Texte intégral
Monsieur le Président
Mesdames et Messieurs les Sénateurs.
Comme je l'ai fait il y a dix ans, quand j'ai assumé pour la première fois les fonctions de Premier ministre, et comme je l'ai fait l'an dernier, je tenais à venir devant la Haute Assemblée, pour exposer les objectifs et les premiers résultats de l'action de mon Gouvernement, qui, depuis douze mois, bénéficie du soutien sans failles et sans réserve de la majorité sénatoriale unie.
Dans notre pays qui s'enorgueillit de sa tradition bicamériste, - l'un des fondements de notre démocratie - je trouve essentiel que le Sénat, compte tenu du rôle que lui confèrent nos institutions, et de son poids moral et politique, s'exprime clairement sur la politique conduite, et apporte au Gouvernement, comme je suis convaincu qu'il le fera, un encouragement précieux à continuer sa tâche, tâche dont il mesure depuis longtemps les enjeux.
Que s'est-il passé le 16 Mars 1986 ? Un changement de majorité dans le cadre d'élections législatives ? Oui, bien sûr. Mais au-delà, le verdict des urnes condamnait l'expérience qui venait de se dérouler pendant cinq ans, marquée par un entêtement doctrinaire, un étatisme excessif, une vision trop rigide, et par bien des aspects archaïque de la vie économique et sociale.
Sans doute, la situation difficile dans laquelle se trouvait la France n'avait-elle pas que des causes intérieures. La crise internationale, avec son cortège de déficits budgétaires, de stagnation, de chômage, qui avoisine dans presque tous les pays industrialisés 10 % de la population active, continuait à faire sentir ses effets. Pourtant, les Français avaient compris que si nous faisions, dans tous les domaines, moins bien que nos voisins, avec 600 000 emplois détruits en 5 ans, une dette publique qui avait triplé dans le même temps, une croissance très faible, des entreprises de moins en moins compétitives parce qu'écrasées de charges et prisonnières d'un véritable carcan étatique, c'était parce que des erreurs graves avaient été commises, et que nous n'étions pas dans la bonne voie.
Le vote du 16 mars marquait la fin d'une expérience malheureuse, et témoignait de la confiance des Français en la nouvelle majorité.
Face à cette confiance clairement exprimée, respectueux de la logique et des principes de notre démocratie, nous avons choisi de gouverner, ainsi que les Français nous en donnaient mandat, et d'engager sans tarder une action en profondeur, parce que le redressement et la modernisation de la France ne pouvaient attendre.
Ce choix était fondé sur un pari : celui de la force et de la stabilité de nos institutions, et sur une double volonté : assumer nos responsabilités et prendre nos risques y compris celui de la critique, inévitable quand on gouverne : appliquer sans compromis ni défaillance la politique que nous jugions la meilleure pour la nation, et que les électeurs avaient approuvée.
C'est ce que le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger a fait depuis un an, avec le soutien sans réserve de sa majorité parlementaire.
La politique que nous avons conduite se voulait tout à la fois pragmatique et ambitieuse. Il s'agissait en effet de prendre en compte les exigences de ces années 85-90, en n'oubliant pas un instant que la France fait partie d'un ensemble, l'Europe, et qu'elle doit marcher au même rythme que ses partenaires ; il s'agissait aussi de définir un grand projet qui inspire notre action sur le long terme, qui rassemble les énergies et fonde nos espérances pour l'avenir.
Dans cette perspective, nous avons agi sur plusieurs fronts en même temps, menant à bien un ensemble de réformes qui témoignent, par leur nombre et leur importance, de notre détermination. Nous étions résolus à relever quatre défis essentiels : mettre en oeuvre le redressement économique du pays ; donner à la France une nouvelle ambition sociale ; lutter pour une meilleure sécurité ; rendre à notre pays son autorité dans le monde, et lui permettre de jouer le rôle qui doit être le sien au sein de l'Europe. Nous sommes en bon chemin pour y parvenir.
Bataille économique d'abord. Il y avait urgence. Depuis plusieurs années, nos partenaires les plus sérieux, et en particulier l'Allemagne Fédérale, nous avaient devancés, jouant la rigueur, l'effort, la compétitivité.
Pour nous donner les moyens de revenir dans cette course internationale, il fallait impérativement assainir notre situation, et débarrasser l'économie française des contraintes qui faisaient obstacle à son essor.
C'est tout le sens de la politique de redressement des comptes et de réduction des déficits que nous avons menée dès le collectif de 1986. C'est pour cela que nous avons conduit une politique monétaire rigoureuse, et qu'en matière de salaires, nous n'allons pas, parce que nous n'avons pas les moyens de le faire, au-delà du maintien du pouvoir d'achat. Non par dogmatisme, mais au nom de la raison et de la cohérence : quand une économie est malade, il faut appliquer les traitements appropriés, et ne pas dévier de la route choisie.
Les résultats sont là : le déficit budgétaire, de 153 Mds en 1985, a été ramené à 141 Mds en 1986, et sera inférieur à 130 Mds en 1987 ; notre commerce extérieur est équilibré, tandis que l'inflation n'a été que de 2,1 % l'année dernière, ce qui a permis en fait une progression du pouvoir d'achat en francs constants.
Je suis persuadé que le Sénat, et notamment sa Commission des Finances, gardiens traditionnels de l'orthodoxie et du sérieux budgétaires, apprécieront ces résultats.
Bien entendu, cet effort de sagesse et de rigueur ne doit pas être considéré isolément. Il est inscrit, au contraire, et c'est son originalité, dans une réforme économique de grande ampleur, qui vise à donner à notre pays les moyens de reprendre l'offensive, et de préparer son avenir.
Pour réaliser cette ambition qui est à la mesure de ce que l'on peut attendre de la France, nous nous sommes fixés quatre objectifs majeurs.
Premier objectif : créer les conditions d'un véritable dynamisme chez les entreprises et les particuliers. Qu'avons-nous fait ? Nous avons commencé à alléger les impôts et les charges - parallèlement à notre effort de réduction des dépenses publiques - parce qu'il est impossible d'investir et d'innover quand on subit des ponctions fiscales trop fortes.
Nous avons rompu délibérément avec une tradition - ancienne, en rétablissant les libertés économiques : liberté des prix, liberté des changes, liberté du crédit, et en réformant le droit de la concurrence.
Enfin, pour introduire une souplesse désormais nécessaire, nous avons allégé les réglementations trop rigides, en particulier les règles du droit du travail, qui avaient des effets négatifs sur l'emploi.
Toutes ces décisions, auxquelles il faut ajouter la modernisation des marchés financiers et du système bancaire, n'ont eu qu'un but : introduire la liberté et le mouvement dans un système économiquement trop figé, donner à nos entreprises de meilleures chances d'être compétitives et d'exporter, offrir à la France les moyens d'être une nation moderne, une nation d'entrepreneurs, qui puissent recueillir enfin les fruits de ses efforts.
Certains signes encourageants montrent que nous sommes sur la bonne voie : la croissance a augmenté l'année dernière deux fois plus que l'année précédente, le volume de nos investissements productifs s'est accru, et surtout nous avons recommencé à créer des emplois. Bien sûr, globalement, le nombre des chômeurs a augmenté, parce que 200 000 personnes supplémentaires environ arrivent chaque année sur le marché du travail. Ne perdons pas de vue, toutefois, que plus de 50 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand en 1986, alors que notre industrie détruisait 100 000 emplois par an depuis 1981. C'est un motif sérieux d'espérance.
Deuxième objectif : développer les industries de pointe, parier sur les secteurs d'avenir. Cela signifie, à titre d'exemple, que l'État a intensifié son soutien à l'industrie aéronautique, afin de promouvoir une politique de l'espace digne de l'ambition définie par le Général de Gaulle.
Cela signifie encore que les industries françaises occupent désormais les premières places dans des domaines clés du futur. Qu'il s'agisse des télécommunications, de l'informatique, ou encore de la chimie fine, se sont succédées au cours de l'année qui vient de s'écouler des opérations de grande envergure, qui ont permis la prise de contrôle de firmes étrangères, ou de certaines de leurs activités, par l'industrie française, ce qui témoigne d'une pugnacité et d'une volonté de jouer l'avenir qui sont au coeur de la politique du Gouvernement.
Cela signifie, enfin, que le Gouvernement s'apprête à engager un effort substantiel en faveur de la recherche, qu'elle soit publique ou privée.
Troisième objectif : réussir les privatisations. Pourquoi privatiser ? Là encore, il ne s'agissait pas de sacrifier à des principes abstraits, mais de faire ce qui était le mieux, le plus fécond pour l'économie et la société française dans son ensemble.
Qu'il soit question des médias audiovisuels ou des groupes industriels ou financiers, les motivations sont les mêmes. Nous avons voulu rendre au secteur privé des activités qu'il a vocation à gérer, avec plus de dynamisme, d'imagination et d'efficacité que l'État.
Chacun sait que ce programme de privatisation, qui se poursuit à un rythme soutenu, puisqu'en moins d'un an nous avons réalisé plus du quart de ce qui était programmé pour la législature, a connu un immense succès auprès des salariés comme auprès des petits épargnants. Pourquoi un tel enthousiasme ? Sans doute parce que le processus de privatisation répond, en dehors des nécessités économiques, a une aspiration profonde d'ordre social.
En effet, les très nombreuses demandes d'actions de sociétés privatisées émanant de petits porteurs qui n'avaient jamais accédé au marché financier - je pense aux 3 800 000 souscriptions individuelles recensées pour Paribas - prouvent que les Français veulent être associés désormais à l'avenir de nos firmes et de nos industries, attitude entièrement nouvelle, et très encourageante pour notre pays, parce que c'est l'essence même de la démocratie économique.
Plus important encore, la volonté manifestée par les salariés de Saint-Gobain, de Paribas et des autres privatisées de devenir actionnaires de leurs entreprises, ouvre une voie essentielle dans la mise en oeuvre d'un projet qui nous tient à coeur : celui de la participation. Demain, des travailleurs-actionnaires siègeront dans les conseils d'administration, réalité nouvelle, de nature à modifier le paysage économique et social.
Oui, la réussite des privatisations, au-delà de ses conséquences économiques, marque une mutation dans les mentalités.
Enfin, quatrième objectif : donner ses chances à notre agriculture, qui constitue un atout majeur pour mener à bien la bataille du redressement économique.
Pour cela, la France se doit d'assurer les conditions d'un meilleur revenu pour les agriculteurs. Elle doit afficher sans ambiguïtés la nécessité de recentrer la politique agricole commune sur ses objectifs fondamentaux : assurer la fluidité des échanges et la stabilité des prix sur le marché intérieur et préserver la vocation exportatrice de l'Europe sur les marchés mondiaux.
L'année qui s'est écoulée a été marquée par la volonté de restaurer la confiance de nos agriculteurs et de leurs partenaires industriels. Elle a permis de relancer la concertation entre les pouvoirs publics et les grandes organisations professionnelles agricoles.
Dans cet esprit, a été rétablie, en décembre 1986, la Conférence Annuelle Agricole. Le dispositif retenu se traduit par un effort financier particulier - dont le montant s'élève à 2 Milliards de francs - car le revenu agricole avait connu au cours des années précédentes une très forte dégradation, -5,9 % entre 1982 et 1986, sans exemple dans d'autres secteurs.
Cet effort a été partagé entre des aides aux productions bovines ou ovines ainsi qu'au secteur laitier, et des mesures visant à diminuer les charges qui pèsent sur l'agriculture, tant fiscales que financières.
Je sais que votre Assemblée est très sensible à l'ensemble des problèmes que rencontre le monde agricole. Ceux-ci sont nombreux. Tous n'ont pas encore trouvé des solutions, mais, avec votre appui, les progrès nécessaires seront accomplis.
De nettes améliorations ont déjà pu être apportées à des situations aussi difficiles que celles créées par l'application des quotas laitiers, institués en 1984 dans des conditions que nous avons alors contestées. C'est ainsi que les modalités de gestion de la campagne 1987/1988 seront plus simples et plus équitables. De plus, un nouveau programme de restructuration laitière a été arrêté. Ce programme permettra de dégager, au profit des producteurs prioritaires 1 150 000 tonnes de lait sur les deux prochaines campagnes. Il mobilise 2,4 milliards de francs sur sept ans et comporte un effort tout particulier en faveur des petits producteurs. Il pourra être accompagné de conventions régionales ou départementales, afin de tenir compte des spécificités de la production laitière dans les diverses régions et notamment dans les régions de montagne.
De même, en ce qui concerne l'enseignement agricole privé, un effort particulier a été fait pour 1987. Une enveloppe supplémentaire de 74 MF a pu être dégagée afin de prendre des mesures transitoires sur l'année scolaire 1986/1987, mais il est certain qu'il faut mettre en oeuvre rapidement et de façon complète les dispositions de la loi du 31 décembre 1984.
Les efforts que nous réalisons au plan national pour notre agriculture sont indissociables du combat qu'il faut mener au plan communautaire. Le combat est d'ailleurs de plus en plus âpre, dans une Communauté où les intérêts nationaux en matière agricole sont loin d'être convergents. L'enjeu du prochain "paquet-prix" me paraît tout à fait essentiel. Nous avons accepté des adaptations rigoureuses des réglementations concernant les secteurs du lait et de la viande. Ces adaptations étaient nécessaires. Il s'agit maintenant d'obtenir la mise en place d'une taxe sur les matières grasses, seule réponse concrète aux graves difficultés financières résultant de la gestion de ce secteur, et de réduire les distorsions de concurrence entre les États-membres, et notamment au niveau des Montants Compensatoires Monétaires.
Face au remaniement en profondeur qu'a connu l'agriculture au cours des dernières années, il m'apparaît important de poursuivre l'oeuvre de modernisation et d'adaptation qui a été entreprise, et de réintégrer le secteur agricole dans notre politique d'aménagement du territoire. La loi de modernisation de l'agriculture, qui fait l'objet d'une large concertation avec les partenaires concernés, devrait contribuer à la réalisation de cette ambition.
Voilà. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les objectifs que nous poursuivons dans le domaine économique. Beaucoup a été fait, et très vite ; beaucoup sera fait dans l'année qui vient. Le redressement est en train de devenir une réalité. Si nous avons la possibilité de mener à bien notre projet, dans tous ses aspects, la France pourra aborder sans crainte, et dans de bonnes conditions, l'échéance décisive, fin 1992, d'un grand marché européen de 320 millions d'habitants.
Le deuxième grand pari, d'ailleurs intimement lié au précédent, qu'a voulu relever le Gouvernement était social. Définir une ambition nouvelle, travailler à l'instauration d'un nouveau projet social, voilà les buts que nous nous sommes proposés.
Ce nouveau projet social repose sur deux principes : la responsabilité, et la solidarité.
La responsabilité, parce que c'est le propre de nos sociétés modernes, que de déconcentrer les pouvoirs, de mettre fin à des structures verticales et archaïques, de permettre à tous les acteurs, à toutes les instances de la vie sociale et locale de prendre part aux décisions, en un mot d'agir plutôt que de subir.
Cela vaut, dans le domaine politique, où, à la suite de la décentralisation, les collectivités locales jouent un rôle de plus en plus important.
Le Gouvernement, je le dis clairement, souhaite favoriser la réussite de la décentralisation. Dans ce souci, votre Assemblée aura à étudier, dans les prochains jours, un projet de loi portant réforme de la fonction publique territoriale, projet de loi qui se propose de concilier le désir légitime des élus de pouvoir choisir leurs collaborateurs et les aspirations des fonctionnaires locaux, qui doivent bénéficier de garanties de stabilité et de carrière.
Au plan financier, vous savez que les dotations accordées aux collectivités locales ont évolué cette année de manière particulièrement favorable, la DGF ayant augmenté de 5,16 % et la DGE de 5,5 %, en sorte que, compte tenu du taux de l'inflation, les collectivités locales ont bénéficié d'une amélioration de leurs ressources.
Par ailleurs, le Gouvernement, soucieux de préserver l'esprit de la décentralisation, entend veiller à ce que l'équilibre entre les différents niveaux de collectivités locales soit respecté. Communes, départements et régions ont des compétences propres. Il n'est pas question que se développent des tutelles insidieuses des unes sur les autres. L'État, premier garant des libertés locales, fera tout pour empêcher une telle dérive.
Plus de responsabilités, aussi, dans le domaine social. Oui, les relations sociales doivent évoluer, malgré nos habitudes, vers davantage d'autonomie et de responsabilité. Ceci implique, non une démission de l'État, mais un développement de la politique contractuelle.
Bien sûr, il revient à l'État de définir le contexte général, et d'intervenir sur des questions de fond, au plan législatif et réglementaire. Mais il revient aux partenaires sociaux, dans l'entreprise et dans la branche notamment, d'organiser les relations sociales par la négociation. Le champ de ces négociations est vaste : les conditions de travail, la formation professionnelle, la promotion et la qualification, les mutations technologiques, autant de thèmes essentiels qui doivent être débattus pour concilier les souhaits et les attentes des salariés avec les exigences du progrès économique. C'est pour favoriser la naissance d'une société plus contractuelle que nous avons pris au cours des derniers mois tant de décisions pour assouplir les rigidités réglementaires et législatives, pour créer de nouveaux espaces d'initiatives et de libertés, pour renforcer le rôle des partenaires sociaux, qui sont au coeur d'une évolution importante pour l'avenir. Je souhaite qu'ils en aient pleinement conscience.
C'est dans le même esprit que nous sommes attachés au principe de la participation. Développer la participation et l'intéressement, c'est prendre conscience d'une solidarité d'intérêt et de destin dans l'entreprise ; c'est satisfaire une demande insistante à plus de liberté, d'autonomie personnelle ; c'est permettre à chacun, à tous les niveaux, de voir pleinement reconnue sa dignité d'homme ; c'est répondre aux attentes nouvelles, parfois encore informulées, du corps social. Conscient de ces enjeux, le Gouvernement, par deux ordonnances, a donné un nouvel élan à cette grande idée.
Deuxième principe de notre ambition sociale : la solidarité.
Même si le redressement de notre pays implique efforts et sacrifices, rien n'est plus essentiel que de veiller à ce que les difficultés économiques et sociales engendrées par la crise ne suscitent pas la marginalisation de certains de nos concitoyens.
Je pense naturellement aux chômeurs, aux laissés pour compte de l'emploi. Sans doute, nous commençons à obtenir un infléchissement des tendances. Sans doute, notre plan pour l'emploi des jeunes a donné des résultats spectaculaires. Qu'on en juge : en mars 1986, deux jeunes sur trois étaient sans travail en France, triste record. Aujourd'hui, plus de 1 million de jeunes ont été embauchés ou accueillis en formation en entreprises, ce qui représente plus qu'une génération arrivant sur le marché du travail. Le Gouvernement a consacré à ce plan d'urgence 9 milliards de francs, ce qui donne la mesure de l'enjeu.
Mais il y a aussi les autres, et notamment les chômeurs de longue durée, dont nous voulons favoriser la réinsertion dans les entreprises. D'où notre décision de financer l'embauche et la formation de chômeurs de longue durée, qui sont souvent dans des situations dramatiques. Notre objectif est que tous les salariés victimes d'un licenciement économique bénéficient d'un plan social. Vaste ambition, qui fera l'objet d'une loi, proposée à cette session au vote du Parlement.
Il va de soi que la bataille pour l'emploi, c'est la bataille pour la compétence, qui rime avec compétitivité, d'où notre effort en matière de formation. Parce que nous sommes décidés à jouer cette carte maîtresse, nous souhaitons moderniser un dispositif de formation professionnelle qui remonte à plus de 15 ans. Nous avons demandé, dans ce but, aux partenaires sociaux de se réunir et de se concerter, afin de rénover en profondeur la formation professionnelle. D'ores et déjà, une loi valorisant l'apprentissage sera proposée rapidement au vote du Parlement.
La protection sociale, la volonté de préserver un système qui compte parmi les meilleurs du monde, fait partie de nos priorités. Chacun sait quelle place symbolique la Sécurité sociale occupe dans le coeur des Français. Chacun sait, aussi, que nous sommes confrontés à un problème de fond, puisque le déficit se creuse au rythme de plus de 10 Mds de francs par an. Face à cette situation dramatique, il est nécessaire de lancer une réflexion collective et de faire des choix en commun, dans un esprit de responsabilité et de concertation. C'est le sens des États Généraux dont j'ai souhaité l'organisation, et qui auront la mission importante d'étudier les solutions à appliquer. Le Parlement sera bien sûr saisi, le moment venu, de ce sujet sensible entre tous.
Notre volonté est de tout mettre en oeuvre pour sauver la Sécurité sociale.
Enfin, troisième priorité de notre effort de solidarité, la famille.
Dans ce domaine aussi, c'est en termes d'espérance et d'avenir que nous avons défini notre politique familiale. Cela a signifié, concrètement, une revalorisation des allocations familiales, ainsi qu'une série de mesures fiscales en faveur des familles à hauteur de 4,5 Mds de francs. Ces mesures, d'une ampleur sans précédent, ont bénéficie, en priorité, aux foyers modestes, aux familles nombreuses, et aux familles dont les deux parents travaillent : ainsi les frais de garde des enfants sont maintenant déductibles à hauteur de 10 000 Francs. Par ailleurs, depuis le 1er avril, est entré en application le nouveau système de prestations familiales, avec l'extension et l'augmentation de l'allocation parentale d'éducation, début de salaire maternel, versée à partir du troisième enfant pour les mères qui désirent rester à leur foyer ; avec la création également d'une allocation de garde à domicile de 2 000 Francs par mois pour les parents qui continuent tous deux à travailler. Ces chiffres donnent une idée de l'effort consenti, et de l'importance accordée par le Gouvernement à tout ce qui concerne la famille, sa qualité de vie, son avenir dans notre pays.
C'est un secteur essentiel de notre action sociale au sens large : c'est la France de nos enfants que nous construisons aujourd'hui.
Une France plus entreprenante et plus libre, une France plus responsable et plus solidaire, où le progrès social aille de pair avec le développement économique, tel est l'essentiel de notre projet. Encore faut-il que cette France réponde à l'une des attentes les plus fortes de ses citoyens : la sécurité. Il fallait, dans ce domaine comme dans les autres, une volonté, et des moyens propres à traduire cette volonté dans les faits. Ce fut l'objet des quatre textes de loi, que le Gouvernement a présentés au vote du Parlement : loi contre la criminalité et la délinquance ; loi pour une meilleure application des peines ; loi visant à faciliter les contrôles et les vérifications d'identité ; enfin, loi destinée à mieux combattre le terrorisme. C'est tout un dispositif nouveau, plus efficace, plus dissuasif, mieux adapté à notre temps, dont le Gouvernement a doté la justice française. Les résultats sont là. En un an, les chiffres de la délinquance et de la criminalité "moyenne" ont sensiblement chuté, pour la première fois depuis bien longtemps.
De même, après là terrible vague d'attentats qui ont endeuillé notre pays voici quelques mois, la police a porté, au fil des semaines, des coups décisifs aux réseaux terroristes, comme en témoigne une série d'arrestations récentes. Nous avons donné à la police les moyens qui lui étaient nécessaires dans sa tâche. Nous nous sommes dotés d'un dispositif judiciaire plus adapté, pour qu'un droit essentiel de la personne humaine, le droit à la sécurité, soit mieux assuré.
Nous allons maintenant nous attacher à régler le problème du surpeuplement des prisons, qui a atteint un seuil critique, avec 50 000 détenus, et faire en sorte que soient créées 15 000 places supplémentaires, nécessaires au bon fonctionnement de la justice.
Nous allons également amplifier encore le combat que nous menons contre la toxicomanie, ce fléau des temps modernes. Je rappelle que le budget consacré à la lutte contre la drogue a été doublé, passant de 250 MF à 500 MF. Le Parlement aura à se prononcer sur ces différentes questions, et en particulier sur un projet de loi relatif à la répression du trafic des stupéfiants.
Le dernier grand pari que nous avions la volonté de relever concerne le rang de la France dans le monde et dans l'Europe.
Pour rendre à notre nation la place qui doit être la sienne, et qui est inscrite dans son histoire, il fallait lui redonner puissance économique et dynamisme social. Nous sommes en train de le faire.
Il fallait aussi prendre toute la mesure de la situation internationale et des menaces qui pèsent sur la paix, qu'il s'agisse des tensions au Moyen-Orient, du développement du terrorisme, des tentations impérialistes de certaines nations, ou de certaines idéologies.
Nous avons répondu à ces menaces avec lucidité et fermeté.
Tel a été le cas au Tchad, où les conflits depuis de longues années mêlaient les divisions intérieures aux menaces extérieures. Préférant les solutions durables aux coups d'éclat éphémères, nous avons cherché patiemment à favoriser la réconciliation des Tchadiens. Nous avons aidé les forces gouvernementales du Tchad. La France se réjouit des victoires obtenues ces dernières semaines par ce pays : ces succès mérités couronnent les efforts des Tchadiens pour libérer leur propre terre, en même temps qu'ils récompensent la politique patiente et déterminée de la France.
Renforcer la place et le rang de la France, cela signifiait aussi faire de notre pays un élément moteur de la construction européenne.
Alors que nous venons de fêter le 30ème anniversaire du Traité de Rome, qu'il me soit permis de rappeler les ambitions de notre politique européenne.
L'Europe, indispensable à notre développement économique et social, l'Europe, sauvegarde de notre patrimoine culturel commun, l'Europe, facteur de paix et de sécurité, doit être présente au coeur de chacun.
Comme pour nos nations, forgées par l'histoire, l'Europe ne s'affirmera que si elle parvient à créer une nouvelle culture et à prendre en mains sa propre défense.
L'Europe de la Culture et de l'Éducation, c'est d'abord un héritage et une tradition. L'Europe a commencé par là, quand un étudiant pouvait accomplir ces études dans les grandes universités de nos pays. C'est aussi une chance, car la richesse et la variété de nos cultures sont pour l'Europe un atout formidable dans le monde contemporain. Enfin, c'est aujourd'hui une nécessité, car les nouvelles technologies, notamment audio-visuelles, transcendent les frontières. Il nous appartient de nous unir pour mieux échanger notre patrimoine commun, et nous enrichir de notre diversité. C'est pourquoi je viens, au nom de mon Gouvernement, d'adresser à nos onze partenaires de la Communauté un "Livre Bleu pour une Europe de l'Éducation et de la Culture".
Que dire de la défense européenne ?
Au moment où les deux plus grandes puissances donnent à leur dialogue stratégique une ampleur nouvelle, il est urgent que les Européens fassent entendre leur voix et assument toutes leurs responsabilités. J'ai pour ma part entrepris de sensibiliser les opinions publiques aux exigences de la sécurité, regroupées dans une "Charte" européenne. Au-delà, j'ai affirmé la vocation de l'U.E.O., seul forum compétent dans ce domaine, à devenir à terme l'une des pièces maîtresses de la construction de l'Europe, en s'ouvrant notamment aux pays qui, tels l'Espagne et le Portugal, seraient résolus à s'associer à l'effort de concertation et de coordination dans le domaine de la défense.
Pour jouer son rôle moteur dans ce domaine, la France doit évidemment disposer d'une défense forte et crédible. C'est pour bien marquer cette priorité que le Gouvernement a tenu à présenter à votre examen, après ce débat de confiance, le projet de loi-programme d'équipement militaire. Ce projet témoigne que la France est unanime pour ne pas baisser la garde.
Consacrant un effort financier sans précédent par son ampleur, sa progression et sa continuité à l'équipement de nos forces nucléaires et classiques, cette loi permettra en effet de lancer les grands programmes qu'exigent le maintien de notre capacité de dissuasion, la prise en compte des nouveaux enjeux tels que l'espace et la modernisation de nos forces classiques pour notre action en Europe et dans le monde.
Cet effort national, que tous nos partenaires s'accordent à saluer, nous permet d'oeuvrer aussi à une plus grande solidarité européenne. Celle-ci s'exprimera concrètement par la réalisation en commun d'un certain nombre de programmes de défense.
La France, enfin, ne saurait être elle-même sans la générosité. De par son histoire, elle ne peut se désintéresser du sort des pays en voie de développement et notamment des plus défavorisés. Elle ne peut accepter qu'une partie considérable de la planète soit maintenue à l'écart du progrès ou s'enfonce dans la misère.
Chacun sait que les jeunes sont de plus en plus nombreux à exprimer leur soif de justice et de solidarité et à se porter volontaires pour l'aide aux pays les plus démunis.
Pour répondre à leurs aspirations, le Gouvernement est décidé à doubler le nombre des volontaires qui partent au titre du service national ou dans le cadre de l'association française des volontaires du progrès.
Il s'agit de constituer une force de 10 000 volontaires du développement prête à répondre aux besoins des organisations non gouvernementales, qui font un travail remarquable.
Ainsi seront mobilisés des trésors de générosité et de courage, qui ne demandent qu'à se révéler. L'engagement de la jeunesse donnera une nouvelle dimension à notre coopération et scellera une nouvelle alliance entre les peuples du nord et ceux du sud.
C'est dans cet esprit, également, que j'ai fait, une fois de plus, des propositions pour que soient considérablement amplifiés les différents moyens mis en oeuvre par les pays riches au profit du développement des pays pauvres. J'ai eu la grande satisfaction, après l'écho positif des entretiens du Ministre de l'Agriculture avec le Saint Père, d'observer l'intérêt que le Président des États-unis, que j'ai rencontré récemment, portait à ces problèmes. Des raisons morales et politiques évidentes exigent en effet qu'une solution leur soit trouvée.
Tels sont, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les axes majeurs, et les ambitions de la politique que nous menons, et pour lesquels nous avons besoin de votre approbation.
Vous avez pu constater, au fil de ce que j'ai indiqué, que si le travail accompli depuis un an est considérable, les projets et les réformes à mettre en oeuvre au cours des mois qui viennent ne sont pas moins importants. Dans le domaine économique et financier, dans le domaine social, en matière de sécurité, en matière de défense et de politique internationale, je crois que personne, de bonne foi, ne peut parler de pause, ou de ralentissement dans l'action.
Si l'on songe que le Parlement aura aussi à discuter de l'organisation du référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, procédure démocratique et conforme à notre Constitution qui permettra à tous les Calédoniens de déterminer leur avenir ; d'un projet de loi en faveur de nos compatriotes rapatriés, et d'un certain nombre de projets importants que vous connaissez, l'on mesure l'ampleur et la diversité de notre programme, qui nous impose d'avancer sur tous les fronts, parce qu'une politique, c'est avant tout une cohérence et une vision d'ensemble.
Cette politique, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous demande de l'approuver, je vous demande de manifester votre adhésion aux objectifs que je viens de définir pour la France, par un vote massif de confiance et de soutien.
J'ai besoin de votre confiance, parce que mon Gouvernement tire sa force de l'appui de la majorité parlementaire, et que sans le Parlement, dans son ensemble, rien de ce qui doit être fait ne pourrait l'être.
J'ai besoin de votre soutien, parce que les échéances qui sont devant nous, justifient que nous fassions bloc autour d'un certain nombre de priorités qui dépassent de loin les intérêts particuliers.
La grande échéance qui ce présente à notre pays, c'est celle de 1992, date à laquelle le marché unique européen deviendra une réalité.
Il faut qu'en 1992, la France soit prête, il faut que nos entreprises qui verront s'ouvrir devant elles un marché de 320 millions de consommateurs, sans entraves ni protection d'aucune sorte, soient capables de relever le gant et de vivre pleinement l'aventure européenne. Il faut qu'en 1992, la France soit la première puissance économique européenne.
C'est tout le sens de notre action. Mais pour qu'elle porte ses fruits, pour que soit consommée la rupture avec un certain nombre de comportements et d'habitudes, pour que les relations sociales puissent être plus solidaires, pour que nos entreprises retrouvent dynamisme, compétitivité, et exportent la qualité française, nous avons besoin de temps. Cela signifie que la prochaine échéance électorale de 1988 ne doit pas interrompre le processus de redressement et de modernisation dans lequel la France est engagée.
C'est pourquoi, il est tellement essentiel d'aborder cette échéance de manière responsable, en ayant toujours présents à l'esprit les véritables enjeux et les vraies priorités.
Il faut que le Gouvernement puisse travailler jusqu'au bout, afin que ces deux années constituent une assise solide sur laquelle nous pourrons continuer à bâtir.
Il faut que la majorité reste étroitement unie, pour faire face aux difficultés que nous rencontrerons encore sur notre route.
Bien sûr, la majorité actuelle compte en son sein des sensibilités diverses. Mais ce qui rassemble ses différentes composantes est très fort au regard de ce qui les distingue. Chacun doit avoir conscience que les polémiques inutiles ne peuvent qu'inquiéter les Français et compromettre nos chances pour l'avenir.
Je sais, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que vous connaissez le prix de l'union de la majorité, union que vous avez sans cesse confortée dans tous les combats de ces dernières années pour la défense des libertés, et que vous en mesurez aujourd'hui, mieux que quiconque, la nécessité.
Je sais que vous comprenez l'urgence et l'importance de l'action que nous menons, avec le Parlement et sous son contrôle.
C'est dans cet esprit et cette conviction que je demande à la Haute Assemblée d'approuver cette déclaration de politique générale, en application de l'article 49 dernier alinéa de notre Constitution.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs.
Comme je l'ai fait il y a dix ans, quand j'ai assumé pour la première fois les fonctions de Premier ministre, et comme je l'ai fait l'an dernier, je tenais à venir devant la Haute Assemblée, pour exposer les objectifs et les premiers résultats de l'action de mon Gouvernement, qui, depuis douze mois, bénéficie du soutien sans failles et sans réserve de la majorité sénatoriale unie.
Dans notre pays qui s'enorgueillit de sa tradition bicamériste, - l'un des fondements de notre démocratie - je trouve essentiel que le Sénat, compte tenu du rôle que lui confèrent nos institutions, et de son poids moral et politique, s'exprime clairement sur la politique conduite, et apporte au Gouvernement, comme je suis convaincu qu'il le fera, un encouragement précieux à continuer sa tâche, tâche dont il mesure depuis longtemps les enjeux.
Que s'est-il passé le 16 Mars 1986 ? Un changement de majorité dans le cadre d'élections législatives ? Oui, bien sûr. Mais au-delà, le verdict des urnes condamnait l'expérience qui venait de se dérouler pendant cinq ans, marquée par un entêtement doctrinaire, un étatisme excessif, une vision trop rigide, et par bien des aspects archaïque de la vie économique et sociale.
Sans doute, la situation difficile dans laquelle se trouvait la France n'avait-elle pas que des causes intérieures. La crise internationale, avec son cortège de déficits budgétaires, de stagnation, de chômage, qui avoisine dans presque tous les pays industrialisés 10 % de la population active, continuait à faire sentir ses effets. Pourtant, les Français avaient compris que si nous faisions, dans tous les domaines, moins bien que nos voisins, avec 600 000 emplois détruits en 5 ans, une dette publique qui avait triplé dans le même temps, une croissance très faible, des entreprises de moins en moins compétitives parce qu'écrasées de charges et prisonnières d'un véritable carcan étatique, c'était parce que des erreurs graves avaient été commises, et que nous n'étions pas dans la bonne voie.
Le vote du 16 mars marquait la fin d'une expérience malheureuse, et témoignait de la confiance des Français en la nouvelle majorité.
Face à cette confiance clairement exprimée, respectueux de la logique et des principes de notre démocratie, nous avons choisi de gouverner, ainsi que les Français nous en donnaient mandat, et d'engager sans tarder une action en profondeur, parce que le redressement et la modernisation de la France ne pouvaient attendre.
Ce choix était fondé sur un pari : celui de la force et de la stabilité de nos institutions, et sur une double volonté : assumer nos responsabilités et prendre nos risques y compris celui de la critique, inévitable quand on gouverne : appliquer sans compromis ni défaillance la politique que nous jugions la meilleure pour la nation, et que les électeurs avaient approuvée.
C'est ce que le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger a fait depuis un an, avec le soutien sans réserve de sa majorité parlementaire.
La politique que nous avons conduite se voulait tout à la fois pragmatique et ambitieuse. Il s'agissait en effet de prendre en compte les exigences de ces années 85-90, en n'oubliant pas un instant que la France fait partie d'un ensemble, l'Europe, et qu'elle doit marcher au même rythme que ses partenaires ; il s'agissait aussi de définir un grand projet qui inspire notre action sur le long terme, qui rassemble les énergies et fonde nos espérances pour l'avenir.
Dans cette perspective, nous avons agi sur plusieurs fronts en même temps, menant à bien un ensemble de réformes qui témoignent, par leur nombre et leur importance, de notre détermination. Nous étions résolus à relever quatre défis essentiels : mettre en oeuvre le redressement économique du pays ; donner à la France une nouvelle ambition sociale ; lutter pour une meilleure sécurité ; rendre à notre pays son autorité dans le monde, et lui permettre de jouer le rôle qui doit être le sien au sein de l'Europe. Nous sommes en bon chemin pour y parvenir.
Bataille économique d'abord. Il y avait urgence. Depuis plusieurs années, nos partenaires les plus sérieux, et en particulier l'Allemagne Fédérale, nous avaient devancés, jouant la rigueur, l'effort, la compétitivité.
Pour nous donner les moyens de revenir dans cette course internationale, il fallait impérativement assainir notre situation, et débarrasser l'économie française des contraintes qui faisaient obstacle à son essor.
C'est tout le sens de la politique de redressement des comptes et de réduction des déficits que nous avons menée dès le collectif de 1986. C'est pour cela que nous avons conduit une politique monétaire rigoureuse, et qu'en matière de salaires, nous n'allons pas, parce que nous n'avons pas les moyens de le faire, au-delà du maintien du pouvoir d'achat. Non par dogmatisme, mais au nom de la raison et de la cohérence : quand une économie est malade, il faut appliquer les traitements appropriés, et ne pas dévier de la route choisie.
Les résultats sont là : le déficit budgétaire, de 153 Mds en 1985, a été ramené à 141 Mds en 1986, et sera inférieur à 130 Mds en 1987 ; notre commerce extérieur est équilibré, tandis que l'inflation n'a été que de 2,1 % l'année dernière, ce qui a permis en fait une progression du pouvoir d'achat en francs constants.
Je suis persuadé que le Sénat, et notamment sa Commission des Finances, gardiens traditionnels de l'orthodoxie et du sérieux budgétaires, apprécieront ces résultats.
Bien entendu, cet effort de sagesse et de rigueur ne doit pas être considéré isolément. Il est inscrit, au contraire, et c'est son originalité, dans une réforme économique de grande ampleur, qui vise à donner à notre pays les moyens de reprendre l'offensive, et de préparer son avenir.
Pour réaliser cette ambition qui est à la mesure de ce que l'on peut attendre de la France, nous nous sommes fixés quatre objectifs majeurs.
Premier objectif : créer les conditions d'un véritable dynamisme chez les entreprises et les particuliers. Qu'avons-nous fait ? Nous avons commencé à alléger les impôts et les charges - parallèlement à notre effort de réduction des dépenses publiques - parce qu'il est impossible d'investir et d'innover quand on subit des ponctions fiscales trop fortes.
Nous avons rompu délibérément avec une tradition - ancienne, en rétablissant les libertés économiques : liberté des prix, liberté des changes, liberté du crédit, et en réformant le droit de la concurrence.
Enfin, pour introduire une souplesse désormais nécessaire, nous avons allégé les réglementations trop rigides, en particulier les règles du droit du travail, qui avaient des effets négatifs sur l'emploi.
Toutes ces décisions, auxquelles il faut ajouter la modernisation des marchés financiers et du système bancaire, n'ont eu qu'un but : introduire la liberté et le mouvement dans un système économiquement trop figé, donner à nos entreprises de meilleures chances d'être compétitives et d'exporter, offrir à la France les moyens d'être une nation moderne, une nation d'entrepreneurs, qui puissent recueillir enfin les fruits de ses efforts.
Certains signes encourageants montrent que nous sommes sur la bonne voie : la croissance a augmenté l'année dernière deux fois plus que l'année précédente, le volume de nos investissements productifs s'est accru, et surtout nous avons recommencé à créer des emplois. Bien sûr, globalement, le nombre des chômeurs a augmenté, parce que 200 000 personnes supplémentaires environ arrivent chaque année sur le marché du travail. Ne perdons pas de vue, toutefois, que plus de 50 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand en 1986, alors que notre industrie détruisait 100 000 emplois par an depuis 1981. C'est un motif sérieux d'espérance.
Deuxième objectif : développer les industries de pointe, parier sur les secteurs d'avenir. Cela signifie, à titre d'exemple, que l'État a intensifié son soutien à l'industrie aéronautique, afin de promouvoir une politique de l'espace digne de l'ambition définie par le Général de Gaulle.
Cela signifie encore que les industries françaises occupent désormais les premières places dans des domaines clés du futur. Qu'il s'agisse des télécommunications, de l'informatique, ou encore de la chimie fine, se sont succédées au cours de l'année qui vient de s'écouler des opérations de grande envergure, qui ont permis la prise de contrôle de firmes étrangères, ou de certaines de leurs activités, par l'industrie française, ce qui témoigne d'une pugnacité et d'une volonté de jouer l'avenir qui sont au coeur de la politique du Gouvernement.
Cela signifie, enfin, que le Gouvernement s'apprête à engager un effort substantiel en faveur de la recherche, qu'elle soit publique ou privée.
Troisième objectif : réussir les privatisations. Pourquoi privatiser ? Là encore, il ne s'agissait pas de sacrifier à des principes abstraits, mais de faire ce qui était le mieux, le plus fécond pour l'économie et la société française dans son ensemble.
Qu'il soit question des médias audiovisuels ou des groupes industriels ou financiers, les motivations sont les mêmes. Nous avons voulu rendre au secteur privé des activités qu'il a vocation à gérer, avec plus de dynamisme, d'imagination et d'efficacité que l'État.
Chacun sait que ce programme de privatisation, qui se poursuit à un rythme soutenu, puisqu'en moins d'un an nous avons réalisé plus du quart de ce qui était programmé pour la législature, a connu un immense succès auprès des salariés comme auprès des petits épargnants. Pourquoi un tel enthousiasme ? Sans doute parce que le processus de privatisation répond, en dehors des nécessités économiques, a une aspiration profonde d'ordre social.
En effet, les très nombreuses demandes d'actions de sociétés privatisées émanant de petits porteurs qui n'avaient jamais accédé au marché financier - je pense aux 3 800 000 souscriptions individuelles recensées pour Paribas - prouvent que les Français veulent être associés désormais à l'avenir de nos firmes et de nos industries, attitude entièrement nouvelle, et très encourageante pour notre pays, parce que c'est l'essence même de la démocratie économique.
Plus important encore, la volonté manifestée par les salariés de Saint-Gobain, de Paribas et des autres privatisées de devenir actionnaires de leurs entreprises, ouvre une voie essentielle dans la mise en oeuvre d'un projet qui nous tient à coeur : celui de la participation. Demain, des travailleurs-actionnaires siègeront dans les conseils d'administration, réalité nouvelle, de nature à modifier le paysage économique et social.
Oui, la réussite des privatisations, au-delà de ses conséquences économiques, marque une mutation dans les mentalités.
Enfin, quatrième objectif : donner ses chances à notre agriculture, qui constitue un atout majeur pour mener à bien la bataille du redressement économique.
Pour cela, la France se doit d'assurer les conditions d'un meilleur revenu pour les agriculteurs. Elle doit afficher sans ambiguïtés la nécessité de recentrer la politique agricole commune sur ses objectifs fondamentaux : assurer la fluidité des échanges et la stabilité des prix sur le marché intérieur et préserver la vocation exportatrice de l'Europe sur les marchés mondiaux.
L'année qui s'est écoulée a été marquée par la volonté de restaurer la confiance de nos agriculteurs et de leurs partenaires industriels. Elle a permis de relancer la concertation entre les pouvoirs publics et les grandes organisations professionnelles agricoles.
Dans cet esprit, a été rétablie, en décembre 1986, la Conférence Annuelle Agricole. Le dispositif retenu se traduit par un effort financier particulier - dont le montant s'élève à 2 Milliards de francs - car le revenu agricole avait connu au cours des années précédentes une très forte dégradation, -5,9 % entre 1982 et 1986, sans exemple dans d'autres secteurs.
Cet effort a été partagé entre des aides aux productions bovines ou ovines ainsi qu'au secteur laitier, et des mesures visant à diminuer les charges qui pèsent sur l'agriculture, tant fiscales que financières.
Je sais que votre Assemblée est très sensible à l'ensemble des problèmes que rencontre le monde agricole. Ceux-ci sont nombreux. Tous n'ont pas encore trouvé des solutions, mais, avec votre appui, les progrès nécessaires seront accomplis.
De nettes améliorations ont déjà pu être apportées à des situations aussi difficiles que celles créées par l'application des quotas laitiers, institués en 1984 dans des conditions que nous avons alors contestées. C'est ainsi que les modalités de gestion de la campagne 1987/1988 seront plus simples et plus équitables. De plus, un nouveau programme de restructuration laitière a été arrêté. Ce programme permettra de dégager, au profit des producteurs prioritaires 1 150 000 tonnes de lait sur les deux prochaines campagnes. Il mobilise 2,4 milliards de francs sur sept ans et comporte un effort tout particulier en faveur des petits producteurs. Il pourra être accompagné de conventions régionales ou départementales, afin de tenir compte des spécificités de la production laitière dans les diverses régions et notamment dans les régions de montagne.
De même, en ce qui concerne l'enseignement agricole privé, un effort particulier a été fait pour 1987. Une enveloppe supplémentaire de 74 MF a pu être dégagée afin de prendre des mesures transitoires sur l'année scolaire 1986/1987, mais il est certain qu'il faut mettre en oeuvre rapidement et de façon complète les dispositions de la loi du 31 décembre 1984.
Les efforts que nous réalisons au plan national pour notre agriculture sont indissociables du combat qu'il faut mener au plan communautaire. Le combat est d'ailleurs de plus en plus âpre, dans une Communauté où les intérêts nationaux en matière agricole sont loin d'être convergents. L'enjeu du prochain "paquet-prix" me paraît tout à fait essentiel. Nous avons accepté des adaptations rigoureuses des réglementations concernant les secteurs du lait et de la viande. Ces adaptations étaient nécessaires. Il s'agit maintenant d'obtenir la mise en place d'une taxe sur les matières grasses, seule réponse concrète aux graves difficultés financières résultant de la gestion de ce secteur, et de réduire les distorsions de concurrence entre les États-membres, et notamment au niveau des Montants Compensatoires Monétaires.
Face au remaniement en profondeur qu'a connu l'agriculture au cours des dernières années, il m'apparaît important de poursuivre l'oeuvre de modernisation et d'adaptation qui a été entreprise, et de réintégrer le secteur agricole dans notre politique d'aménagement du territoire. La loi de modernisation de l'agriculture, qui fait l'objet d'une large concertation avec les partenaires concernés, devrait contribuer à la réalisation de cette ambition.
Voilà. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les objectifs que nous poursuivons dans le domaine économique. Beaucoup a été fait, et très vite ; beaucoup sera fait dans l'année qui vient. Le redressement est en train de devenir une réalité. Si nous avons la possibilité de mener à bien notre projet, dans tous ses aspects, la France pourra aborder sans crainte, et dans de bonnes conditions, l'échéance décisive, fin 1992, d'un grand marché européen de 320 millions d'habitants.
Le deuxième grand pari, d'ailleurs intimement lié au précédent, qu'a voulu relever le Gouvernement était social. Définir une ambition nouvelle, travailler à l'instauration d'un nouveau projet social, voilà les buts que nous nous sommes proposés.
Ce nouveau projet social repose sur deux principes : la responsabilité, et la solidarité.
La responsabilité, parce que c'est le propre de nos sociétés modernes, que de déconcentrer les pouvoirs, de mettre fin à des structures verticales et archaïques, de permettre à tous les acteurs, à toutes les instances de la vie sociale et locale de prendre part aux décisions, en un mot d'agir plutôt que de subir.
Cela vaut, dans le domaine politique, où, à la suite de la décentralisation, les collectivités locales jouent un rôle de plus en plus important.
Le Gouvernement, je le dis clairement, souhaite favoriser la réussite de la décentralisation. Dans ce souci, votre Assemblée aura à étudier, dans les prochains jours, un projet de loi portant réforme de la fonction publique territoriale, projet de loi qui se propose de concilier le désir légitime des élus de pouvoir choisir leurs collaborateurs et les aspirations des fonctionnaires locaux, qui doivent bénéficier de garanties de stabilité et de carrière.
Au plan financier, vous savez que les dotations accordées aux collectivités locales ont évolué cette année de manière particulièrement favorable, la DGF ayant augmenté de 5,16 % et la DGE de 5,5 %, en sorte que, compte tenu du taux de l'inflation, les collectivités locales ont bénéficié d'une amélioration de leurs ressources.
Par ailleurs, le Gouvernement, soucieux de préserver l'esprit de la décentralisation, entend veiller à ce que l'équilibre entre les différents niveaux de collectivités locales soit respecté. Communes, départements et régions ont des compétences propres. Il n'est pas question que se développent des tutelles insidieuses des unes sur les autres. L'État, premier garant des libertés locales, fera tout pour empêcher une telle dérive.
Plus de responsabilités, aussi, dans le domaine social. Oui, les relations sociales doivent évoluer, malgré nos habitudes, vers davantage d'autonomie et de responsabilité. Ceci implique, non une démission de l'État, mais un développement de la politique contractuelle.
Bien sûr, il revient à l'État de définir le contexte général, et d'intervenir sur des questions de fond, au plan législatif et réglementaire. Mais il revient aux partenaires sociaux, dans l'entreprise et dans la branche notamment, d'organiser les relations sociales par la négociation. Le champ de ces négociations est vaste : les conditions de travail, la formation professionnelle, la promotion et la qualification, les mutations technologiques, autant de thèmes essentiels qui doivent être débattus pour concilier les souhaits et les attentes des salariés avec les exigences du progrès économique. C'est pour favoriser la naissance d'une société plus contractuelle que nous avons pris au cours des derniers mois tant de décisions pour assouplir les rigidités réglementaires et législatives, pour créer de nouveaux espaces d'initiatives et de libertés, pour renforcer le rôle des partenaires sociaux, qui sont au coeur d'une évolution importante pour l'avenir. Je souhaite qu'ils en aient pleinement conscience.
C'est dans le même esprit que nous sommes attachés au principe de la participation. Développer la participation et l'intéressement, c'est prendre conscience d'une solidarité d'intérêt et de destin dans l'entreprise ; c'est satisfaire une demande insistante à plus de liberté, d'autonomie personnelle ; c'est permettre à chacun, à tous les niveaux, de voir pleinement reconnue sa dignité d'homme ; c'est répondre aux attentes nouvelles, parfois encore informulées, du corps social. Conscient de ces enjeux, le Gouvernement, par deux ordonnances, a donné un nouvel élan à cette grande idée.
Deuxième principe de notre ambition sociale : la solidarité.
Même si le redressement de notre pays implique efforts et sacrifices, rien n'est plus essentiel que de veiller à ce que les difficultés économiques et sociales engendrées par la crise ne suscitent pas la marginalisation de certains de nos concitoyens.
Je pense naturellement aux chômeurs, aux laissés pour compte de l'emploi. Sans doute, nous commençons à obtenir un infléchissement des tendances. Sans doute, notre plan pour l'emploi des jeunes a donné des résultats spectaculaires. Qu'on en juge : en mars 1986, deux jeunes sur trois étaient sans travail en France, triste record. Aujourd'hui, plus de 1 million de jeunes ont été embauchés ou accueillis en formation en entreprises, ce qui représente plus qu'une génération arrivant sur le marché du travail. Le Gouvernement a consacré à ce plan d'urgence 9 milliards de francs, ce qui donne la mesure de l'enjeu.
Mais il y a aussi les autres, et notamment les chômeurs de longue durée, dont nous voulons favoriser la réinsertion dans les entreprises. D'où notre décision de financer l'embauche et la formation de chômeurs de longue durée, qui sont souvent dans des situations dramatiques. Notre objectif est que tous les salariés victimes d'un licenciement économique bénéficient d'un plan social. Vaste ambition, qui fera l'objet d'une loi, proposée à cette session au vote du Parlement.
Il va de soi que la bataille pour l'emploi, c'est la bataille pour la compétence, qui rime avec compétitivité, d'où notre effort en matière de formation. Parce que nous sommes décidés à jouer cette carte maîtresse, nous souhaitons moderniser un dispositif de formation professionnelle qui remonte à plus de 15 ans. Nous avons demandé, dans ce but, aux partenaires sociaux de se réunir et de se concerter, afin de rénover en profondeur la formation professionnelle. D'ores et déjà, une loi valorisant l'apprentissage sera proposée rapidement au vote du Parlement.
La protection sociale, la volonté de préserver un système qui compte parmi les meilleurs du monde, fait partie de nos priorités. Chacun sait quelle place symbolique la Sécurité sociale occupe dans le coeur des Français. Chacun sait, aussi, que nous sommes confrontés à un problème de fond, puisque le déficit se creuse au rythme de plus de 10 Mds de francs par an. Face à cette situation dramatique, il est nécessaire de lancer une réflexion collective et de faire des choix en commun, dans un esprit de responsabilité et de concertation. C'est le sens des États Généraux dont j'ai souhaité l'organisation, et qui auront la mission importante d'étudier les solutions à appliquer. Le Parlement sera bien sûr saisi, le moment venu, de ce sujet sensible entre tous.
Notre volonté est de tout mettre en oeuvre pour sauver la Sécurité sociale.
Enfin, troisième priorité de notre effort de solidarité, la famille.
Dans ce domaine aussi, c'est en termes d'espérance et d'avenir que nous avons défini notre politique familiale. Cela a signifié, concrètement, une revalorisation des allocations familiales, ainsi qu'une série de mesures fiscales en faveur des familles à hauteur de 4,5 Mds de francs. Ces mesures, d'une ampleur sans précédent, ont bénéficie, en priorité, aux foyers modestes, aux familles nombreuses, et aux familles dont les deux parents travaillent : ainsi les frais de garde des enfants sont maintenant déductibles à hauteur de 10 000 Francs. Par ailleurs, depuis le 1er avril, est entré en application le nouveau système de prestations familiales, avec l'extension et l'augmentation de l'allocation parentale d'éducation, début de salaire maternel, versée à partir du troisième enfant pour les mères qui désirent rester à leur foyer ; avec la création également d'une allocation de garde à domicile de 2 000 Francs par mois pour les parents qui continuent tous deux à travailler. Ces chiffres donnent une idée de l'effort consenti, et de l'importance accordée par le Gouvernement à tout ce qui concerne la famille, sa qualité de vie, son avenir dans notre pays.
C'est un secteur essentiel de notre action sociale au sens large : c'est la France de nos enfants que nous construisons aujourd'hui.
Une France plus entreprenante et plus libre, une France plus responsable et plus solidaire, où le progrès social aille de pair avec le développement économique, tel est l'essentiel de notre projet. Encore faut-il que cette France réponde à l'une des attentes les plus fortes de ses citoyens : la sécurité. Il fallait, dans ce domaine comme dans les autres, une volonté, et des moyens propres à traduire cette volonté dans les faits. Ce fut l'objet des quatre textes de loi, que le Gouvernement a présentés au vote du Parlement : loi contre la criminalité et la délinquance ; loi pour une meilleure application des peines ; loi visant à faciliter les contrôles et les vérifications d'identité ; enfin, loi destinée à mieux combattre le terrorisme. C'est tout un dispositif nouveau, plus efficace, plus dissuasif, mieux adapté à notre temps, dont le Gouvernement a doté la justice française. Les résultats sont là. En un an, les chiffres de la délinquance et de la criminalité "moyenne" ont sensiblement chuté, pour la première fois depuis bien longtemps.
De même, après là terrible vague d'attentats qui ont endeuillé notre pays voici quelques mois, la police a porté, au fil des semaines, des coups décisifs aux réseaux terroristes, comme en témoigne une série d'arrestations récentes. Nous avons donné à la police les moyens qui lui étaient nécessaires dans sa tâche. Nous nous sommes dotés d'un dispositif judiciaire plus adapté, pour qu'un droit essentiel de la personne humaine, le droit à la sécurité, soit mieux assuré.
Nous allons maintenant nous attacher à régler le problème du surpeuplement des prisons, qui a atteint un seuil critique, avec 50 000 détenus, et faire en sorte que soient créées 15 000 places supplémentaires, nécessaires au bon fonctionnement de la justice.
Nous allons également amplifier encore le combat que nous menons contre la toxicomanie, ce fléau des temps modernes. Je rappelle que le budget consacré à la lutte contre la drogue a été doublé, passant de 250 MF à 500 MF. Le Parlement aura à se prononcer sur ces différentes questions, et en particulier sur un projet de loi relatif à la répression du trafic des stupéfiants.
Le dernier grand pari que nous avions la volonté de relever concerne le rang de la France dans le monde et dans l'Europe.
Pour rendre à notre nation la place qui doit être la sienne, et qui est inscrite dans son histoire, il fallait lui redonner puissance économique et dynamisme social. Nous sommes en train de le faire.
Il fallait aussi prendre toute la mesure de la situation internationale et des menaces qui pèsent sur la paix, qu'il s'agisse des tensions au Moyen-Orient, du développement du terrorisme, des tentations impérialistes de certaines nations, ou de certaines idéologies.
Nous avons répondu à ces menaces avec lucidité et fermeté.
Tel a été le cas au Tchad, où les conflits depuis de longues années mêlaient les divisions intérieures aux menaces extérieures. Préférant les solutions durables aux coups d'éclat éphémères, nous avons cherché patiemment à favoriser la réconciliation des Tchadiens. Nous avons aidé les forces gouvernementales du Tchad. La France se réjouit des victoires obtenues ces dernières semaines par ce pays : ces succès mérités couronnent les efforts des Tchadiens pour libérer leur propre terre, en même temps qu'ils récompensent la politique patiente et déterminée de la France.
Renforcer la place et le rang de la France, cela signifiait aussi faire de notre pays un élément moteur de la construction européenne.
Alors que nous venons de fêter le 30ème anniversaire du Traité de Rome, qu'il me soit permis de rappeler les ambitions de notre politique européenne.
L'Europe, indispensable à notre développement économique et social, l'Europe, sauvegarde de notre patrimoine culturel commun, l'Europe, facteur de paix et de sécurité, doit être présente au coeur de chacun.
Comme pour nos nations, forgées par l'histoire, l'Europe ne s'affirmera que si elle parvient à créer une nouvelle culture et à prendre en mains sa propre défense.
L'Europe de la Culture et de l'Éducation, c'est d'abord un héritage et une tradition. L'Europe a commencé par là, quand un étudiant pouvait accomplir ces études dans les grandes universités de nos pays. C'est aussi une chance, car la richesse et la variété de nos cultures sont pour l'Europe un atout formidable dans le monde contemporain. Enfin, c'est aujourd'hui une nécessité, car les nouvelles technologies, notamment audio-visuelles, transcendent les frontières. Il nous appartient de nous unir pour mieux échanger notre patrimoine commun, et nous enrichir de notre diversité. C'est pourquoi je viens, au nom de mon Gouvernement, d'adresser à nos onze partenaires de la Communauté un "Livre Bleu pour une Europe de l'Éducation et de la Culture".
Que dire de la défense européenne ?
Au moment où les deux plus grandes puissances donnent à leur dialogue stratégique une ampleur nouvelle, il est urgent que les Européens fassent entendre leur voix et assument toutes leurs responsabilités. J'ai pour ma part entrepris de sensibiliser les opinions publiques aux exigences de la sécurité, regroupées dans une "Charte" européenne. Au-delà, j'ai affirmé la vocation de l'U.E.O., seul forum compétent dans ce domaine, à devenir à terme l'une des pièces maîtresses de la construction de l'Europe, en s'ouvrant notamment aux pays qui, tels l'Espagne et le Portugal, seraient résolus à s'associer à l'effort de concertation et de coordination dans le domaine de la défense.
Pour jouer son rôle moteur dans ce domaine, la France doit évidemment disposer d'une défense forte et crédible. C'est pour bien marquer cette priorité que le Gouvernement a tenu à présenter à votre examen, après ce débat de confiance, le projet de loi-programme d'équipement militaire. Ce projet témoigne que la France est unanime pour ne pas baisser la garde.
Consacrant un effort financier sans précédent par son ampleur, sa progression et sa continuité à l'équipement de nos forces nucléaires et classiques, cette loi permettra en effet de lancer les grands programmes qu'exigent le maintien de notre capacité de dissuasion, la prise en compte des nouveaux enjeux tels que l'espace et la modernisation de nos forces classiques pour notre action en Europe et dans le monde.
Cet effort national, que tous nos partenaires s'accordent à saluer, nous permet d'oeuvrer aussi à une plus grande solidarité européenne. Celle-ci s'exprimera concrètement par la réalisation en commun d'un certain nombre de programmes de défense.
La France, enfin, ne saurait être elle-même sans la générosité. De par son histoire, elle ne peut se désintéresser du sort des pays en voie de développement et notamment des plus défavorisés. Elle ne peut accepter qu'une partie considérable de la planète soit maintenue à l'écart du progrès ou s'enfonce dans la misère.
Chacun sait que les jeunes sont de plus en plus nombreux à exprimer leur soif de justice et de solidarité et à se porter volontaires pour l'aide aux pays les plus démunis.
Pour répondre à leurs aspirations, le Gouvernement est décidé à doubler le nombre des volontaires qui partent au titre du service national ou dans le cadre de l'association française des volontaires du progrès.
Il s'agit de constituer une force de 10 000 volontaires du développement prête à répondre aux besoins des organisations non gouvernementales, qui font un travail remarquable.
Ainsi seront mobilisés des trésors de générosité et de courage, qui ne demandent qu'à se révéler. L'engagement de la jeunesse donnera une nouvelle dimension à notre coopération et scellera une nouvelle alliance entre les peuples du nord et ceux du sud.
C'est dans cet esprit, également, que j'ai fait, une fois de plus, des propositions pour que soient considérablement amplifiés les différents moyens mis en oeuvre par les pays riches au profit du développement des pays pauvres. J'ai eu la grande satisfaction, après l'écho positif des entretiens du Ministre de l'Agriculture avec le Saint Père, d'observer l'intérêt que le Président des États-unis, que j'ai rencontré récemment, portait à ces problèmes. Des raisons morales et politiques évidentes exigent en effet qu'une solution leur soit trouvée.
Tels sont, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les axes majeurs, et les ambitions de la politique que nous menons, et pour lesquels nous avons besoin de votre approbation.
Vous avez pu constater, au fil de ce que j'ai indiqué, que si le travail accompli depuis un an est considérable, les projets et les réformes à mettre en oeuvre au cours des mois qui viennent ne sont pas moins importants. Dans le domaine économique et financier, dans le domaine social, en matière de sécurité, en matière de défense et de politique internationale, je crois que personne, de bonne foi, ne peut parler de pause, ou de ralentissement dans l'action.
Si l'on songe que le Parlement aura aussi à discuter de l'organisation du référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, procédure démocratique et conforme à notre Constitution qui permettra à tous les Calédoniens de déterminer leur avenir ; d'un projet de loi en faveur de nos compatriotes rapatriés, et d'un certain nombre de projets importants que vous connaissez, l'on mesure l'ampleur et la diversité de notre programme, qui nous impose d'avancer sur tous les fronts, parce qu'une politique, c'est avant tout une cohérence et une vision d'ensemble.
Cette politique, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous demande de l'approuver, je vous demande de manifester votre adhésion aux objectifs que je viens de définir pour la France, par un vote massif de confiance et de soutien.
J'ai besoin de votre confiance, parce que mon Gouvernement tire sa force de l'appui de la majorité parlementaire, et que sans le Parlement, dans son ensemble, rien de ce qui doit être fait ne pourrait l'être.
J'ai besoin de votre soutien, parce que les échéances qui sont devant nous, justifient que nous fassions bloc autour d'un certain nombre de priorités qui dépassent de loin les intérêts particuliers.
La grande échéance qui ce présente à notre pays, c'est celle de 1992, date à laquelle le marché unique européen deviendra une réalité.
Il faut qu'en 1992, la France soit prête, il faut que nos entreprises qui verront s'ouvrir devant elles un marché de 320 millions de consommateurs, sans entraves ni protection d'aucune sorte, soient capables de relever le gant et de vivre pleinement l'aventure européenne. Il faut qu'en 1992, la France soit la première puissance économique européenne.
C'est tout le sens de notre action. Mais pour qu'elle porte ses fruits, pour que soit consommée la rupture avec un certain nombre de comportements et d'habitudes, pour que les relations sociales puissent être plus solidaires, pour que nos entreprises retrouvent dynamisme, compétitivité, et exportent la qualité française, nous avons besoin de temps. Cela signifie que la prochaine échéance électorale de 1988 ne doit pas interrompre le processus de redressement et de modernisation dans lequel la France est engagée.
C'est pourquoi, il est tellement essentiel d'aborder cette échéance de manière responsable, en ayant toujours présents à l'esprit les véritables enjeux et les vraies priorités.
Il faut que le Gouvernement puisse travailler jusqu'au bout, afin que ces deux années constituent une assise solide sur laquelle nous pourrons continuer à bâtir.
Il faut que la majorité reste étroitement unie, pour faire face aux difficultés que nous rencontrerons encore sur notre route.
Bien sûr, la majorité actuelle compte en son sein des sensibilités diverses. Mais ce qui rassemble ses différentes composantes est très fort au regard de ce qui les distingue. Chacun doit avoir conscience que les polémiques inutiles ne peuvent qu'inquiéter les Français et compromettre nos chances pour l'avenir.
Je sais, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que vous connaissez le prix de l'union de la majorité, union que vous avez sans cesse confortée dans tous les combats de ces dernières années pour la défense des libertés, et que vous en mesurez aujourd'hui, mieux que quiconque, la nécessité.
Je sais que vous comprenez l'urgence et l'importance de l'action que nous menons, avec le Parlement et sous son contrôle.
C'est dans cet esprit et cette conviction que je demande à la Haute Assemblée d'approuver cette déclaration de politique générale, en application de l'article 49 dernier alinéa de notre Constitution.