Texte intégral
Discours
Monsieur le président,
Madame le maire,
Mesdames et Messieurs,
C'est d'abord pour moi un grand plaisir de remercier Mme Fabienne KELLER, maire de Strasbourg, qui nous accueille aujourd'hui. Je la connais depuis longtemps, ainsi bien sûr que M. Robert GROSSMAN, président de la Communauté Urbaine de Strasbourg. Je suis donc certain que tous les thèmes que vous avez abordés, Monsieur le président, les ont particulièrement intéressés. En charge des responsabilités d'une grande ville située au cur de l'Europe et de son développement économique, Mme KELLER et M. GROSSMAN se trouvent confrontés chaque jour à tous les problèmes que vous évoquez.
C'est vrai, Monsieur le président, vous avez, avec beaucoup de clarté, analysé la situation actuelle de l'immobilier et émis des propositions précises. Vous avez aussi montré tout le professionnalisme que l'on peut attendre de votre organisation, l'une des plus importantes de l'immobilier.
C'est d'abord largement grâce à vous que la France peut répondre aux besoins de logements de nos concitoyens.
Je dis souvent que le bon fonctionnement de l'immobilier repose sur la chaîne du logement. Cela veut dire que tous les secteurs doivent être encouragés l'accession à la propriété, le locatif HLM ou le locatif privé. Qui d'autres que vous se retrouvent pratiquement sur toute la chaîne du logement ? Non seulement, vous participez au développement de l'accession à la propriété en collectif, mais aussi en individuel mais vous êtes aussi présents sur toute l'étendue du locatif privé, libre, intermédiaire ou même purement social au moins en droit, en complément des organismes HLM.
J'y reviendrais.
Mais la chaîne du logement veut dire aussi qu'en construisant un logement, cela ne sert pas seulement à loger un ménage, mais à faciliter en cascade le parcours résidentiel d'autres ménages.
Vous n'êtes pas seulement créateurs de logements, vous êtes aussi, avec les élus locaux, créateurs de lieux de vie, modelant les espaces de notre vie urbaine, ainsi que, je ne l'oublie pas, notre cadre architectural.
Enfin, vous participez incontestablement au dynamisme économique de la France, avec (c'est vrai) d'autres professions.
J'ai bien compris, et vous me l'avez rappelé au cours de notre récent entretien, que la conjoncture actuelle dans votre secteur vous apparaît comme favorable, et je pense par exemple aux taux d'intérêt, si importants pour l'immobilier, qui sont à un niveau historiquement bas.
J'ai bien compris néanmoins que vous êtes inquiets pour l'avenir sur le fonctionnement du marché.
Le marché, tout le monde sait cela, c'est la rencontre d'une offre et d'une demande. Pour l'offre, vous craignez la raréfaction de votre matière première, c'est-à-dire le terrain, condition nécessaire pour que vous puissiez maintenir ou développer vos activités.
Du côté de la demande, c'est bien évidemment votre souci d'avoir une demande solvable, c'est-à-dire de trouver des accédants à la propriété ou des investisseurs qui aient des revenus suffisants pour pouvoir acheter vos produits.
Avant de répondre à vos préoccupations, je voudrais d'abord vous faire part de ma conviction qu'il faut absolument continuer à construire et construire davantage dans notre pays. Nous sommes certes très loin des années de la reconstruction, et nous avons depuis longtemps dépassé ces années où il fallait privilégier le quantitatif par rapport au qualitatif.
La croissance démographique est moins forte, mais nous constatons toujours le besoin de logements de nouveaux ménages sous l'effet de la décohabitation, sous l'effet de l'évolution des modes de vie, ou d'autres phénomènes sociaux comme l'allongement de la durée des études supérieures, ou l'augmentation des aléas de la vie.
Par ailleurs, on constate des déséquilibres sérieux dans plusieurs régions, ou bassins d'habitat. Cela peut provenir soit du dynamisme économique ou du développement du tourisme, qui attire de nouveaux habitants, soit au contraire de la nécessité de renouveler un habitat ancien, dégradé, qui ne répond plus aux attentes des habitants.
Mais, vous l'avez dit, pour construire, il faut du foncier. C'est incontestablement d'abord la responsabilité des élus locaux, qui ont une compétence, décentralisée depuis longtemps, en matière d'urbanisme. En même temps, il me revient, comme Ministre chargé du logement et de l'urbanisme, d'être vigilant pour que les règles nationales de nature législative ou réglementaire évite de bloquer pas les projets immobiliers engagés par les acteurs publics ou privés et facilitent l'offre foncière.
Sans le dogmatisme qui a trop longtemps prévalu, je suis convaincu que l'on peut trouver un chemin entre la liberté de construire là où la demande existe et la nécessaire revitalisation de nos centres-villes.
Face à l'opposition traditionnelle ville latine-ville américaine, je privilégie une 3ème voie, la ville française, urbanisée avec pragmatisme et souci de valoriser l'existant et de développer convivialité, mixité et choix individuels.
Beaucoup d'élus m'ont fait part de leurs ras-le-bol sur certaines dispositions d'une loi que vous connaissez bien, la loi dénommée relative à la solidarité et dite de renouvellement urbain. J'ai donc demandé à mes collaborateurs d'expertiser ces dispositions et de faire vite et bien des propositions pour faciliter la production de foncier. Comme je vous l'ai dit au cours d'entretiens précédents avec vous, je suis, Monsieur le Président, preneur de toutes vos suggestions et j'ajoute, rapidement.
Une autre action mérite aussi d'être menée. L'État, directement ou par ses établissements publics, est propriétaire de terrains. Nous pourrons, sous certaines conditions, les mobilisés pour accroître l'offre foncière. Je ne vous en dirai pas plus aujourd'hui, car c'est un travail de longue haleine, et surtout un travail complexe qui mobilisera plusieurs ministères et administrations. Je souhaite m'attaquer à cette question avec mes collègues du Gouvernement.
Enfin, vous pouvez en être sûr, je ne manquerai pas une occasion lors de mes déplacements de rappeler aux élus que une approche trop frileuse de l'offre foncière n'est pas souhaitable, si l'on veut qu'une politique dynamique du logement soutienne le développement économique, social et urbain des agglomérations et que les élus offrent à leurs citoyens une ville où ils sont heureux de vivre.
Le Premier Ministre a annoncé une grande réforme de décentralisation. Cela concerne aussi le logement et c'est une chance pour le logement et l'immobilier. Vous imaginez l'intérêt pour les élus locaux, en particulier dans les agglomérations, de s'engager dans l'urbanisme et pouvoir maîtriser les outils simplifiés de la politique du logement. La décentralisation peut, sans aucun doute, vous aider dans les années qui viennent.
Vous avez ensuite évoqué la demande. Parcourons ensemble les différents maillons de cette chaîne du logement, dont je vous parlais tout à l'heure. D'abord l'accession. Tout le monde me dit que le prêt à taux zéro est un bon produit. II a d'ailleurs été analysé comme tel par un rapport conjoint du Conseil Général des Ponts et Chaussées et de l'Inspection Générale des Finances.
Je souhaite néanmoins qu'une réflexion soit menée avec les professionnels pour optimiser ce dispositif. Et, en attendant, ne cassons pas les ressorts de l'accession sociale.
Votre idée d'un prêt à taux zéro urbain est une idée intéressante et je pense que, pour le développement d'un tel produit, il serait utile de regarder bassin d'habitat par bassin d'habitat. Voir avec les collectivités locales ce qu'elles pourraient apporter, dès maintenant et sans attendre la décentralisation de la politique du logement. Madame KELLER, maire dynamique d'une ville dynamique et confrontée au problème des zones frontalières, a sans doute beaucoup d'idées sur la question.
Toujours sur l'accession, j'ajoute qu'il ne faut négliger aucun produit susceptible d'aider les ménages les plus modestes à devenir propriétaires de leur logement. Cette aspiration est commune à bien des Français, et c'est aux pouvoirs publics d'essayer d'y répondre, tout en leur assurant les conditions maximales de sécurité financière. Ainsi, la location-accession, qui relève aujourd'hui d'une loi trop complexe et qui a donc eu jusqu'à maintenant un succès limité, doit être améliorée. Je suis prêt à travailler avec vous sur ce thème.
Deuxième chaînon, le locatif privé. C'est évidemment une des mes principales préoccupations. Nous observons depuis quelque temps une très forte hausse des loyers en région parisienne, mais aussi ailleurs, ce qui conduit à exclure des centres villes de nombreuses familles y compris, et cela est sans doute nouveau, celles qui ont des revenus assez élevés.
Simultanément, nous observons une certaine réticence des bailleurs à conserver leur patrimoine, soit parce qu'ils considèrent que la rentabilité est insuffisante, soit parce qu'ils craignent des impayés de loyers, voire même une dégradation de leur bien, soit les deux. II existe des réponses. D'abord celle de la fiscalité immobilière, chantier prioritaire dans les années 93 à 97, que je souhaite réouvrir avec mes collègues des finances et du budget et les parlementaires très rapidement. Ensuite, celle de la sécurité des bailleurs qui doit être améliorée et doit faire l'objet d'une concertation avec tous les partenaires intéressés, et au premier chef les représentants des bailleurs et des locataires. C'est en améliorant la situation du secteur locatif existant que nous pourrons faire venir durablement plus d'investisseurs vers l'immobilier et cela n'exclut pas de réfléchir au meilleur dispositif fiscal qui déclenche l'investissement lui-même.
Une partie du locatif privé ne sera, il est vrai, accessible à des ménages à revenus moyens, que si les loyers sont inférieurs aux loyers de marché. Mais des mécanismes existent déjà, vous les connaissez.
C'est le prêt locatif social, le PLS, dont vous vous sentez quelque peu exclus. Vous y avez droit, et je le rappellerai aux Préfets dans la circulaire de programmation 2003 des aides au logement.
II y a aussi la nouvelle intervention du 1 % logement par le biais de la Foncière, qui constitue et va constituer un dispositif innovant tout à la fois de production de logements et de financement des retraites. C'est une occasion pour vous d'accroître votre production de logements.
Puisque vous avez aussi évoqué avec moi un sujet qui est au cur de la relation entre le public et le privé, je vous rappellerai que le gouvernement a su faire preuve de beaucoup de pragmatisme, dans le cadre de ses politiques de justice et de sécurité. Il a adopté des solutions innovantes qui n'ont rien à envier à celles de nos voisins. Gageons que le gouvernement saura faire cela de nouveau, lorsque des besoins appelleront des solutions similaires dans le domaine du logement.
En conclusion, vous l'avez compris j'ai besoin de vous pour dynamiser chaque maillon de la chaîne du logement, que ce soit le locatif public, le locatif privé ou l'accession.
Je sais pouvoir compter sur vous, et je vous en remercie.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 1er octobre 2002)