Déclaration de politique générale de M. Jacques Chirac, Premier ministre, sur les grandes lignes de la politique en matière d'économie, d'enseignement, d'audiovisuel et de sécurité, au Sénat le 15 avril 1986.

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Circonstance : Déclaration de politique générale devant le Sénat le 15 avril 1986

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Il est des moments, dans une grande démocratie comme la nôtre, où la vie politique rencontre l'espérance d'un peuple. Nous vivons l'un de ces moments.
Au cours des dernières années, nous avons parcouru une longue route. Nous nous sommes remis en question, nous nous sommes interrogés sur les erreurs passées. Nous avons affiné notre pensée, et affermi nos convictions. Nous avons fait table rase des divergences d'autrefois, pour travailler ensemble, et définir en commun un projet de gouvernement à la mesure de ce que la France attend. Nous voici aujourd'hui à l'ouvrage.
Malgré les difficultés notre mission, à nous gouvernement, à vous, parlementaires mandatés par le peuple, est exaltante. Il ne s'agit rien de moins que d'engager notre pays, avec tout à la fois audace et pragmatisme, sur une voie résolument nouvelle. Nous avons trouvé une France économiquement affaiblie, et psychologiquement morose. Nous voulons lui rendre sa force, sa fierté, et sa confiance dans l'avenir. Nous en avons tout à la fois la volonté, et les moyens.
La semaine dernière, j'ai engagé la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale en tous points conforme aux engagements que nous avions pris, et que les Français avaient ratifiés par leurs votes. L'Assemblée Nationale a approuvé cette déclaration, et a accordé sa confiance à mon gouvernement.
Je voudrais aujourd'hui, devant vous. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, rappeler les grandes lignes, les ambitions, les enjeux de la politique que nous allons conduire, car, à n'en pas douter, le rôle du Sénat sera crucial dans les mois à venir.
Au fil des années, j'ai pu apprécier dans mes fonctions successives le concours que la Haute Assemblée apportait à l'élaboration de la politique de la France.
J'ai eu l'occasion de prendre brièvement la parole devant vous il v a quinze jours, lors de l'ouverture de la session parlementaire, en réponse aux voeux que Monsieur le Président POHER avait bien voulu formuler pour le succès de l'action engagée par notre majorité et par mon Gouvernement.
Ma présence dans cette enceinte, au lendemain de ma nomination aux fonctions de Premier Ministre, voulait être le témoignage de la profonde considération que je porte au Sénat, à la qualité de ses travaux et à la mission essentielle qui est la sienne, en tant que chambre de réflexion et de proposition, dans le bon fonctionnement des institutions de la Vème République.
C'est pourquoi, après le vote de confiance intervenu mercredi dernier, à l'heure où le nouveau gouvernement que je conduis engage son action de redressement national, il m'est apparu légitime et naturel de demander l'approbation du Sénat de la République en application de l'article 49 dernier alinéa de notre Constitution.
D'aucuns, après avoir entendu exposer les principes et les objectifs de l'action gouvernementale, ont parlé de "rupture" et de "tournant". Ils ont raison. Oui, nous voulons rompre avec un certain nombre de pratiques et de blocages qui empêchent la France d'avancer sur la voie de la modernisation. L'étatisme, même s'il plonge loin ses racines dans notre histoire, n'est nullement une fatalité. Certes, c'est autour d'un Etat fort que notre pays s'est constitué en tant que nation. Mais c'est autour d'un Etat à sa juste place, assumant toutes ses missions, mais veillant à ne pas les outrepasser, que la France doit maintenant retrouver son rôle et sa grandeur.
Dans la conception qui est la nôtre des rapports que l'Etat doit entretenir avec la société, chacun sent bien en qu'il y a un changement qui donne à l'alternance politique toute sa réalité et sa véritable dimension. Oui, nous avons une ambition pour la France. Elle s'articule autour de quatre objectifs majeurs, qui sont désormais les fondements de notre politique.
Le premier de ces objectifs, c'est l'emploi, l'ardente nécessité d'assurer aux hommes et aux femmes de notre pays ce droit fondamental qu'est le droit au travail, essentiel pour que chacun trouve sa vraie place dans la vie nationale. Quand un Français sur dix, quand un jeune sur quatre est au chômage, un contrat moral cesse d'être rempli. Le contrat de confiance et d'espérance qui lie l'Etat et la Nation risque de se briser.
C'est pourquoi toute notre action, toutes les décisions économiques que nous prenons, les projets de loi que nous allons proposer au Parlement, n'ont pas d'autre but que la reconquête de l'emploi.
Le deuxième volet de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances concerne l'emploi des jeunes. Un plan audacieux visant à insérer les jeunes Français dans l'entreprise : à prendre en compte leur formation dans ce cadre, notamment en ce qui concerne leur rémunération, à promouvoir l'apprentissage qu'il soit industriel ou artisanal, enfin à exonérer les employeurs d'une partie des charges sociales liées à l'emploi des jeunes de moins de 25 ans sera rapidement mis en oeuvre.
C'est dans le même esprit, parce qu'il est évident que les entreprises sont seules capables de créer des emplois qui ne soient pas des trompe-l'oeil tout juste bons à améliorer les statistiques, que nous ferons tout pour assurer les conditions de leur prospérité. Cela passe bien sûr par des libertés retrouvées : liberté des prix ; liberté des changes, nécessaires à notre commerce extérieur; plus grande liberté de gestion des effectifs et suppression des entraves administratives qui freinent l'embauche ; allègement des charges et cotisations dont l'excès ne peut que tuer l'esprit de risque et d'innovation,
II s'agit de motiver entreprises et salariés, de faire comprendre à tous qu'un couperet fiscal ne tombera plus sur celui qui ose davantage, qui travaille davantage, et que les réglementations, progressivement, ne formeront plus ce maquis épais qui étouffe les initiatives. Une plus grande souplesse, notamment en matière de travail à temps partiel et de contrats à durée déterminée sera introduite dans la législation. Dès la présente session des projets de loi seront soumis au Parlement visant à simplifier le statut des PME et PMI, et à atténuer en particulier les "effets de seuil", si souvent préjudiciables au développement des petites et moyennes entreprises.
Rendre au secteur privé les entreprises Publiques du secteur concurrentiel, désengager résolument l'Etat des tâches de production, assurer aux entrepreneurs une réelle liberté de gestion, favoriser la politique contractuelle et la négociation collective, créer les conditions d'une participation accrue des salariés dans la vie de l'entreprise, comme dans les résultats qu'elle obtient, voilà je crois la meilleure voie pour dynamiser notre économie et créer des emplois.
Cela peut impliquer de la part de l'Etat lui-même certaines remises en cause. Depuis bien longtemps, la politique monétaire a été en France conçue sinon utilisée comme un moyen de financer la politique économique alors qu'elle devrait être une contrainte pour celle-ci. Le but essentiel de la politique monétaire doit être de conserver la valeur interne et externe du franc. Pour agir rapidement en ce sens, le Gouvernement entend donner à la Banque de France un statut nouveau qui permette de soustraire son action aux interventions des administrations. Un projet de loi donnant à la Banque de France un statut d'autonomie sera donc prochainement déposé.
Bien entendu, notre agriculture, aujourd'hui en crise, a un rôle moteur à jouer dans cette action de redressement. Je ne reviendrai pas sur le nécessaire renouveau de la politique agricole commune, essentiel pour la France, compte tenu de l'importance, pour notre balance commerciale et pour l'avenir de nos régions, de nos exportations agro-alimentaires. Je rappellerai simplement que nous sommes décidés à agir pour assurer à nos paysans un niveau de vie équitable, des conditions d'installation et des conditions d'existence qui ne les contraignent pas à abandonner la terre, et à aller grossir le nombre des demandeurs d'emploi. Une nouvelle loi d'orientation agricole sera proposée au Parlement, comportant un volet social et un volet foncier, afin notamment de rendre plus facile l'installation des jeunes agriculteurs. Je le répète des revenus justes et corrects pour les agriculteurs européens doivent constituer l'un des premiers enjeux et l'une des premières ambitions de la Communauté Européenne.
La lutte contre le chômage s'inscrit donc, chacun l'a compris. au premier rang de nos préoccupations.
Menée parallèlement, et en étroite liaison avec le rétablissement des grands équilibres et la maîtrise des déficits publics, elle se situe au coeur de la politique économique que nous allons conduire.
La deuxième grande priorité de notre politique est la libéralisation progressive de notre société.
Je viens d'indiquer brièvement ce que cela signifiait dans le domaine économique. Mais au-delà des mesures concrètes, comme l'allègement des prélèvements obligatoires, ou l'assouplissement des réglementations contraignantes, nous sommes porteurs d'un projet plus vaste, qui suppose un changement dans les mentalités, et qui s'applique à tous les secteurs de la vie sociale.
Ce changement, je l'évoquais tout à l'heure, doit concerner au premier chef les rapports des citoyens avec la puissance publique. Trop souvent, en effet, au cours des dernières années, nos compatriotes ont eu le sentiment d'être considérés par l'administration comme des suspects en puissance, en particulier en matière fiscale et douanière. Trop souvent certaines libertés fondamentales ont pâti d'un excès de zèle, alors que, par définition, le service public est d'abord le service des citoyens.
L'action d'ores et déjà entreprise par le Ministre d'Etat, Ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, qui a créé une commission chargée de proposer des mesures de nature à mieux garantir les libertés essentielles des Français, et â simplifier leur vie quotidienne, répond à cette préoccupation. 11 s'agit de mieux respecter les droits des citoyens qui remplissent leurs devoirs de contribuables. Une réforme fiscale et douanière sera proposée au Parlement dans ce sens dès que seront connues les conclusions de cette commission.
Mieux traités par les pouvoirs publics, moins contraints par le joug fiscal et bureaucratique, les hommes et les femmes de notre pays doivent voir s'étendre leurs libertés. L'école, l'éducation des enfants est sans conteste l'un des domaines où une démocratie se révèle elle-même, dans les principes qui la fondent. Chacun sait, sans entrer dans la polémique, que la liberté de l'enseignement et le libre choix de l'école de nos enfants ont subi ces dernières années de graves atteintes. Nous ferons en sorte que de telles tentatives ne puissent plus se reproduire à l'avenir. Non seulement le choix de l'école sera garanti entre secteur public et secteur privé, mais il deviendra effectif au sein même du secteur public grâce à la suppression progressive de la carte scolaire.
En ce qui concerne la qualité de l'enseignement, j'ai indiqué la semaine dernière à quel point la motivation des professeurs me semblait primordiale. Combien d'enseignants, aujourd'hui, déplorent de ne pouvoir mener la carrière qu'ils méritent, soumis qu'ils sont aux décisions d'un ordinateur aveugle, qui comptabilise les points en fonction de critères multiples et parfois discutables ? Il est urgent que la compétence, fruit d'une formation adéquate et sanctionnée par des diplômes reconnus, retrouve tous ses droits. Nous y serons attentifs.
Dans le même souci de promouvoir liberté et qualité, l'autonomie des universités deviendra une réalité. Ce principe s'inscrira dans une réforme dont les maîtres-mots seront : allègement des structures, ouverture sur l'extérieur - industrie autant que recherche internationale- mobilité des enseignants.
J'appelle chacun, et en particulier les professeurs et les chercheurs, à s'impliquer dans ce projet. L'excellence, en cette fin de 20ème siècle, passe plus que jamais par l'adaptation aux exigences de la modernité.
S'il est essentiel que les parents disposent d'une complète liberté de choix en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants, il est tout aussi important de leur assurer des conditions de vie favorables afin qu'ils puissent, s'ils le souhaitent, avoir des enfants sans rencontrer des problèmes matériels insurmontables. Je ne saurais trop insister sur le rôle majeur joué par les familles dans l'épanouissement des individus et l'apprentissage des libertés, ni sur l'enjeu que représente, pour notre pays, un renouveau démographique. Or, il est évident que l'essor de la démographie et le renforcement de la cellule familiale sont indissolublement liés. C'est en acceptant un réel effort de solidarité pour permettre une politique familiale digne de ce nom qu'une société construit son avenir. C'est pourquoi le Gouvernement prendra, dès que ce sera financièrement possible, des mesures concrètes, telle que l'allocation parentale allouée aux familles à partir du troisième enfant, pour encourager la natalité, et permettre aux parents une plus grande latitude dans leurs choix. Il y a, là aussi, une liberté à renforcer. Il en va de l'avenir de la France, et aussi de la sauvegarde de notre identité nationale.
Je voudrais dire à ce propos que la préservation de l'identité de notre communauté nationale est une exigence à laquelle nous ferons face avec lucidité et dignité.
La situation des étrangers dans notre pays ne doit plus être mise en cause par la présence mal ressentie d'une minorité de clandestins en situation irrégulière ou par les agissements de ceux qui, refusant de respecter nos lois, troublent l'ordre public. C'est pourquoi, le gouvernement s'attaquera d'abord à l'immigration clandestine. Il vous proposera d'instituer une procédure administrative pour la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière et de renforcer la répression du trafic de main-d'oeuvre. Le gouvernement engagera des négociations en vue de conclure des conventions bilatérales permettant d'expulser les étrangers condamnés de droit commun vers leur pays d'origine où ils purgeront leur peine.
Par ailleurs nous rétablirons les visas d'entrée et de séjour pour les non-originaires de la C.E.E. dans le cadre de négociations avec les États concernés. Les moyens et l'efficacité du contrôle aux frontières seront dans le même temps renforcés.
Pour les étrangers qui vivent en toute régularité et qui souvent sont nés en France, notre volonté est de clarifier les conditions de séjour et d'insertion dans la communauté française. Tout en poursuivant une politique active d'insertion des jeunes, nous soumettrons l'acquisition de la nationalité française à la démonstration d'une volonté réelle d'adhésion et d'appartenance. A cette fin nous vous proposerons la modification du Code de la Nationalité.
En outre le Gouvernement s'attachera à favoriser le retour dans leur pays d'origine des travailleurs étrangers dans le cadre de conventions négociées avec ces pays.
Seule la mise en oeuvre d'une telle politique, réaliste et humaine, permettra à la France de rester fidèle à la tradition séculaire d'accueil qui est celle de la République, d'enrayer le risque de résurgence du racisme et de résoudre les problèmes nouveaux auxquels notre société se trouve confrontée, dans la dignité de tous, celle des étrangers, celle des Français.
Enfin, il est un domaine qui, plus que n'importe quel autre, symbolise la modernité et les mutations aussi rapides qu'irréversibles de notre société, c'est celui de la communication. J'ai souligné combien il me semblait important de garantir l'entière indépendance des médias, en particulier audiovisuels, par rapport aux pouvoirs publics, et combien je souhaitais que soient créées des conditions optimales pour que le pluralisme se conjugue avec la qualité.
Le projet de loi destiné à remplacer la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle sera présenté au Parlement dans les trois mois qui viennent, afin d'entrer en vigueur avant l'été. Ce texte, qui consacrera le désengagement de l'Etat, portera création d'une Commission Nationale de la Communication et des Libertés, qui jouera, dans l'attribution des licences aux opérateurs et dans la régulation générale de la communication, un rôle beaucoup plus important que celui que jouait, hier, avec compétence, la Haute Autorité.
Cette Commission Nationale mettra en oeuvre le processus de privatisation d'une partie de l'actuel secteur public, notre objectif étant d'une part de renforcer sa qualité, et d'autre part de développer un secteur privé, financé par la publicité.
Tout cela se fera bien sur dans un esprit de concertation avec tous les professionnels concernés, notamment les représentants de la presse écrite. La loi sur la presse du 23 octobre 1984 dont nous avions dénoncé les effets pervers, sera remplacée par des dispositions plus propres à garantir la transparence et le pluralisme.
Liberté et qualité, dans ce secteur comme dans tous les autres, constitueront notre objectif et notre pari.
Le troisième axe de notre politique tient en un mot, qui est au coeur des préoccupations quotidiennes des Français : la sécurité.
Il n'y a pas de liberté sans sécurité. Comment une société pourrait-elle aborder avec confiance les chemins de l'avenir si elle se repliait sur des comportements frileux, liés à des peurs diffuses et à un climat d'insécurité qui n'est pas tolérable dans une démocratie comme la nôtre, dotée d'un Etat fort et responsable.
L'Etat de droit protège la liberté. Rechercher et punir ceux qui attaquent l'état de droit, c'est donc assurer la liberté et non pas y attenter comme le prétendent les esprits faux qui me paraissent en l'occurrence bien éloignés du sentiment populaire.
C'est pourquoi mon Gouvernement a la volonté d'agir avec rapidité, détermination et fermeté, que ce soit dans la lutte contre la délinquance ou dans le combat que nous allons mener contre le terrorisme. Nous proposerons au législateur d'instituer une peine incompressible de très longue durée, en substitution à la peine de mort, de modifier les conditions d'octroi du sursis, de rendre plus rigoureux le régime de la récidive et de renforcer la sanction de l'association de malfaiteurs. De telles mesures pourront jouer efficacement un rôle de prévention et de dissuasion, et permettront, le cas échéant, une répression à la mesure des délits commis. Pour les délinquants primaires, l'augmentation des moyens de contrôle des peines de substitution permettra de donner à ces dernières la portée qu'elle n'ont pu encore prendre.
Quant à la police, nous devrons faire en sorte qu'elle puisse mieux remplir les missions qui sont les siennes. L'extension des contrôles d'identité, la mise en place de documents infalsifiables, l'instauration d'un échelon de commandement régional, le rétablissement des unités spécialisées vont dans ce sens.
Le mérite et la compétence seront plus justement récompensés afin que les meilleurs bénéficient des promotions qui leur sont dues. La lutte contre la drogue, fléau terrible pour notre jeunesse, fera l'objet d'un ensemble de mesures juridiques, sociales et éducatives que j'ai demandé au Garde des Sceaux de préparer avec les autres ministres compétents.
Enfin, le terrorisme, défi aux démocraties libérales sera combattu avec la dernière énergie. Parmi les nouveaux moyens dont nous disposerons dans cette bataille, la définition dans le code pénal d'un "crime de terrorisme", l'allongement à quatre jours de la garde à vue, la faculté d'accorder des remises de peines à ceux que l'on appelle couramment "les repentis" enfin, la création auprès de la Cour d'Appel de Paris d'une chambre spécialisée, sont des réformes indispensables. Elles seront proposées à l'examen et au vote du Parlement.
Pour lutter contre le terrorisme, nous avons donc besoin de compléter le droit pénal et la procédure pénale.
Nous avons également besoin d'une coordination de tous les moments, qui sera effective à tous les niveaux, y compris interministériel. Nous voulons regrouper les moyens, centraliser les renseignements et renforcer la coopération européenne et internationale
Les Français doivent savoir qu'ils ont un gouvernement qui accorde la priorité à leur sécurité, et qui est décidé à agir pour l'assurer.
Quatrième grand volet de notre politique, et non le moindre : rendre à la France sa grandeur et sa place dans le monde.
La France est présente, au loin, dans ses départements et territoires d'Outre Mer, qui occupent dans notre nation une place éminente et particulière. Ils donnent à notre pays l'un de ses visages, contribuent à sa richesse, et participent à son identité.
Je tiens à redire aujourd'hui devant vous, notre attachement à la France d'Outre-Mer, l'importance stratégique, économique que revêtent à nos yeux nos frontières lointaines, et notre ferme volonté d'assurer aux Dom-Tom la sécurité et par des mesures législatives appropriées, un développement économique et social qui permette à notre drapeau de flotter sur des terres prospères,répondant aux légitimes ambitions de leurs enfants. N'en doutons pas, une part de la grandeur de notre pays réside dans l'Outre-Mer.
Et puis bien sûr, la France est présente dans le monde et a un rôle majeur à y jouer. J'ai clairement énoncé ce que seraient les orientations essentielles de notre politique étrangère. Elles tiennent en quelques principes que je rappellerai brièvement.
D'abord, la nécessité d'affirmer, suivant en cela l'exemple que nous a donné le Général de Gaulle, l'indépendance de la France au sein de ses alliances. Cela nous est possible grâce à la force nucléaire dont notre pays est doté, et qu'il faut sans cesse renforcer, et moderniser : il y va de notre crédibilité à l'égard des grandes puissances, et bien sûr de notre sécurité.
C'est pourquoi j'ai annoncé que nous développerions, dans le domaine de la dissuasion nucléaire, une nouvelle composante, en complément de nos sous-marins nucléaires ; c'est pourquoi nous rendrons encore plus efficaces et plus opérationnels nos missiles stratégiques.
Un grand pays doit accepter de fournir pour sa défense l'effort qui s'impose. Il a besoin d'un arsenal nucléaire digne de ses ambitions et de ses missions. Il a besoin d'une armée forte, moderne et motivée, prête à intervenir là où nos intérêts vitaux ou ceux de nos amis sont en danger. C'est dans cet esprit que j'ai souhaité voir s'étendre une réelle coopération en matière de défense entre les pays européens.
Cette France forte, fidèle à ses alliances, soucieuse de son indépendance, et animée d'un esprit de défense, sans lequel il n'y a pas de grande nation, doit être présente dans le monde partout où on l'attend, et partout où on l'espère. Sur le continent africain bien sûr et surtout dans l'Afrique francophone avec laquelle nous entretenons des liens privilégiés, politiques économiques et culturels. Au Moyen-Orient, conformément à notre histoire, et à nos amitiés anciennes. Je pense bien entendu au Liban, si éprouvé aujourd'hui. Notre pays continuera aussi d'uvrer pour que soient reconnus par tous les protagonistes les droits d'lsraël et ceux des Palestiniens, et nous nous efforcerons de favoriser le règlement du conflit Irak-Iran, avons enfin l'intention de développer davantage nos relations avec les Etats d'Amérique Latine, et d'Asie.
Dans le débat où se confrontent les grandes puissances, la France doit évidemment être présente, de même que ses partenaires européens, afin de défendre ses intérêts. Les relations que nous avons renouées depuis 1984 avec l'URSS, et qui s'inscrivent dans une tradition de dialogue Est-Ouest, vont dans le sens de la paix, et ne peuvent que contribuer à faire entendre notre voix au sein du dialogue américano-soviétique.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, la politique que nous nous proposons de conduire dans le strict respect de nos institutions, et en nous conformant aux engagements pris devant le pays qui constituent désormais le contrat d'union de notre majorité.
Permettez-moi maintenant mesdames et Messieurs les Sénateurs d'évoquer un souvenir personnel. Lors de la cérémonie du centenaire du Sénat de la République du 27 mai 1975, vous évoquiez Monsieur le Président POHER le propos de monsieur Jean GUITTON qui paraphrasant Henri BERGSON rappelait que "le Sénat représente la durée et la sagesse stable, la modération, la liaison nécessaire entre les générations et les styles".
Au cours de ces dernières années, peut-être plus encore qu'auparavant, la Haute Assemblée a su montrer qu'elle était digne de sa tradition et qu'elle se comportait toujours en fidèle gardien des libertés républicaines. Lors des débats sur l'école, la communication, la Nouvelle-Calédonie ou les collectivités locales, le Sénat fut de tous les combats pour une défense vigoureuse et permanente des libertés fondamentales.
Le bicaméralisme demeure le mode normal d'élaboration de la loi sous la Vème République. Dès le 27 août 1958, Monsieur Michel DEBRE soulignait devant le Conseil d'Etat qu'en matière de procédure législative "la règle est de nouveau celle des lois de 1875 : il faut l'accord des deux. Assemblées" : la lecture de l'article 45 alinéa 1 de la Constitution est sur ce point d'une totale limpidité : "Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption
d'un texte identique".
Même s'il est prévu qu'en cas de conflit irréductible des deux assemblées, il appartienne à l'Assemblée Nationale, à l'initiative du Gouvernement, de voter définitivement la loi, je tiens à assurer le Sénat de la vigilance que j'exercerai à l'égard du respect scrupuleux de ses prérogatives législatives.
Je veux dire aussi mon total accord avec ce que déclarait le président POHER, le 6 janvier 1986, lorsqu'il évoquait "l'usage immodéré de la procédure d'urgence". Je veillerai personnellement à ce que cette procédure constitutionnelle ne soit utilisée qu'à bon escient.
Puisque j'évoque le travail législatif, je confirme volontiers au Sénat que le Gouvernement entend utiliser pleinement les possibilités de votre ordre du jour.
Dès que le Parlement aura trouvé son rythme de croisière, et cela sera fait dès la semaine prochaine. il conviendra que l'ordre du jour des deux Assemblées soit préparé de façon à ce que l'une et l'autre puissent travailler utilement à la mise en oeuvre de la politique de la Nation. a ce titre, je vous indique d'ores et déjà que le Gouvernement demandera l'inscription à l'ordre du jour prioritaire du Sénat, en première lecture, du projet de loi sur la liberté de la communication audiovisuelle que le ministre de la Culture et de la Communication est actuellement en train de préparer.
Compte tenu de la Qualité des propositions de loi élaborées par votre Assemblée, le Gouvernement prendra appui sur la proposition de loi portant réforme du régime juridique de la presse adoptée par le Sénat le 18 décembre 1985 pour en demander l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale et élaborer grâce à elle une nouvelle législation.
Je suis certain que monsieur le ministre chargé des Relations avec le Parlement saura, avec le concours des deux conférences des présidents, aménager les ordres du jour de façon à ce que les errements anciens soient corrigés.
Participer à la confection de la loi n'est pas le seul rôle d'une assemblée parlementaire. Le contrôle du Gouvernement et, à travers lui, de l'administration, constitue l'autre tâche essentielle. En ce domaine les initiatives du Sénat ne peuvent que recueillir mon accord. Qu'il s'agisse des questions orales, des questions au Gouvernement, des commissions d'enquête et de contrôle ou des autres moyens, telles que les missions d'information, vous pouvez être certains du concours total et permanent du Gouvernement pour vous permettre d'assurer le respect de vos droits constitutionnels et de votre rôle dans le débat démocratique. Au cours des dernières années, le Sénat a prouvé grâce, par exemple, aux commissions de contrôle sur la sécurité publique, les personnes âgées ou la Nouvelle-Calédonie, qu'il savait utiliser opportunément les instruments juridiques dont il dispose. Le rapport de la commission d'enquête sur la dette extérieure de la France fut un modèle de qualité et de rigueur dans un domaine où les autorités responsables refusaient de fournir au Parlement et, à travers lui, à l'opinion,les chiffres réels d'une situation dégradée. Qu'il me soit permis à cette occasion de rendre un hommage tout particulier à la commission des finances pour le caractère objectif et la qualité de ses travaux.
La procédure des questions au Gouvernement heureusement transposée dans cette assemblée, il y a quelques années, n'a pas donné entièrement satisfaction Il conviendra, au terme de la présente session, d'en faire le bilan et de réfléchir à la manière dont elle pourrait être utilisée de façon plus efficace. Pour ma part, je serai présent au banc du Gouvernement le jeudi 24 avril. Je demande aux membres du Gouvernement de consacrer à ces séances la même importance que le mercredi à l'Assemblée Nationale.
N'oublions pas, Mesdames et Messieurs les sénateurs, que conformément à l'article 3 de la Constitution, la représentation nationale s'exprime aussi bien par le suffrage universel direct que par le suffrage universel indirect, fondement de votre légitimité constitutionnelle.
Les cinq années écoulées ont contribué à former entre les sénateurs, membres de la majorité de cette Assemblée des liens politiques et personnels qui se sont traduits dans de multiples votes.
En vous demandant d'approuver une déclaration de politique générale, comprenant le texte de celle que j'ai prononcée devant l'Assemblée Nationale le 9 avril, complétée par mes propos d'aujourd'hui, je souhaite fournir à la majorité sénatoriale l'occasion de manifester encore une fois son unité.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, dès ma courte intervention le 2 avril, lors de la reprise de vos travaux, j'évoquais le rôle du Sénat à l'égard des collectivités locales. Nul plus que le Maire de Paris n'est attaché à l'avenir de nos communes, départements, régions et territoires, qu'ils soient de Métropole ou d'Outre-Mer. La présence à votre présidence de l'ancien président de l'Association des maires de France, la présence dans cet hémicycle de son successeur, les fonctions que beaucoup d'entre vous assument à la tête de l'une ou l'autre de ces collectivités territoriales, garantissent à la foi votre compétence sur le fond et la sérénité de vos débats. Certes, les débats sur les lois de décentralisation ont été, avant comme après 1981, l'occasion de discussions approfondies et parfois fort vives. Mais n'est-il pas temps maintenant de dresser un réel bilan des transformations engagées depuis une vingtaine d'années ? Rien n'est plus néfaste à la saine gestion de nos villes et de nos villages, de nos départements et de nos régions, de nos territoires et des collectivités à statut spécial que l'éternelle transformation et la précipitation. Il suffit de feuilleter les collections du Journal Officiel pour se rendre compte qu'une pause est véritablement nécessaire.
Avant la définition de toutes nouvelles orientations, je souhaite, et M. le Ministre de l'intérieur avec moi, procéder à un véritable bilan
Il convient,aussi bien en ce qui concerne les institutions que les compétences, ou les aspects financiers, de prendre le temps de procéder à un véritable état des lieux. Il va de soi que les membres du Sénat sont en premier lieu concernés par cette réflexion. Les travaux d'ores et déjà menés par vos commissions, ceux qui seront entrepris à votre propre initiative ou à l'instigation du Ministre de l'intérieur et du Secrétaire d'Etat chargé des collectivités locales, contribueront à la définition de l'attitude` du Gouvernement. Sur ce point aussi, des proposition' de lois, portant remède à telle ou telle défectuosité des lois récentes, pourront être envisagées, s'il s'avère que la conjugaison de vos efforts, de votre imagination et de votre connaissance des dossiers, rencontre un accord quasi-général.
Il me serait facile d'évoquer ce que représentent les collectivités territoriales en tant que force vive de ce Pays La prudence du Gouvernement traduit en réalité la profonde attention que nous portons à ces collectivités.
Le Gouvernement compte sur le Sénat, Grand Conseil des Communes de France pour l'aider dans la réflexion qu'il entend mener au cours des prochain mois sur l'avenir des collectivités locales et de leur libre administration.
Tels sont, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les réflexions que je tenais à vous soumettre, et aussi les engagements que je tenais à prendre devant vous, vis-à-vis de votre Haute Assemblée.
Nous avons une tâche immense qui exigera rigueur et réalisme, mais aussi et surtout courage conviction et enthousiasme. Nous n'avons nullement l'intention de soumettre la France à des bouleversements qui seraient autant de traumatismes dont notre pays n'a aucun besoin. En revanche, nous voulons que souffle sur nos concitoyens et sur notre nation un vent de liberté, qui donne aux Français l'envie d'entreprendre et d'oser, pour eux-mêmes et pour la France. Nous voulons que dans un pays aux finances assainies, à la sécurité reconquise, à l'identité affermie, à la grandeur retrouvée, chacun de nos compatriotes se sente fier d'être Français. Pour réaliser cette ambition, nous avons besoin de la confiance du peuple et de ses représentants nous avons besoin de votre soutien.