Déclaration de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, sur le développement de l'entreprise libérale, l'accompagnement des créateurs, la modernisation des professions libérales, la reconnaissance des qualifications dans l'ensemble de l'Europe, à Paris le 29 janvier 2003.

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Circonstance : Commission nationale de concertation des professions libérales à Paris le 29 janvier 2003

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les Présidents
Mesdames et Messieurs
Tout d'abord, je tiens à vous dire combien je me réjouis d'être parmi vous. Permettez moi de vous remercier d'avoir accepté de siéger au sein de cette instance renouvelée qu'est la Commission nationale de concertation des professions libérales.
Nous allons travailler ensemble pendant trois ans pour faire progresser les professions libérales vers la modernité, améliorer leur environnement économique, fiscal et réglementaire, et mieux prendre en compte leurs préoccupations quotidiennes. J'ai une grande ambition pour les entreprises libérales, il faut que leur part relative dans le nombre total des entreprises s'accroisse encore dans les trois à cinq prochaines années : qu'elles passent ainsi d'à peu près 25 % à 30 % du nombre total d'entreprises. Je souhaite que nous puissions le faire dans un esprit de confiance mutuelle et de dialogue.
Compte tenu du nombre et de la qualité des compétences représentées ici, je suis sûr que nous saurons être efficaces et faire rapidement des propositions constructives. Je sais , en effet, combien votre temps est précieux et j'ai moi aussi le souci que nous travaillions vite et bien.
1 - Je voudrais d'abord vous rappeler brièvement les actions menées à bien ou engagées récemment par la DIPL
Comme vous le savez, c'est pour avoir avec vous un dialogue plus direct que j'ai décidé, avec l'accord du Premier Ministre, de réorganiser le suivi des professions libérales et de prendre moi-même en charge la présidence de cette Commission, qu'animait auparavant le délégué interministériel aux professions libérales.
Mon souci est à la fois d'être en prise directe avec vos préoccupations et de mettre à votre disposition des moyens administratifs plus puissants que ceux dont vous disposiez auparavant : vous aurez désormais accès à l'ensemble des experts de la Direction des Entreprises commerciales artisanales et de services, qui reprend le rôle de coordination qu'exerçait auparavant la DIPL.
Même si tous les textes ne sont pas encore parus, le dispositif est déjà en place, comme en témoigne notre réunion d'aujourd'hui.
Pour autant, je ne renie pas le dispositif précédent, qui a permis d'avancer dans beaucoup de domaines. Vous avez certainement remarqué que je n'ai pas bouleversé la composition de la Commission permanente, devenue Commission nationale, des professions libérales, mais seulement souhaité la resserrer pour lui permettre d'être plus efficace. Je souhaite également que le travail important réalisé par l'ancienne DIPL serve de socle à nos propres travaux.
Un long chemin a été parcouru depuis la création en 1983 de la Délégation interministérielle aux professions libérales - DIPL - et sa mise en place par le Pr François LUCHAIRE, qui avait remis au Premier ministre, un an auparavant, un rapport sur les relations entre les services publics et les professions libérales.
Lieu de dialogue transversal entre les professions libérales et les huit Ministères de tutelle à l'époque, la DIPL avait pour vocation de traiter les dossiers communs à toutes les professions libérales, en s'appuyant sur la Commission permanente de concertation.
L'année 1996 a marqué une importante évolution, à l'initiative de Monsieur Jean-Pierre RAFFARIN, alors Ministre des PME, du commerce et de l'artisanat, puisque la coordination de l'action gouvernementale des professions libérales a été transférée par voie de décret du premier ministre au Ministre des PME, du commerce et de l'artisanat.
Sous la houlette d'Edouard de Lamaze, 5° délégué interministériel au professions libérales, diverses actions ont été mises en place, avec l'appui des réflexions menées dans le cadre de la Commission de concertation. Les axes de travail définis alors restent d'actualité, et les résultats obtenus sont appréciables.
L'adaptation des professions libérales aux exigences de la modernité a été poursuivie
Au fil des décennies, les professions libérales ont connu des modifications importantes, qu'il s'agisse de leur recrutement, de leur situation juridique ou de leurs conditions d'exercice :
Il en va ainsi de la nécessité d'accorder un droit d'accès à ces professions à tout citoyen de l'Union européenne, du salariat désormais accessible à toute activité libérale, ou de l'exigence accrue de rentabilité économique, notamment pour les activités qui nécessitent des installations onéreuses.
Il a donc fallu créer des instruments juridiques mieux adaptés au contexte moderne : les sociétés d'exercices libérales, S.E.L., avaient été créées en 1991 ; tout récemment le regroupement des libéraux en sociétés de participations financières - SPF -, a été permis par la loi MURCEF du 11 décembre 2001. Ce nouveau dispositif, encore appelé holding, autorise les regroupements de structures avec une grande souplesse, tout en renforçant leur efficacité humaine et financière. Je sais que les débats ont parfois été vifs, certains craignant que l'argent ne pénètre la citadelle libérale au point de lui faire perdre son âme.
Croyez bien que je veillerai très attentivement à ce que cette nécessaire évolution n'aille jamais à l'encontre des règles d'éthique et d'indépendance professionnelle qui fondent la qualité des professions libérales.
La démarche vise précisément à permettre aux petites entreprises de disposer de structures juridiques adaptées à leur modernisation et au renforcement de leur compétitivité face aux grandes organisations intégrées. La SPF devrait aussi favoriser l'installation des jeunes professionnels libéraux et rendre plus attractifs les investissements : l'incitation fiscale est forte, dès lors que la déductibilité des intérêts d'emprunts nécessaires à l'achat de parts est possible, ce que n'autorise pas le cadre actuel des S.E.L.
Des avancées sociales traduisent une première ligne de forces
La solidarité entre catégories socioprofessionnelles, entre générations et entre les sexes est largement pratiquée par le secteur libéral, qui fonctionne selon des régimes de répartition, contribue au système de la compensation nationale et est partie prenante du chantier de réforme des retraites en cours. Les évolutions démographiques à l'oeuvre dans les professions libérales créaient cependant de nouveaux défis.
L'exercice féminin a fait une entrée en force dans les professions libérales : il y a vingt ans, 25% seulement des professionnels libéraux étaient des femmes : aujourd'hui elles sont près de 40%. Dans certaines professions, comme les avocats, la parité est même quasiment réalisée. Cette évolution s'est accompagnée en 2002 de mesures en faveur des femmes dans le cadre de la loi de modernisation sociale :
les femmes professionnelles libérales sont désormais exonérées des cotisations vieillesse pendant le trimestre au cours duquel survient l'accouchement,
- à l'instar du statut créé en faveur des conjoints d'artisans et de commerçants, le conjoint collaborateur d'un professionnel libéral bénéficiera désormais des prestations d'assurance vieillesse, avec droit à retraite complémentaire.
Le bilan de l'action conjointe de la DIPL et de la précédente Commission de concertation est donc important.
Il est d'autant plus qu'il faut y ajouter les chantiers en cours, qui n'ont pas encore abouti, mais qui sont activement repris par la Decas. Je voudrais en citer trois principaux :
- le projet de statut de collaborateur libéral qui est capital à mes yeux,
l'exercice libéral en milieu rural, sur lequel une étude est en cours ( le rapport final attendu en mars 2003),
- l'incidence du choix de la forme d'exercice en société sur les régimes de retraite.
Nous aurons à travailler à nouveau ensemble en 2003 sur ces thèmes importants.
J'ajoute qu'en matière internationale, mon action de concert avec mes collègues ministres s'appuiera sur les acquis de votre travail, notamment en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles. Je sais qu'en mars 2002 le groupe de la CPCPL chargé des questions internationales avait procédé à une large consultation interprofessionnelle qui a donné lieu à un premier rapport de synthèse remis au SGCI fin septembre 2002.
C'est pourquoi j'ai demandé à Monsieur FOUASSIER, qui a déjà apporté à deux reprises sa compétence et son savoir-faire pédagogique à la réflexion du groupe, de vous faire le point sur l'avancement des négociations entre les Délégations nationales des Etats membres de l'U.E. et la Commission européenne.
2 - Mais je voudrais maintenant vous parler d'avenir et aborder les orientations du Gouvernement dans le secteur des professions libérales. Celles-ci s'intègrent dans un dispositif global.
Si le gouvernement souhaite agir, c'est qu'il est particulièrement conscient de l'importance de la centaine de professions libérales, réglementées ou non, que compte la France.
Environ, 570 000 entreprises libérales sont répertoriées en France. Elles offrent des prestations de services très diverses, mais sont rassemblées par un même souci de respect de règles déontologiques, de responsabilité professionnelle, de haut niveau de qualification et de compétences. Elles représentent plus de 1,3 million d'emplois, dont 800 000 salariés, qui apportent à notre croissance une contribution majeure. Le secteur libéral, on ne le sait pas suffisamment, c'est presque le quart des entreprises françaises et près de 7 % de l'emploi intérieur. C'est une valeur ajoutée de plus de 60 milliards d'euros. C'est dire que les professionnels libéraux que vous êtes sont des entrepreneurs, des investisseurs, des créateurs de valeur ajoutée, dont le rôle essentiel dans le processus de croissance doit être clairement reconnu.
Il est donc fondamental de favoriser leur essor. Mon premier axe de travail est d'essayer de créer un environnement favorable à l'entreprise qui permette de libérer les initiatives. C'est pour les petites entreprises, et notamment les entreprises libérales, que j'ai proposé le projet de loi pour l'initiative économique qui tend à favoriser la création d'entreprise, le développement de celles qui existent et leur transmission.
Ces petites entreprises ont particulièrement besoin d'un environnement administratif, social et fiscal simple et efficace. Le Gouvernement a résolument entrepris d'agir dans ce sens, pour réconcilier la République et l'entreprise, l'intérêt général et l'économie de marché, et donner à notre pays un nouvel essor. Je souhaite alléger les démarches administratives, raccourcir les délais impartis à celles et ceux qui décident de créer leur entreprise, réduire le coût des formalités de création, bref faire de la création un acte accessible à tous, simple et rapide. Il nous faut aussi lancer des passerelles vers l'entreprise et réduire l'écart qui existe encore entre le statut salarié, statut protecteur, et le statut d'entrepreneur, exposé à tous les risques.
En conséquence, le projet de loi s'attache à encourager l'esprit d'entreprise, y compris chez les salariés. Il faut financer l'initiative économique, notamment en rapprochant l'épargne des Français de l'économie naissante et en stimulant fortement les vocations d'investissements, il faut également accompagner les projets, notamment en allégeant les charges sociales et faciliter la reprise et la transmission d'entreprise.
Les allégements fiscaux prévus par ce projet de loi viennent compléter et amplifier les mesures figurant dans le projet de loi de finances pour 2003.
La deuxième étape de mon action , et j'y travaille activement, concerne les simplifications administratives. La complexité du droit et des règles administratives en vigueur ne se justifie pas toujours, loin de là. C'est une source d'insécurité permanente pour les chefs d'entreprise, une cause de litiges et de désagréments pour l'ensemble de nos concitoyens.
Il est vrai que, ces dernières années, les Gouvernements successifs ont mis en uvre des mesures de simplifications plus ou moins importantes. mais insuffisantes, sans aucun doute, puisque le problème perdure.
Il s'agit d'alléger les contraintes de tous ordres qui pèsent sur les entreprises petites et moyennes et , donc, de présenter rapidement des mesures concrètes. Un projet de loi permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnances est en préparation. Beaucoup d'entre vous avez une double expérience d'entrepreneur et de conseil aux entrepreneurs, et je sais que vous avez beaucoup réfléchi à ces questions. C'est pourquoi j'attacherai une importance particulière à toutes les idées et propositions que vous m'avez adressées et à celles que vous voudrez bien me soumettre.
Mon troisième axe de travail va être l'élaboration d' une loi pour le développement de l'entreprise, qui traitera notamment du statut de l'entrepreneur. Elle devrait être élaborée pour la fin de l'année 2003. Les réflexions que vous avez menées sur le collaborateur libéral pourraient y trouver leur place. Je souhaite que la Commission, dans sa diversité et avec sa capacité d'expertise, puisse contribuer largement à l'élaboration de cette loi.
3 - A présent, je voudrais vous dire comment je vois les axes de travail de la Commission pour les 3 années 2003-2004-2005
La Commission est un lieu de débats, un lieu aussi où les expériences et les bonnes pratiques peuvent et doivent être partagées. Mais il nous faut organiser son travail de sorte qu'il soit le plus efficace possible en s'intégrant au mieux dans le travail gouvernemental.
Il me semble qu'il nous faut privilégier deux grands axes de travail, qui donneront lieu à deux groupes de travail permanents de la Commission :
- le développement de l'entreprise libérale,
- les professions libérales, les territoires et les frontières.
Le développement de l'entreprise libérale
Après ce que je viens de vous dire de mon action, je crois qu'il est inutile de revenir sur l'intérêt de ce thème. Mais peut-être puis-je rapidement insister sur deux points qui me semble mériter une attention particulière de notre Commission et du groupe de travail qui se mettra en place.
-La promotion des vocations d'entrepreneurs libéraux.
Je tiens particulièrement à stimuler l'esprit d'entreprise, car je crois que c'est une source de croissance et d'innovation essentielle, qu'en France nous avons trop longtemps négligée. Mais, vous le savez tous, il n'est pas toujours facile de commencer une vie active de professionnel libéral, même lorsqu'on a tous les diplômes requis. Mon rôle est aussi de faciliter cette installation.
Pour aller plus loin, il m'apparaît maintenant indispensable de rapprocher les différents statuts et de fluidifier les passages de l'un à l'autre. Vos discussions sur un éventuel statut de collaborateur libéral constituent notamment une piste essentielle, et je ferai tout mon possible pour qu'aboutisse la concertation engagée dans un premier temps avec le Ministre chargé des affaires sociales.
-L'accompagnement des créateurs
Si la formation technique des professionnels libéraux est du meilleur niveau, leur formation à l'entreprise est le plus souvent très succincte. Nous savons tous l'importance du conseil et de l'accompagnement pour la réussite des entreprises. Je sais que, conscientes de ce manque, certaines organisations professionnelles ont mis en place quelques structures d'information et d'accueil, qui reposent sur le bénévolat.
Il nous faut aller plus loin et essayer de comprendre comment il est possible de répondre, de manière optimale, au plan .local, aux attentes et aux besoins des professionnels libéraux en termes d'accompagnement, d'information et de formation, d'assistance et de conseil.
Il ne s'agit pas de reproduire les modèles du passé, ou de transposer sans nuance ce qui existe ailleurs, mais plutôt de faire appel aux savoir-faire de terrain, en expérimentant si besoin est, et en recourant à tous les outils que les progrès de la communication mettent à notre disposition.
Les professions libérales, territoires et frontières.
Vous savez, bien sûr, que le Gouvernement a engagé un mouvement de décentralisation qui se traduira rapidement par une loi. Vous connaissez aussi notre environnement européen et mondial, en évolution rapide, de plus en plus ouvert et concurrentiel.
Je crois qu'il est essentiel que nous réfléchissions ensemble à la manière de concilier cette exigence d'ouverture et le besoin de proximité.
Les professions libérales sont une composante essentielle de notre société, non seulement parce qu'elles représentent un poids économique majeur, mais aussi parce qu'elles contribuent à la diversité et à la cohésion du tissu social, en apportant à la personne des services de proximité, hautement qualifiés, sur l'ensemble du territoire.
- Professions libérales et territoires
Malheureusement un nombre grandissant d'habitants de zones géographiques rurales, mais aussi périurbaines, sont aujourd'hui confrontés à un déficit en matière d'accès aux soins ou de recours à un conseil spécialisé. C'est pourquoi la DIPL a diligenté une étude sur la " présence du professionnel en milieu rural ", dont la réalisation s'appuie sur une enquête de terrain dans plusieurs départements.
Le constat qui sera ainsi fait début mars 2003 pourra servir de base à la réflexion du groupe de travail de la Commission ; celle-ci pourra être menée notamment à partir d'une identification des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales qui ne parviennent pas à retenir les professionnels libéraux indispensables.
- Professions libérales et frontières
Un développement harmonieux des professions libérales doit aussi prendre en considération d'autres frontières : la dimension européenne et mondiale, mais aussi certaines frontières moins tangibles entre public et privé, ou entre professions réglementées et non réglementées.
> Des négociations européennes et internationales sont en cours :
Outre la directive sur la reconnaissance des qualifications, sur laquelle nous ferons le point tout à l'heure, la Commission européenne prépare actuellement un projet de directive sur le marché intérieur des services. Ce doit être pour notre Commission une opportunité de faire mieux prendre en compte les activités libérales, leur rôle dans le développement économique et dans la compétitivité de nos économies.
La négociation en cours à l'O.M.C. nous demandera, elle aussi, des efforts de réflexion.
> L'environnement concurrentiel dans l'hexagone :
Si certaines subventions versées par les collectivités locales à des structures associatives recoupant en partie des activités libérales, notamment dans le domaine culturel et sportif, sont parfois dénoncées, les critiques des professionnels libéraux envers des formes de concurrence qu'ils estiment déloyales s'observent surtout à l'encontre de services à caractère administratif dispensés gratuitement ou à un coût marginal sous-estimé, car ne prenant pas en compte leurs coûts indirects de fonctionnement.
Conclusion
Vous le voyez, notre Commission a un lourd travail en perspective. C'est pourquoi je souhaite que ces deux groupes de travail se mettent au travail le plus rapidement possible : des dates de réunion vous seront proposées à la fin de nos débats, après la discussion et le vote du règlement intérieur de la Commission.
Je ne doute pas qu'ensemble nous arrivions à faire des propositions utiles, que je veillerai, croyez-moi, à intégrer étroitement au travail gouvernemental.
Je souhaite poursuivre avec vous un dialogue franc, un dialogue constructif. Cette commission pourra, notamment, y contribuer.
(Source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 29 janvier 2003)