Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de vous accueillir aujourd'hui à l'issue de la première conférence mondiale des régulateurs consacrée à l'internet. La richesse et la densité des travaux que vous avez conduits depuis deux jours marqueront, j'en suis sûr, la réflexion sur la régulation du " réseau des réseaux ". Je sais qu'au long de ces journées, vous avez eu un dialogue constructif et riche de vos différences. Je veux donc remercier chaleureusement l'organisateur de cette rencontre, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, M. Hervé BOURGES. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a développé depuis quelques mois en ce domaine une réflexion particulièrement dense et utile à l'action des pouvoirs publics. Je voudrais aussi saluer les présidents des autres autorités françaises concernées, dans notre pays, par l'internet : M. Michel GENTOT, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et M. Jean-Michel HUBERT, président de l'Autorité de régulation des télécommunications. Leur participation à vos travaux, celle des diverses autorités nationales de régulation auxquelles vous appartenez, chers hôtes étrangers, la présence ici de M. Koïchiro MATSUURA, directeur général de l'UNESCO, dont je veux saluer la récente élection, témoignent du caractère nécessairement global de votre réflexion.
Au cours de cette conférence, vous avez évoqué la régulation de cet espace de liberté qu'est l'internet :
I. Cette liberté, il nous faut la préserver, l'offrir au plus grand nombre, en maîtriser les excès.
La liberté est le plus précieux des apports de l'internet. Le développement des réseaux offre de nouveaux moyens d'expression, de communication, de formation et d'accès aux savoirs. En permettant à tout utilisateur de publier directement ses opinions, l'internet peut nourrir, demain, une vie démocratique plus ouverte et participative. Il érode inexorablement les entraves à la libre circulation des idées. Il ouvre de nouveaux champs à " la libre communication des pensées et des opinions ", qui est, comme le proclame depuis 1789 la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, " un des droits les plus précieux de l'Homme ".
Cette liberté peut servir l'expression de la diversité des cultures. La diversité des pays que vous représentez illustre la dimension mondiale de l'internet. Si nous nous en donnons les moyens, celui-ci peut devenir un outil sans égal pour faire vivre concrètement cette richesse qui nous est commune.
Mais pour ceux qui n'y accèdent pas, cette liberté reste virtuelle. Le Gouvernement a placé cette préoccupation au centre de sa politique pour faire entrer la France dans une société de l'information. Celle-ci doit être solidaire, je l'ai dit voici deux ans. Or la grande majorité de la population mondiale reste privée d'accès aux réseaux de télécommunications. C'est pourquoi nous devons nous mobiliser contre le " fossé numérique " qui se creuse. La France soutient ainsi activement les initiatives en ce domaine de la Banque Mondiale et les travaux de la CNUCED et de l'UNESCO. C'est également le sens de notre contribution au Fonds francophone des inforoutes, qui a permis de lancer de nombreux projets sur l'internet. Ce fossé traverse aussi nos sociétés. En France, c'est l'objectif commun des mesures prises depuis deux ans, dans le cadre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information que d'accélérer la démocratisation de l'usage des outils et de l'accès aux réseaux.
La liberté du réseau ouvre aussi la voie à des excès. L'internet a sa part d'ombre. Le développement de pratiques inacceptables et de comportements illicites, parfois facilités par les spécificités techniques et la dimension mondiale du réseau, appellent, vous l'avez souligné, des réponses collectives. De puissantes forces économiques s'y investissent chaque jour un peu plus. Il faut donc nous garder de la vision trop optimiste d'une liberté s'organisant spontanément pour assurer la protection des droits de tous, en particulier des plus faibles.
C'est pourquoi nous devons définir, tous ensemble, une approche de la régulation de l'internet qui tienne pleinement compte des spécificités de cet espace virtuel.
II. La géographie de l'internet ignorant les frontières, sa régulation ne peut être que plurielle.
L'internet n'abolit pas la pluralité de nos identités. Si nos buts sont communs, nos approches de la régulation peuvent varier, sans pour autant freiner indûment l'essor de l'internet.
Dans le cas, par exemple, de la protection de la vie privée et des données personnelles, l'Europe et les États-Unis ont fait des choix différents. L'approche européenne est fondée sur des législations posant des règles claires dont des autorités indépendantes assurent l'application. Elle a été parfois critiquée. Or, face à l'explosion du traitement des données personnelles qu'entraîne l'essor du commerce électronique, ce mode de régulation, dont l'Europe n'a jamais prétendu imposer à d'autres le modèle, répond à la demande de garanties solides exprimée par nos concitoyens.
Il revient à chaque Gouvernement d'adapter sa législation. Le rapport qu'a établi voici un an à ma demande le Conseil d'État confirme la nécessité, sur un certain nombre de points, de faire évoluer le cadre législatif français. Aussi ai-je décidé d'adapter notre législation à l'instar de ce qu'entreprennent nos principaux partenaires. Notre approche se veut pragmatique, guidée par le double souci de n'apporter que les modifications indispensables et d'avancer en étroite cohérence avec les réflexions et orientations de l'Union européenne. Nous avons adopté en septembre le projet de loi qui adaptera notre droit de la preuve pour permettre de reconnaître le document et la signature électroniques. De même avons-nous commencé de clarifier les règles de responsabilité des intermédiaires techniques de l'internet.
D'autres questions se posent : la protection des consommateurs doit être renforcée ; la régulation technique des réseaux audiovisuels et de télécommunications doit s'adapter à la convergence technologique et à l'internet ; la protection des communications doit être garantie par une complète liberté d'usage de la cryptologie. Sur ces divers sujets, nous préparerons un projet de loi, qui fait au préalable l'objet d'une concertation publique.
Entre les systèmes nationaux de régulation, une large coopération est indispensable. Sur un réseau mondial, une approche nationale, même si elle est nécessaire, serait dépourvue de sens si elle était exclusive. S'il est illusoire d'attendre la formation rapide d'un consensus international sur toutes les questions liées à la régulation de l'internet, nous pouvons, j'en suis convaincu, harmoniser et faire converger nos priorités. Surtout, une coopération plus étroite est de l'intérêt de tous, en particulier pour surmonter progressivement les difficultés que rencontre aujourd'hui l'application des décisions de justice.
Les autorités publiques ne peuvent à elles seules réguler un espace ouvert, à l'échelle du monde, à une multiplicité d'acteurs.
III. La liberté qu'offre l'internet exige donc de chacun une responsabilité accrue.
Depuis qu'elle est engagée, la réflexion sur l'internet a souvent opposé sa régulation par les pouvoirs publics à l'autorégulation, c'est à dire l'élaboration et le respect de règles par les acteurs eux-mêmes. C'est un faux débat.
La loi ne s'oppose pas à l'auto-régulation. Si l'on veut bien faire un instant abstraction de l'internet, existe-t-il un espace de la vie sociale que la seule intervention de la loi et du juge suffisent à réguler ? C'est même, tout au contraire, une tendance forte de nos sociétés que d'encourager et de valoriser la responsabilité des acteurs. Loin de se substituer à l'action régulatrice de la puissance publique, l'autorégulation en relaie les effets. Associations comme entreprises multiplient les chartes et les codes déontologiques, effectuent le recensement des bonnes pratiques sans que quiconque songe à les substituer au droit positif ou à l'action du juge. Les spécificités de l'internet, sa fluidité technique, son caractère décentralisé et sa dimension planétaire rendent d'autant plus nécessaires le développement des pratiques d'autorégulation par les acteurs, entreprises comme particuliers.
Parce que régulation et autorégulation se complètent, l'internet relève nécessairement d'une " corégulation ". L'internet n'est nullement une zone sans droit. La loi confère aux juges nationaux des compétences étendues pour traiter des questions qui se posent sur le réseau -une abondante jurisprudence en témoigne. Les autorités indépendantes, à divers titres, y interviennent. La question s'est d'ailleurs posée des compétences des autorités de régulation de l'audiovisuel en ce qui concerne l'internet. Dans notre pays, le droit distingue traditionnellement la correspondance privée de la communication audiovisuelle. Il n'y a pas de raison qu'une autorité comme le CSA ne puisse exercer les responsabilités qui sont les siennes en matière de télévision et de radiodiffusion sonore au seul motif que ces services seraient diffusés par l'internet.
Cependant ces services ne constituent qu'une part marginale de l'ensemble des contenus disponibles. Quant à l'immense diversité des services en ligne, depuis les pages personnelles, qui se comptent déjà en France par dizaines de milliers, en passant par les sites de commerce électronique et jusqu'aux forums de discussion, aucune autorité de régulation existante ne peut prétendre à elle seule en assurer la régulation.
Faut-il pour autant créer une nouvelle autorité indépendante de régulation propre à l'internet ? En France, le Gouvernement a écarté cette hypothèse parce qu'une régulation centralisée n'est pas, je l'ai dit, adaptée aux caractéristiques du réseau. La réflexion sur les enjeux démocratiques de l'internet a mûri, vous l'avez montré durant ces rencontres. La solution est bien, me semble-t-il, que l'ensemble des acteurs, publics et privés, impliqués dans sa corégulation approfondissent leurs échanges.
La corégulation nécessite en effet un dialogue constant entre tous ses participants. Au-delà des initiatives précieuses que sont ces journées de débat, au-delà des démarches similaires des associations et des entreprises, il faut sans doute songer à un espace plus stable d'échange et de dialogue entre acteurs privés et publics. C'est le sens d'une proposition que m'a faite le Conseil d'État. Il s'agirait de réunir en un même lieu l'ensemble des parties prenantes à la corégulation, afin d'encourager le dialogue et le partage d'expériences, de favoriser la diffusion des meilleures pratiques, de prévenir les conflits, d'émettre éventuellement des recommandations ou d'adresser des propositions aux pouvoirs publics. Ce lieu associerait les autorités de régulation françaises concernées par l'internet -l'Autorité de régulation des télécommunications, la Commission nationale de l'informatique et des libertés et le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Dans le cadre de la concertation engagée sur l'adaptation de notre réglementation, j'ai confié au député Christian PAUL une mission de réflexion sur cette proposition, afin de tracer, en consultant l'ensemble des acteurs, les grandes lignes d'un éventuel dispositif s'inspirant de cette proposition.
Mesdames et Messieurs,
La France a conduit précocement, avec le Minitel, une réflexion sur la régulation des réseaux électroniques. Elle entend participer pleinement au débat international. Nous devrons encore, tous ensemble, l'approfondir. Parce que l'internet, plus que tout autre domaine, appelle des solutions ouvertes et adaptées, négociées et acceptées par tous, le débat social est indispensable à de nouveaux progrès. Vos travaux l'ont montré tout au long de ces deux journées : laissé à son seul jeu, le marché créerait de nouvelles inégalités, de nouvelles injustices. Pour que les innombrables promesses de la société de l'information bénéficient au plus grand nombre, nous devons définir ensemble des règles équitables, protectrices des plus faibles, garantes du respect des droits fondamentaux de l'homme.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 décembre 1999)
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de vous accueillir aujourd'hui à l'issue de la première conférence mondiale des régulateurs consacrée à l'internet. La richesse et la densité des travaux que vous avez conduits depuis deux jours marqueront, j'en suis sûr, la réflexion sur la régulation du " réseau des réseaux ". Je sais qu'au long de ces journées, vous avez eu un dialogue constructif et riche de vos différences. Je veux donc remercier chaleureusement l'organisateur de cette rencontre, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, M. Hervé BOURGES. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a développé depuis quelques mois en ce domaine une réflexion particulièrement dense et utile à l'action des pouvoirs publics. Je voudrais aussi saluer les présidents des autres autorités françaises concernées, dans notre pays, par l'internet : M. Michel GENTOT, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et M. Jean-Michel HUBERT, président de l'Autorité de régulation des télécommunications. Leur participation à vos travaux, celle des diverses autorités nationales de régulation auxquelles vous appartenez, chers hôtes étrangers, la présence ici de M. Koïchiro MATSUURA, directeur général de l'UNESCO, dont je veux saluer la récente élection, témoignent du caractère nécessairement global de votre réflexion.
Au cours de cette conférence, vous avez évoqué la régulation de cet espace de liberté qu'est l'internet :
I. Cette liberté, il nous faut la préserver, l'offrir au plus grand nombre, en maîtriser les excès.
La liberté est le plus précieux des apports de l'internet. Le développement des réseaux offre de nouveaux moyens d'expression, de communication, de formation et d'accès aux savoirs. En permettant à tout utilisateur de publier directement ses opinions, l'internet peut nourrir, demain, une vie démocratique plus ouverte et participative. Il érode inexorablement les entraves à la libre circulation des idées. Il ouvre de nouveaux champs à " la libre communication des pensées et des opinions ", qui est, comme le proclame depuis 1789 la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, " un des droits les plus précieux de l'Homme ".
Cette liberté peut servir l'expression de la diversité des cultures. La diversité des pays que vous représentez illustre la dimension mondiale de l'internet. Si nous nous en donnons les moyens, celui-ci peut devenir un outil sans égal pour faire vivre concrètement cette richesse qui nous est commune.
Mais pour ceux qui n'y accèdent pas, cette liberté reste virtuelle. Le Gouvernement a placé cette préoccupation au centre de sa politique pour faire entrer la France dans une société de l'information. Celle-ci doit être solidaire, je l'ai dit voici deux ans. Or la grande majorité de la population mondiale reste privée d'accès aux réseaux de télécommunications. C'est pourquoi nous devons nous mobiliser contre le " fossé numérique " qui se creuse. La France soutient ainsi activement les initiatives en ce domaine de la Banque Mondiale et les travaux de la CNUCED et de l'UNESCO. C'est également le sens de notre contribution au Fonds francophone des inforoutes, qui a permis de lancer de nombreux projets sur l'internet. Ce fossé traverse aussi nos sociétés. En France, c'est l'objectif commun des mesures prises depuis deux ans, dans le cadre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information que d'accélérer la démocratisation de l'usage des outils et de l'accès aux réseaux.
La liberté du réseau ouvre aussi la voie à des excès. L'internet a sa part d'ombre. Le développement de pratiques inacceptables et de comportements illicites, parfois facilités par les spécificités techniques et la dimension mondiale du réseau, appellent, vous l'avez souligné, des réponses collectives. De puissantes forces économiques s'y investissent chaque jour un peu plus. Il faut donc nous garder de la vision trop optimiste d'une liberté s'organisant spontanément pour assurer la protection des droits de tous, en particulier des plus faibles.
C'est pourquoi nous devons définir, tous ensemble, une approche de la régulation de l'internet qui tienne pleinement compte des spécificités de cet espace virtuel.
II. La géographie de l'internet ignorant les frontières, sa régulation ne peut être que plurielle.
L'internet n'abolit pas la pluralité de nos identités. Si nos buts sont communs, nos approches de la régulation peuvent varier, sans pour autant freiner indûment l'essor de l'internet.
Dans le cas, par exemple, de la protection de la vie privée et des données personnelles, l'Europe et les États-Unis ont fait des choix différents. L'approche européenne est fondée sur des législations posant des règles claires dont des autorités indépendantes assurent l'application. Elle a été parfois critiquée. Or, face à l'explosion du traitement des données personnelles qu'entraîne l'essor du commerce électronique, ce mode de régulation, dont l'Europe n'a jamais prétendu imposer à d'autres le modèle, répond à la demande de garanties solides exprimée par nos concitoyens.
Il revient à chaque Gouvernement d'adapter sa législation. Le rapport qu'a établi voici un an à ma demande le Conseil d'État confirme la nécessité, sur un certain nombre de points, de faire évoluer le cadre législatif français. Aussi ai-je décidé d'adapter notre législation à l'instar de ce qu'entreprennent nos principaux partenaires. Notre approche se veut pragmatique, guidée par le double souci de n'apporter que les modifications indispensables et d'avancer en étroite cohérence avec les réflexions et orientations de l'Union européenne. Nous avons adopté en septembre le projet de loi qui adaptera notre droit de la preuve pour permettre de reconnaître le document et la signature électroniques. De même avons-nous commencé de clarifier les règles de responsabilité des intermédiaires techniques de l'internet.
D'autres questions se posent : la protection des consommateurs doit être renforcée ; la régulation technique des réseaux audiovisuels et de télécommunications doit s'adapter à la convergence technologique et à l'internet ; la protection des communications doit être garantie par une complète liberté d'usage de la cryptologie. Sur ces divers sujets, nous préparerons un projet de loi, qui fait au préalable l'objet d'une concertation publique.
Entre les systèmes nationaux de régulation, une large coopération est indispensable. Sur un réseau mondial, une approche nationale, même si elle est nécessaire, serait dépourvue de sens si elle était exclusive. S'il est illusoire d'attendre la formation rapide d'un consensus international sur toutes les questions liées à la régulation de l'internet, nous pouvons, j'en suis convaincu, harmoniser et faire converger nos priorités. Surtout, une coopération plus étroite est de l'intérêt de tous, en particulier pour surmonter progressivement les difficultés que rencontre aujourd'hui l'application des décisions de justice.
Les autorités publiques ne peuvent à elles seules réguler un espace ouvert, à l'échelle du monde, à une multiplicité d'acteurs.
III. La liberté qu'offre l'internet exige donc de chacun une responsabilité accrue.
Depuis qu'elle est engagée, la réflexion sur l'internet a souvent opposé sa régulation par les pouvoirs publics à l'autorégulation, c'est à dire l'élaboration et le respect de règles par les acteurs eux-mêmes. C'est un faux débat.
La loi ne s'oppose pas à l'auto-régulation. Si l'on veut bien faire un instant abstraction de l'internet, existe-t-il un espace de la vie sociale que la seule intervention de la loi et du juge suffisent à réguler ? C'est même, tout au contraire, une tendance forte de nos sociétés que d'encourager et de valoriser la responsabilité des acteurs. Loin de se substituer à l'action régulatrice de la puissance publique, l'autorégulation en relaie les effets. Associations comme entreprises multiplient les chartes et les codes déontologiques, effectuent le recensement des bonnes pratiques sans que quiconque songe à les substituer au droit positif ou à l'action du juge. Les spécificités de l'internet, sa fluidité technique, son caractère décentralisé et sa dimension planétaire rendent d'autant plus nécessaires le développement des pratiques d'autorégulation par les acteurs, entreprises comme particuliers.
Parce que régulation et autorégulation se complètent, l'internet relève nécessairement d'une " corégulation ". L'internet n'est nullement une zone sans droit. La loi confère aux juges nationaux des compétences étendues pour traiter des questions qui se posent sur le réseau -une abondante jurisprudence en témoigne. Les autorités indépendantes, à divers titres, y interviennent. La question s'est d'ailleurs posée des compétences des autorités de régulation de l'audiovisuel en ce qui concerne l'internet. Dans notre pays, le droit distingue traditionnellement la correspondance privée de la communication audiovisuelle. Il n'y a pas de raison qu'une autorité comme le CSA ne puisse exercer les responsabilités qui sont les siennes en matière de télévision et de radiodiffusion sonore au seul motif que ces services seraient diffusés par l'internet.
Cependant ces services ne constituent qu'une part marginale de l'ensemble des contenus disponibles. Quant à l'immense diversité des services en ligne, depuis les pages personnelles, qui se comptent déjà en France par dizaines de milliers, en passant par les sites de commerce électronique et jusqu'aux forums de discussion, aucune autorité de régulation existante ne peut prétendre à elle seule en assurer la régulation.
Faut-il pour autant créer une nouvelle autorité indépendante de régulation propre à l'internet ? En France, le Gouvernement a écarté cette hypothèse parce qu'une régulation centralisée n'est pas, je l'ai dit, adaptée aux caractéristiques du réseau. La réflexion sur les enjeux démocratiques de l'internet a mûri, vous l'avez montré durant ces rencontres. La solution est bien, me semble-t-il, que l'ensemble des acteurs, publics et privés, impliqués dans sa corégulation approfondissent leurs échanges.
La corégulation nécessite en effet un dialogue constant entre tous ses participants. Au-delà des initiatives précieuses que sont ces journées de débat, au-delà des démarches similaires des associations et des entreprises, il faut sans doute songer à un espace plus stable d'échange et de dialogue entre acteurs privés et publics. C'est le sens d'une proposition que m'a faite le Conseil d'État. Il s'agirait de réunir en un même lieu l'ensemble des parties prenantes à la corégulation, afin d'encourager le dialogue et le partage d'expériences, de favoriser la diffusion des meilleures pratiques, de prévenir les conflits, d'émettre éventuellement des recommandations ou d'adresser des propositions aux pouvoirs publics. Ce lieu associerait les autorités de régulation françaises concernées par l'internet -l'Autorité de régulation des télécommunications, la Commission nationale de l'informatique et des libertés et le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Dans le cadre de la concertation engagée sur l'adaptation de notre réglementation, j'ai confié au député Christian PAUL une mission de réflexion sur cette proposition, afin de tracer, en consultant l'ensemble des acteurs, les grandes lignes d'un éventuel dispositif s'inspirant de cette proposition.
Mesdames et Messieurs,
La France a conduit précocement, avec le Minitel, une réflexion sur la régulation des réseaux électroniques. Elle entend participer pleinement au débat international. Nous devrons encore, tous ensemble, l'approfondir. Parce que l'internet, plus que tout autre domaine, appelle des solutions ouvertes et adaptées, négociées et acceptées par tous, le débat social est indispensable à de nouveaux progrès. Vos travaux l'ont montré tout au long de ces deux journées : laissé à son seul jeu, le marché créerait de nouvelles inégalités, de nouvelles injustices. Pour que les innombrables promesses de la société de l'information bénéficient au plus grand nombre, nous devons définir ensemble des règles équitables, protectrices des plus faibles, garantes du respect des droits fondamentaux de l'homme.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 décembre 1999)