Déclaration de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, sur le statut des clubs sportifs professionnels et la protection des sportifs mineurs, à l'Assemblée Nationale le 7 décembre 1999.

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Circonstance : Adoption du texte de la commission mixte paritaire sur les statuts des clubs sportifs et la protection des sportifs mineurs, à l'Assemblée Nationale le 7 décembre 1999

Texte intégral

Après l'adoption à l'unanimité, en mars dernier, de la loi sur la lutte contre le dopage, une nouvelle fois, un texte législatif sur le sport fait l'objet d'un accord entre les deux assemblées.
Je m'en réjouis, car cet accord n'a rien d'un consensus minimum.
Le nouveau texte issu de la commission mixte paritaire défend des options fortes, novatrices, et une éthique du sport. On y retrouve les fondements de la politique du gouvernement dans ce domaine.
Les mesures préconisées ont donné lieu à un débat de qualité sur des questions tout à fait essentielles, et je tiens à féliciter votre commission pour le travail remarquable de consultation qui a été mené.
De ce débat, je retiens en particulier trois points, qui m'apparaissent significatifs des changements qui vont intervenir.
Le premier concerne le sport professionnel.
Son existence est une réalité. Son apport à l'activité économique est reconnu. Sa capacité à cultiver l'imaginaire, à donner du plaisir, à susciter des vocations sportives est incontestable.
En même temps, nous mesurons les effets désastreux de l'affairisme, ou de l'argent facile. À partir de ce constat, une évolution de la loi est devenue indispensable. C'est l'objet de cette proposition.
Elle permet un développement et une gestion transparente des activités économiques liées au sport, et elle doit absolument contribuer à maintenir le secteur professionnel dans l'organisation fédérale.
Elle permet aux clubs professionnels de se doter d'un statut juridique adapté à leur spécificité, à la diversité de leurs situations, et elle fixe des limites conformes au respect des règles sportives.
Cette proposition refuse tout autant l'immobilisme que la fuite en avant. Elle répond à une demande justifiée en créant le statut de société anonyme sportive professionnelle.
Elle refuse de soumettre le sport à la seule logique de l'argent, en interdisant la cotation en bourse, et la possession de plusieurs clubs par un même actionnaire.
C'est un choix responsable et équilibré.
Le deuxième aspect qui a donné lieu à un véritable débat d'idées, concerne les subventions des collectivités aux associations et sociétés sportives visées par le texte.
Je crois que pour un grand nombre d'élus, il est clairement apparu que la position consistant à priver une ville, un département, une région, de la possibilité de contribuer à l'action d'un club professionnel, était devenue une position intenable.
On ne peut, à la fois, s'inquiéter du risque d'un sport professionnel organisé en circuit privé et fermé et, en même temps, obliger les clubs à trouver la totalité de leur financement dans la sphère privée. Pour autant, et je tiens à le souligner, la mesure préconisée ne consiste pas à rétablir simplement le droit aux subventions publiques.
Il s'agit avant tout de déterminer à quoi vont servir ces fonds publics, et de procéder à un véritable contrôle de cette utilisation.
Je souhaite donc vous faire part des principales orientations que contiendra le décret d'application de la loi. En premier lieu, il sera indiqué que les subventions des collectivités ne pourront être utilisées à d'autres fins qu'au financement de missions d'intérêt général.
Ces missions seront clairement identifiées. Il s'agira notamment :
De la formation des jeunes et de leur insertion professionnelle ;
De la participation du club à des actions d'éducation, de solidarité sociale, de lutte contre la violence dans le sport ;
De l'amélioration des conditions d'accueil et de sécurité du public ;
De la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage ;
Du développement des pratiques sportives associatives, en particulier de l'accès des jeunes filles et des femmes à ces pratiques.
En second lieu, le décret fixera un montant maximum des subventions, à partir de la situation actuelle des clubs. Ce montant devra bien évidemment prendre prioritairement en compte la réalité économique des clubs dont la part de ressources privées est la plus faible.
Enfin, il sera indiqué que le montant cumulé des fonds publics -ce qui englobe les subventions et contrats de partenariat- ne pourra en aucun cas être supérieur au montant du sponsoring privé. Je souhaite que ces dispositions, qui donneront aux collectivités un levier nouveau dans leurs relations contractuelles avec les clubs, répondent aux interrogations et réserves qui s'étaient exprimées ici même.
Contrairement à une idée trop répandue, les clubs qui attendent cette mesure avec le plus d'impatience ne sont pas les quelques clubs à très gros budgets, mais bien la très grande majorité des autres clubs.
C'est pourquoi nous veillerons à ce que ce décret d'application soit pris le plus vite possible.
Le troisième et dernier point que je veux évoquer concerne la protection des sportifs mineurs, et le soutien aux clubs formateurs.
Là encore, le dispositif retenu en commission mixte paritaire répond à cette double ambition de manière équilibrée, intelligente, et novatrice.
Le respect de la dignité et des intérêts des sportifs mineurs sera une avancée considérable.
Depuis la première lecture de ce texte en juin dernier, une série de faits a confirmé le développement de pratiques scandaleuses, qui font peu de cas de l'avenir des jeunes, et beaucoup de l'argent à gagner. Il faut arrêter d'urgence ces pratiques. Les mesures qui vous sont proposées comblent un vide juridique et donnent aux sportifs mineurs des droits nouveaux.
La formation et la qualité des éducateurs sportifs sont les meilleurs atouts du sport français face à ceux qui rêvent d'une hiérarchie sportive uniquement fondée sur la grosseur des budgets. Sachons préserver cet acquis.
Il est donc indispensable de donner aux clubs formateurs les moyens juridiques de résister aux tentatives de pillage de talents dont ils sont l'objet. La convention qui liera ces clubs aux jeunes sportifs comportera des droits et des devoirs réciproques. La possibilité pour le club d'obtenir le premier contrat professionnel d'un jeune qu'il a formé répond à cet objectif.
En même temps, le texte introduit deux innovations importantes : d'une part, les jeunes qui ne se verront pas proposer un premier contrat avec le club formateur bénéficieront d'un dispositif d'accompagnement social et d'orientation professionnelle.
D'autre part, les centres de formation feront l'objet d'un agrément ministériel, qui devra notamment prendre en compte la place et la qualité de la formation générale des jeunes, les conditions d'accueil et d'encadrement, le respect de leurs droits.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons qui fondent le soutien du gouvernement à la proposition de loi qui vous est présentée. J'ajoute que le contenu des mesures que vous adopterez est pleinement cohérent avec le projet de loi sur l'association sportive, la formation et la cohésion du mouvement sportif, que je vous présenterai au début de l'année 2000.
Loin d'isoler la France, l'ensemble de ces dispositions contribue à une construction européenne positive dans ce domaine. Je peux vous indiquer, à ce propos, que le rapport qui sera présenté dans quelques jours, au Conseil de l'Union Européenne, par le président de la commission, développera une série d'orientations que nous avons souhaitées et défendues à plusieurs reprises. Il s'agit, en tout premier lieu, de la reconnaissance de la spécificité du sport dans l'application des règles économiques concurrentielles.
En bref : le sport n'est pas une marchandise.
Je note également, avec beaucoup d'intérêt, que la commission préconise, je cite, " une action des autorités publiques nationales afin de sauvegarder les structures actuelles et la fonction sociale du sport ".
Dans ce cadre, la commission propose, je cite encore, " un socle commun " de la politique sportive européenne, fondé notamment sur :
L'encadrement de l'acquisition des clubs sportifs par des entités commerciales ; ce que nous faisons en empêchant la multipropriété.
La lutte contre le commerce de jeunes sportifs ; ce que nous faisons en prenant plusieurs dispositions nouvelles.
L'inscription, dans les missions des fédérations, d'une relation structurelle et solidaire entre sport amateur et sport professionnel ; ce que nous accentuerons dans le projet de loi.
La redistribution d'une part des droits de télévision au profit des clubs sportifs amateurs et notamment des clubs formateurs ; ce que nous ferons avec la création d'un fonds de mutualisation.
Comme vous le constatez, le traitement du sport au niveau européen a connu une évolution spectaculaire. Je crois pouvoir dire, sans exagération, que la France a pris une part active à cette évolution.
Avec votre soutien, nous continuerons d'agir en ce sens, parce que nous aimons le sport quand il s'identifie au plaisir, à la liberté, à la solidarité.
Je vous remercie.


(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 9 décembre 1999)