Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur les grandes orientations de la politique gouvernementale, notamment la restauration de l'autorité de l'Etat, la relance du dialogue social et de la décentralisation, et la lutte contre l'exclusion, Cernay le 31 mai 2002.

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Circonstance : Inauguration des nouveaux locaux de l'atelier protégé Saint-André à Cernay (Haut-Rhin) le 31 mai 2002

Texte intégral

J'ai confiance. Si je ne l'avais pas eu avant, ce que j'ai vu aujourd'hui me donne confiance dans tout ce que vous faites tous ensemble : les élus, les responsables d'associations, tous les acteurs ici rassemblés.
Je voudrais vous saluer et vous remercier de votre présence, dire à tous les parlementaires, à tous les élus, quelle que soit leur sensibilité politique, combien j'apprécie leur présence et vous dire, Monsieur le maire, combien cette visite a été pour moi importante et très intéressante. J'ai l'honneur de vous présenter le ministre chargé de la lutte contre l'exclusion, Dominique Versini.
Nous avons eu tout à l'heure, une réunion de travail, qui a été très importante et qui a montré, comme j'ai déjà pu l'observer, que l'Alsace est un superbe laboratoire d'initiatives économiques mais aussi sociales. Et en Alsace, naturellement, les Hauts-Rhinois tiennent leur place. Je le dis parce que je connais bien cette région et j'ai eu de très nombreux partenariats avec les autorités régionales et départementales. C'est vrai qu'il y a ici une vraie dynamique humaniste. Cette dynamique de mobilisation des énergies humaines est dans votre Histoire puisque nous ne sommes pas loin du site du Vieil-Armand, je dirais dans notre Histoire, douloureuse, qui exige de nous un devoir de mémoire mais qui est aussi une histoire de courage et de mobilisation. Les choix de l'avenir que vous avez fait, ici en Alsace et dans le Haut-Rhin montrent que cette volonté collective d'agir vous a donné quelques réussites. Je connais suffisamment l'Alsace pour savoir que c'est un territoire contrasté et qu'il ne faudrait pas voir derrière certains indicateurs de richesse tous les problèmes résolus. En matière d'emploi, et notamment l'emploi des jeunes, ou en matière d'insertion et d'exclusion, il y a, un certain nombre de problèmes majeurs qui restent à traiter. Et c'est pour cela que j'ai souhaité, aujourd'hui, travailler avec vous sur ces questions.
Je pense vraiment que c'est, avec l'énergie des territoires de France, que la République peut le plus facilement trouver ses voies d'avenir. On dit quelquefois que j'aurais inventé le mot "la République d'en bas", ce qui est d'ailleurs faux. Quand je parle de "la République d'en bas", ce n'est pas pour dire qu'il y a deux Républiques ou deux France. Mais il y a un mouvement que nous voulons valoriser, c'est le mouvement du bas vers le haut plutôt que le mouvement du haut vers le bas. Cela fait longtemps que ça marche de haut en bas mais il y a un certain nombre de choses qui ne marchent pas bien. Il y a un certain nombre de mécaniques qui se grippent et finalement si les Français sont mécontents, c'est parce qu'ils sentent que ce qui devrait être une puissance publique est souvent une source d'inefficacité et d'impuissance. Je pense que, en Alsace autant qu'ailleurs, ces élections présidentielles doivent nous ouvrir les yeux : à la fois sur le mécontentement et l'exaspération des Français, et en même temps sur une volonté de se rassembler autour des valeurs essentielles de notre République. Le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger aurait tort de se voir installé avec une forme de triomphalisme, de victoire, pour se satisfaire d'une situation. Nous sommes face à un mécontentement des Français, nous sommes face à des problèmes qu'il faut résoudre. Nous sommes face à un immense devoir d'action, face à des responsabilités. Nous sommes engagés dans une mission d'action et nous tenons à ce que cette mission soit inspirée par les territoires de France, par les acteurs de terrain que vous représentez, les uns et les autres.
Les priorités gouvernementales s'organisent autour de deux grandes idées simples.
La première : Les Français veulent retrouver un Etat fort, respecté et respectable, un Etat qui puisse répondre à leurs besoins sur ses missions essentielles qu'on appelle les fonctions régaliennes : la justice, la police, la sécurité, l'éducation. Ce sont des sujets où finalement l'Etat, quelques fois, dans le passé, a donné le sentiment de ne plus répondre à l'attente des Français. Nous mesurons combien la sécurité est un élément stratégique pour redonner confiance en l'Etat et redonner confiance en la France. Nous voyons bien que ces questions de sécurité sont aujourd'hui une priorité dans toutes les régions. Il n'y a pas de liberté dans l'insécurité, il n'y a pas de justice dans l'insécurité. Il nous faut prendre ces questions de sécurité avec gravité. C'est pour cela que nous sommes au travail. Nous préparons une loi d'orientation et de programmation qui sera prête pour être présentée au nouveau Parlement élu au mois de juin et qui se réunira en session extraordinaire, si les Français le souhaitent, au mois de juillet. Nous travaillons sur ces dossiers essentiels. La justice n'a pas les moyens de traiter les problèmes que lui révèle la police. Donc, les problèmes restent sans solution et il y a une sorte de circuit ouvert de la délinquance. On a le sentiment, notamment dans ces derniers mois, qu'il y a une véritable explosion de la délinquance, c'est ce que montrent les chiffres, dans votre région comme dans toute la France. Sur ce sujet, nous sommes déterminés, nous avons engagé et pris un certain nombre de décisions organisationnelles et nous sommes en train de procéder à la finalisation des deux projets de loi Justice et Sécurité. Tout ceci sera prêt pour le prochain Parlement.
Les questions d'éducation, d'exclusion et d'insertion sont très importantes. C'est vrai que des combats comme celui de l'illettrisme sont des combats majeurs pour notre pays. Quelle peut-être la liberté d'un jeune qui aujourd'hui ne sait ni lire, ni écrire, ni compter ? Quelle peut-être la justice à la sortie d'une école qui laisse 60 000 de ses enfants sans aucune qualification ? On voit bien qu'il y a là des missions essentielles qu'il nous faut assumer. Pour que l'Etat soit fort sur ces missions, il ne faut pas qu'il soit dispersé. Car à force de vouloir être présent partout, il répond trop souvent absent là où on l'attend. C'est cet Etat fort et recentré sur ses missions que nous voulons affirmer ; une autorité républicaine nouvelle est au coeur de notre projet. C'est le premier pôle de notre action.
Le second pôle, c'est qu'à côté d'un Etat fort, il faut une République partagée. L'Etat n'a pas le monopole de l'intérêt général. Nous sommes tous acteurs, les uns et les autres. Vous êtes tous ici acteurs d'une part d'intérêt général. Le médecin a une part d'intérêt général, l'entrepreneur, l'artisan qui crée des emplois a une part d'intérêt général, le responsable d'association fait aussi partie de l'intérêt général : il n'y a pas ceux qui s'occupent de l'intérêt général et les autres.
Nos valeurs, liberté, égalité, fraternité doivent être vécues sur le terrain. Pour cela, il faut partager les responsabilités, et notamment ouvrir la société. Il n'y a pas le tout-Etat et le reste qui ne s'occuperait de l'intérêt privé catégoriel ; il y a un Etat fort et puis des responsabilités partagées, notamment avec les partenaires sociaux pour tout ce qui concerne la vie économique. Il est évident qu'il faut laisser le contrat discuté par les acteurs sociaux, il ne faut pas que l'Etat veuille tout réglementer, tout régenter. Laissons respirer l'économie et laissons les responsables assumer leurs décisions. Utilisons les contrats plutôt que la loi pour développer le progrès social. C'est une ouverture pour faire respirer la République. C'est plus de responsabilités pour les acteurs sociaux. La responsabilité doit être ouverte aux collectivités territoriales. Je crois qu'il nous faut véritablement, avant la fin de l'année 2002, une grande étape dans la décentralisation, une grande étape de responsabilisation des territoires. Notre pays, en faisant remonter tous les problèmes par le haut, finit par être congestionné dans sa tête. Et, finalement, on voit que les responsabilités ne sont pas suffisamment partagées. Et c'est pour ça qu'il y a tant de noeuds dans l'exercice de la puissance publique. Alors faisons en sorte que de vraies responsabilités puissent être traitées sur le terrain. Pour obtenir des subventions du FISAC ou des actions pour l'exclusion - quelquefois 20 000 francs ou 30 000 francs - il faut parfois faire un dossier au département, à la région puis il est soumis à la Commission pour décider. Ça, c'est une période d'un autre âge.
Les responsabilités doivent pouvoir être confiées aux acteurs de terrain. Les responsables de l'argent public doivent faire une bonne évaluation. Il doit exister une logique de confiance et pas une logique de méfiance. Il est très important de faire confiance.
Nous voulons que notre République puisse mieux tenir sa promesse de liberté. Où est la liberté de l'entrepreneur ? Où est l'égalité pour les retraites et où est la fraternité dans les quartiers de grande solitude ? La République doit partager l'intérêt général, avec les acteurs économiques et sociaux, avec la vie associative, avec tous ces responsables qui structurent notre lien social, et avec les territoires. C'est vraiment un enjeu très important que nous voulons atteindre pour notre pays. Dans les 200 jours que nous avons devant nous, et dès le mois de juillet, il nous faut tenir les engagements qui ont été pris par le président de la République. Justice, sécurité, baisse de l'impôt : nous ferons en sorte qu'il y ait des textes qui puissent être présentés rapidement. Et puis, à l'automne, je le souhaite, une réforme constitutionnelle pour une vraie décentralisation. Dès le début de l'année 2003, nous pourrons passer, après avoir travaillé avec les partenaires sociaux, aux réformes sociales, auxquelles les Français sont très attentifs. Et entre temps, le ministre s'occupera de l'exclusion, et on s'occupera de tous les Français qui sont aujourd'hui en grande difficulté. Voilà les grandes actions de nos initiatives gouvernementales pour les semaines qui viennent.
Et dans cette mobilisation-là, je veux vraiment qu'on donne une place importante à la lutte contre l'exclusion. Nous sommes le pays de l'humanisme, nous sommes le pays des droits de l'Homme. Est-ce qu'on peut accepter que dans notre pays, 4 millions de Français soient aujourd'hui en dehors de notre société, de notre République partagée, parce qu'ils sont en grande difficulté ? Est-ce qu'on peut accepter cela aujourd'hui dans un pays qui fait de la République sa conviction commune, son vivre ensemble ? Je crois qu'il y a là des difficultés qu'il nous faut surmonter. Pour citer Dominique Versini, et Max Weber d'ailleurs, c'est à la fois une éthique de conviction et une éthique de responsabilité. Nous sommes un pays de conviction. Nous avons ce XVIIIème siècle, cette France universelle qui nous a posés sur le monde comme ceux qui se sont identifiés pour défendre la personne humaine. Et puis, nous avons notre éthique de responsabilité : on ne peut pas laisser des gens sur le côté de la route. Il y a plusieurs causes d'exclusion et notamment la cause économique. Souvent, les problèmes commencent par le chômage. Dans notre société le statut social est souvent lié à l'emploi. Hors de l'emploi, le statut est fragilisé. Il nous faut donc revenir à une dynamique économique qui soit moins excluante.
La deuxième cause c'est la solitude, l'isolement que l'on rencontre dans la société. J'ai vu cet après-midi avec Dominique Versini des responsables d'associations. Dans mon Poitou-Charentes, j'ai rencontré souvent des gens, les mêmes acteurs qui finalement se battent et se sentent seuls. C'est incroyable de voir cette société de communication... Quand vous regardez les problèmes les uns après les autres, vous voyez des présidents d'associations qui se sentent souvent seuls dans leur action. Les artisans par exemple, ont beaucoup de structures autour d'eux, mais ils se sentent seuls dans leur travail. Nous sommes dans une société qui génère beaucoup de solitude, qui coupe des liens. Et cela, est une fragilité. Car une société, au contraire, doit injecter du lien social, du lien culturel, de la cohésion, de l'unité nationale. Il ne s'agit pas de gouverner les uns contre les autres, il s'agit de créer des liens. Ce goût de notre pays pour l'individualisme qui débouche souvent sur de la solitude, est une des causes importantes de l'exclusion.
La troisième cause qui est aussi très importante, c'est finalement toutes les structures intermédiaires qu'on a quelque peu fragilisées et à cause desquelles, aujourd'hui, beaucoup de gens sont sans repères. Les familles ont changé, les entreprises ont changé, les territoires ont changé, les cités ont changé. Finalement, tout ce qu'était l'encadrement de la vie a été profondément bouleversé et les repères n'apparaissent plus évidents. Et sans repères, il n'est pas possible de tracer sa route. Et beaucoup de Français, aujourd'hui, parmi ceux qui souffrent le plus, sont sans repères. C'est cette situation que nous voulons combattre. Ce qui est le plus dur, c'est de se dire qu'après des années de croissance, finalement, on en est dans cette situation où une partie de la société a l'air de progresser pendant qu'une autre a l'air de s'affaiblir. Nous vivons après plusieurs années de croissance, un véritable échec social, quand on voit le nombre de pauvres, quand on voit le nombre de gens en difficulté, quand on voit les chiffres du chômage des jeunes qui sont parus ce matin - et qui ne sont pas très bons non plus en Alsace : plus de 15 % en un an de chômage des jeunes. Le chômage des jeunes, c'est vraiment un sujet qui concerne l'ensemble de nos équilibres sociaux, parce que vraiment, une société qui n'accueille pas sa jeunesse dans son insertion économique, est une société extraordinairement fragile. On ne peut pas se satisfaire de cette situation. Et donc, il nous faut répondre à cela avec beaucoup de détermination.
Il y a dans notre politique contre l'exclusion et contre toutes ces misères de la vie, cinq initiatives que nous voulons engager rapidement.
La première, c'est la décentralisation pour faire en sorte que les décisions se prennent au plus près du terrain, y compris dans le domaine de l'exclusion, de l'insertion, avec les acteurs locaux. Décentralisation sur les collectivités locales, déconcentration des services de l'Etat de manière qu'on puisse agir au plus près du terrain.
La deuxième initiative très importante, c'est notre programme "Les jeunes et l'emploi". C'est une initiative aussi essentielle que nous voulons prendre très rapidement : faire en sorte qu'on puisse aider les jeunes à entrer dans l'entreprise, avec de vrais contrats de travail, et une vraie insertion économique. C'est pour cela qu'on veut baisser les charges sociales sur les salaires des jeunes, pour qu'après leur formation, ils puissent avoir accès à des emplois. C'est très important pour les jeunes, mais aussi pour les entreprises qui trouveront là, et notamment nos PME, de la jeune énergie dont elles ont besoin. Je sais qu'en Alsace, sur ces questions, vous êtes souvent en avance. J'en ai souvent parlé avec Adrien Zeller. Je sais notamment qu'il y a des formules sur l'alternance qu'il nous faut généraliser. Ce sont des formules - les parlementaires ici présents les connaissent bien - qui peuvent servir pour l'ensemble de notre pays. L'alternance et le contrat "civis" est un contrat pour aider les jeunes qui ont des projets humanitaires, des projets associatifs, pour les aider à s'engager dans la société. Je crois que nous devons faire en sorte, en permanence, de tendre la main à la jeunesse pour qu'elle puisse être, dans notre société, la plus active possible, la plus responsable possible.
La 3ème initiative : c'est la réforme de la procédure du droit d'asile, c'est un vrai sujet de préoccupation, qu'un certain nombre d'entre vous connaissent bien. Quelqu'un, aujourd'hui, qui veut ou qui a accès à l'asile en France, qui veut demander le droit d'asile, attend deux ans avant d'avoir une réponse. C'est-à-dire que s'il est débouté au bout de deux ans, il aura été lui-même, voire avec ses enfants, en situation précaire pendant deux ans ; il aura éventuellement fait en sorte que ses enfants soient plus ou moins insérés, soient à l'école. Et deux ans après, on lui dit "Dehors ! Vous n'avez pas le droit d'asile". Quelle est cette façon de traiter les gens, alors que les autres pays européens réussissent à traiter les dossiers en quatre ou six mois ! On ne peut pas rester avec ces délais-là.
Ces délais ont l'air d'être des délais administratifs, mais en fait, ce sont des catastrophes humaines qui peuvent engendrer des tensions sociales. Nous avons déjà engagé un travail, avec Dominique Versini et avec le ministre des Affaires étrangères sur ce sujet et sur cette réforme des procédures du droit d'asile. Je suis optimiste sur les solutions que nous pourrons trouver rapidement. Nous avons l'exemple de ce qu'ont fait un certain nombre d'autres pays. Il y a beaucoup de choses à faire sur ces dossiers du droit d'asile et de l'immigration. N'oublions pas non plus que, finalement, l'aide au pays en voie de développement, notamment l'aide à l'Afrique a beaucoup reculé ces dernières années. Et si on veut vraiment traiter le problème de l'immigration, il faut commencer aussi par faire en sorte que tous ceux qui veulent venir chez nous trouvent du travail chez eux. Il y a là un certain nombre d'initiatives qui sont à prendre et le prochain sommet du G8 qui aura lieu au Canada, à Kananaskis, fin juin, va traiter de ce problème. Notre aide au développement a progressivement diminué passant de 0,5 à 0,32 % et c'est une politique qui tourne le dos à l'avenir. L'avenir, c'est de faire en sorte qu'on trouve des espaces de développement dans des pays qui pourront garder leur population. Et je pense qu'il y a pour nous un devoir de remonter les crédits du développement : c'est pour nous je crois une nécessité économique et humaine. Et puis, il y a aussi tout le travail européen. Il faut faire en sorte qu'au prochain sommet européen de Séville, à la fin du mois de juin, le dossier de l'immigration soit traité par tous les pays européens pour pouvoir dégager une politique commune. Il est évident que c'est l'espace européen qui lui-même doit pouvoir avoir ses propres régulations. Voilà ce que nous voulons faire sur ces sujets du droit d'asile et de l'immigration très rapidement.
Enfin, deux projets très importants sont entre les mains de Dominique Versini : quand on regarde la chaîne de l'insertion, on voit qu'il y a toutes les personnes qui connaissent des difficultés et qui peuvent se trouver, à un moment ou à un autre, traités en première urgence. Il y a ensuite toutes les étapes nécessaires pour faire en sorte qu'on puisse aider à l'insertion dans la société de ces jeunes en difficulté. Et là, nous créerons des structures qui seront des postes d'urgence pouvant intégrer ces personnes en difficulté. Il en existe déjà en France. Il nous faudra développer l'idée d'accueil dans les familles, des accueils sociaux. Il faut mener une politique d'aide aux Français.
Le 2ème projet est le problème des enfants des rues. Ces enfants exploités par toutes les mafias du monde, y compris pour les abus sexuels, et toutes perversions que l'on peut imaginer. Dans toutes nos grandes villes aujourd'hui, on voit que la délinquance utilise des enfants, extrêmement souvent, d'âge très jeune. Et ces enfants deviennent des jeunes qui n'ont aucun repère. Donc, là, Dominique Versini a travaillé sur ces dossiers en consultant beaucoup les équipes municipales, en mettant en place des écoutes attentives. Et nous allons dans les jours prochains lancer une première expérience à Marseille pour mettre en place une politique de maîtrise de ces enfants dans les rues, notamment la nuit. Il s'agit là d'un travail très important du développement "du principe d'humanité".
En fait, mesdames et messieurs, ces questions reflètent ce que les Français veulent : retrouver une cohésion économique et sociale. Je crois que notre pays a besoin qu'on lui parle de son unité. Il a besoin de temps en temps qu'on chante "sa" Marseillaise. Vous avez vu que, quand elle a été sifflée, que la République, en son chef réagissait fort. Le match d'après, elle était chantée à chur joie par l'ensemble du stade. Parce que la France a besoin d'unité. Mais trop souvent la politique a été le gouvernement des uns contre les autres : les bons Français contre les mauvais Français, les bons agriculteurs contre les mauvais agriculteurs, les bons artisans qui font les 35 heures contre les mauvais artisans, les bonnes entreprises contre les mauvaises entreprises, les bonnes régions contre les mauvaises régions, les bonnes villes contre les mauvaises villes, les banlieues contre les campagnes ; au fond, toujours une opposition, toujours essayer de désigner des adversaires, des boucs-émissaires.
Ce qu'il faut, c'est rassembler le pays, lui donner une stratégie pour qu'on ait tous envie de se dépasser, pour qu'on garde un horizon, pour qu'on ne cherche pas notre différence avec celui qui est à côté, mais au contraire ce qu'on a en commun pour essayer d'avoir une perspective, un projet. C'est cela ce que la France attend aujourd'hui. Ce n'est pas entretenir en permanence les clivages et les divisions. C'est au contraire proposer un sursaut national qui soit une véritable perspective d'avenir. Et cette perspective est au coeur de la dynamique de l'Alsace.
Au fond, c'est ce que vous avez fait dans bien des domaines, c'est de jouer la qualité humaine. Quelle est la réponse de la France à la mondialisation, qui nous inquiète un peu tous ? Quelle va être notre place dans cette perspective ? Notre place, ce n'est pas le gigantisme, ce n'est pas la concentration, ce n'est pas la banalisation, la standardisation. Notre place, c'est l'imagination, l'innovation, la qualité, la valeur ajoutée, c'est la qualification des équipes. C'est tout ce qui ajoute de l'humain à l'économie. C'est tout ce qui crée de l'idée, de l'apport, tout ce que l'on peut appeler "valeur ajoutée". Ce n'est pas en faisant des prix, toujours au plus bas, qui ne respectent pas toujours la qualité, mais qui au contraire écrasent le travail et parfois écrasent les personnes ! En revanche, quand on joue la carte de la qualité, la carte du service, la carte de la qualification, la carte de la valeur ajoutée, la carte de la recherche, quand on joue la carte de l'intelligence, c'est là où la France peut être forte ; c'est là où il peut y avoir une vraie stratégie, et on l'a. On n'a pas peur du monde. On va dans le monde avec nos idées. Comme toujours la France a existé dans le monde quand elle a mis en avant ses qualités, ses idées et ses talents.
C'est ça la vraie stratégie au fond. C'est cette stratégie de la qualité, de la valeur ajoutée, qu'elle soit économique, ou qu'elle soit humaine. Au fond, la vraie stratégie pour nous tous, c'est de faire en sorte que notre pays développe partout "le principe d'humanité". Et si nous humanisons notre économie, si nous humanisons notre République, les Français se sentiront mobilisés et ils retrouveront confiance en eux, comme monsieur le maire de Cernay a confiance dans les habitants de sa commune et de son arrondissement pour faire face à l'avenir.
Merci à vous tous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 juin 2002)