamment dans les premières années. Un peu à l'image de ce que le mouvement HLM a introduit, à travers la sécurisation, il nous faut donc introduire des logiques d'amélioration des capacités de mobilité et de sécurisation au regard des aléas de l'existence.
Nous avons donc, dans la sécurisation HLM, à la fois une piste féconde pour la sécurisation du prêt à taux zéro et une voie - qui était déjà tracée - pour favoriser la mobilité de nos concitoyens, ou en tout cas ne pas en faire un obstacle à l'accession à la propriété. Je crois donc qu'il faut inventer un nouveau prêt à taux zéro et généraliser la prime que nous avons initiée à travers la prime à l'accession très sociale. Il faut même, à mes yeux, aller au-delà, en améliorant les mécanismes d'accession dans l'ancien. Je pense, de ce point de vue, aux primes aux accédants en milieu urbain. Il faut donc être capable de s'adosser aux aspirations de nos concitoyens et je crois que le pays peut l'assumer du point de vue budgétaire. Le temps est venu d'ouvrir une nouvelle page de l'accession à la propriété, dans le cadre de laquelle l'accession sociale et l'accession très sociale restent des piliers majeurs. C'est en effet de ce côté-là que le prêt à taux zéro mérite d'être encore consolidé.
Je n'ai pas encore lu l'ensemble du rapport-bilan de la mission sur le prêt à taux zéro. Ce que j'en ai entendu peut se résumer ainsi : tous ceux qui souhaitaient, à travers cette mission, trouver des arguments pour tordre le cou au prêt à taux zéro n'ont trouvé aucun argument pour le faire. Le rapport tend même plutôt à consolider l'intérêt du produit, même s'il plaide pour sa réorientation dans certaines directions - plus sociales, plus urbaines. En tout cas, l'idée que ce rapport devait constituer la " torpille " lancée par Bercy pour mettre en cause l'accession par le prêt à taux zéro a fait long feu. Elle s'est autodétruite avant que de toucher sa cible.
Je crois qu'il faut construire du logement social et du logement en général. Il est fondamental de relancer l'accession à la propriété en lui donnant un contenu plus social. En effet, ce qui est en cause derrière ceci est bien sûr l'enjeu de la mixité urbaine et de la mixité sociale. Nous en avons déjà souvent parlé et la loi SRU place ces enjeux au coeur de son dispositif. Cela constitue aussi un outil pour les retraites.
Mais, pour ma part, je crois fondamentalement à la promotion sociale, comme je l'ai souligné lorsque nous sommes allés posés les premières pierres et rencontrer les premiers accédants. Nous sommes dans un monde où l'on ne reste plus toute sa vie dans la même entreprise, où de nombreux changements sont à l'oeuvre et où toute personne a la possibilité de voir ses acquis reconnus et valorisés, parce qu'elle disposait d'une solide formation à l'origine ou au prix d'un effort de formation personnelle au cours de la vie, en espérant toucher un salaire plus élevé en changeant d'entreprise.
Or on constate hélas que les salariés les plus modestes de notre société, lorsqu'ils changent d'entreprise, redémarrent souvent en bas de l'échelle. On voit ainsi apparaître un mécanisme à travers duquel ceux qui touchaient le SMIC à l'entrée dans la vie active, finissent leur carrière à un niveau de salaire souvent très proche. On brise ainsi un des ressorts majeurs d'une société pour que chacun s'y implique et ait le sentiment que son travail, au-delà des moyens de subsistance, lui offre une part de sa dignité. Il est pourtant crucial que chacun ait le sentiment que son travail fonde des éléments qu'il va transmettre à ses enfants : ses savoirs, ses acquis, son expérience mais aussi, parfois, des biens.
Si l'on brise la logique de la promotion sociale, on entre alors dans une société où la valeur travail perd de sa force et où l'idée que l'on passe sur terre pour être un acteur de sa propre destinée et des destinées collectives ne trouve plus d'écho. On casse ainsi des ressorts majeurs, qui sont des ressorts collectifs. La promotion sociale porte les enjeux du travail, du plein emploi et de la formation tout au long de la vie. Mais elle inclut aussi l'existence d'un parcours résidentiel et la possibilité - qui correspond à une aspiration - d'avoir acquis un bien qui corresponde à l'idée que l'on se fait de bonnes conditions de vie, que l'on pourra transmettre à ses enfants, en tant que patrimoine. J'ai l'intime conviction que ce qui se joue à travers l'accession à la propriété est la réalisation d'un droit - que la collectivité doit garantir à tous - à la mixité et à un moteur social retrouvé, dans une société qui va de l'avant et qui retrouve sens au beau mot de progrès.
Je crois que nous sommes en train de convaincre. Vous êtes souvent les acteurs les plus motivés pour mettre en oeuvre sur le terrain ces politiques originales. J'espère que les outils que nous aurons fondés ensemble, en particulier à travers la convention que nous allons signer, consolideront votre action. Il me semble que cette convention doit aussi nous amener à réfléchir à une nouvelle étape de l'économie sociale et solidaire. Actuellement, cette idée fait son chemin, à travers des mécanismes variés. Je pense en particulier à l'épargne salariale, concept à propos duquel j'ai toujours eu quelques réserves, mais qui existe et que l'on doit donc utiliser au mieux des causes que l'on veut défendre.
Or derrière cette question de l'épargne salariale se joue, à mes yeux, l'opportunité d'inventer de nouveaux outils, au service de l'économie sociale et au service du logement. Je crois aussi que les coopératives ne doivent pas être seulement être adossées à l'accession " pure " à la propriété. Je vois, un peu partout dans le monde, des formes diverses qui se constituent pour répondre à cet objectif. Il existe ainsi des formes plus mixtes entre le fait coopératif et le locatif, des formes dans lesquelles l'on organise les locataires en coopératives.
Plus je visite un certain nombre de lieux à l'étranger, plus j'ai l'intime conviction qu'il existe des formes nouvelles et fécondes, qui unissent la logique coopérative et celle du logement social. C'est pourquoi je forme le voeu que cette année 2002 soit celle de la consolidation de l'accession à la propriété et de son développement à travers l'accession sociale, et une année porteuse et féconde d'innovations pour le fait coopératif. Celui-ci, né il y a plusieurs siècles, était fondé sur la belle idée d'une société de responsabilité, mais une société mutualisée. Je suis convaincue - et je sais que vous l'êtes aussi - que ces deux valeurs sont des grandes valeurs d'avenir pour la France, pour le monde et - je l'espère - pour le progrès humain d'une façon plus générale.
(source http://www.union-hlm.org, le 28 mai 2002)