Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, sur France 3 le 13 mars 2002, sur la tonalité générale de la campagne électorale, l'enseignement et l'égalité des chances, l'insécurité, l'avenir d'EDF et la défense du service public, la décentralisation et le référendum d'initiative populaire et sur la politique étrangère.

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Média : France 3 - Télévision

Texte intégral

ELISE LUCET
A moins de quarante jours du premier tour de l'élection présidentielle nous recevons ce soir Charles PASQUA pour le Rassemblement pour la France, Jean-Marie LE PEN pour le Front national, Jean-Pierre CHEVENEMENT pour le pôle républicain qui nous rejoindra en cours d'émission et François BAYROU pour l'UDF, les quatre candidats répondront aux questions de citoyens.
(...)
ELISE LUCET
(...) François BAYROU qui nous a rejoints, vous allez découvrir comment vous êtes perçu par les Français au travers de notre portrait express et des réflexions des Français qui suivent votre campagne. On les écoute.
UN HOMME
Alors moi je vois François BAYROU comme étant le digne héritier de Jean LECANUET et de cette ligne sociale-démocrate attachée aux valeurs chrétiennes humanistes.
UN HOMME
Il manque d'un certain charisme et pour emmener tout un camp, ce n'est pas évident.
UNE FEMME
C'est quelqu'un de jeune, de nouveau, qui n'a pas d'idées plus neuves que les autres.
UN HOMME
Il a voulu faire peut-être une campagne à l'américaine mais non ça ne prend pas.
UNE FEMME
Moi, je ne tire pas sur les ambulances, donc je pense qu'il est sûrement sincère.
UN HOMME
C'est quelqu'un qui respecte son engagement depuis que je le connais et quelqu'un qui est courageux, donc moi je le salue.
UN HOMME
Je sais qu'il veut se démarquer de la campagne officielle du RPR, du grand parti de droite, on va dire, mais j'ai du mal à dire ce qu'il veut dire.
UN HOMME
Je crois que c'est souhaitable que quelqu'un de jeune ait sa place.
UN HOMME
Je pense qu'il ne percera pas parce qu'on lui barre la route de tous les côtés.
UN HOMME
Ca a toujours été un des problèmes de la droite d'être focalisée sur une personnalité et de ne pas pouvoir multiplier les idées, les idéologies, les poids lourds.
ELISE LUCET
Alors François BAYROU, on vous barre la route comme disait le Français qu'on entendait il y a quelques secondes ?
FRANÇOIS BAYROU
Non ce n'est pas à moi, ce n'est pas une question d'un homme, c'est que cette élection, en effet, on essaie de la forcer. Chez moi on gave les oies, en béarnais on dit, on utilise le verbe "enguisera" (ph), "enguiserer" ça veut dire enfoncer dans le gésier des oies qu'elles le veuillent ou pas une nourriture dont franchement elles n'ont pas envie, eh bien c'est exactement ce qui se passe, on essaie de forcer dans le gosier des Français le duel décidé à l'avance sans qu'ils aient le moindre mot à dire entre monsieur JOSPIN et monsieur CHIRAC. Mais les électeurs ne sont pas des oies, et n'étant pas des oies, ma conviction à moi, c'est qu'ils ne se laisseront pas faire et que donc ils vont se saisir de l'arme absolue qu'ils ont entre les mains et qu'il est tout simplement un petit bulletin de vote pour qu'au premier tour le paysage change. Voilà ce que je crois et voilà pourquoi je suis là.
ELISE LUCET
Alors vous avez été pendant plusieurs années ministre de l'Education, c'est un ancien instituteur et directeur d'école primaire qui va vous poser la première question, Charles GIORDANO qui est à Paris ici sur notre plateau, monsieur Charles GIORDANO, je vous en prie, quelle est votre question à François BAYROU ?
CHARLES GIORDANO
Bonsoir François BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonsoir.
CHARLES GIORDANO
Moi, je vais essayer de relater un petit peu le vécu de ces quarante dernières années puisque j'ai enseigné à l'école élémentaire et je crois que les règles commencent là et qu'il faut commencer à apprendre les choses importantes à nos jeunes dès le plus jeune âge. Toute vie en société nécessite donc le respect de certaines règles et donc il faut leur inculquer dès cet âge là. Alors, je sais que les municipalités dans ce domaine, car je l'ai vécu, ont des pouvoirs en ce qui concerne la carte scolaire , car c'est elle qui décide de la carte scolaire et de la population qui doit aller dans telle ou telle école et alors on se retrouve dans des villes moyennes ou de plus grandes importances où des écoles sont fournies, où les enfants à problème sont concentrés dans des écoles et où d'autres quartiers plus tranquilles bénéficient d'un enseignement un peu plus serein. Alors moi, je me suis battu longtemps pour essayer de faire un brassage de ces populations de manière à ce que tout simplement le bon l'emporte sur le moins bon et je me suis toujours heurté à des maires qui, pour des raisons électorales, très souvent, voulaient tout simplement que l'école soit au pied du quartier de tel ou tel
ELISE LUCET
Alors votre question monsieur GIORDANO.
CHARLES GIORDANO
Alors la question est, l'Etat, si demain vous êtes président est-ce que vous souhaiteriez que l'Etat intervienne dans ce domaine comme également dans un autre domaine qui me paraît d'importance, c'est l'allocation allouée par les municipalités pour le fonctionnement de ces écoles qui est, comme vous le savez, très diverse d'une commune à l'autre et dans ce domaine là encore nous n'avons pas au niveau de l'égalité des chances, on ne peut pas parler d'égalité des chances aussi dans ce domaine là. Quel est votre sentiment ?
FRANÇOIS BAYROU
Monsieur GIORDANO, monsieur le directeur, on ne peut pas poser la question seulement en disant il y a une disparité entre l'école des pauvres et l'école des riches. Nous avons connu, vous et moi, un temps dans lequel ce n'était pas d'être pauvre ou riche qui faisait réussir à l'école. Et de ce temps là, nous devons, me semble-t-il, tirer modèle aujourd'hui. Il y a des enfants à problèmes, ils méritent des solutions particulières, mais pour le reste, quel que soit le bord où l'on se trouve, que l'on accepte que l'école laisse entrer en 6ème des enfants qui ne savent pas lire et écrire, c'est une faute.
LE JOURNALISTE
Et vous avez été quatre ans ministre de l'Education nationale.
FRANÇOIS BAYROU
C'est pourquoi je dis cela en sachant ce qu'il en est en effet. Un enfant
CHARLES GIORDANO
c'est une faute.
FRANÇOIS BAYROU
Ecoutez, considérons qu'on n'est pas là pour livrer des procès et considérons qu'il faut tourner la page sur cette affaire. Et c'est pourquoi je dis : plus d'entrée en 6ème sans avoir vérifié que l'enfant sait lire, écrire et compter. Et s'il sait lire écrire et compter : il suivra et il suivra une bonne école parce que l'Education française est une bonne école, et pour les autres parce que c'est ça la véritable question, pour les autres donnons-leur tous les moyens nécessaires, créons des classes spéciales de rattrapage s'il le faut avec un enseignant pour 3 ou 4 élèves, ne mégotons pas sur ces moyens là parce qu'on ne peut pas continuer à avoir ce que nous avons aujourd'hui, c'est-à-dire des classes tellement différentes entre celui qui ne sait pas lire et celui qui a un niveau de lecture très important, il faut qu'on règle la question de manière que tous les enfants aient les mêmes chances, qu'ils soient dans les quartiers pauvres ou dans les quartiers riches. Pour le reste, on a essayé aux Etats-Unis ils ont pris des bus et ils ont transporté les élèves
CHARLES GIORDANO
Dans mon école, j'avais une classe de rattrapage, j'avais une classe de rattrapage qui bénéficiait de cette structure qui était enrichie.
FRANÇOIS BAYROU
Oui mais ces élèves
CHARLES GIORDANO
Oui mais dans cette classe de rattrapage, il n'y a jamais eu aucun enseignant titulaire, je me battais avec mon inspecteur pour essayer de recruter. On n'avait aucun maître expérimenté, qui voulait ces classes là, alors que comptez-vous faire pour que ces classes deviennent attractives ? Essayons au moins de revaloriser la fonction de ces enseignants car de bons enseignants, des enseignants expérimentés
FRANCOIS BAYROU
Essayons de donner plus, pas essayons, faisons , donnons plus à ceux qui font plus, donnons plus à ceux qui prennent des risques personnels et que ce soit un plus pour leur carrière au lieu d'être un frein, eh bien, nous sommes du même avis.
ELISE LUCET
François BAYROU, on a vu la tragique affaire des rackets d'Evreux, on en parle beaucoup depuis deux jours, que proposez-vous face à la violence scolaire et aux bandes organisées qui déstabilisent beaucoup les établissements scolaires ?
FRANÇOIS BAYROU
Cette affaire d'Evreux n'est pas une affaire scolaire , c'est une affaire de la ville et, précisément, j'ai sur ce point un débat avec le capitaine de police de Bordeaux.
ELISE LUCET
Le racket, ça se passait à l'école.
FRANÇOIS BAYROU
Non, qui s'est exprimé, c'est un sujet très important. Le capitaine de police a dit : il y a des candidats qui proposent que le maire dans les grandes agglomérations ait autorité sur la police de proximité, je suis de ceux là et le cas d'Evreux est formidablement éclairant, qui est le maire d'Evreux ?
ELISE LUCET
Jean-Louis DEBRE.
FRANÇOIS BAYROU
Jean-Louis DEBRE, ancien ministre de l'Intérieur. A-t-il à dire sur la police de proximité à Evreux ? Aucun. La bande de trente ou quarante jeunes qui a massacré ce pauvre homme, et je pense spécialement à son fils parce que ça doit être très lourd à porter que son père ait donné sa vie pour essayer de le défendre contre un racket. Mais cette bande-là, elle ne s'est pas créée en un seul jour, il y a des mois et des mois et des années que cette bande se forme et se renforce.
ELISE LUCET
Et qu'est-ce que vous proposez, vous ?
FRANÇOIS BAYROU
Et qu'a-t-on fait contre ? Eh bien, on n'a rien fait parce qu'il n'y a jamais de responsable, quand les citoyens se plaignent, à qui peuvent-ils se plaindre, madame LUCET ? A personne.
ELISE LUCET
A la police, j'imagine.
FRANÇOIS BAYROU
La police nationale, elle dit " on n'a pas assez de fonctionnaires et puis c'est la responsabilité du directeur de la police à Paris ".
ELISE LUCET
Elle ne dit pas toujours ça quand même.
FRANÇOIS BAYROU
Attendez, et puis c'est la responsabilité de qui, de monsieur VAILLANT, vous croyez que monsieur VAILLANT peut connaître la situation à Evreux, la situation à Blois, la situation à Pau, évidemment ça ne peut plus se faire à Paris.
LE JOURNALISTE
Alors vous proposez une municipalisation totale de la police ?
FRANÇOIS BAYROU
Non pas une municipalisation, je propose que la police étant ce qu'elle est, dans les grandes agglomérations, le maire ou le président de l'agglomération ait autorité sur la police de proximité. J'étais à Perpignan l'autre jour, le maire de Perpignan m'a montré des caméras qu'il avait installées, de vidéo-surveillance dans des rues très difficiles, et on a exigé qu'on envoie l'image dans le commissariat de police sur des écrans, seulement il n'y a pas de fonctionnaires à mettre derrière les écrans et donc voilà, un investissement de 150 000 euros, un million de francs, qui a été purement et simplement fait en pure perte parce qu'il n'a pas autorité pour qu'il y ait quelqu'un qui surveille les écrans.
LE JOURNALISTE
Donc mauvaise coordination
FRANÇOIS BAYROU
Pas mauvaise coordination, le système français, ça fait deux siècles qu'il existe, c'est un débat très important, au fond il y a deux questions dans cette élection, il y a Europe et France. Est-ce qu'on fait l'Europe ou est-ce qu'on continue à faire semblant ou à la faire à moitié et est-ce que, de l'autre côté, on change la France comme elle est organisée ? C'est un système qui existe depuis des siècles, qui convenait à une France rurale, dans laquelle le système napoléonien faisait qu'à Paris on pouvait décider dans la main du ministre tout puissant au même instant que les enfants allaient suivre le même emploi du temps ou que les policiers obéiraient aux mêmes ordres. Eh bien ce système là, ce temps là Elise LUCET est derrière nous.
ELISE LUCET
Alors on ne va pas débattre ici seulement entre nous à Paris parce que vous savez la règle, c'est qu'on débatte avec les électeurs aussi à Bordeaux, à Rennes.
FRANÇOIS BAYROU
Mais pouvons nous retenir cette idée, on est devant deux révolutions très importantes si on veut changer la situation en France. Une phrase encore : ceux qui viennent de se succéder à cette tribune, sauf monsieur LE PEN avant moi, Charles PASQUA, Jean-Pierre CHEVENEMENT, ils ont tous les deux été ministre de l'Intérieur. Jean-Pierre CHEVENEMENT a été ministre de l'Intérieur pendant trois ans et demi les années précédentes, est-ce qu'on a l'impression et pourtant ce n'est pas, vraiment ce sont des hommes que j'estime d'autorité, ayant le sens républicain, est-ce que vous avez l'impression que ces hommes là ont changé les choses face à l'insécurité ? La réponse est non. Eh bien, c'est donc que ce n'est pas les hommes qui sont en cause, que c'est le système et je sais bien qu'on ne veut pas l'entendre mais c'est ça, la véritable question.
ELISE LUCET
Non, François BAYROU, c'est qu'on veut aussi entendre les électeurs parce que c'est la règle de cette émission et que c'est très important qu'on puisse les entendre.
FRANÇOIS BAYROU
Allons-y.
ELISE LUCET
Et qu'ils ont très envie de vous poser des questions, effectivement on va à Bordeaux, on retrouve Patrice MACHURET, Patrice ?
PATRICE MACHURET
Oui avec nous Eric DUPLOM qui est donc salarié d'EDF depuis 20 ans et qui s'inquiète de l'ouverture du capital de son entreprise publique au secteur privé. Alors c'est évidemment dans son secteur d'activité un sujet brûlant, donc il faut signaler qu'il s'exprime en son nom personnel.
ERIC DUPLOM
Bonjour monsieur BAYROU, j'ai quelques inquiétudes pour l'avenir d'EDF. Je suis fier de travailler dans cette entreprise qui assure pleinement son devoir de service public, au sein de l'UDF, vous êtes favorable à l'ouverture du capital, au sein de l'UDF oui j'ai bien dit, vous êtes favorable à l'ouverture du capital d'EDF. Expliquez-nous comment vous pourrez garantir un prix maîtrisé et identique pour tous.
FRANÇOIS BAYROU
Monsieur, il se trouve que je ne suis pas favorable à la privatisation ; à l'ouverture du capital oui parce que EDF est en concurrence dans tous les pays européens avec les autres producteurs d'électricité européens et, si on va sur le marché des autres, eh bien, la règle un jour impose qu'on accepte qu'on vienne sur le vôtre.
ELISE LUCET
La règle européenne.
FRANÇOIS BAYROU
L'idée que vous puissiez fermer la France et que les entreprises françaises aillent bénéficier des règles européennes sur les marchés européennes et l'interdise chez elle est une règle, monsieur qui travaillait à EDF, inimaginable. En revanche, je suis contre la privatisation
LE JOURNALISTE
Mais là, c'est un secteur stratégique ?
FRANÇOIS BAYROU
Vous me permettez d'expliquer pourquoi ? Je suis contre la privatisation en raison
ERIC DUPLOM
Ce n'est pas ma question, monsieur BAYROU, ma question était basée sur les prix.
FRANÇOIS BAYROU
Attendez, en raison des centrales nucléaires françaises parce que je trouve pas normal qu'un sujet aussi sensible des usines aussi performantes et qui ont cette
UN HOMME
Je vous en parlerai, monsieur BAYROU, j'ai une question à vous poser.
ELISE LUCET
Attendez, juste une seconde et vous aurez à nouveau la parole.
FRANÇOIS BAYROU
puisse passer sous le contrôle de on ne sait pas qui, voilà pourquoi je suis pour que l'Etat à EDF conserve la majorité dans le capital de l'entreprise.
ELISE LUCET
Monsieur DUPLOM, une autre question, je crois.
FRANÇOIS BAYROU
Monsieur DUPLOM voulait dire quelque chose sur les centrales nucléaires.
ERIC DUPLOM
Parlons d'abord de la péréquation tarifaire. Pour rappel, la péréquation tarifaire, c'est le même prix pour tous que vous habitiez en ville, à la campagne ou dans votre belle région des Pyrénées, monsieur BAYROU. Comparons avec le marché de l'eau, trois multinationales en concurrence, un fournisseur imposé aux clients et des prix 30% plus chers que les régies publiques, comment éviter les mêmes dérives sur le marché de l'électricité ?
ELISE LUCET
Ca, c'est très concret.
FRANÇOIS BAYROU
En faisant un cahier des charges, c'est-à-dire en imposant aux entreprises qui viennent sur le marché français, un certain nombre de règles, notamment celle de l'égalité de prix partout.
LE JOURNALISTE
Mais ça n'a pas été possible de l'imposer pour l'eau et les cahiers des charges existent pour les entreprises d'eau.
FRANÇOIS BAYROU
Non, pour l'eau la privatisation existait dès avant, depuis des décennies, on sait bien que les entreprises ont fait, voilà, ont pris une force très importante sur ce genre de sujet, sont devenues d'ailleurs parmi les premières entreprises du monde comme EDF parce que EDF se sert de son enracinement français pour aller gagner des marchés à l'étranger contre d'autres producteurs d'électricité ou distributeurs d'électricité à l'étranger. Mais moi, je ne suis pas de ceux qui disent qu'il n'y a de vérité que dans la privatisation parce que je pense qu'en effet EDF a réussi, et notamment par le plan nucléaire, à donner à la France une électricité bon marché et sûre et il ne faudrait pas l'oublier. Bon marché, sûre, et non-polluante en matière d'atmosphère.
ELISE LUCET
Alors une nouvelle intervention de petit candidat, cette fois il s'agit de Jean SAINT-JOSSE qui se présente pour la première fois à une élection présidentielle, il représente Chasse, Pêche, Nature et Traditions.
JEAN SAINT-JOSSE
Dans un certain nombre de domaines, en particulier l'éducation, la santé, les services publics c'est absolument à l'Etat d'intervenir, parce que c'est la solidarité nationale qui va payer les déficits et où qu'on soit sur le territoire, on doit être tous à égalité de chance, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, on n'est pas à égalité de chance si on habite au Cantal, dans les Pyrénées ou dans le Nord. Et nous, pour ce qui nous concerne, nous voulons à tout prix défendre le service public qui est d'ailleurs malmené aujourd'hui par l'Europe. L'Europe, elle veut tout uniformiser et tout régenter, or nous voulons, nous, une Europe de différence, c'est-à-dire qu'on veut une Europe où chaque Etat gardera son identité. Il est inadmissible que les Etats ne gardent pas leur identité. Ensuite, on va traiter des problèmes qui sont peu importants, aujourd'hui dans la future constitution européenne, on veut mettre en tête de pont le bien-être de l'animal, je regrette les politiques devraient traiter d'abord le bien-être des hommes, de l'homme et des femmes. C'est l'homme qui doit être le centre des préoccupations, c'est notre centre de préoccupation et je crois que ce mélange fait qu'aujourd'hui, eh bien, l'Etat perd du pouvoir parce que l'Europe le lui prend, eh bien nous ce n'est pas ce que l'on veut. On veut effectivement que des réglementations, qui peuvent être européennes, ne s'imposent pas à un pays qui ne le souhaite pas.
ELISE LUCET
Voilà, nous retrouvons à nouveau un citoyen en direct de Bordeaux, il s'agit de Rémy MERLE, bonsoir monsieur, vous avez 51 ans, vous êtes postier et maire PC de Coujens (ph). On dit Coujens, c'est ça monsieur ?
REMY MERLE
On dit Coujens. Bonsoir. Bonsoir monsieur BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonsoir monsieur.
REMY MERLE
Ma question va porter sur les référendums, j'ai eu l'occasion d'en organiser un bien sûr je me suis heurter à l'article L-242.1 du Code général des collectivités territoriales qui imposent que, s'il y a un référendum d'initiative locale, qui est organisé, c'est sur des choses locales essentiellement, or les services publics, par exemple et là je rejoins tout à fait ma collègue qui est au studio à Rennes, au parlement pardon à Rennes, qui est élue aussi et qui a évoqué un certain nombre de problèmes des élus, nous élus locaux nous sommes le lien un petit peu entre les élus au niveau national, entre vous peut-être monsieur le Président, en passant par d'autres élus bien sûr et puis nous sommes, nous, sur le terrain, mais il faudrait avec les référendums notamment permettre à la population de pouvoir s'exprimer sur les problèmes qui les concernent et sur les problèmes essentiels de notre société, qu'en pensez-vous ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui je suis de votre avis, je trouve normal et juste qu'on rende du pouvoir à la base, le problème et le drame de la France c'est qu'on a une concentration du pouvoir entre les mains de quelques hommes qui croient qu'il est normal que ce soit eux qui l'assument, d'ailleurs très souvent sortis du même moule, de la même école, quelles que soient les responsabilités administratives ou politiques qui sont les leurs et peu à peu la France, les citoyens s'éloignent et regardent ça de plus en plus loin. Et donc
REMY MERLE
Excusez-moi de vous interrompre
FRANÇOIS BAYROU
C'est la réponse à la question que vous avez posée
ELISE LUCET
Après vous aurez à nouveau la parole, je vous le promets, monsieur MERLE.
FRANÇOIS BAYROU
Et donc le moyen de rendre aux citoyens un pouvoir qu'ils n'ont pas, c'est de rapprocher d'eux les pouvoirs, c'est-à-dire que les maires dont vous parlez, dont vous êtes, eh bien, retrouvent ou trouvent une, la liberté de gérer tout ce qui est de la proximité parce qu'après tout c'est ça, leur vie, et c'est ça, leur mission. Et il est normal que les Français trouvent en face d'eux 30 000 responsables des 30 000 communes, c'est-à-dire des 30 000 problèmes qu'ils rencontrent dans leur vie, et je suis tout à fait d'accord comme vous le dites pour qu'il y ait des référendums d'initiative locale, c'est d'ailleurs, me semble-t-il légitime, c'est même une des raisons pour lesquelles je dis qu'en Corse, pour ma part, j'organiserais un référendum sur la situation de la Corse.
ELISE LUCET
Mais sur l'ensemble du territoire ou juste en Corse ?
FRANÇOIS BAYROU
Pour que les Corses s'expriment, en Corse.
ELISE LUCET
Juste en Corse. Alors on va laisser parler monsieur MERLE parce qu'il attend depuis deux minutes au moins, allez-y monsieur MERLE.
REMY MERLE
Je vous dis " chiche monsieur BAYROU ", monsieur le président excusez-moi si, demain, c'était vous, on a beaucoup parlé de faire l'Europe, de faire la France, ce sont vos termes, si on faisait la France dans l'Europe mais la France avec ses particularités. Et vous êtes le premier à dire qu'il va falloir mettre des moyens, j'ai suivi votre site, je n'ai vu d'ailleurs - une petite parenthèse - aucun chapitre, aucun grand chapitre et il y en a beaucoup pourtant sur votre site concernant les services publics. C'est vrai, vous avez prôné Maastricht, et Maastricht effectivement, on le saura les 15 et 16 mars prochain, j'ai bien peur que ce soit effectivement la fin des services publics. En tout cas, chiche, demain vous êtes président, vous organisez un référendum, la République c'est aussi la solidarité et pour venir à bout des problèmes de SMIC, de chômage, de retraite eh bien, la solidarité, elle ne s'entend pas toujours en faisant participer les revenus du salaire mais pourquoi pas aussi les revenus des capitaux. En 2000, 30 000 milliards de capitaux financiers, seulement un petit pourcentage de ces sommes là qui ne servent à rien, qu'à capitaliser, et l'exemple en Bretagne le montre avec ces téléphones mobiles où des fonds publics ont été investis pour qu'ensuite l'usine s'en aille.
ELISE LUCET
C'est quoi, monsieur MERLE, votre question à monsieur BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Monsieur MERLE, si je voulais être populaire auprès de vous, je dirais vous avez complètement raison, et naturellement c'est dans ce sens qu'il faut aller, monsieur MERLE pardon de vous le dire comme ça, vous vous trompez, je veux dire que l'idée qu'on pourrait désormais construire une espèce de muraille autour de la France, rendre la situation en France de moins en moins favorable aux entreprises et qu'on pourrait en même temps sauvegarder l'emploi, cette idée est une illusion et un mensonge. Et on n'a pas le droit, je sais bien que ça part sûrement d'un bon sentiment et je le crois de votre part mais on n'a pas le droit de laisser croire aux gens que la concurrence n'existera pas et qu'on peut bâtir une muraille de verre pour qu'on se mette à l'abri de la concurrence du monde, ça n'est pas vrai, ça n'est vrai nulle part, même l'Union soviétique, monsieur le Maire
REMY MERLE
En aucun cas, je ne vous ai parlé de ça.
FRANÇOIS BAYROU
Même l'Union soviétique a été obligée de baisser, d'abattre le mur de Berlin et de baisser les bras en face de cet espèce de mythe ou d'illusion qu'elle entretenait. Le courage, ça consiste à dire, et on le fera avec du courage et pas avec autre chose, le courage consiste à dire que, désormais, nous n'aurons des emplois en France que si nous sommes capables de donner aux entreprises qui vivent en France une situation équilibrée avec les entreprises de tous les pays européens.
REMY MERLE
Non seulement on leur donne une situation jouable mais, en plus, on va jusqu'à leur donner les fonds publics pour ensuite s'en servir et s'en aller quand c'est meilleur ailleurs
FRANÇOIS BAYROU
Je préférerais de beaucoup que l'on ne donne pas de fonds publics mais qu'on donne des règles de fiscalité et d'administration qui permettent à ces entreprises de vivre à égalité de chance avec les autres pays européens. Ca n'est plus le cas aujourd'hui, ceux qui vous disent le contraire vous mentent. Lorsqu'il y a des choix à faire, pour les grandes entreprises, d'implantation entre la France et d'autres pays européens, aujourd'hui hélas, le jugement est souvent négatif, eh bien je trouve qu'on devrait se fixer un axe simple - après tout, les présidentielles ça ne devrait être que des axes simples, on se perd dans des discussions de détails -, moi je donne un axe simple, c'est que les entreprises en France aient les mêmes chances que les entreprises dans les pays qui nous entourent. N'alourdissez pas leurs charges, monsieur MERLE, même avec de bonnes intentions parce que vous allez nuire à l'emploi.
ELISE LUCET
Mais il ne vous parle pas de ça.
REMY MERLE
Il n'est pas du tout question de ça. Il n'est pas question d'alourdir leurs charges, au contraire, il faut aider les entreprises qui envoient de la main d'uvre.
ELISE LUCET
François BAYROU, vous répondez en trente secondes parce que encore une fois la règle du CSA est là.
REMY MERLE
Il faut, par contre, imposer le capital non réinvesti et qui est placé et qui va jouer contre l'emploi au contraire.
FRANÇOIS BAYROU
Mais qu'on favorise l'épargne qui va vers l'entreprise, je suis pour.
ELISE LUCET
Merci François BAYROU, dernier appel à France Info pour savoir si oui ou non vous avez convaincu les téléspectateurs internautes, France Info où on retrouve Jean-Michel BLIER. Jean-Michel, quelles sont les réactions ?
JEAN-MICHEL BLIER
D'abord, je voudrais juste remercier tous les internautes, tous les téléspectateurs qui nous ont appelés ce soir, on a eu plusieurs milliers d'appels que nous avons dépouillé avec Clotilde et les étudiants du CFJ, Hélène, Clément, Mathieu. Juste vous évoquez, monsieur BAYROU, à l'instant la mondialisation, la question qu'on vous pose c'est comment préserver notre identité et notre liberté face aux pressions de la mondialisation et aux injonctions de l'OMC et face à l'Europe d'autre part. Et puis on vous demande si en matière de décentralisation, vous êtes favorable à une très forte décentralisation, on l'a vu sur les pouvoirs du maire en matière de police, est-ce que vous êtes favorable là aussi à une décentralisation très importante en matière de formation ?
FRANÇOIS BAYROU
De formation professionnelle oui, parce que en formation professionnelle on a besoin de créer des formations aussi fines que possible et correspondant au bassin d'emplois et donc oui en formation professionnelle, je suis pour la décentralisation, je rappelle d'ailleurs que c'est l'orientation de la loi actuelle. En matière d'éducation nationale, je suis pour que l'Etat assume sa responsabilité qui est d'avoir les mêmes programmes partout en France parce qu'on doit pouvoir faire sa seconde à Marseille et sa première à Strasbourg sans avoir besoin de faire des rattrapages et c'est pourquoi je dis, là, voilà matière nationale et que l'Etat assume, que l'éducation demeure nationale et que l'Etat assume sa responsabilité. Gestion des établissements, là on peut naturellement, et j'espère par l'expérimentation, trouver autre chose. Mais monsieur, la très importante question que vous avez posée, c'est la première, j'y réponds en une phrase, comment faire que la France conserve son identité ? Eh bien, il n'y a qu'un moyen de le faire, c'est de construire l'Europe. L'Europe, c'est le moyen, l'outil, l'instrument, l'arme qui fait que les pays européens sont capables de conserver leur identité, autrement ils seront laminés dans un mouvement du monde qui donne aux hyper puissances un rôle, un poids, une capacité d'imposer leurs vues, qui fera que les pays, comme les nôtres, hélas, se retrouveront à la traîne. Ce n'est pas d'aujourd'hui : il y a 2000 ans que les empires imposent à ceux qu'ils conquièrent leur culture et leur langue.
LE JOURNALISTE
Par exemple, les Américains.
FRANÇOIS BAYROU
Moi, je parle de l'empire romain d'abord.
LE JOURNALISTE
Bien évidemment mais l'empire américain aujourd'hui.
FRANÇOIS BAYROU
Et je dis que si nous acceptons aujourd'hui qu'il y ait une seule hyper puissance sur la planète, elle est américaine, ce n'est pas parce qu'elle est américaine que je ne l'aime pas, c'est parce qu'elle est, je dis qu'il faut que nous nous battions pour qu'elle ne soit plus la seule et que nous aussi nous ayons voix au chapitre. Je rentre du Proche Orient
ELISE LUCET
On va faire très vite parce que encore une fois l'horloge du CSA est très stricte, donc vraiment une phrase.
FRANÇOIS BAYROU
Je rentre du Proche Orient, je viens de voir pendant des jours ce que c'est qu'une guerre en train de se faire, ce que c'est le drame de ceux qui craignent que leur peuple disparaisse et que leurs enfants meurent, eh bien dans cette affaire là, l'Europe est précieuse à deux titres : elle est précieuse parce qu'elle a su faire la paix, on a oublié depuis des générations ce que c'était les gens qui mouraient à 20 ans ; et elle est précieuse parce qu'elle est, si elle le veut, un interlocuteur capable de mettre autour de la table les Palestiniens et les Israéliens à égalité avec les Etats-Unis. Deux intervenants, Europe, Etats-Unis ça vaut mieux qu'un seul. C'est ainsi que je vois le futur équilibre du monde.
ELISE LUCET
Merci François BAYROU, désolée mais, encore une fois, l'horloge du CSA est très stricte.

(source http://www.bayrou.net,le 15 mars 2002)