Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse de vous accueillir pour ces Entretiens de Ségur consacrés à la vérité des coûts d'usage de l'automobile en ville. Ces Entretiens ont lieu pendant la semaine du transport public et le lendemain de la journée " En ville, sans ma voiture ? ". Ce n'est pas un hasard.
L'application de la circulation alternée, le 1 octobre 1997, comme les éditions 98 et 99 de cette journée pédagogique ont en effet révélé un civisme inattendu des citadins, montré leur soif d'air pur et de silence, et prouvé aux élus qu'en cette fin de millénaire, une majorité d'entre eux était favorable à une diminution du trafic automobile en ville et à un rééquilibrage entre les différents modes de transport.
En avant-première, je peux vous donner les premiers résultats de cette journée.
L'enquête d'opinion, réalisée par l'IFOP, pour le compte du ministère et de l'ADEME, montrent que 83 % des personnes interrogées considèrent que ce type d'opération est une bonne idée tandis que seulement 14 % jugent que c'est une assez mauvaise idée. Ils ne sont que 52 % à trouver que c'est efficace pour lutter contre les nuisances générées par l'automobile en ville, contre 47 % qui jugent que c'est inefficace. Cette journée n'est en tout cas pas une opération gadget (seulement 4 % le pensent). Plus de 80 % voudraient voir renouveler cette journée chaque année, 44 % pour que ce soit même une fois par semaine, contre 14 % jamais.
En clair, les Français ont compris qu'une journée comme celle-ci ne permettait pas de régler les problèmes mais seulement de poser les questions. C'était bien notre pari.
Loin de décliner toute responsabilité, le sondage IFOP montre que pour les sondés, l'Etat, les villes, et les citadins sont à part égale les acteurs qui devront changer les choses ; et ce n'est pas que déclaration de bonne intention puisqu'ils étaient effectivement 21 % a avoir renoncé à la voiture pour aller travailler hier.
Les comptages effectués par l'institut BVA montre qu'à Chambéry, où il a fait beau et chaud, il y a eu une hausse de 52 % du nombre de piétons alors que les cyclistes étaient en augmentation de 939 %, la fréquentation des pistes cyclables était en hausse de 341%.
A Lille, où le temps fut couvert et pluvieux, augmentation de 142 % des piétons et de 382 % du nombre de vélos ; enfin, à Aix-en-Provence, qui a bénéficié d'un temps ensoleillé, hausse de 61 % des piétons et de 399 % des cyclistes.
Enfin, les premiers résultats réalisés par les réseaux de mesure de la qualité de l'air sont satisfaisants : ainsi, Airparif a enregistré une chute de 30 % du monoxyde de carbone, place Vendôme qui se trouvait dans le périmètre réservé, et de 39 % à Montreuil, une ville proche engagée dans l'opération ; l'oxyde d'azote était en diminution de 15 %, toujours place Vendôme (20à 30 % dans les autres sites parisiens) et de 19 % à Montreuil.
Il nous faut encore affiner et analyser dans le détail ces résultats même s'il apparaît déjà clairement que cette seconde édition de la journée "En ville, sans ma voiture ?" a été un succès. Mais pour que cette journée de sensibilisation puisse progressivement déboucher sur des actions concrètes, il faut, parallèlement, faire une analyse, à froid, des avantages comparatifs et des coûts des différents modes de transports. C'est l'objet de ces Entretiens de Ségur.
Une question essentielle abordée par le Premier Ministre, lui-même, le 23 juin 1999 à la clôture du colloque " Habiter, se déplacer... vivre la ville ", au Cirque d'Hiver. Lionel JOSPIN a en effet déclaré : " Nos modes de financement des transports demeurent incohérents ; nous ne payons pas le prix de nos comportements individuels. C'est le contribuable et non l'automobiliste qui paie l'essentiel de la voirie ".
Il faut ici dire les choses telles qu'elles sont : en ville, les transports ne payent pas leurs coûts. Ceci sera détaillé dans les exposés qui suivront, mais deux grands faits se dégagent clairement.
D'un côté, les transports collectifs urbains sont explicitement subventionnés à hauteur des deux tiers de leur coût.
De l'autre, les coûts de congestion et les coûts externes des déplacements automobiles - notamment ceux de bruit et de pollution, plus lourds en milieu urbain -- ne sont pas couverts par les automobilistes.
C'est ainsi que les déplacements en voiture particulière - dont les coûts sociaux sont bien plus élevés que ceux des transports collectifs -- bénéficient eux aussi d'une subvention importante, même si elle demeure implicite.
Que ce soit implicite ou explicite, nous subventionnons une mobilité qui exige toujours plus d'espace, toujours plus d'infrastructures et qui génère toujours plus de nuisances. De fait, la mobilité est devenue la principale variable d'ajustement de nos modes de vie en ville. L'extension des zones périurbaines en est un des symptômes.
Il faut également insister sur les conditions de concurrence entre modes de transport. Depuis 1960, utiliser une voiture particulière coûte en termes réels de moins en moins cher, pendant que le coût des transports publics pour l'usager s'accroît.
Ainsi, au sein de cette mobilité subventionnée, les conditions de la concurrence sont favorables au mode le plus consommateur d'énergie et d'espace. Faut-il rappeler que la voiture particulière occupe 8 fois plus d'espace de voirie que les transports collectifs au passager transporté, que ce soit à l'arrêt ou en mouvement ? Et qu'un déplacement donné en transport public consomme deux fois moins d'énergie au voyageur-kilomètre qu'un déplacement en automobile ?
Ces réalités sont incontournables. Le développement des transports collectifs est freiné par le poids des subventions directes. Et la seule promotion du transport public et des modes doux que sont la marche et le vélo est insuffisante dans les conditions actuelles de concurrence avec la voiture particulière.
Établir un rapport plus équitable entre modes exigera de réduire la circulation automobile, conformément à la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
L'extension indéfinie des infrastructures -- dans la prolongation des tendances passées - est une impasse à la fois économique et environnementale. Nous sommes de plus en plus nombreux à en être conscients.
L'approche réglementaire et organisationnelle - interdiction, plans de circulation, partage de la voirie - va contribuer à cette réduction de la circulation automobile. C'est là l'objet des plans de déplacements urbains. Toutefois, l'expérience montre que cette voie est insuffisante pour infléchir durablement les trafics.
Aujourd'hui, il nous faut affronter avec courage la nécessaire régulation économique des déplacements urbains. A cette occasion, il nous faudra éclairer aussi bien les effets sociaux de mesures nouvelles que ceux de la situation actuelle.
Dans le respect des exigences du développement durable et en cohérence avec les orientations présentées à plusieurs reprises par les ministres, le Gouvernement se doit de faire des propositions cohérentes visant un double objectif : maîtriser l'usage de la voiture en ville et dégager les moyens permettant le développement des transports collectifs.
Ces Entretiens de Ségur ont pour ambition -- à partir d'un dialogue entre chercheurs, usagers, décideurs, acteurs locaux -- de fournir des éléments d'analyse et des pistes de réforme sur le sujet. Le gouvernement -- et particulièrement mon collègue ministre des Transports Jean-Claude Gayssot - a besoin de vos travaux, et je ferai mon possible pour que ces réflexions puissent trouver leur place dans de futurs projets de loi.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 25 novembre 1999)
Je suis heureuse de vous accueillir pour ces Entretiens de Ségur consacrés à la vérité des coûts d'usage de l'automobile en ville. Ces Entretiens ont lieu pendant la semaine du transport public et le lendemain de la journée " En ville, sans ma voiture ? ". Ce n'est pas un hasard.
L'application de la circulation alternée, le 1 octobre 1997, comme les éditions 98 et 99 de cette journée pédagogique ont en effet révélé un civisme inattendu des citadins, montré leur soif d'air pur et de silence, et prouvé aux élus qu'en cette fin de millénaire, une majorité d'entre eux était favorable à une diminution du trafic automobile en ville et à un rééquilibrage entre les différents modes de transport.
En avant-première, je peux vous donner les premiers résultats de cette journée.
L'enquête d'opinion, réalisée par l'IFOP, pour le compte du ministère et de l'ADEME, montrent que 83 % des personnes interrogées considèrent que ce type d'opération est une bonne idée tandis que seulement 14 % jugent que c'est une assez mauvaise idée. Ils ne sont que 52 % à trouver que c'est efficace pour lutter contre les nuisances générées par l'automobile en ville, contre 47 % qui jugent que c'est inefficace. Cette journée n'est en tout cas pas une opération gadget (seulement 4 % le pensent). Plus de 80 % voudraient voir renouveler cette journée chaque année, 44 % pour que ce soit même une fois par semaine, contre 14 % jamais.
En clair, les Français ont compris qu'une journée comme celle-ci ne permettait pas de régler les problèmes mais seulement de poser les questions. C'était bien notre pari.
Loin de décliner toute responsabilité, le sondage IFOP montre que pour les sondés, l'Etat, les villes, et les citadins sont à part égale les acteurs qui devront changer les choses ; et ce n'est pas que déclaration de bonne intention puisqu'ils étaient effectivement 21 % a avoir renoncé à la voiture pour aller travailler hier.
Les comptages effectués par l'institut BVA montre qu'à Chambéry, où il a fait beau et chaud, il y a eu une hausse de 52 % du nombre de piétons alors que les cyclistes étaient en augmentation de 939 %, la fréquentation des pistes cyclables était en hausse de 341%.
A Lille, où le temps fut couvert et pluvieux, augmentation de 142 % des piétons et de 382 % du nombre de vélos ; enfin, à Aix-en-Provence, qui a bénéficié d'un temps ensoleillé, hausse de 61 % des piétons et de 399 % des cyclistes.
Enfin, les premiers résultats réalisés par les réseaux de mesure de la qualité de l'air sont satisfaisants : ainsi, Airparif a enregistré une chute de 30 % du monoxyde de carbone, place Vendôme qui se trouvait dans le périmètre réservé, et de 39 % à Montreuil, une ville proche engagée dans l'opération ; l'oxyde d'azote était en diminution de 15 %, toujours place Vendôme (20à 30 % dans les autres sites parisiens) et de 19 % à Montreuil.
Il nous faut encore affiner et analyser dans le détail ces résultats même s'il apparaît déjà clairement que cette seconde édition de la journée "En ville, sans ma voiture ?" a été un succès. Mais pour que cette journée de sensibilisation puisse progressivement déboucher sur des actions concrètes, il faut, parallèlement, faire une analyse, à froid, des avantages comparatifs et des coûts des différents modes de transports. C'est l'objet de ces Entretiens de Ségur.
Une question essentielle abordée par le Premier Ministre, lui-même, le 23 juin 1999 à la clôture du colloque " Habiter, se déplacer... vivre la ville ", au Cirque d'Hiver. Lionel JOSPIN a en effet déclaré : " Nos modes de financement des transports demeurent incohérents ; nous ne payons pas le prix de nos comportements individuels. C'est le contribuable et non l'automobiliste qui paie l'essentiel de la voirie ".
Il faut ici dire les choses telles qu'elles sont : en ville, les transports ne payent pas leurs coûts. Ceci sera détaillé dans les exposés qui suivront, mais deux grands faits se dégagent clairement.
D'un côté, les transports collectifs urbains sont explicitement subventionnés à hauteur des deux tiers de leur coût.
De l'autre, les coûts de congestion et les coûts externes des déplacements automobiles - notamment ceux de bruit et de pollution, plus lourds en milieu urbain -- ne sont pas couverts par les automobilistes.
C'est ainsi que les déplacements en voiture particulière - dont les coûts sociaux sont bien plus élevés que ceux des transports collectifs -- bénéficient eux aussi d'une subvention importante, même si elle demeure implicite.
Que ce soit implicite ou explicite, nous subventionnons une mobilité qui exige toujours plus d'espace, toujours plus d'infrastructures et qui génère toujours plus de nuisances. De fait, la mobilité est devenue la principale variable d'ajustement de nos modes de vie en ville. L'extension des zones périurbaines en est un des symptômes.
Il faut également insister sur les conditions de concurrence entre modes de transport. Depuis 1960, utiliser une voiture particulière coûte en termes réels de moins en moins cher, pendant que le coût des transports publics pour l'usager s'accroît.
Ainsi, au sein de cette mobilité subventionnée, les conditions de la concurrence sont favorables au mode le plus consommateur d'énergie et d'espace. Faut-il rappeler que la voiture particulière occupe 8 fois plus d'espace de voirie que les transports collectifs au passager transporté, que ce soit à l'arrêt ou en mouvement ? Et qu'un déplacement donné en transport public consomme deux fois moins d'énergie au voyageur-kilomètre qu'un déplacement en automobile ?
Ces réalités sont incontournables. Le développement des transports collectifs est freiné par le poids des subventions directes. Et la seule promotion du transport public et des modes doux que sont la marche et le vélo est insuffisante dans les conditions actuelles de concurrence avec la voiture particulière.
Établir un rapport plus équitable entre modes exigera de réduire la circulation automobile, conformément à la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
L'extension indéfinie des infrastructures -- dans la prolongation des tendances passées - est une impasse à la fois économique et environnementale. Nous sommes de plus en plus nombreux à en être conscients.
L'approche réglementaire et organisationnelle - interdiction, plans de circulation, partage de la voirie - va contribuer à cette réduction de la circulation automobile. C'est là l'objet des plans de déplacements urbains. Toutefois, l'expérience montre que cette voie est insuffisante pour infléchir durablement les trafics.
Aujourd'hui, il nous faut affronter avec courage la nécessaire régulation économique des déplacements urbains. A cette occasion, il nous faudra éclairer aussi bien les effets sociaux de mesures nouvelles que ceux de la situation actuelle.
Dans le respect des exigences du développement durable et en cohérence avec les orientations présentées à plusieurs reprises par les ministres, le Gouvernement se doit de faire des propositions cohérentes visant un double objectif : maîtriser l'usage de la voiture en ville et dégager les moyens permettant le développement des transports collectifs.
Ces Entretiens de Ségur ont pour ambition -- à partir d'un dialogue entre chercheurs, usagers, décideurs, acteurs locaux -- de fournir des éléments d'analyse et des pistes de réforme sur le sujet. Le gouvernement -- et particulièrement mon collègue ministre des Transports Jean-Claude Gayssot - a besoin de vos travaux, et je ferai mon possible pour que ces réflexions puissent trouver leur place dans de futurs projets de loi.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 25 novembre 1999)