Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Camille,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
C'est en effet la troisième année que j'ai le plaisir de venir clôturer votre congrès. C'est à nouveau pour moi l'occasion de m'assurer de la solidité de notre collaboration ainsi que, plus généralement, du désormais fameux trépied que l'Union Nationale, le Conseil Supérieur de la Pêche (CSP) et le ministère constituent ensemble au service du développement d'une pêche associative dynamique, mais aussi respectueuse de l'environnement et des milieux.
Je tiens à vous remercier de la tonalité très amicale de votre propos, Monsieur Solelhac, qui témoigne, je crois, de la confiance que nous avons su nouer entre nous depuis maintenant deux ans et demi.
Je commencerai mon exposé en faisant brièvement le point sur l'avancement du chantier de réforme de la politique de l'eau dont je vous avais présenté l'an dernier les grands objectifs.
Les amoureux des milieux aquatiques que vous êtes ne peuvent en effet rester indifférents à la nécessité de reconquérir une eau de qualité et des rivières préservées et je vous sais gré, Monsieur le Président, du soutien à cette réforme que vous avez bien voulu afficher.
Mes objectifs sont les suivants :
1/ Une plus grande transparence
Une plus grande transparence et une démocratie accrue dans le secteur de l'eau et de l'assainissement est nécessaire. Je passe rapidement sur ce point qui ne vous concerne pas directement même si les usagers de l'eau que nous sommes tous sont très attachés à la définition de règles du jeu claires et compréhensibles.
Ce souci de démocratie me conduira à soumettre, en 2001, au Parlement les grands principes de la politique de l'eau dans le cadre d'un projet de loi qui révisera les lois de 1964 et 1992 et encadrera les programmes d'actions quinquennaux des agences de l'eau.
2/ pour une meilleure application du principe pollueur-payeur
Le système de redevances des agences sera réformé en profondeur pour une meilleure application du principe pollueur-payeur, en vue d'une réduction des pollutions qui vous préoccupent.
En matière de pollution domestique, mon but est de remplacer la redevance prélevée sur chaque facture d'eau par une redevance acquittée par les communes ou syndicats intercommunaux en charge de l'assainissement, basée sur la pollution nette effectivement rejetée au milieu. Le système actuel est opaque et ne dissuade personne ; à l'inverse, une fois la réforme effectuée, les communes seront incitées à moins rejeter pour être moins taxées.
En ce qui concerne les pollutions industrielles, je souhaite que les redevances actuelles soient complétées pour couvrir toutes les substances polluantes. Sera ainsi étudiée la faisabilité d'une redevance sur les rejets de substances radioactives ainsi que sur ceux qui provoquent une augmentation de la température de l'eau, rejets qui, curieusement, échappent actuellement à toute forme de redevance !
Vous avez insisté, Monsieur le Président, sur les pollutions d'origine agricole, et je partage votre préoccupation sur l'importance de leur impact sur la qualité de l'eau et la vie piscicole. Dans le cadre de la réforme, une redevance sera créée sur les excédents d'azote, c'est-à-dire sur les surfertilisations éventuelles calculées sur la base d'un bilan, exploitation par exploitation.
En parallèle, la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) sera élargie, dès cette année, à différents produits qui polluent nos rivières. Ainsi les produits phytosanitaires seront taxés en fonction de leur toxicité et de leur écotoxicité. Les agriculteurs ne sont d'ailleurs pas les seuls concernés par cette extension de la TGAP au domaine de l'eau, puisque, bien entendu, ils sont loin d'être les seuls pollueurs.
C'est pourquoi je propose également au Parlement de créer une taxe sur les lessives en surtaxant celles qui contiennent des phosphates, car ces phosphates sont l'une des causes principales de l'eutrophisation des rivières, c'est-à-dire de l'explosion de la végétation aquatique qui asphyxie toute autre vie et en premier lieu les poissons. Je compte beaucoup sur Jean-Louis Bianco et le groupe de travail parlementaire sur la pêche qu'il entend créer pour nous aider à appliquer vraiment le principe pollueur-payeur.
Pour en revenir à l'agriculture, les taxes et redevances ne sont d'ailleurs pas à l'évidence le seul outil pour réduire les pollutions d'origine agricole. Une application rigoureuse de la réglementation est également indispensable.
En matière d'élevages hors sol dont vous avez souligné les nuisances, Jean Glavany et moi-même avons adressé aux Préfets des instructions claires pour résorber les effectifs illégaux et veiller à une application stricte de la réglementation des installations classées.
Une mobilisation forte sur le terrain reste cependant indispensable pour permettre une bonne application de ces instructions.
Le nombre d'inspecteurs en charge de cette réglementation est évidemment un facteur clé pour une bonne application de la loi : il faut des gens sur le terrain, de même qu'il faut des gardes-pêche pour une police de la pêche et des milieux aquatiques efficace. C'est pourquoi j'ai décidé d'augmenter sur le budget de mon ministère le nombre de postes d'inspecteurs des installations classées en créant 44 postes en DRIRE et 20 en DSV.
Ce renforcement de l'application de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement concerne aussi les installations vinicoles : comme vous, j'ai été choquée par le spectacle de milliers de poissons ventre à l'air dans la Marne lors des dernières vendanges du vignoble champenois ; la réglementation applicable aux nouvelles installations viticoles a été renforcée cette année ; ce renforcement s'appliquera progressivement à toutes les installations pour éviter que se reproduise ce triste spectacle. Là aussi, je compte sur le soutien des parlementaires pour que le calendrier d'application de cette réglementation soit pas trop long.
Pour en revenir à la réforme des redevances, il ne suffit pas que l'eau dans les rivières soit de bonne qualité, il faut d'abord des rivières qui ne soient pas des fossés anti-chars, et puis il faut de l'eau qui coule dans ces rivières. C'est pourquoi je souhaite créer une redevance sur les aménagements des cours d'eau, les remblais en zones inondables, les imperméabilisations, enfin bref, tout ce qui, en artificialisant les rivières, aggrave les crues et diminue leur intérêt écologique.
La redevance sur les consommations d'eau mérite elle aussi d'être réformée pour qu'elle soit plus équitable. Actuellement le même mètre cube d'eau doit coûter jusqu'à 40 fois plus cher s'il est utilisé pour l'alimentation en eau potable par rapport à un usage pour l'irrigation des terres agricoles. Préserver la ressource, c'est à terme une redevance qui soit la même pour tous, pour dissuader les gaspillages.
3/ L'action de l'Etat et des établissements publics
Améliorer la transparence et la démocratie d'une part, mieux appliquer le principe pollueur-payeur d'autre part, la troisième priorité de la réforme que je prépare est de rendre plus efficace l'action combinée de l'Etat et de ses établissements publics.
Les établissements publics concernés, ce sont tout d'abord bien sûr les agences de l'eau. J'ai transmis à leurs Présidents et aux Présidents des Comités de Bassin, le 28 octobre dernier, une lettre de cadrage pour déterminer les priorités qui devront les guider dans l'élaboration de leurs prochains programmes d'intervention, qui couvriront la période 2002-2006.
Ces programmes mobilisent plus de 10 milliards de francs par an, il est donc essentiel qu'ils se consacrent au financement de projets dont l'intérêt pour la qualité de l'eau et des milieux aquatiques est avéré.
Toutes les actions ne ressortent toutefois pas de la seule compétence des grands bassins versants couverts par les agences. La connaissance de la ressource en eau et de ce qui y vit, ou encore la police de l'eau ou la préservation des zones humides sont des politiques horizontales d'intérêt national ; leur financement sera facilité par la création d'un fonds national de solidarité sur l'eau rattaché au budget de mon ministère, abondé par prélèvement sur les recettes des agences de l'eau.
C'est ce fonds qui servira au financement des coûts de fonctionnement des missions de police exercées dans les brigades de gardes-pêche et permettra ainsi de pérenniser l'aide versée au CSP.
Le CSP est d'ailleurs bien évidemment un des établissements publics placés sous ma tutelle, actif dans le domaine de l'eau, dont l'action contribue à une politique de l'eau plus efficace.
Comme vous le savez, le Conseil Supérieur de la Pêche est doté depuis quelques mois d'un nouveau directeur.
Gérard Tendron, dont je souhaite à nouveau saluer l'efficacité et le dévouement pendant toutes ces années passées à la tête de l'établissement, a quitté le monde de la pêche pour un univers sans doute plus agité.
Gilbert Simon l'a remplacé. En le désignant, je lui ai demandé de s'atteler à la préparation d'un contrat d'objectifs, dont il vous a présenté les grandes lignes ce matin. Ce sera un moment important pour la politique de la pêche dans notre pays ; l'élaboration de ce document devra en conséquence donner lieu à une large concertation entre l'établissement, ses personnels, et les représentants des fédérations de pêche.
L'évolution des statuts des agents du CSP et de leurs conditions d'intervention a également constitué une des toutes premières priorités du nouveau directeur. L'arrêté du 15 décembre 1998 et les circulaires sur le fonctionnement et l'organisation des brigades me paraissent fournir les bases d'un partage efficace des rôles dans le respect des prérogatives de chacun. Il faut concilier au mieux le développement des missions de connaissance des milieux aquatiques, le renforcement de la police de l'eau et de la pêche, et l'assistance aux fédérations pour l'exercice des missions que la loi leur a confiées.
Le statut des personnels est quant à lui amené, comme vous le savez, à évoluer. Je n'en ai jamais fait mystère, la titularisation des agents de l'ONC et du CSP qui le souhaitent est pour moi une priorité.
J'attendais la remise du rapport sur la chasse confiée à François Patriat pour reprendre ce chantier en m'inspirant de ses propositions. Ce rapport a été remis au Premier ministre jeudi dernier ; les négociations sur cette titularisation vont maintenant pouvoir avancer.
Je souhaite vous dire aujourd'hui que vous ne devez pas voir cette titularisation comme une quelconque menace pour l'activité de vos fédérations. Contractuels ou fonctionnaires, les agents du CSP continueront à remplir leurs missions dans les mêmes conditions, celles que les nouveaux textes que j'évoquais tout à l'heure ont définies et dont la complémentarité et la coexistence ne sont évidemment pas remis en cause.
4/ Quelques points spécifiques
J'en viens maintenant aux quelques points plus spécifiques que vous avez évoqués. Vous l'avez souligné, et je vous en remercie, des progrès significatifs ont d'ores et déjà été enregistrés sur deux des sujets que vous aviez identifiés comme prioritaires lors des deux précédents congrès : les plans d'eau et l'application de l'article L 235-5 du Code Rural.
La modification, par décret du 27 août 1999, du décret du 29 mars 1993 sur les procédures de police de l'eau, pour abaisser les seuils de déclaration et d'autorisation qui s'appliquent à la création de plans d'eau dans les cours d'eau de première catégorie piscicole, ainsi que pour préciser les procédures applicables à la vidange des étangs, devrait permettre de mieux contrôler la prolifération de ces plans d'eau qui vous inquiète autant que moi.
De même, la parution du décret d'application de l'article L 235-5 du Code Rural, est maintenant imminente, puisque, après une large concertation entre les représentants du monde agricole, des propriétaires fonciers et des pêcheurs, il vient de recevoir l'avis favorable du Conseil d'Etat. J'aurai ainsi très bientôt le plaisir de tenir une promesse que je vous avais faite lors du congrès de 1997, après treize ans d'efforts infructueux de mes prédécesseurs.
L'impact des barrages hydroélectriques vous préoccupait également, et vous déploriez, à juste titre, les retards considérables qu'avaient pris la redéfinition des concessions et l'augmentation des débits réservés qu'elle implique. Là aussi, les textes qui vont permettre une accélération rapide de l'élaboration des nouvelles concessions sont maintenant parus, notamment le décret du 11 octobre 1999 approuvant le nouveau cahier des charges types de ces installations. Je me félicite par ailleurs que vous ayez su nouer un partenariat avec EDF. Sur ce dossier aussi, les choses avancent.
J'en viens donc pour terminer au seul sujet de désaccord entre nous que vous soulignez dans votre discours, Monsieur le Président : l'épineux dossier des cormorans.
Je crois utile tout d'abord de rappeler quelle était la situation quand j'ai été nommée ministre, il y a un peu plus de deux ans : les cormorans étaient intégralement protégés, et les seuls prélèvements autorisés étaient des prélèvements expérimentaux, très ponctuels. Depuis, le cormoran a été retiré de la liste communautaire des espèces d'oiseaux nécessitant une protection particulière, et un dispositif de régulation a été mis en place dans les zones de pisciculture comme dans les eaux libres. Le chemin parcouru n'est donc d'ores et déjà pas mince.
Vous m'avez toutefois fait part, Monsieur Solelhac, il y a un peu plus d'un mois de cela, de votre mécontentement, et le mot est faible, devant le projet d'arrêté autorisant les tirs de régulation pour la saison 1999-2000. J'ai donc demandé à mes services de réexaminer en urgence cet arrêté pour pouvoir vous convaincre de notre volonté de stabiliser les populations de cet oiseau envahissant à l'effectif de 72.000 que nous nous sommes ensemble fixé comme objectif.
Le nouvel arrêté est maintenant signé. Sa principale modification est que les quotas de 50 à 100 oiseaux accordés dans chaque département sur les eaux libres viennent maintenant s'ajouter aux quotas alloués dans les secteurs de pisciculture alors qu'auparavant ils étaient déduits de celui-ci. La différence n'est pas mince, puisque le nombre total d'autorisations de tir susceptibles d'être accordées par les préfets passe ainsi à 14.963, soit une augmentation de 54 % par rapport à la campagne 1998-1999 (9.704 autorisations permises).
D'autre part, les conditions de prélèvements seront assouplies puisqu'il n'est plus demandé qu'ils soient effectués par des agents publics assermentés : tous les titulaires d'un permis de chasser pourront se livrer à cette régulation pourvu qu'ils soient encadrés par de tels agents assermentés.
Alors bien sûr, vous allez dire que ce n'est pas encore assez, mais je souhaite insister sur l'importance de l'effort réalisé et vous convaincre ainsi qu'il n'y a nul dogmatisme de ma part ni de mes services en ce qui concerne cette espèce. Je m'attache à la recherche d'un équilibre ; il me semble que la dynamique ainsi enclenchée doit permettre de repasser très vite sous la barre des 72.000. Je forme donc le voeu d'une approche plus apaisée de ce dossier.
Les ornithologues deviennent d'ailleurs eux aussi conscients de cette nécessité, et le CNPN a émis un avis favorable à ce projet d'arrêté.
Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les pêcheurs nous sommes des alliés pour une gestion cohérente des cours d'eau. Vous avez soutenu l'élaboration de la deuxième phase du plan Loire. Vous avez et je vous en remercie soutenu l'abandon du projet de barrage de Chambonchard, les travaux innovants de protection contre les crues à Brives-Charensac, et souhaitez comme moi une mise en service rapide de la salmoniculture de Chanteuges. Je compte sur votre dynamisme et votre motivation pour la protection des rivières et des milieux aquatiques pour que cette collaboration fructueuse se continue,
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 24 novembre 1999)
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
C'est en effet la troisième année que j'ai le plaisir de venir clôturer votre congrès. C'est à nouveau pour moi l'occasion de m'assurer de la solidité de notre collaboration ainsi que, plus généralement, du désormais fameux trépied que l'Union Nationale, le Conseil Supérieur de la Pêche (CSP) et le ministère constituent ensemble au service du développement d'une pêche associative dynamique, mais aussi respectueuse de l'environnement et des milieux.
Je tiens à vous remercier de la tonalité très amicale de votre propos, Monsieur Solelhac, qui témoigne, je crois, de la confiance que nous avons su nouer entre nous depuis maintenant deux ans et demi.
Je commencerai mon exposé en faisant brièvement le point sur l'avancement du chantier de réforme de la politique de l'eau dont je vous avais présenté l'an dernier les grands objectifs.
Les amoureux des milieux aquatiques que vous êtes ne peuvent en effet rester indifférents à la nécessité de reconquérir une eau de qualité et des rivières préservées et je vous sais gré, Monsieur le Président, du soutien à cette réforme que vous avez bien voulu afficher.
Mes objectifs sont les suivants :
1/ Une plus grande transparence
Une plus grande transparence et une démocratie accrue dans le secteur de l'eau et de l'assainissement est nécessaire. Je passe rapidement sur ce point qui ne vous concerne pas directement même si les usagers de l'eau que nous sommes tous sont très attachés à la définition de règles du jeu claires et compréhensibles.
Ce souci de démocratie me conduira à soumettre, en 2001, au Parlement les grands principes de la politique de l'eau dans le cadre d'un projet de loi qui révisera les lois de 1964 et 1992 et encadrera les programmes d'actions quinquennaux des agences de l'eau.
2/ pour une meilleure application du principe pollueur-payeur
Le système de redevances des agences sera réformé en profondeur pour une meilleure application du principe pollueur-payeur, en vue d'une réduction des pollutions qui vous préoccupent.
En matière de pollution domestique, mon but est de remplacer la redevance prélevée sur chaque facture d'eau par une redevance acquittée par les communes ou syndicats intercommunaux en charge de l'assainissement, basée sur la pollution nette effectivement rejetée au milieu. Le système actuel est opaque et ne dissuade personne ; à l'inverse, une fois la réforme effectuée, les communes seront incitées à moins rejeter pour être moins taxées.
En ce qui concerne les pollutions industrielles, je souhaite que les redevances actuelles soient complétées pour couvrir toutes les substances polluantes. Sera ainsi étudiée la faisabilité d'une redevance sur les rejets de substances radioactives ainsi que sur ceux qui provoquent une augmentation de la température de l'eau, rejets qui, curieusement, échappent actuellement à toute forme de redevance !
Vous avez insisté, Monsieur le Président, sur les pollutions d'origine agricole, et je partage votre préoccupation sur l'importance de leur impact sur la qualité de l'eau et la vie piscicole. Dans le cadre de la réforme, une redevance sera créée sur les excédents d'azote, c'est-à-dire sur les surfertilisations éventuelles calculées sur la base d'un bilan, exploitation par exploitation.
En parallèle, la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) sera élargie, dès cette année, à différents produits qui polluent nos rivières. Ainsi les produits phytosanitaires seront taxés en fonction de leur toxicité et de leur écotoxicité. Les agriculteurs ne sont d'ailleurs pas les seuls concernés par cette extension de la TGAP au domaine de l'eau, puisque, bien entendu, ils sont loin d'être les seuls pollueurs.
C'est pourquoi je propose également au Parlement de créer une taxe sur les lessives en surtaxant celles qui contiennent des phosphates, car ces phosphates sont l'une des causes principales de l'eutrophisation des rivières, c'est-à-dire de l'explosion de la végétation aquatique qui asphyxie toute autre vie et en premier lieu les poissons. Je compte beaucoup sur Jean-Louis Bianco et le groupe de travail parlementaire sur la pêche qu'il entend créer pour nous aider à appliquer vraiment le principe pollueur-payeur.
Pour en revenir à l'agriculture, les taxes et redevances ne sont d'ailleurs pas à l'évidence le seul outil pour réduire les pollutions d'origine agricole. Une application rigoureuse de la réglementation est également indispensable.
En matière d'élevages hors sol dont vous avez souligné les nuisances, Jean Glavany et moi-même avons adressé aux Préfets des instructions claires pour résorber les effectifs illégaux et veiller à une application stricte de la réglementation des installations classées.
Une mobilisation forte sur le terrain reste cependant indispensable pour permettre une bonne application de ces instructions.
Le nombre d'inspecteurs en charge de cette réglementation est évidemment un facteur clé pour une bonne application de la loi : il faut des gens sur le terrain, de même qu'il faut des gardes-pêche pour une police de la pêche et des milieux aquatiques efficace. C'est pourquoi j'ai décidé d'augmenter sur le budget de mon ministère le nombre de postes d'inspecteurs des installations classées en créant 44 postes en DRIRE et 20 en DSV.
Ce renforcement de l'application de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement concerne aussi les installations vinicoles : comme vous, j'ai été choquée par le spectacle de milliers de poissons ventre à l'air dans la Marne lors des dernières vendanges du vignoble champenois ; la réglementation applicable aux nouvelles installations viticoles a été renforcée cette année ; ce renforcement s'appliquera progressivement à toutes les installations pour éviter que se reproduise ce triste spectacle. Là aussi, je compte sur le soutien des parlementaires pour que le calendrier d'application de cette réglementation soit pas trop long.
Pour en revenir à la réforme des redevances, il ne suffit pas que l'eau dans les rivières soit de bonne qualité, il faut d'abord des rivières qui ne soient pas des fossés anti-chars, et puis il faut de l'eau qui coule dans ces rivières. C'est pourquoi je souhaite créer une redevance sur les aménagements des cours d'eau, les remblais en zones inondables, les imperméabilisations, enfin bref, tout ce qui, en artificialisant les rivières, aggrave les crues et diminue leur intérêt écologique.
La redevance sur les consommations d'eau mérite elle aussi d'être réformée pour qu'elle soit plus équitable. Actuellement le même mètre cube d'eau doit coûter jusqu'à 40 fois plus cher s'il est utilisé pour l'alimentation en eau potable par rapport à un usage pour l'irrigation des terres agricoles. Préserver la ressource, c'est à terme une redevance qui soit la même pour tous, pour dissuader les gaspillages.
3/ L'action de l'Etat et des établissements publics
Améliorer la transparence et la démocratie d'une part, mieux appliquer le principe pollueur-payeur d'autre part, la troisième priorité de la réforme que je prépare est de rendre plus efficace l'action combinée de l'Etat et de ses établissements publics.
Les établissements publics concernés, ce sont tout d'abord bien sûr les agences de l'eau. J'ai transmis à leurs Présidents et aux Présidents des Comités de Bassin, le 28 octobre dernier, une lettre de cadrage pour déterminer les priorités qui devront les guider dans l'élaboration de leurs prochains programmes d'intervention, qui couvriront la période 2002-2006.
Ces programmes mobilisent plus de 10 milliards de francs par an, il est donc essentiel qu'ils se consacrent au financement de projets dont l'intérêt pour la qualité de l'eau et des milieux aquatiques est avéré.
Toutes les actions ne ressortent toutefois pas de la seule compétence des grands bassins versants couverts par les agences. La connaissance de la ressource en eau et de ce qui y vit, ou encore la police de l'eau ou la préservation des zones humides sont des politiques horizontales d'intérêt national ; leur financement sera facilité par la création d'un fonds national de solidarité sur l'eau rattaché au budget de mon ministère, abondé par prélèvement sur les recettes des agences de l'eau.
C'est ce fonds qui servira au financement des coûts de fonctionnement des missions de police exercées dans les brigades de gardes-pêche et permettra ainsi de pérenniser l'aide versée au CSP.
Le CSP est d'ailleurs bien évidemment un des établissements publics placés sous ma tutelle, actif dans le domaine de l'eau, dont l'action contribue à une politique de l'eau plus efficace.
Comme vous le savez, le Conseil Supérieur de la Pêche est doté depuis quelques mois d'un nouveau directeur.
Gérard Tendron, dont je souhaite à nouveau saluer l'efficacité et le dévouement pendant toutes ces années passées à la tête de l'établissement, a quitté le monde de la pêche pour un univers sans doute plus agité.
Gilbert Simon l'a remplacé. En le désignant, je lui ai demandé de s'atteler à la préparation d'un contrat d'objectifs, dont il vous a présenté les grandes lignes ce matin. Ce sera un moment important pour la politique de la pêche dans notre pays ; l'élaboration de ce document devra en conséquence donner lieu à une large concertation entre l'établissement, ses personnels, et les représentants des fédérations de pêche.
L'évolution des statuts des agents du CSP et de leurs conditions d'intervention a également constitué une des toutes premières priorités du nouveau directeur. L'arrêté du 15 décembre 1998 et les circulaires sur le fonctionnement et l'organisation des brigades me paraissent fournir les bases d'un partage efficace des rôles dans le respect des prérogatives de chacun. Il faut concilier au mieux le développement des missions de connaissance des milieux aquatiques, le renforcement de la police de l'eau et de la pêche, et l'assistance aux fédérations pour l'exercice des missions que la loi leur a confiées.
Le statut des personnels est quant à lui amené, comme vous le savez, à évoluer. Je n'en ai jamais fait mystère, la titularisation des agents de l'ONC et du CSP qui le souhaitent est pour moi une priorité.
J'attendais la remise du rapport sur la chasse confiée à François Patriat pour reprendre ce chantier en m'inspirant de ses propositions. Ce rapport a été remis au Premier ministre jeudi dernier ; les négociations sur cette titularisation vont maintenant pouvoir avancer.
Je souhaite vous dire aujourd'hui que vous ne devez pas voir cette titularisation comme une quelconque menace pour l'activité de vos fédérations. Contractuels ou fonctionnaires, les agents du CSP continueront à remplir leurs missions dans les mêmes conditions, celles que les nouveaux textes que j'évoquais tout à l'heure ont définies et dont la complémentarité et la coexistence ne sont évidemment pas remis en cause.
4/ Quelques points spécifiques
J'en viens maintenant aux quelques points plus spécifiques que vous avez évoqués. Vous l'avez souligné, et je vous en remercie, des progrès significatifs ont d'ores et déjà été enregistrés sur deux des sujets que vous aviez identifiés comme prioritaires lors des deux précédents congrès : les plans d'eau et l'application de l'article L 235-5 du Code Rural.
La modification, par décret du 27 août 1999, du décret du 29 mars 1993 sur les procédures de police de l'eau, pour abaisser les seuils de déclaration et d'autorisation qui s'appliquent à la création de plans d'eau dans les cours d'eau de première catégorie piscicole, ainsi que pour préciser les procédures applicables à la vidange des étangs, devrait permettre de mieux contrôler la prolifération de ces plans d'eau qui vous inquiète autant que moi.
De même, la parution du décret d'application de l'article L 235-5 du Code Rural, est maintenant imminente, puisque, après une large concertation entre les représentants du monde agricole, des propriétaires fonciers et des pêcheurs, il vient de recevoir l'avis favorable du Conseil d'Etat. J'aurai ainsi très bientôt le plaisir de tenir une promesse que je vous avais faite lors du congrès de 1997, après treize ans d'efforts infructueux de mes prédécesseurs.
L'impact des barrages hydroélectriques vous préoccupait également, et vous déploriez, à juste titre, les retards considérables qu'avaient pris la redéfinition des concessions et l'augmentation des débits réservés qu'elle implique. Là aussi, les textes qui vont permettre une accélération rapide de l'élaboration des nouvelles concessions sont maintenant parus, notamment le décret du 11 octobre 1999 approuvant le nouveau cahier des charges types de ces installations. Je me félicite par ailleurs que vous ayez su nouer un partenariat avec EDF. Sur ce dossier aussi, les choses avancent.
J'en viens donc pour terminer au seul sujet de désaccord entre nous que vous soulignez dans votre discours, Monsieur le Président : l'épineux dossier des cormorans.
Je crois utile tout d'abord de rappeler quelle était la situation quand j'ai été nommée ministre, il y a un peu plus de deux ans : les cormorans étaient intégralement protégés, et les seuls prélèvements autorisés étaient des prélèvements expérimentaux, très ponctuels. Depuis, le cormoran a été retiré de la liste communautaire des espèces d'oiseaux nécessitant une protection particulière, et un dispositif de régulation a été mis en place dans les zones de pisciculture comme dans les eaux libres. Le chemin parcouru n'est donc d'ores et déjà pas mince.
Vous m'avez toutefois fait part, Monsieur Solelhac, il y a un peu plus d'un mois de cela, de votre mécontentement, et le mot est faible, devant le projet d'arrêté autorisant les tirs de régulation pour la saison 1999-2000. J'ai donc demandé à mes services de réexaminer en urgence cet arrêté pour pouvoir vous convaincre de notre volonté de stabiliser les populations de cet oiseau envahissant à l'effectif de 72.000 que nous nous sommes ensemble fixé comme objectif.
Le nouvel arrêté est maintenant signé. Sa principale modification est que les quotas de 50 à 100 oiseaux accordés dans chaque département sur les eaux libres viennent maintenant s'ajouter aux quotas alloués dans les secteurs de pisciculture alors qu'auparavant ils étaient déduits de celui-ci. La différence n'est pas mince, puisque le nombre total d'autorisations de tir susceptibles d'être accordées par les préfets passe ainsi à 14.963, soit une augmentation de 54 % par rapport à la campagne 1998-1999 (9.704 autorisations permises).
D'autre part, les conditions de prélèvements seront assouplies puisqu'il n'est plus demandé qu'ils soient effectués par des agents publics assermentés : tous les titulaires d'un permis de chasser pourront se livrer à cette régulation pourvu qu'ils soient encadrés par de tels agents assermentés.
Alors bien sûr, vous allez dire que ce n'est pas encore assez, mais je souhaite insister sur l'importance de l'effort réalisé et vous convaincre ainsi qu'il n'y a nul dogmatisme de ma part ni de mes services en ce qui concerne cette espèce. Je m'attache à la recherche d'un équilibre ; il me semble que la dynamique ainsi enclenchée doit permettre de repasser très vite sous la barre des 72.000. Je forme donc le voeu d'une approche plus apaisée de ce dossier.
Les ornithologues deviennent d'ailleurs eux aussi conscients de cette nécessité, et le CNPN a émis un avis favorable à ce projet d'arrêté.
Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les pêcheurs nous sommes des alliés pour une gestion cohérente des cours d'eau. Vous avez soutenu l'élaboration de la deuxième phase du plan Loire. Vous avez et je vous en remercie soutenu l'abandon du projet de barrage de Chambonchard, les travaux innovants de protection contre les crues à Brives-Charensac, et souhaitez comme moi une mise en service rapide de la salmoniculture de Chanteuges. Je compte sur votre dynamisme et votre motivation pour la protection des rivières et des milieux aquatiques pour que cette collaboration fructueuse se continue,
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 24 novembre 1999)