Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur les relations entre l'administration et les usagers, la déconcentration et la modernisation des outils de la gestion publique et des ressources humaines, Paris le 7 octobre 1999.

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Circonstance : Deuxième forum international de la gestion publique organisé par "Les Echos", à Paris les 7 et 8 octobre 1999

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je me retrouve parmi vous à l'occasion du forum international de la gestion publique. L'an dernier, en concluant vos travaux, j'avais pu constater que leur qualité était à la hauteur de l'ambition de votre démarche.
Je ne doute pas que vos échanges soient à nouveau riches tout au long de ces deux journées.
Je veux simplement vous dire, ce matin, en quelques mots, pourquoi et comment le Gouvernement a décidé de conduire l'important dossier de la réforme de l'Etat dont il m'a confié le pilotage, vous confirmer en quoi les thèmes que vous avez choisi de traiter sont au cur même des chantiers ouverts et vous préciser où nous en sommes.
Quelques principes conduisent mon action en matière de réforme de l'Etat. Tout d'abord la conviction profonde de la modernité de l'idée d'Etat. Il peut paraître de bon ton en cette période de mondialisation des échanges d'hommes, de biens et d'idées de brocarder l'Etat et d'encourager sa mise à l'écart.
Certes, le champ des interventions, possibles ou nécessaires, de l'Etat, se déplace. Déjà, 11 des 15 pays de l'union européenne, dont la France, ont décidé démocratiquement de confier leurs prérogatives monétaires à l'échelon européen, en créant l'Euro au 1er janvier 1999. De même le mode d'intervention de nos Etats dans la vie économique ne peut ignorer les réalités. Cela ne signifie pas que nous soyons collectivement impuissants pour autant. Tout d'abord, il existe d'autres voies pour que la collectivité et la volonté politique s'expriment et soient entendues. Ensuite, à côté du champ de l'orientation économique directe, d'autres sont plus que jamais investis par l'Etat.
Il est ainsi plus demandé à l'Etat en matière de régulation, de maintien de la cohésion sociale, de politique fiscale et industrielle ou d'aménagement du territoire.
La deuxième idée que je souhaite vous faire partager est que l'Etat, conforté dans sa légitimité globale et, évoluant dans sa réponse aux attentes de la société, doit être capable de se réformer pour une meilleure efficacité.
Sur la nécessité de réforme de l'Etat, l'accord se fait généralement rapidement. Mais encore faut-il poser un diagnostic précis et honnête pour que le traitement ait quelque chance d'agir positivement. Les champs d'intervention, l'efficacité et l'efficience de la gestion publique sont très souvent mis en cause. Toutes les critiques doivent être entendues lorsqu'elles sont fondées. Inversement, il est parfois difficile de faire connaître et reconnaître les évolutions positives qui interviennent.
Une nouvelle étape de rénovation du service public est ainsi engagée depuis 1997 autour de quatre démarches prioritaires :
- placer l'usager au cur du service public
- poursuivre et approfondir la déconcentration
- moderniser la gestion publique
- dynamiser la gestion des ressources humaines.
Le citoyen au cur des services publics
Répondre aux attentes des usagers en matière d'accueil et d'écoute, se préoccuper d'améliorer la rapidité des réponses, simplifier les démarches et se fixer des obligations de résultat, sont aujourd'hui des impératifs pour les services publics. Sans être un partisan de la transposition systématique des méthodes et approches du management privé à la gestion publique, je considère qu'en la matière la comparaison peut être enrichissante. J'observe d'ailleurs avec satisfaction que, sur ce plan, les choses avancent vite et bien. Les entreprises publiques, comme La Poste ou la SNCF, qui pourront en parler au cours de ce forum, ont réalisé des avancées significatives et reconnues. La perception des efforts accomplis et des résultats obtenus est plus difficile à appréhender, s'agissant des services publics non marchands. Je souhaite porter témoignage de leur réalité et de leur amplitude.
Deux approches complémentaires y contribuent. La première est législative. Dans quelques jours, le Parlement examinera en deuxième lecture le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Cette loi vise à rendre les procédures plus transparentes et le droit plus accessible, en simplifiant les formalités et en uvrant à la modernisation des services publics.
J'ajoute que la prise en compte des nouvelles technologies de l'information nous amènera très vite à compléter ces dispositions. D'ores et déjà, environ 400 formulaires administratifs, représentant plus de la moitié du total utilisé, sont disponibles en ligne. Nous travaillons à permettre leur retour par Internet une fois remplis, c'est-à-dire sans aucun support papier.
La seconde impulsion concerne la démarche qualité. De plus en plus de services s'engagent dans des démarches de certification. Je ne doute pas que ce mouvement aille largement au-delà des structures qui s'y sont lancées en raison de leurs relations avec des entreprises, elles-mêmes en certification.
La qualité des prestations donc, mais aussi l'amélioration de l'accueil, l'élargissement et l'adaptation des horaires d'ouverture, l'instauration d'interlocuteurs polyvalents, la délocalisation de permanences sont quelques exemples de la traduction concrète de ce souci majeur.
Une banque des innovations permet d'ailleurs l'échange entre services de terrain sur les initiatives qu'elles ont pu prendre.
Je pourrais encore évoquer les démarches engagées par tel ou tel département ministériel, en matière financière et fiscale par exemple, ou en direction des PME. Mais je ne voudrais pas être trop long sur ce point, même si vous avez compris qu'il me tient particulièrement à cur. Il sera, j'en suis persuadé, largement développé au cours de vos travaux.
Il nous faut dans le même temps poursuivre sans relâche l'affermissement de la déconcentration, aider chaque administration à dégager une vision claire de ses enjeux de modernisation et progresser rapidement dans la mise en place d'outils performants de gestion publique.
Poursuivre et approfondir la déconcentration
C'est au niveau territorial, où travaillent 96 % des agents de l'Etat, que s'apprécie chaque jour sa capacité à répondre aux attentes des citoyens. Il importe donc d'accorder une attention particulière à la poursuite de la déconcentration et à l'adaptation de l'organisation territoriale des services.
Comme c'est déjà le cas pour les décisions administratives individuelles, les décisions d'investissement de l'Etat seront désormais prises à l'échelon déconcentré, le maintien à l'échelon national devenant une exception.
En matière d'organisation territoriale des services, la coopération entre services déconcentrés sera développée pour faciliter la mise en uvre des politiques publiques interministérielles auxquelles ils concourent.
Le préfet pourra ainsi, par exemple, créer une délégation inter-services pour regrouper les services sous une même autorité fonctionnelle ou proposer la fusion de services.
Les programmes pluriannuels de modernisation
L'an dernier, à ce même forum, j'annonçais que chaque ministère était en train de se doter d'un programme pluriannuel de modernisation. Ces programmes doivent donner aux agents comme au public une vision plus claire de l'évolution des missions des administrations et de la façon dont elles s'y adaptent.
L'exercice a été mené avec succès. Ces programmes reçoivent la diffusion la plus large ; leur synthèse est disponible sur l'internet et offre un précieux état des lieux de la réforme des administrations.
La mise en uvre des nouvelles technologies de l'information
Dans ce domaine, l'administration n'a pas de complexe à avoir. Le retard que connaissait notre pays il y a deux ans, lorsqu'a été décidé le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, a été largement comblé. J'en veux pour illustration la récente comparaison internationale des principaux sites internet administratifs qui a placé la France en tête des pays européens, devant le Danemark, le Royaume-Uni et l'Allemagne.
La bonne gestion des NTIC est devenue une condition essentielle de l'exercice du service public. C'est dans cette perspective que les sites internet de tous les ministères et d'un nombre croissant de services déconcentrés s'enrichissent rapidement, avec plus d'informations générales bien sûr, mais aussi avec la mise en ligne des formulaires et, bientôt, de premières téléprocédures, comme je l'ai déjà signalé et enfin avec de nouveaux services directement utiles aux usagers; ainsi nous avons décidé la création d'un portail d'accès ambitieux à l'ensemble des sites internet publics.
L'évaluation des politiques
J'ai procédé, le 16 février dernier à l'installation du conseil national de l'évaluation, chargé de faire des propositions d'évaluation au gouvernement et d'en suivre la réalisation. Sur proposition du conseil, le Premier ministre a approuvé une première série de cinq évaluations de politiques publiques, à échéance d'un an :
- la politique de lutte contre le SIDA,
- la politique du logement social dans les départements d'outre-mer,
- les aides à l'emploi dans le secteur non marchand,
- le programme " nouveaux services - emplois jeunes " dans le champ de la jeunesse et des sports,
- la politique de préservation de la ressource destinée à la production d'eau potable.
Cette première liste sera prochainement complétée.
La pratique d'évaluation, déjà traduite dans les faits en 1990, mais malheureusement tombée en désuétude de 1993 à 1997, est une nécessité dans la conduite de l'action publique. Je souhaite que, conservant les importants acquis initiaux, et réussissant par la relance actuelle à en développer l'usage, nous ancrions désormais l'évaluation des politiques dans nos pratiques. Rendre compte de son action, comparer ses résultats aux objectifs et les rapporter aux moyens mobilisés doivent devenir des réflexes et la base de l'appréciation de l'action publique. La diffusion de cette culture de l'évaluation est une priorité absolue.
Poursuivre la modernisation des outils de gestion
L'objectif est de parvenir à mettre en place partout un véritable contrôle de gestion, afin de pouvoir passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Ainsi, pour la prochaine année, nous nous sommes fixés un premier objectif qui pourra sembler modeste, mais qui est porteur d'effets plus puissants qu'il n'y parait au premier abord : la généralisation des indicateurs de moyens et d'activité, sur une base territoriale.
La disposition, grâce à des indicateurs, de ratios élémentaires de comparaison est l'amorce véritable d'un contrôle de gestion généralisé et se traduira inévitablement par une réflexion, dans chaque ministère, sur l'allocation et l'utilisation des moyens.
Je veux saluer à cette occasion le travail qui est fait dans ce domaine de la gestion publique par le comité central d'enquête sur les coûts et le rendement des services publics, dont les études et les propositions sont précieuses pour l'action ultérieure.
Moderniser la gestion publique, c'est encore adapter et simplifier la nomenclature comptable, se doter d'outils analytiques partagés, progresser vers une véritable comptabilité patrimoniale pour l'Etat, tous chantiers qui progressent sous l'impulsion notamment du ministère des finances.
Dynamiser la gestion des ressources humaines
Mais le moteur essentiel du changement dans toute organisation, ce sont évidemment les hommes. Les fonctions publiques ont un pari à tenir : montrer que le statut n'est nullement incompatible avec les besoins de services publics modernes. Sur cette base, plusieurs chantiers sont engagés de manière complémentaire :
Tout d'abord, j'ai demandé à tous les ministères d'adopter rapidement une charte commune de la GRH. Cette charte portera notamment sur l'évaluation individuelle et collective des agents, la transparence des règles et des critères de gestion, la formation, la mobilité professionnelle et le passage à une gestion prévisionnelle des métiers, des qualifications et des fonctions.
Cette initiative va de pair avec un observatoire de l'emploi public dont la création vient d'être décidée. Nous avons notamment à relever le défi que constitue le départ à la retraite dans les dix ans de près de la moitié des agents de la fonction publique de l'Etat.
De la même manière, la situation de l'encadrement supérieur mérite l'attention qui lui est consacrée. Il s'agit à la fois de rendre plus performante la gestion des personnels d'encadrement supérieur et de renforcer la dimension managériale de leurs fonctions. Trop souvent encore nos cadres supérieurs sont sélectionnés, formés, évalués, sans considération suffisante relative au management des hommes, des équipes et des projets. Tel est bien, pourtant, la priorité pour réussir tout le reste.
Je vous ai dit le sens et la méthode de l'action gouvernementale en matière de réforme de l'Etat.
J'ai voulu vous dresser un panorama rapide, non exhaustif des objectifs poursuivis depuis deux ans, de démarches suivies et de chantiers engagés pour les prochains mois. Tous les thèmes que vous aborderez pendant ces deux journées sont au cur de mes préoccupations. Soyez assuré que la teneur de vos travaux alimentera la réflexion que j'ai engagée à tous les niveaux.
Nous avons une véritable ambition pour l'Etat. J'ai voulu vous en montrer la cohérence, l'ampleur et la profondeur. Comme toute ambition, elle requiert, de la part de ceux qui ont charge de lui donner corps à tous les niveaux, d'être assise sur la confiance et de se nourrir d'audace. Puissiez-vous, ici, contribuer à renforcer l'une et favoriser l'autre.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 8 octobre 1999)