Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, à France 2 le 9 juillet 2002, sur le non-lieu rendu dans l'affaire du sang contaminé, la polémique sur une éventuelle amnistie des délits politico-financiers et la lettre de cadrage du Premier ministre pour le budget 2003.

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Texte intégral

J. Wittenberg.- Votre collègue, le ministre de la Justice, D. Perben, va recevoir ce mardi des familles de victimes de l'affaire du sang contaminé. Hier, on a appris que l'affaire allait finalement être réexaminée par la Cour de cassation. On voit donc que le Gouvernement, dont vous êtes le porte-parole, choisi de s'impliquer directement dans ce dossier. Pourquoi ?
- "Je ne dirais pas tout à fait les choses comme cela. La première réalité de tout cela est qu'il faut vraiment s'imaginer ce qu'est que la colère, l'émotion et la douleur des familles. C'est une affaire qui dure depuis 14 ans, une affaire épouvantable qui a - il faut bien le dire - beaucoup mobilisé l'opinion publique, durant toutes ces années d'instruction. Nous sommes, aujourd'hui, dans une phase qui est très douloureuse pour les familles. L'arrêt qui a été rendu par la chambre d'instruction, les motivations qui n'ont été connues que 24 heures après, un non-lieu : voilà le contexte général. Il était tout à fait naturel que le ministre de la Justice puisse les recevoir aujourd'hui. Ce qu'il a décidé de faire. Et, par ailleurs, il est tout à fait naturel qu'il émette un avis en droit favorable à ce pourvoi en cassation. C'est par ailleurs la décision qui a été prise par le Parquet général."
Revenons-en à l'amnistie dont on parle beaucoup depuis ces derniers jours. Mais cette fois, ça y est ! Le texte arrive enfin ce mardi devant l'Assemblée nationale. Pour l'instant, on a surtout parlé de ce qui n'est pas a priori dans ce texte, à savoir une éventuelle amnistie des délits politico-financiers. Vous nous le confirmez une fois pour toutes : il n'y aura pas de coup d'éponge sur les affaires ?
- "Bien naturellement. Mais je crois surtout que ce procès en suspicion commence à bien faire. Le fait qu'en permanence des rumeurs particulièrement douteuses arrivent sur le devant de la scène publique sur ce sujet est devenu véritablement indigne par rapport à la volonté qui est la nôtre de lutter contre toutes les formes de délinquance. C'est cela la priorité de ce mois de juillet, à travers le texte sur la sécurité et le texte sur la justice. Quant à celui qui concerne l'amnistie, qui va être présenté cet après-midi à l'Assemblée nationale, c'est un texte qui est conforme à la tradition républicaine. Il est même plutôt très en deçà de ce qui se fait traditionnellement. Par exemple, il y avait seulement une quinzaine de chapitres qui étaient exclus du champ de l'amnistie en 1981 sous Mitterrand ; il y en a aujourd'hui plus d'une quarantaine. C'est dire combien on l'a réduit vraiment à la tradition et en particulier pour les amendes de stationnement pour les automobiles."
C'est vrai que c'est une amnistie particulièrement restrictive, mais que pensez-vous, tout de même, de toutes ces voix qui s'élèvent pour réclamer que ce soit la dernière amnistie au-delà même des polémiques ? On sait que la gauche votera contre et que l'UDF est réservée. Mais beaucoup d'associations, notamment de victimes d'accidents de la route, vont manifester par exemple, aujourd'hui, devant le Palais Bourbon, pour exiger qu'il n'y ait plus d'amnistie. Vous êtes favorable à cette démarche ?
- "C'est en tout cas un débat qui est légitime. Il n'a jamais connu autant d'ampleur - il faut bien le dire. Je n'ai pas le souvenir qu'il y ait eu un tel débat en 1995, en 1988 ou en 1981. C'est vrai qu'il faudra très certainement en tenir compte pour l'avenir. Pour cette fois-ci, le point qui doit être retenu est que ce champ d'application de la loi d'amnistie tel qu'il est présenté par D. Perben est extrêmement restreint. Il se limite, pour l'essentiel, aux amendes de stationnement. Tout ce qui relève encore une fois de cette amnistie est très réduit, car il ne saurait en rien contrevenir à l'essentiel, qui est la lutte contre la délinquance. Je prends un exemple : tout ce qui relève de la récidive est exclu du champ de l'amnistie. Autre exemple : dans le domaine de la circulation routière, c'est extrêmement limité. Même les amendes pour les stationnements sur les places pour handicapés ou sur les couloirs de bus, ayant donc pu entraîner un danger particulier, sont exclues de l'amnistie."
Néanmoins, est-ce que vous pensez qu'il faut qu'à l'avenir, il n'y ait plus du tout d'amnistie ?
- "Je crois en tout cas que ce n'est pas un débat d'actualité. Il faudra peut-être l'avoir à la prochaine élection présidentielle. Dans l'immédiat, en tout cas, ce champ est restreint et je crois que chacun doit évidemment en tirer les réflexions nécessaires pour l'avenir."
Un dernier mot sur l'amnistie. Vous avez peut-être noté que la Confédération paysanne demande que son leader, J. Bové, qui est emprisonné pour encore quelques jours et quelques semaines, bénéficie lui aussi de la clémence des députés. Vous y êtes favorable ?
- "Les lois d'amnistie ne sont pas personnalisées en fonction de la médiatisation de tel ou tel ! Tout citoyen doit se conformer à la loi et le délit commis par J. Bové est exclu du champ de l'amnistie."
Revenons-en à la situation économique : J.-P. Raffarin a envoyé, ce week-end, sa lettre de cadrage pour le budget 2003. On a cru comprendre qu'hormis les ministères dit régaliens, c'est-à-dire la police, l'intérieur, la justice et la défense, tous les autres allaient devoir se serrer la ceinture. C'est bien cela ?
- "Je crois en tout cas qu'on est engagé sur une nouvelle politique économique. Cette politique économique vise à baisser les prélèvements obligatoires, à moderniser l'Etat et à faire en sorte que l'Etat assume d'abord, de manière efficace, ses missions régaliennes : sécurité et justice. Vous l'avez rappelé. C'est là-dessus que l'on va marquer les priorités. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas, en même temps, se poser toutes les questions nécessaires sur ce qu'est la dépense publique efficace. Il faut bien que chacun comprenne qu'un bon budget, ce n'est pas un budget qui augmente à l'aveugle, mais c'est un budget qui est efficace. C'est à cela que l'on travaille aujourd'hui."
Justement, le ministère de l'Economie, Bercy, explique qu'on ne remplacera pas tous les emplois au fur et à mesure des départs, notamment à la retraite. J.-P. Raffarin a dit cela dans son discours de politique générale. Quels sont les ministères qui finalement vont connaître des baisses d'effectifs ?
- "C'est un peu plus compliqué que cela. Le fond des choses est de dire que la logique ne doit pas être simplement arithmétique. Là où il y a besoin de plus de fonctionnaires - je pense à la police ou à la justice -, il y aura des recrutements supplémentaires - 13.500 de plus dans le domaine de la sécurité, c'est indispensable vu l'état de délabrement malheureusement de la manière dont on exerce, aujourd'hui, ces missions de sécurité et de justice. Il faudra donc des postes supplémentaires dans la justice et la police. Dans d'autres domaines, c'est moins nécessaire..."
Dans quels ministères a-t-on besoin de moins de fonctionnaires ?
- "Ce sera tout l'objet de la discussion à l'automne. Car, lors de la discussion du budget 2003, nous rentrerons dans le détail de tout cela. Ce sera la mission du ministre des Finances, mais au-delà de lui, de l'ensemble des ministères, car c'est une réflexion collective. Ne perdons pas de vue que ce qui compte et que ce qu'attendent les gens, c'est un budget efficace. C'est un Etat qui va aux résultats et qui ne se contente pas simplement de dire : "Tout va bien, on a augmenté de tant les effectifs de la fonction publique". Ce n'est plus le sujet aujourd'hui. Nous en avons vu l'illustration à travers l'échec durant ces dernières années de la politique de sécurité. C'est cela que les Français attendent de nous : que l'on soit efficace dans ce domaine."
Justement, en terme de budget et en terme économique, comment allez-vous faire pour concilier, à la fois la baisse des impôts, le recrutement de policiers et de gendarmes, tout en assurant la maîtrise des fonds publics ? Sans oublier que vous avez annoncé que le trou laissé par l'équipe précédente des comptes publics était plus élevé que prévu... On a du mal à comprendre comment vous allez y arriver ?
- "En réalité, c'est une stratégie que nous voulons mettre en oeuvre sur cinq ans, qui est une stratégie qui vise à la fois à concilier les engagements électoraux que l'on a pris devant les Français et nos engagements européens. Mais je veux vous dire là-dessus que tout cela nous l'avons anticipé depuis plusieurs mois déjà. Car nous étions quelques-uns à dénoncer, du temps de M. Jospin, le maquillage qui avait été fait et la sous-estimation du déficit budgétaire. On l'a donc intégré dans le chiffrage du projet de M. Chirac et du projet des élections législatives. Tout cela, nous le faisons sur une base simple : en diminuant les prélèvements obligatoires, les impôts et les charges, on va stimuler l'économie, rendre du pouvoir d'achat aux Français. Ce qui, du coup, va les inciter à consommer, à épargner et à investir. C'est cela qui va créer une dynamique économique très forte."
Un dernier mot sur le Smic : le Conseil économique et social doit rendre, ce mardi, un avis et un projet qu'il va soumettre au Gouvernement sur la façon d'harmoniser les différents Smics. Dans ce dossier, E.-A. Seillière, le président du Medef, lui, propose carrément l'annualisation du Smic. Vous y êtes favorable ?
- "C'est une contribution au débat. Nous attendons l'avis du Conseil économique et social qui va intervenir à la fin de cette semaine. J'appelle quand même votre attention sur le fait que le Smic a été complètement démantelé. C'est un des effets pervers des 35 heures. Aujourd'hui, il nous faut travailler à la fois à son homogénéisation - c'est le premier point - mais ensuite, au-delà même de cela, à l'idée qu'il faut stimuler l'économie et, en particulier, pour les salaires les plus modestes. Le plan que l'on met en oeuvre avec F. Fillon, la baisse des charges sociales pour les jeunes jusqu'au bac, c'est évidemment pour inciter à l'emploi. De la même manière d'ailleurs que tout le travail que l'on fait pour essayer de faire de la création d'entreprise l'alpha et l'oméga de la politique que l'on veut conduire."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 juillet 2002)