Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur le projet de loi concernant le renforcement des liens entre la planification urbaine et la planification des déplacements et sur la régionalisation ferroviaire, Mulhouse le 26 novembre 1999.

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Circonstance : 17ème rencontre nationale du GART (Groupement des autorités responsables des transports), à Mulhouse le 26 novembre 1999

Texte intégral

Messieurs les parlementaires et élus,
Monsieur le président du GART
Monsieur le maire,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs les responsables,
Monsieur le président du CSSPF,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous remercier pour cette invitation qui nous donne l'occasion de nous retrouver ensemble à un moment où des évolutions importantes concernant le transport public sont à l'uvre ou s'amorcent. Vous avez parlé de mutation Monsieur le Député-Maire.
Avant d'évoquer ces évolutions, je voudrais souligner que nous pouvons les aborder avec confiance, avec optimisme même me semble-t-il. D'abord, parce que depuis deux ans, les trafics ont retrouvé une évolution encourageante. Après des années de stagnation voire de baisse des trafics, 1998 a confirmé une réelle reprise que 1999 devrait poursuivre.
Confiance et optimisme également au regard de la reconnaissance croissante par nos concitoyens du rôle du transport public, de la valeur citoyenne qu'il représente. J'ai personnellement été frappé par l'expression insistante de cette reconnaissance dans le débat national "habiter, se déplacer, vivre la ville" que j'ai organisé au printemps dans six villes françaises. Vous le savez un projet de loi pour "le renouvellement et la solidarité urbaines" sera présenté au Parlement au début de l'année prochaine.
Loi que nous jugeons indispensable à l'entrée dans le troisième millénaire qui sera, à n'en pas douter, celui de la civilisation urbaine.
Civilisation urbaine, qui ne doit pas nous faire peur, qui ne doit pas être opposée au monde rural mais qui doit être dessinée pour répondre aux aspirations fondamentales de nos concitoyens.
* d'une ville plus équilibrée et économiquement puissante,
* d'une ville plus sûre et moins polluée,
* d'une ville non ségrégative : spatialement et socialement.
Cette ambition, véritable projet de société, nous la voulons régie par trois principes :
* solidarité et partage,
* développement durable et qualité de vie,
* démocratie et décentralisation.
Principes dont la mise en uvre passe par :
* la reconnaissance de droits nouveaux par l'enrichissement du processus de décentralisation
* la refondation des politiques de l'habitat.
C'est ce que nous voulons, Louis BESSON et moi même traduire dans le projet de loi, projet de loi que nous allons soumettre à la concertation des élus, des associations et des professionnels. Bien évidemment, le GART sera largement consulté.
Ce projet de loi concernera, en particulier, le renforcement des liens entre la planification urbaine et la planification des déplacements avec comme objectif premier de maîtriser l'étalement urbain.
Nous avons pour ambition, dans la logique et la continuité de l'élaboration des plans de déplacements urbains, de donner aux autorités de transport des compétences élargies afin de décloisonner les différents modes de déplacements urbains et de faire davantage de place aux transports collectifs. Notre perspective est clairement celle d'autorités de déplacements urbains pouvant gérer d'une même main, à terme, stationnement et transport collectifs. Ainsi, le projet de loi aborde prioritairement les questions de stationnement, qui sont, chacun le sait ici, déterminantes pour orienter la mobilité urbaine et qui constituent un levier essentiel de la politique des déplacements.
Bien sûr, cette loi comportera un volet financement, condition indispensable pour le développement des transports collectifs.
Enfin, je souhaite que la loi soit l'occasion de progresser de manière décisive, sur la régionalisation ferroviaire, à partir des premiers enseignements dont nous disposons sur l'expérimentation en cours depuis bientôt trois ans. Le processus de concertation engagé entre l'État et les régions devrait déboucher sur le transfert aux régions des services régionaux ferroviaires de voyageurs, à une date qu'il conviendra de déterminer.
Permettez-moi maintenant d'aborder un autre sujet, dont je sais qu'il intéresse également largement les autorités organisatrices, à savoir la mise en oeuvre des orientations du Gouvernement et du Parlement en matière de réduction négociée de la durée du travail et de création d'emplois.
Vous savez que je suis très impliqué dans la mise en oeuvre de ces orientations. J'ai d'emblée proposé à ma collègue Martine AUBRY et au Premier Ministre que les entreprises de transports urbains puissent bénéficier des mêmes aides que les autres. Cela a été l'objet d'une précision expresse, introduite dans la loi, à ma demande. C'est à l'évidence grâce au concours de cette aide que beaucoup des accords d'entreprise, en urbain et en interurbain, ont pu trouver leur équilibre financier, dans un cadre global associant la mise en place des 35 heures et des embauches de jeunes. Très prochainement, après une large consultation des partenaires sociaux, un projet de décret, actuellement soumis au Conseil d'Etat, sera publié. La demande d'extension de l'accord national sur les 35 heures, signée entre l'UTP et trois organisations syndicales, pourra être examinée par le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Vous avez, monsieur le Président, évoqué la récente prise de contrôle de VIA-GTI par la SNCF. Je sais que certains d'entre vous se sont interrogés sur les conséquences que ce rapprochement pourrait avoir pour les réseaux de transport. Ces interrogations sont légitimes et je souhaite ici dire clairement pourquoi le Gouvernement a accepté que ce rapprochement ait lieu, même s'il n'en a pas été l'inspirateur. La configuration nouvelle proposée par la SNCF présente trois avantages qui ont paru devoir être pris en considération : elle maintient d'abord inchangé le nombre des grands opérateurs de transport urbain opérant dans notre pays et laisse par là même aux collectivités urbaines la possibilité de choix . Il est clair, à l'inverse, qu'un renoncement de la SNCF aurait fait disparaître un de ces 3 grands opérateurs réduisant, par là, le choix des collectivités ; elle permet aussi de conserver un caractère national au plus grand opérateur de transport urbain opérant en France ; enfin elle renforce les capacités de coopération opérationnelle entre le transport urbain et le transport ferroviaire. Bien évidemment, cette nouvelle donne suppose que nous soyons attentifs à ce que la nouvelle configuration n'ait pour conséquence ni des situations de "monopole" local auxquelles seraient légitimement opposées les autorités de transport, ni des entraves à des coopérations entre la SNCF et les autres groupes de transport urbain. Nous y veillerons Monsieur le président.
Je voudrais aussi parler de la sécurité : l'insécurité dans les transports est pour nous tous une préoccupation majeure. Les agressions contre les voyageurs, les agents qui exercent une mission de service public, les incivilités dont ils sont les victimes, constituent un véritable poison pour notre société.
Nous devons nous attacher à reconstruire une responsabilité citoyenne républicaine, une solidarité plus généreuse, le sens d'un. vivre mieux ensemble. Cette tâche est bien sûr, pour une part, celle des pouvoirs publics, mais pas seulement. Elle est aussi l'affaire de tous, parce que justement c'est une question de vie en société, de civilisation, de démocratie!
Les transports en commun sont un élément essentiel à la cohésion sociale. C'est pour cette raison, qu'en décembre 1997, des mesures rigoureuses ont été prises et mises en oeuvre avec détermination par le Gouvernement. Je citerai par exemple :
* la réhumanisation des réseaux de transport,
* la dissuasion accrue grâce à des mesures législatives aggravant les peines en cas d'atteintes ou d'outrages aux agents des entreprises de transport public,
* des programmes d'équipement de sécurité.
L'État et les collectivités territoriales, se sont engagés dans des programmes ambitieux. L'implication de tous les acteurs du transport a permis de constater des améliorations dans certaines agglomérations. Il n'en reste pas moins que tout progrès reste fragile et le sentiment d'insécurité reste très fort, même si nous savons qu'il peut y avoir des écarts sensibles avec la réalité.
Concernant les questions financières, j'ai bien noté, Monsieur le Président, la demande du GART sur l'exonération de la TIPP.
Un amendement a été présenté à l'Assemblée Nationale visant à étendre aux transports publics de voyageurs la neutralisation de l'évolution de la TIPP sur le gazole. Cette disposition ayant fait l'objet d'un avis négatif de la commission des finances et nécessitant une notification préalable à la Commission européenne, cet amendement ne pouvait être retenu en l'état. Le Gouvernement prend toutefois l'engagement de réexaminer cette proposition et de saisir sans délai la Commission européenne. J'appuierai au niveau interministériel votre demande.
Votre demande de bénéficier d'une exemption totale, à l'instar de plusieurs autres pays européens, mérite d'être explorée, même s'il convient de conserver à l'esprit que certains pays ont fait de ce type de mesures leur principal instrument d'aide au transport public, ce qui n'est pas le cas en France. Et de ce point de vue, je rappelle qu'avec le budget 2000, les crédits de l'État affectés aux transports urbains ont progressé en 3 ans de 37 %.
Vous le savez, les derniers arbitrages concernant les contrats de plan, viennent d'être rendus par le Premier Ministre. Le gouvernement a maintenu l'option de ne pas contractualiser dans les contrats de plan les investissements sur les transports collectifs urbains de provinces.
Le cadre des contrats de plan est en effet mal adapté à une telle contractualisation, car il est difficile d'avoir à un horizon de 7 ans, une vision stable et claire des projets de transports urbains qui seront engagés sur chacune des régions françaises.
Par contre, je ne vois que des avantages à ce que des engagements contractuels sur les investissements des transports urbains, soient pris dans le cadre des contrats d'agglomération qui viendront décliner et compléter les contrats de plan. Ce cadre, qui reste encore à préciser, sera mieux adapté à la réalité institutionnelle et géographique des opérations relatives aux transports urbains, sera également l'occasion de mettre en relation les grands volets des politiques urbaines, donnant lieu à contractualisation : notamment l'habitat et le logement, la politique de la ville et les transports.
Par ailleurs, vous avez noté l'effort tout à fait exceptionnel réservé dans les contrats de plan pour le transport ferroviaire. Effectivement avec 8,7 milliards de francs, l'enveloppe est 10 fois supérieure à celle du XIème plan.
Je rappelle, en juillet dernier lors de la baisse du taux du livret A, a été envisagé une utilisation élargie des fonds d'épargne, des contrats de plan, pour des investissements de sécurité, d'actions foncières et de transports collectifs...
Je connais, Monsieur le Président, votre demande de suppression de l'encadrement tarifaire par l'Etat. Il s'agit d'un domaine sur lequel je pense, ainsi que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'une évolution est souhaitable. D'ailleurs, faut-il le rappeler, la responsabilité tarifaire est une des compétences confiée par la LOTI aux autorités organisatrices.
Parce que le maintien d'un contrôle de l'État sur un service public local va à l'encontre de la décentralisation, l'encadrement tarifaire sera supprimé pour les autorités organisatrices ayant un PDU doté d'un volet tarifaire. Pour les agglomérations qui ne sont pas dotées d'un PDU - celles de moins de 100000 habitants - l'adoption d'un contrat pluriannuel permettra également de déroger à l'encadrement tarifaire actuel. Cette orientation sera formalisée par un décret en Conseil d'État qui sera adopté rapidement. Avec Christian SAUTTER, nous y travaillons.
Nous sommes aujourd'hui à Mulhouse et nous connaissons tous le projet de "train-tram", qui exprime ce besoin de coopération entre l'autorité de transport urbain, le département et la région. J'ai le plaisir, Monsieur le maire, de pouvoir vous annoncer que je viens de signer la prise en considération de la première phase urbaine du tramway du SITRAM. J'espère fortement pouvoir signer - le plus vite possible - celle du projet d'interconnexion de ce tramway avec le réseau ferroviaire auquel, avec le conseil régional d'Alsace et le conseil général du Haut-Rhin, vous travaillez en vue d'une mise en service simultanée de la partie urbaine et de son prolongement sur le réseau ferroviaire. Depuis mon arrivée au gouvernement, 16 projets de Transports en Commun en Site Propre (TCSP) ont ainsi été pris en considération correspondant à une longueur total de 186 km.
En effectuant la visite, nous pouvons voir combien cette politique est aussi une stimulation pour l'industrie, la technologie et l'emploi en France et à l'étranger.
Je rappellerai aussi, puisque vous en avez parlé, la décision Gouvernementale de mise à l'enquête publique de la branche Est du TGV Rhin-Rhône et la définition récente d'une première étape de travaux, entre Auxonne et Petit-Croix, qui permettra en particulier de relier Mulhouse à Paris et à Lyon en 2h30 environ. Cette décision doit permettre une mise à l'enquête publique au cours du premier semestre 2000, en vue d'une déclaration d'utilité publique avant la fin 2001 et d'une mise en service à l'horizon 2008.
Vous le voyez, l'année 2000 sera sans aucun doute pour les transports publics une année particulièrement importante.
Je veux pour conclure, remercier le Président du GART, Monsieur Jacques AUXIETTE, pour la qualité du travail effectué, en partenariat avec tous les acteurs de transport.
Soyez assurés que nous sommes attentifs à vos réflexions et à vos propositions.
Je vous remercie de votre attention.
(Source : http://www.equipement.gouv.fr, le 6 décembre 1999)