Déclaration de politique générale de M. Jacques Chirac, Premier ministre, sur le bilan de l'action gouvernementale depuis mars 1986 et les objectifs du gouvernement, à l'Assemblée nationale le 7 avril 1987.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Engagement de la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale le 7 avril 1987

Texte intégral

Monsieur le Président.
Mesdames et Messieurs les Députés.
Le 16 mars 1986, les Français ont donné leur confiance à une nouvelle majorité. C'est celle qui depuis un an, unanime soutient le Gouvernement.
Pourquoi les Français l'ont-ils fait ? Parce qu'ils avaient le sentiment que la France n'était pas engagée sur la bonne voie.
Certes, la situation mondiale expliquait et explique encore une part de nos difficultés ; je mentionnerai notamment :
- l'instabilité monétaire internationale qui fait monter les taux d'intérêt et freine ainsi l'expansion ;
- l'endettement des pays en voie de développement ;
- le déséquilibre des balances commerciales et, dans de trop nombreux pays, des déficits budgétaires massifs.
Le monde connaît une situation caractérisée par une croissance économique insuffisante et, par conséquent, par un chômage qui partout, ou à peu près partout, est de l'ordre de 10 % de la population active.
Mais la situation difficile que nous avons héritée, il y a un an, avait également, nul ne peut l'oublier et encore moins le contester, des causes propres à la politique qui avait été suivie de 1981 à 1986.
Notre économie souffrait d'une excessive rigidité et d'un grave manque de compétitivité. Les résultats du commerce extérieur étaient décevants. La croissance était plus faible que celle de nos voisins tandis que la hausse des prix était plus forte ; le déficit budgétaire avait progressé à un rythme tel que notre dette publique avait triplé ; plus de 600 000 emplois avaient été détruits au cours des cinq années précédentes.
La dégradation de notre compétitivité était liée, notamment, à l'accroissement des charges des entreprises. Nous avions pris un retard important en matière d'investissement productif, puisque celui-ci a baissé régulièrement entre 1981 et 1984 alors que nos principaux concurrents poursuivaient la modernisation de leur équipement industriel. Notre économie manquait de flexibilité dans tous les secteurs et sur tous les marchés - qu'il s'agisse du marché des biens et des services, du marché du travail, ou du marché des capitaux. L'insuffisante rentabilité de nos entreprises était d'autant plus inquiétante que celles-ci supportaient des taux d'intérêt réels élevés.
A cela s'ajoutaient des phénomènes d'une autre nature mais tout aussi préoccupants pour l'unité et la cohésion de notre Pays :
- l'insécurité et la violence,
- la montée du chômage frappant tout spécialement la jeunesse,
- la diminution du pouvoir d'achat des familles et du revenu agricole,
- la naissance d'une nouvelle pauvreté avec son cortège d'inégalités et d'injustices,
- la menace sur l'équilibre financier des régimes sociaux due, notamment, à des décisions hâtivement prises et sans couverture financière.
Enfin, l'État pesait chaque jour plus lourdement sur la vie politique, économique et sociale du pays par :
- les nationalisations intempestives,
- l'accroissement des interventions bureaucratiques de toute nature,
- le maintien du régime de contrôle administratif sur les prix, sur les changes, sur le crédit, sur la gestion sociale des entreprises.
Tout concourait à rendre plus insupportable aux Français une emprise de l'État qui les paralysait de plus en plus.
Voilà pourquoi ils se sont détournés de l'ancienne coalition élue en 1981 et voilà pourquoi ils ont confié à une nouvelle majorité le soin de mettre en oeuvre une autre politique pour que la France redevienne :
- un pays plus uni, aux tensions réduites et non pas aggravées,
- un pays plus libre avec un État à sa place et assurant vraiment les responsabilités qui sont les siennes,
- un pays plus dynamique où la croissance permet de stopper la destruction des emplois,
- un pays plus juste où de vraies mesures sont prises pour les plus défavorisés,
- un pays enfin plus respecté dans le monde, parce que plus assuré dans sa puissance économique et les moyens de sa défense.
En un mot comme en cent, Mesdames et Messieurs les Députés, les Français n'ont plus voulu du socialisme.
Sitôt élue, la nouvelle majorité a dû prendre une première décision : dès lors que le Président de la République était déterminé, en dépit des résultats de la consultation électorale, à rester en fonction et que cette décision ne pouvait être légalement contestée par quiconque, que fallait-il faire ?
Refuser de gouverner, c'était prendre le risque d'ouvrir une crise, peut-être une crise de régime, avec son cortège de gouvernements renversés, de mandats interrompus, de contestation dans le Pays. C'était aussi, alors que notre économie exigeait un redressement immédiat, la laisser s'affaiblir encore.
Il fallait à l'évidence prendre acte de la situation créée par la volonté des Français et assumer pleinement nos responsabilités.
Je sais que cette décision a fait, à l'époque, l'objet de nombreuses discussions : aurions-nous les moyens de gouverner, pourrions-nous, en deux ans, commencer le redressement et le rendre suffisamment tangible pour que les Français en mesurent les effets dès 1988.
Malgré ces interrogations nous n'avons pas hésité. Nous avons pensé que, puisque nos concitoyens nous avaient fait confiance, il n'était ni possible, ni démocratique de refuser le mandat qu'ils nous avaient conféré. Le Pays ne l'aurait pas compris. Il ne nous aurait pas pardonné de fuir nos responsabilités.
C'est ce qui a entraîné la constitution d'un gouvernement soutenu par l'Union pour la Démocratie Française et par le Rassemblement pour la République.
Ce gouvernement, que j'ai l'honneur de diriger, se présente aujourd'hui devant vous, au bout d'un an de gestion, pour vous demander de lui confirmer votre confiance.
S'il le fait, c'est parce qu'il est bon qu'à échéance régulière la représentation nationale réaffirme par un acte solennel, son soutien. Mieux que son soutien, son adhésion profonde aux objectifs définis en commun et à l'action que nous menons, sous son contrôle.
Je suis sûr que vous confirmerez ainsi que la voie choisie, il y a un an, était la bonne, que vous continuerez à la soutenir sans réserve, que vous êtes décidés à le faire jusqu'au bout, et que vous êtes prêts à la justifier et à la défendre devant les Français au printemps 1988.
Quelle politique avons-nous menée depuis un an ? Je puis dire, sans crainte d'être contredit, que jamais un gouvernement n'a autant fait et en aussi peu de temps, pour changer en profondeur notre société.
Je n'ai pas l'intention de dresser ici la liste de tout ce qui a été entrepris. Mais permettez-moi de vous en rappeler l'essentiel que l'on peut rassembler autour de quatre grandes idées :
- un meilleur fonctionnement de notre démocratie ;
- plus de justice et de sécurité pour les Français ;
- plus de responsabilité et de participation des citoyens ;
- plus de liberté pour tous.
Un meilleur fonctionnement de notre démocratie, c'est le retour au scrutin majoritaire qui seul permet à la fois aux électeurs d'effectuer un choix clair et simple et de confier le Gouvernement à une majorité unie, sans risque de retour au système des partis dont la France a tant souffert dans le passé.
Plus de justice pour les Français, c'est s'attaquer aux deux inégalités les plus inacceptables dans notre société : l'inégalité devant la société, l'inégalité devant l'emploi.
Pour la sécurité, nous avons pris les mesures qui s'imposaient pour renforcer notre dispositif de lutte contre la délinquance, la criminalité et le terrorisme.
Face au chômage, nous avons immédiatement adopté un plan d'urgence en faveur de l'emploi des jeunes ; nous avons assoupli les règles de gestion des entreprises pour leur permettre d'accroître leurs embauches ; nous avons défini de nouvelles mesures en faveur des chômeurs de longue durée ; nous avons engagé un vaste programme de modernisation de notre système de formation professionnelle.
Plus de responsabilité des citoyens, tel est le sens non seulement de l'ordonnance que nous avons prise pour développer l'intéressement et la participation des travailleurs à la gestion, aux résultats et au capital de leur entreprise, mais aussi du programme ambitieux de privatisation que nous avons mis en oeuvre. Car, en faisant adopter par le Parlement la privatisation en cinq ans de 65 entreprises publiques, nous avons voulu développer enfin dans notre pays un véritable actionnariat populaire, c'est-à-dire permettre aux salariés des entreprises concernées et à tous les Français de devenir les propriétaires des grandes sociétés industrielles et financières de notre pays.
Enfin, et j'allais dire surtout, plus de liberté pour tous. En ce domaine, les mesures que nous avons prises sont nombreuses et concernent tous les aspects de notre vie économique et sociale :
- rétablissement des libertés économiques : liberté des changes, liberté du crédit, liberté des prix et mise en oeuvre d'un droit moderne de la concurrence ;
- liberté de gestion des entreprises grâce à l'assouplissement des règles du droit du travail qui, par leur rigidité, leur complexité et leur lourdeur jouent en fait contre l'emploi ;
- réduction partout où cela était possible et souhaitable, de l'emprise de l'État, en diminuant les prélèvements fiscaux, en exonérant d'impôts plus de deux millions de familles à revenus modestes, en rendant plus équitables, plus humains, moins inquisitoriaux les rapports entre les contribuables et l'administration fiscale ;
- liberté dans le secteur de la communication et de l'audiovisuel avec la création de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés et l'instauration du pluralisme dans la télévision et la radio.
Il est bien évident que de tels changements supposaient que, parallèlement, nous engagions fermement le redressement de notre économie. C'est ce que nous avons fait dès le mois d'avril en donnant à notre monnaie une valeur réaliste et stable, en engageant dès le collectif de 1986 un effort important de réduction du déficit budgétaire, effort intensifié par la suite dans le budget de 1987, en menant une politique monétaire rigoureuse, en refusant, quelles que soient les difficultés rencontrées sur notre chemin, la facilité dans le domaine des rémunérations, bref en choisissant une politique économique de sagesse et de rigueur financière.
Quel est finalement le sens de notre action ? C'est de remettre notre Pays au niveau des grandes démocraties modernes. C'est d'engager le redressement par la liberté et pour le progrès.
Quels sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les résultats obtenus au bout d'un an ?
Tout d'abord, nous avons gouverné avec le souci de notre responsabilité devant le pays. Nous en sommes fiers et la majorité qui nous a soutenus peut en être également fière. Ensemble, nous avons participé à une action de rénovation et de libération sans précédent, action de plus en plus remarquée à l'étranger et qui laissera sa marque durable sur notre Pays. La France a changé et elle a changé grâce à nous. Dans ses profondeurs, la Nation s'en rend compte.
Les résultats, quels sont-ils ? La sécurité est mieux assurée, et nos concitoyens le constatent dans leur vie quotidienne.
L'accord national sur la politique de défense renforce l'influence de la France dans le monde.
Les privatisations, en dépit des pronostics pessimistes de certains experts, connaissent un succès extraordinaire.
Quatre mois ont suffi à mettre en oeuvre deux très importantes privatisations : Saint-Gobain et Paribas. Dix autres opérations sont aujourd'hui engagées. En moins d'un an, plus du quart de notre programme de législature aura été réalisé.
Sur le plan financier, l'affectation des produits des privatisations à l'amortissement de la dette publique allège les prélèvements de l'État sur le marché ; les dotations complémentaires accordées aux entreprises nationales permettent à celles-ci d'accroître leur effort d'investissement et de recherche.
Mais surtout comment ignorer désormais l'immense succès populaire des privatisations, qu'il s'agisse du personnel ou des petits épargnants ?
50 % des salariés ou des retraités de Saint-Gobain et de Paribas ont choisi de devenir actionnaires de leurs entreprises. Pour une société régionale comme la SOGENAL, 97 % de ses salariés en France ont voulu acquérir des actions de leur banque. Plus de 3 800 000 souscriptions individuelles de petits porteurs ont été recensées pour Paribas. Grâce à la privatisation et à l'extraordinaire développement du marché financier qu'elle a suscités, le nombre des actionnaires directs, dans notre pays, a plus que triplé. Il ne s'agit pas là simplement d'un succès économique mais d'une profonde révolution dans notre société.
Notre économie amorce son redressement : le déficit budgétaire diminue, l'endettement extérieur de l'État aussi. La croissance a augmenté l'année dernière deux fois plus que l'année précédente et nous avons recommencé à créer des emplois. Notre commerce extérieur est équilibré, nos investissements productifs ont augmenté en volume. L'inflation a été ramenée au niveau moyen de celui de nos voisins. L'emploi des jeunes s'est amélioré. Si globalement le chômage continue d'augmenter en raison de l'arrivée sur le marché du travail, chaque année, d'environ 200 000 demandeurs d'emplois supplémentaires, il ne faut pas oublier que, pour la première fois depuis 1981, nous avons, en 1986, créé, dans le secteur marchand de notre économie, plus d'emplois qu'il n'en a été détruit.
Certes, ces résultats sont encore limités et insuffisants. Le redressement n'en est qu'à ses débuts. L'effort que nous avons encore à accomplir est un effort de longue durée. Je sais et vous savez bien tous que, depuis 1973, notre Pays a trop donné à la consommation et pas suffisamment à l'investissement et au renforcement des entreprises. Nous en supportons les conséquences et nous les supporterons encore plusieurs années. Ce n'est pas en quelques mois que pareille situation peut être redressée. Il nous faut du temps, de la patience, de la volonté et du courage.
Certes les difficultés ne nous ont pas manqué. Nous les avons connues notamment à la fin de l'année dernière. Un projet de loi sur la réforme des universités, qui allait dans la bonne direction et qui ne justifiait pas les reproches qui lui étaient faits, a soulevé tellement d'incompréhension, spontanée ou organisée, que j'ai jugée préférable de le retirer. Il ne sert à rien d'engager de bonnes réformes ; encore faut-il qu'elles soient bien comprises et bien admises pour pouvoir être bien appliquées.
C'est ensuite, des difficultés sociales que nous avons rencontrées. Au cours d'un hiver exceptionnellement rude, une grève a paralysé, durant plusieurs semaines, les grands services publics. Je n'ai pas cru possible, ni souhaitable, de modifier la politique suivie en matière de salaires. Dès lors que, dans le secteur public comme dans le secteur privé, le maintien du pouvoir d'achat était assuré, il ne pouvait être question de modifier l'équilibre de notre économie, d'aggraver les charges des entreprises, le déficit du budget, et de risquer une relance de l'inflation en cédant à la facilité. Je ne prétends pas que les revendications étaient illégitimes. Je dis simplement que, dans la situation qui était la notre, il n'était pas possible de modifier nos décisions. Je ne l'ai donc pas fait.
Troisième difficulté enfin, les difficultés monétaires le mouvement erratique des monnaies a entraîné de graves tensions dans le système monétaire européen, dont le franc a supporté les effets, malgré une politique économique qui est publiquement appréciée par tous nos partenaires. C'est la raison pour laquelle, nous nous sommes employés à proposer une réforme du système monétaire européen et nous avons fait en sorte que puissent se réunir à Paris les Ministres des Finances des grands pays industrialisés. Ils ont conclu le 23 février dernier les accords du Louvre qui constituent un pas important pour le rapprochement des politiques économiques des pays industrialisés, la convergence de leurs interventions sur les marchés et l'affirmation de leur solidarité monétaire.
Ces difficultés, Mesdames et Messieurs les Députés, ces difficultés là, ou d'autres, étaient prévisibles. Une politique de redressement ne se fait jamais sans mécontentements, ni tensions, d'autant que les efforts précèdent les résultats qui n'apparaissent que plus tard. Cela, nous le savions, vous le saviez, et c'est un risque que nous avons couru les yeux ouverts, parce qu'il y allait du service de notre pays qui devait être gouverné.
Si c'était à refaire, je ne doute pas que nous effectuerions le même choix, tous ensembles, malgré les difficultés. Quant à moi, je le referais sans hésitation.
Il nous reste beaucoup à entreprendre et à réussir. Je le sais, on a parlé ici ou là, de pause : pause économique, pause sociale, pause dans les réformes de société... au point que le seul domaine qui aurait pu échapper à l'engourdissement eût été celui de la polémique et de la politique.
Je veux réaffirmer devant vous ce que j'ai déjà dit : il n'est pas question, si peu que ce soit, de faire une pause. L'action du Gouvernement doit se poursuivre avec la même volonté, le même dynamisme, la même ardeur.
La pause ? Qu'on juge du nombre et de l'ampleur des réformes qui restent à engager et dont les textes vous seront soumis durant la présente session ou à l'automne prochain.
Dès après le débat de confiance, le Gouvernement présentera à votre examen et, j'en suis convaincu, à votre approbation, le projet de loi-programme d'équipement militaire. Ce projet doit permettre de démontrer, s'il en était besoin, que la France est unanimement résolue à assumer sa défense et à s'en donner tous les moyens.
Consacrant un effort sans précédent par son ampleur, sa progression et sa continuité, à l'équipement de nos forces nucléaires et classiques, la loi permettra de lancer les grands programmes qu'exigent le maintien de notre capacité de dissuasion, la prise en compte des nouveaux enjeux tels que l'espace, et la modernisation de nos forces conventionnelles pour l'action qui doit être la nôtre en Europe et dans le Monde.
La session qui vient de s'ouvrir sera également l'occasion de poursuivre le mouvement de libération de notre économie, gage de sa modernisation, par la loi sur l'épargne, par la réforme de la Bourse ou celle des entreprises d'assurances, par l'aménagement des procédures fiscales ou par l'encouragement du mécénat au service de l'initiative et de la solidarité.
Vous pourrez aussi, Mesdames et Messieurs les Députés, apporter un règlement définitif aux difficiles problèmes rencontrés par nos compatriotes rapatriés d'Afrique du Nord. C'est l'ensemble de notre communauté nationale qui, depuis trop longtemps, a contracté envers eux, une dette financière - je pense naturellement aux questions liées à l'indemnisation - mais aussi, chacun en est conscient - une dette morale. Par delà le nécessaire effort financier, il y va de notre unité, il y va de notre dignité.
Vous aurez, par ailleurs, à discuter de l'organisation du référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, dont la population est si proche de notre coeur. La procédure qui vous sera proposée, parce qu'elle est démocratique et conforme à notre Constitution, vise à réaffirmer la primauté du droit, source de toute liberté.
Il appartiendra aux habitants - à tous les habitants - de la Nouvelle-Calédonie de déterminer eux-mêmes leur avenir. Cet avenir passe par le respect d'autrui, par le rejet des égoïsmes, par une compréhension accrue de chacune des communautés de cet archipel plein d'avenir parce que riche de sa diversité.
Notre effort de lutte contre l'insécurité devra également être poursuivi. Beaucoup a déjà été fait mais beaucoup reste à faire. Vous serez saisi de projets relatifs à la répression du trafic et de l'usage des stupéfiants, tant il est vrai qu'il nous faut apporter de vraies solutions aux ravages causés par la drogue dans notre pays, singulièrement chez les jeunes. Vous aurez aussi à vous prononcer sur l'accroissement des moyens de nos établissements pénitentiaires. Lorsque toutes les autres solutions ont été essayées et qu'elles restent vaines, il faut recourir sans état d'âme, à la répression. Mais la défense de la société ne se conçoit que si cette répression est effective, que si les sanctions sont appliquées et les peines purgées. Le système pénitentiaire dont nous disposons ne répond plus à ces exigences. Les conditions de détention, conséquence de la surpopulation des prisons, sont indignes de notre pays. Il faut donc apporter des solutions efficaces.
Enfin, parce que le chômage est le pire des fléaux, en même temps que la première des injustices, un effort tout particulier sera fait dans trois directions. Effort de modernisation par un meilleur aménagement du temps de travail, c'est-à-dire par plus de souplesse dans l'organisation du travail et par une nouvelle utilisation des équipements grâce à la négociation contractuelle. Effort de solidarité ensuite en faveur des plus vulnérables, et je pense ici, notamment aux chômeurs de longue durée que nous devons, par des aides spécifiques, réinsérer dans les entreprises. Effort enfin de formation, qui est au coeur de notre projet social. Parce que nous voulons jouer cette carte maîtresse, nous avons engagé tes partenaires sociaux, par le dialogue et la concertation, à moderniser un dispositif vieux maintenant de 15 ans. Depuis des années des efforts considérables ont été consentis mais des dispositifs de plus en plus complexes ont été élaborés. Il nous faut tenir compte du rythme accéléré des changements technologiques et de leurs conséquences sur l'emploi, savoir réexaminer les priorités, simplifier les procédures, responsabiliser davantage encore les entreprises. J'ai bon espoir que les négociations qui vont s'ouvrir, et notamment dans les branches professionnelles, donneront un nouvel élan à la formation, c'est-à-dire une meilleure capacité d'adaptation des travailleurs aux évolutions de l'économie, un nouveau champ de dialogue, de nouveaux outils de promotion sociale.
Voici, Mesdames et Messieurs les Députés, les principaux textes qui seront soumis à votre examen. Comme vous le voyez, le champ de votre réflexion et de votre décision est largement ouvert devant vous. Je suis convaincu que vos débats seront l'occasion de manifester l'union de la majorité et sa coopération étroite avec le Gouvernement.
Voter des textes ne suffit cependant pas. Les grandes réformes que nous avons engagées et celles qu'ensemble, nous allons entreprendre doivent aussi, et je dirai surtout, entrer dans les faits.
Lutter contre l'inflation, mettre en oeuvre le nouveau droit de la concurrence : c'est changer nos habitudes, c'est modifier nos comportements.
Préparer pour 1988 une nouvelle baisse des déficits et une nouvelle baisse des impôts, privatiser mois après mois les entreprises que nous avons décidé de rendre aux Français : c'est affirmer dans les faits notre volonté d'entrer dans une véritable économie de marché.
Développer l'accueil en entreprise des jeunes et des chômeurs de longue durée, rénover l'apprentissage, donner à tous les salariés licenciés le droit à un plan social, adapter, à l'initiative des partenaires sociaux, notre dispositif de formation continue, exploiter les nouveaux gisements d'emploi et favoriser l'apparition d'activités nouvelles par le moyen du programme d'insertion locale, des associations intermédiaires ou par l'aide aux emplois à domicile, améliorer les TUC : c'est démontrer concrètement, jour après jour, notre détermination de lutter contre le chômage, de tout faire pour qu'à plus de création de richesses dans l'économie correspondent plus de création d'emplois, de donner enfin à tous, par la formation, un travail plus qualifié.
Gérer notre monnaie de façon responsable et sage pour lutter contre l'inflation et préserver la stabilité des changes : c'est inscrire dans les faits le renforcement de la compétitivité de nos entreprises, leur aptitude à exporter ; c'est leur rendre les moyens de créer des emplois.
Mettre en oeuvre avec dynamisme et générosité les dispositions prévues dans la loi de programme pour les départements d'Outre-mer, c'est renforcer l'unité nationale et la solidarité entre tous les Français.
Ces textes, ces efforts... bref cette grande mutation : est-ce la pause ? Certes non ! C'est l'action ! C'est l'action engagée et poursuivie avec vigueur et détermination.
La politique que nous menons, grâce à votre soutien, serait cependant bien incomplète si nous nous dispensions, par facilité, de régler certains grands problèmes de fond ou de société qu'un texte de loi ou une action gouvernementale ne suffit pas à résoudre.
Il est des questions auxquelles il n'incombe pas au Gouvernement seul, de répondre à priori. C'est la société dans son ensemble, au milieu des difficultés, des échecs mais aussi des succès, qu'il appartient de dégager les voies d'une solution mûrement réfléchie.
S'agit-il du code de la nationalité ? Je dis très nettement qu'il n'est ni de près, ni de loin, question d'en abandonner la réforme. Devenir citoyen français est un honneur, une chance, et doit être une joie. C'est un évènement heureux, qui ne saurait être imposé, ni contraint, et encore moins dévalué.
Mais pour ces mêmes raisons, il ne saurait être question d'imposer telle ou telle solution sans l'expliquer et la faire comprendre, favorisant ainsi les réactions les plus passionnelles, les plus fausses, voire les moins bien intentionnées.
J'ai donc demandé que soit engagée sur ce point la plus large concertation, en sorte que les opinions les plus diverses et les autorités les mieux reconnues puissent être entendues.
Je ne doute pas qu'ainsi, nous parvenions à dégager des solutions conformes à nos traditions.
S'agit-il de notre système de protection sociale ?
Chacun connaît sa contribution majeure aux progrès de notre pays ; chacun mesure aussi aujourd'hui les dangers qui menacent une institution irremplaçable. La Sécurité sociale, c'est le bien commun de tous, c'est notre patrimoine ; j'y suis profondément attaché comme nous tous. Je n'accepterai jamais de la remettre en cause. Son avenir exige une réflexion collective et des choix à faire en commun, car le second problème de notre société, après l'emploi, le voilà : le maintien de notre Sécurité sociale qui a su concilier liberté et solidarité, au bénéfice notamment des plus défavorisés. J'ai confiance dans l'esprit de responsabilité des Français. Nous répondrons à ce défi. Les États généraux que j'ai souhaité organiser permettront d'analyser ensemble la situation et les solutions à mettre en oeuvre. Je saisirai le Parlement en temps opportun pour qu'il en débatte.
Notre action, votre action, est toute entière consacrée au redressement du Pays. Des réformes d'importance restent à entreprendre ; des réflexions de fond doivent être engagées pour que notre société fasse peu à peu naître en elle-même, un nouveau pacte social où chacun reconnaîtra que la place qui lui est faite est juste, que sa dignité est reconnue, que sa participation à l'effort de tous est appréciée et que de lui dépend aussi le succès et la grandeur du Pays.
Le Général de Gaulle nous a enseigné qu'il ne peut y avoir d'avenir pour les Français que si nous savons définir et mettre en oeuvre un grand projet pour la France.
Je crois que cette vérité avait été un peu oubliée depuis quelques années et que nous étions retournés à nos vieilles querelles et à nos intérêts égoïstes.
Le monde est aujourd'hui impitoyable, dangereux et imprévisible.
Face aux défis de cette fin de siècle, la France peut choisir deux voies.
La première est celle de la facilité. Elle consiste à subir une évolution qui nous mènera inexorablement au renoncement et au compromis. Elle accepte comme une fatalité que notre pays devienne une nation moyenne et résignée. Il ne faut pas se cacher la vérité, tous les exemples le montrent : lorsque l'on emprunte cette voie, on ne s'arrête plus, c'est celle de la décadence.
La seconde voie, plus difficile, c'est celle du refus et de la volonté, refus de subir et volonté d'agir et surtout de réagir. C'est le chemin de l'effort. C'est celui de la dignité.
C'est le projet qu'ensemble la majorité propose à la France.
Mais pour le bâtir, il faut savoir à la fois se prémunir contre les menaces qui nous assaillent et effectuer les efforts pour défendre et affermir notre démocratie.
Les menaces, j'en citerai trois qui me paraissent, actuellement, les plus dangereuses pour le Monde et pour la France.
La première est celle de l'affrontement, et de la violence et du terrorisme. La course aux armements, les guerres et les tensions du Moyen Orient ou de tant d'autres endroits du globe, la volonté d'impérialisme ou de domination de certaines nations ou de certaines idéologies, tout ceci met en péril la paix.
Sur ces différents points nous avons clairement affirmé notre détermination.
En ce qui concerne les négociations entre les grandes puissances que sont les États-unis et l'URSS, si nous souhaitons très profondément qu'elles débouchent sur un accord solide et durable, nous entendons qu'elles ne soient pas conclues au détriment des intérêts vitaux des pays européens.
Les conversations très positives que j'ai eues récemment avec les responsables américains m'ont rassuré sur ce point.
Quant aux guerres qui se prolongent malheureusement dans tant d'endroits, faisant des centaines de milliers de morts, et menaçant, à chaque moment, d'embraser une partie du globe, nous nous efforçons, chaque fois que nous le pouvons, de contribuer à l'apaisement et à la paix.
Tel a été le cas au TCHAD, où la France a eu le souci constant de préférer les solutions durables aux coups d'éclat éphémères. Les succès récents des forces gouvernementales couronnent les efforts des Tchadiens pour la libération de leur pays, en même temps qu'ils récompensent la politique patiente et déterminée de la France, menée en plein accord avec ses amis africains.
Plus douloureuses pour notre pays, les épreuves que nous avons subies en septembre dernier ont montré le courage et la détermination de nos concitoyens face au terrorisme. Je tiens à rendre à nouveau hommage aux forces de l'ordre ainsi qu'à tous les responsables politiques qui ont fait face dans la dignité et l'unité, à ce péril.
J'ai défini, ici même, le 8 octobre, les principes de notre politique devant les menaces terroristes. Ils sont et seront appliqués sans faiblesse. Nos services de police et de renseignement mènent, avec obstination et succès, une lutte implacable pour prévenir, autant que faire se peut, le retour de ces événements tragiques. Chacun doit savoir que la France ne cédera jamais au chantage, d'où qu'il vienne.
La deuxième menace est celle qui résulte des déséquilibres économiques et sociaux dans le monde. Il n'est plus possible de refuser d'aborder de front le problème des pays en voie de développement et de regarder, impuissants ou résignés, ceux-ci s'enfoncer dans plus de misère, plus de retard et plus d'endettement. C'est une question de dignité de l'Homme.
La France propose, et je viens de le dire personnellement avec la plus grande conviction au Président Reagan, que les nations riches prennent sans tarder des initiatives généreuses et audacieuses pour contribuer à résoudre ce problème. Si nous ne le faisons pas, nos enfants, qui sont peut-être plus que nous, épris d'idéal et de générosité, nous reprocheront un jour d'avoir accepté, égoïstes et résignes, que des hommes, des femmes, ou des enfants, puissent encore mourir de faim ou d'épuisement.
Enfin, troisième menace, comment ignorer l'incapacité de nos sociétés modernes et industrielles, d'assumer, sans nouvelles injustices et sans déséquilibre profond, le problème de leur propre développement. Ce que l'on a appelé les "30 glorieuses", où nous avons su concilier progrès social et développement économique n'était pas un miracle. C'était un moment privilégié dans l'évolution de l'humanité où une civilisation, la civilisation occidentale, a su construire un modèle culturel, économique, social, politique, technologique qui a engendré prospérité et progrès. Ce modèle ne fonctionne plus harmonieusement ; il faut en bâtir un autre et ne pas accepter comme une fatalité le sous emploi, la naissance de nouvelles inégalités ou l'apparition d'une pauvreté que nous pensions avoir définitivement chassées, au moins, dans nos nations industrielles.
Tels sont les défis que nous avons à relever avant la fin de ce siècle. Nous avons la capacité de le faire à condition d'en avoir la volonté, et que les Français soient bien conscients des choix qu'implique une politique de redressement, et qu'ils acceptent les efforts qu'elle exige.
Le premier effort est celui pour l'indépendance nationale et le rayonnement de la France. Nous le faisons sans réserve par notre politique étrangère, par nos actions de coopération et par le renforcement de nos moyens de défense.
Mais cette indépendance serait illusoire si elle ne reposait sur une puissance économique forte et dynamique, et c'est là le deuxième effort que nous avons à faire. Rien n'est plus nécessaire que de construire une économie plus moderne, plus souple, plus ouverte sur l'extérieur, moins entravée par les rigidités étatiques, plus imaginative et qui sache créer suffisamment d'emplois pour extirper de notre société le fléau du chômage.
Il faut que nous ayons conscience que, par delà les échéances électorales, l'essentiel est pour nous de préparer la France aux grands affrontements de demain. Les affrontements se dérouleront d'abord à l'intérieur de l'Europe. C'est fin 1992 que naîtra le grand marché intérieur de 320 millions d'habitants. Ce marché sera libre de toute entrave, ses règles seront harmonisées et nous serons, sans plus aucune protection, en compétition avec nos voisins. Ce défi, qui est aussi une chance, il n'est pas trop tôt pour nous y préparer.
Dans cet esprit, l'essentiel c'est aussi que la jeunesse soit préparée à assumer les responsabilités de la gestion de notre pays et à consolider les fondements de notre société, et qu'elle fasse sienne cette nouvelle ambition.
Rien ne serait plus grave que de donner à nos enfants le sentiment que nous ne savons pas préparer leur avenir, que nous ne savons pas prendre en compte leurs préoccupations. C'est pourquoi j'attache une importance toute particulière aux problèmes d'éducation et de formation : formation dans l'école, formation aux disciplines de la sensibilité par le développement des enseignements artistiques, formation dans l'université, formation dans l'entreprise, qui ont pour objet de donner à la jeunesse les moyens d'assumer son avenir. C'est pourquoi aussi notre société doit être plus ouverte, plus tolérante, plus accueillante et plus humaine. Elle doit tenir compte du malaise des générations nouvelles qu'inquiète l'avenir et qui ne se reconnaissent pas toujours dans les valeurs sur lesquelles nous vivons encore.
Ce n'est certes pas au Gouvernement de résoudre seul ces problèmes.
Mais c'est au Gouvernement et c'est là notre troisième effort, de faire en sorte que se développe dans notre société, un nouveau type de relations.
Les Français souhaitent agir sur leur destin plutôt que le subir, ils veulent participer et être responsables.
Cela n'appelle pas la démission de l'État, cela suppose un renouveau du dialogue social. Tel est l'enjeu désormais de la politique contractuelle.
Comment nier que celle-ci rencontre depuis quelques années, en dépit des efforts des partenaires sociaux, des difficultés à s'épanouir? A cela bien des motifs, liés aux habitudes des temps de croissance et d'inflation.
Nous avons eu aussi pour tradition de négocier de manière centralisée, sous l'impulsion tutélaire de l'État, plutôt que de rechercher des accords plus près des salariés, au niveau de la branche et des entreprises.
Ces habitudes doivent évoluer. A l'État le soin de définir les principes, chaque fois que de besoin ; à lui de prendre ses responsabilités quand il faut intervenir sur un plan législatif ou réglementaire.
Aux partenaires sociaux, dans l'entreprise et dans la branche, et quand il le faut sur le plan national, le soin d'organiser les relations sociales par la négociation.
Ce n'est pas parce qu'il y a des difficultés économiques qu'il ne doit plus y avoir de négociation possible.
Qui ne comprend l'importance de sujets aussi essentiels que les conditions de travail, la formation professionnelle, la promotion et la qualification, les mutations technologiques ?
Autant de possibilités nouvelles pour les relations contractuelles, autant d'occasions de mieux prendre en compte les aspirations des salariés, leur volonté de concilier progrès économique et progrès social, leur capacité d'innovation et de participation.
C'est là toute notre démarche. Nous voulons une société plus contractuelle : d'où l'action conduite pour lever les rigidités législatives et réglementaires, pour laisser de nouveaux espaces d'initiative, pour développer plus de souplesse dans les relations sociales, bref pour renforcer le rôle des partenaires sociaux et de tous ceux qui doivent être les acteurs du changement.
Plus de responsabilité, plus de participation, plus d'information, plus de dialogue, voilà les objectifs qu'il nous faut atteindre.
Une nation indépendante, économiquement forte, socialement solidaire, toutes ces ambitions, la France doit les accomplir au sein d'une Europe unie et déterminée. Mais la aussi, il ne faut pas se bercer de fausses illusions.
L'Europe n'existera pas si elle n'est qu'une affaire de fonctionnaires ou de marchands. Comme ce fut le cas pour nos nations, forgées par l'Histoire, l'Europe ne s'affirmera que si elle parvient à créer une nouvelle culture et à prendre en mains sa propre défense.
Au moment où les deux plus grandes puissances donnent à leur dialogue stratégique une ampleur qu'il n'avait pas connue depuis longtemps, il est urgent que les Européens fassent entendre leur voix et assument ensemble toutes leurs responsabilités. A cet effet, j'ai pris l'initiative de proposer au seul forum européen compétent dans ce domaine - l'Union de l'Europe Occidentale - une tache maîtresse : sensibiliser les opinions publiques aux exigences de la sécurité et consacrer ces dernières dans une "charte" solennelle.
Dans le même esprit, il convient de développer l'action et les initiatives du Conseil de l'Europe pour affirmer sans cesse davantage la vocation de nos peuples à la défense des Droits de l'Homme.
Notre pays doit assumer un rôle d'entraînement pour la réalisation de ce grand dessein. Voilà une autre ambition sur laquelle les Français doivent se rassembler.
L'action que je mène depuis un an avec mon Gouvernement et avec le soutien de la majorité, s'inscrit ainsi, Mesdames et Messieurs les Députés, dans la durée et dans une vision à long terme de notre société et de l'avenir de notre pays.
La cinquième République a donné à la France des institutions qui lui épargnent les coalitions éphémères et les programmes de circonstance.
Nous avons besoin de patience. Nous devons refuser les solutions de facilité.
Nous avons besoin de temps pour que notre économie retrouve un dynamisme suffisant pour recréer des emplois.
Nous avons besoin de temps pour contrarier l'évolution séculaire de notre pays où l'État s'insérait dans tous les domaines de notre vie quotidienne, au détriment des grandes tâches de souveraineté, de justice et de sécurité qui doivent être les siennes.
Nous avons besoin de temps pour inventer de nouvelles formules de dialogue avec les partenaires sociaux, avec les jeunes, avec les associations.
Nous avons besoin de temps pour construire une Europe qui puisse tenir son rang dans le monde et affirmer, unie et ouverte sur l'extérieur, son indépendance, sa puissance et son dynamisme économiques.
Certes, je le sais. Mesdames et Messieurs les Députés, et nous le savons tous, la situation politique dans notre pays risque d'être dominée, dans l'année qui vient, par la perspective de la prochaine élection présidentielle. A cette occasion, il y aura, comme il est légitime dans une démocratie, un grand débat national sur le meilleur moyen de préparer notre pays à la grande échéance de 1992.
Car, que personne n'en doute, tel est le véritable enjeu : nos entreprises seront-elles prêtes dans moins de cinq ans à affronter à armes égales les entreprises des pays qui sont nos partenaires dans la communauté ? Saurons-nous à temps prendre les innombrables mesures économiques, sociales, fiscales, douanières, juridiques, bancaires, nous permettant d'entrer avec toutes nos chances dans ce grand marché de trois cent vingt millions d'habitants ? La France saura-t-elle, comme elle le fit dans les premières années du Marche Commun, relever le gant ? La France saura-t-elle, comme elle le fut longtemps sous la cinquième République, être le pays à la croissance la plus rapide, aux investissements les plus forts ? La France saura-t-elle redevenir en Europe le pays qui montre la voie aux autres parce que son économie s'est redressée, parce que sa société s'est rassemblée?
Je le dis à la majorité qui soutient avec constance et courage l'effort difficile du Gouvernement : voilà l'ambition qui doit être la nôtre désormais. Au regard de cette ambition, l'échéance de 1988, aussi importante qu'elle soit, doit avoir pour seul objet de répondre à la question suivante : comment nous préparer, dans les meilleures conditions, à entrer de plain-pied dans le grand marche intérieur de l'Europe unie ? Comment devenir la première puissance économique en Europe ?
Permettez-moi de vous dire que pour cela, ce qui compte d'abord et avant tout, c'est que les responsables politiques évitent, dans l'année qui vient, les discussions stériles, les polémiques excessives, évitent de troubler le pays par des débats qui, finalement, importent peu pour son avenir.
Notre pays a besoin de continuité. Nous avons commencé notre oeuvre, nous devons la poursuivre et la poursuivre dans un climat de sérénité et de confiance. Rien ne doit être fait qui suscite l'inquiétude de nos concitoyens. Rien ne doit être fait qui conduise le débat politique, pour essentiel qu'il soit, à perturber l'indispensable redressement économique et le rassemblement social.
Pour cela j'ai, moi aussi, besoin de votre confiance. Mais il y a confiance et confiance. Il en est de résignée, de passive, de peu enthousiaste et peu décidée. Il en est aussi, et c'est celle qui est indispensable au Gouvernement, d'active, de dynamique et de convaincue.
La démocratie ne s'accommode pas d'ambiguïtés. Nos compatriotes ont le droit d'exiger de tous ceux qui les représentent la clarté.
De quoi s'agit-il ? Une majorité a été désignée le 16 mars 1986 pour gouverner et pour mener une certaine politique. Grâce à son soutien, pour lequel je tiens à lui témoigner mes sentiments d'estime et de reconnaissance, le Gouvernement met en oeuvre cette politique de redressement économique, de liberté, de démocratie, de sécurité et de solidarité.
Certes, il s'élève des voix pour critiquer tel ou tel aspect de cette politique nouvelle, ou pour regretter qu'elle ne puisse encore produire tous les résultats attendus. Il ne s'agit pas de dénier à qui que ce soit le droit de critique ou de proposition. Nous avons toujours intérêt à accueillir les suggestions des parlementaires, comme du reste celles des diverses organisations et de l'ensemble des citoyens.
Mais ces critiques ou ces propositions ne doivent pas remettre en cause l'essentiel, c'est-à-dire l'action de renouveau et de redressement que nous avons engagée et que nous entendons poursuivre dans l'avenir.
Le vote de confiance que je vous demande doit intervenir en toute clarté : il doit signifier, aux yeux des Français, que chacun de celles ou de ceux qui apporteront leur soutien au Gouvernement, approuve la politique menée depuis un an, accepte le programme que j'ai fixé pour les prochains mois et adhère aux grandes orientations que j'ai exposées.
Oui, la confiance que je vous demande, c'est bien cela, l'engagement de défendre la politique menée depuis un an, de défendre la politique que nous allons mener dans l'année qui vient. Comment ne pas le faire d'ailleurs, dès lors que l'on apporte au Gouvernement un soutien actif ?
Mais cette confiance, Mesdames et Messieurs les Députés, veut dire aussi autre chose. A mes yeux, elle veut dire que la majorité doit demeurer solidaire pour préparer dans les conditions de dignité, de responsabilité, et d'union la plus large possible, l'échéance électorale de 1988. Cela suppose que nous tournions nos yeux vers l'avenir et que, forts de ce que nous aurons fait pendant deux ans, nous sachions entraîner le pays derrière nous.
Pour ma part, je suis persuadé que le grand débat de 1988 sera celui-là : soit rebrousser chemin, remettre en cause ce qui aura été fait pendant deux ans et finalement compromettre les chances de la France qui doit impérativement s'adapter au monde qui l'entoure ; soit, prenant acte de ce qui aura été fait perdant deux ans, poursuivre dans la même voie, la voie de l'assainissement, la voie de la liberté, la voie de la solidarité, la seule voie qui permette à la France d'être elle-même.
A chacun d'apprécier en conscience si, partageant ou non cette façon de voir, il décide ou non de voter la confiance. Car c'est d'un nouveau contrat entre nous qu'il s'agit : poursuivre le redressement et maintenir l'union, voilà les deux termes de ce contrat.
Si vous pensez que c'est bien ce contrat-là que nous devons conclure, alors. J'en suis certain, nous franchirons ensemble l'étape de 1988 et votre assemblée, qui a été élue pour cinq ans, pourra continuer sa tâche au service de notre pays.
Je suis certain, Mesdames et Messieurs les Députés, de pouvoir compter sur le soutien de la majorité. Je suis certain qu'elle confirmera le choix qu'elle a fait il y a un an. Je suis certain qu'elle décidera de poursuivre pendant une nouvelle année l'action dans laquelle elle s'est engagée. J'attends avec confiance votre décision.