Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la concertation entre l'Etat et les régions à propos de l'élaboration et des orientations des futurs contrats de plan, Paris le 22 novembre 1999.

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Circonstance : Réunion du comité interministériel sur les contrats de plan à Paris le 22 novembre 1999

Texte intégral

Nous venons de tenir une réunion, avec l'ensemble des ministres, pendant laquelle nous avons examiné les grands projets que les préfets de région ont élaboré avec les présidents des régions et l'ensemble des collectivités locales dans le cadre des contrats de plan pour la période qui va de 2000 à la fin de l'année 2006.
Vous savez en effet que le gouvernement a porté à sept années la période de contractualisation pour obtenir une vraie cohérence avec les aides européennes.
Je voudrais d'abord saluer le travail accompli par la Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, par la DATAR, ainsi que par les différents ministres et bien sûr par l'ensemble des responsables de l'Etat dans chaque région, notamment, bien sûr, les préfets de région. Les échanges entre les collectivités locales, l'ensemble des services régionaux, le ministère de l'Aménagement du territoire et tous les ministères ont occupé l'année entière de façon intense et approfondie. Plusieurs " allers et retours " ont été organisés, pour proposer, expertiser, évaluer et valider les projets. C'est grâce à cette méthode, décentralisée et de dialogue systématique que nous avons pu donner aux projets de contrats de plan des contours nouveaux, qui au delà des choix d'infrastructures sont fondés sur l'emploi, la cohésion sociale et un développement plus durable.
Pour ajuster le montant de la " 1ère enveloppe " financière, que le gouvernement avait arrêtée en Arles en juillet dernier à 95 milliards, nous avons donné l'occasion aux régions, pour la première fois, d'identifier, d'exprimer de façon privilégiée leurs besoins ; nous avons donc procédé avec une entière transparence à l'ajustement des priorités de l'Etat et des priorités des régions. Nous devrons ainsi favoriser un partenariat plus efficace, fondé aussi sur une approche territoriale plus fine et plus juste.
Nous avions aussi prévu une deuxième enveloppe de 10 à 15 milliards qui devait privilégier les priorités des régions. Des discussions nombreuses ont eu lieu ces dernière semaines sur la base de celle-ci. Dans le but de donner à chaque région sa meilleure chance dans le territoire français et européen, le gouvernement a arrêté une seconde enveloppe définitive de 25 milliards de francs, portant ainsi la part de l'Etat dans les deux enveloppes des contrats plan à 120 milliards de francs sur sept ans.
Je voudrais rappeler qu'avec ces 120 milliards, près de 20 milliards de francs vont à de grands projets d'infrastructures (TGV Est, Route Centre Europe Atlantique, Programme Saone-Rhin, Port 2000 au Havre) qui sont hors contrat de plan. Il s'agit là d'un effort considérable, même s'il reste cohérent avec les engagements budgétaires pluriannuels que nous avons pris dans le cadre de l'Union européenne.
Cet effort supplémentaire de l'Etat -" la deuxième enveloppe " est doublée par rapport à notre évaluation du dernier CIADT- traduit la qualité du dialogue qui s'est noué avec les régions autour de priorités nouvelles, plus aptes à assurer à notre pays une meilleure compétitivité.
I - Il y a en effet une grande cohérence entre les aspirations régionales, traduites dans la seconde enveloppe, et les orientations que l'Etat avait précisées à Arles.
Bien sûr, le secteur de l'Equipement et des Transports reste prioritaire, mais de profonds changements ont été opérés : ainsi, comme le souhaitaient particulièrement Dominique Voynet et Jean-Claude Gayssot la part routière dans les projets de contrats proprement dit, représente moins du quart de l'enveloppe générale -contre plus du tiers lors de la précédente génération-. C'est le résultat à la fois d'une meilleure réflexion sur les besoins, accomplie grâce au travail portant sur les schémas de services collectifs, qui a permis, pour la première fois en France, une vraie prise en compte de l'intermodalité, et la volonté des principaux élus de donner une place plus grande à d'autres perspectives de développement.
Si l'on tient compte du retard qu'avait pris le programme routier dans la première partie de l'exécution des contrats de plan, la part des routes " nouvelles " est à peu près de 20% ; c'est une proportion satisfaisante, car elle a permis de porter l'effort pour le rail de 1,2 à 8 milliards, et la contribution de l'Etat pour les transports collectifs de 3 à 6 milliards.
Je voudrais particulièrement souligner l'effet d'entraînement sur les régions à partir de l'importance des crédits que l'Etat a dégagés pour le rail en première enveloppe : nous avons ainsi en Rhône Alpes, Provence Côte d'Azur, Pays de Loire et Alsace de remarquables projets ; l'Ile de France, à la fin de la période de contractualisation aura un plan de déplacement urbain qui concourra pour la première fois de façon décisive à la fois à la diminution de la pollution urbaine et à l'allégement des temps de transport du domicile au travail.
Ces contrats sont aussi ceux de la priorité à la recherche et à l'intelligence. Avec la stabilisation quantitative du nombre d'étudiants, les CPER intensifient les efforts qualitatifs sur l'enseignement et la recherche. Le secteur des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication prend une importance significative, dans la prolongation de l'effort de l'Etat depuis deux ans.
La politique de la ville est également accompagnée par les régions, mais l'importance de l'effort ne pourra vraiment être mesuré que lors de la concrétisation des grands projets de ville au mois de décembre, qui pourront le cas échéant être annexés au moment de la signature des contrats de plan.
L'Etat et les régions ont su donner aux zones rurales des chances nouvelles, enfin, qui accompagnent de façon concrète la politique de la loi d'orientation agricole. Non seulement les crédits à l'Agriculture ont progressé de plus de 2 milliards, mais la politique des pays recevra, par le biais du Fonds national d'aménagement du territoire, des encouragements décisifs. Des conventions de massifs sont proposées pour les régions de montagne. De plus, la reconversion des zones rurales est fortement aidée, soit par les activités liées au tourisme ou à l'artisanat -comme dans le Limousin-, soit par les activités consacrées à la préservation de l'environnement.
II- D'autre part, un effort sans précédent de rééquilibrage entre les régions a été réalisé.
Nous avons réussi, je crois, à la fois à augmenter de façon significative le montant des crédits contractualisés qui profitent à chaque citoyen dans chaque région et à diminuer de façon importante les inégalités des répartitions de crédits entre les régions, qui ne s'expliquaient pas uniquement par la légitime redistribution entre régions pauvres et riches. Etait-il normal que des écarts entre des régions soient restés de 1 à 3, sans tenir compte des évolutions de la population, encore accentuées dans le dernier recensement, sans tenir compte des taux de chômage ; et sans prendre par ailleurs la mesure des problèmes de reconversion qu'ont connus certaines régions ? A notre sens non. C'est ainsi que la moyenne de la contractualisation par habitant passe de 1.400 Frs à 2.000 Frs ; c'est ainsi également que nous avons réduit au moins d'un tiers certaines inégalités flagrantes.
C'est pourquoi cette nouvelle génération des contrats de plan devrait entraîner en France plus de solidarité dans la production des richesses. Même si à ce jour les contrats de plan n'ont pas été présentés au vote des Conseils régionaux, je peux déjà me féliciter de ce que les collectivités territoriales annoncent des moyens financiers accrus sauf dans quelques régions particulières : 1Fr de l'Etat entraîne à peu près 1 Fr de la région avec des engagements significatifs d'autres collectivités comme les conseils généraux, dont je voudrais saluer l'effort, et les municipalités. Autrement dit, non seulement l'effort de l'Etat sera accru, mais il sera plus multiplicateur que lors des précédents contrats de plan. De plus, des logiques interrégionales ont été créées afin de prendre en compte la dimension d'intervention nécessaire à l'essor économique et au développement durable.
Je voudrais enfin souligner que ces contrats de plan négociés en même temps qu'était votée la loi d'aménagement et de développement durable du territoire la loi d'orientation agricole et la loi sur l'intercommunalité, ont donné lieu en France à une réflexion locale au plus près des collectivités et des citoyens.
Les interactions des différents facteurs de croissance doivent nous conduire certes à aider des projets cohérents avec les grandes politiques nationales et les grandes ambitions européennes, mais aussi à agir au plus près des aspirations des citoyens. C'est pourquoi j'ai décidé de donner plus de latitude aux préfets de région, dans un dialogue qui doit rester permanent pendant les sept ans avec les régions. Une fois que les grandes orientations sont respectées, c'est au niveau régional et plus particulièrement dans le volet territorial que l'agencement et le rythme des crédits doit s'opérer afin que les contrats de plan laissent épanouir le vrai visage de nos territoires.
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Mesdames et Messieurs, les contrats de plan ne représentent pas tout l'effort de l'Etat pour sept ans, en ce qui concerne l'équipement du pays.
Comme je vous l'ai dit, aux 120 milliards dégagés par le gouvernement, il faut ajouter presque 20 consacrés à des infrastructures prioritaires, à des reconversions indispensables, à des préservations incontournables de nos territoires. D'autres priorités seront dégagées au cours des exercices budgétaires ultérieurs, mais cette année 1999 aura été un moment privilégié de concertation entre l'Etat et les élus pour garder à nos territoires leurs chances à et nos jeunes l'espoir dans leurs régions. Nous avons réussi à concilier des réponses adaptées à la demande d'équipements, encore très forte dans notre pays, et à l'exigence de solidarité aussi bien entre les territoires qu'entre les hommes. C'est sans doute cette vision plus citoyenne, plus humaine de la contractualisation que je voudrais retenir pour finir. Elle me paraît expliquer la richesse du travail entre les collectivités régionales et l'Etat pendant toute cette année. Cela devrait augurer bien de la signature des contrats qui devra se faire sans marchandage de dernière minute, sans arrière-pensée, dans l'esprit de concertation et de bonne volonté qui a caractérisé cette période de négociations qui s'achève aujourd'hui pour l'Etat.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 1999)