Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur les orientations du gouvernement en matière de logement : intervenir sur toute "la chaîne du logement", offrir "un choix réel", assurer "la mixité sociale", Paris le 30 septembre 2002.

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Circonstance : Conférence de presse présentation des orientations gouvernementales pour le logement à Paris le 30 septembre 2002

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Il m'est très agréable de vous présenter aujourd'hui les grandes orientations du Gouvernement en matière de logement. Elles ont été fixées à partir d'une écoute intense engagées depuis 5 mois des élus nationaux et locaux, des professionnels de l'immobilier et du logement, enfin des citoyens qui, grâce à vous comme journalistes, peuvent faire entendre leur voix.
Comme beaucoup d'élus, je sais que les préoccupations que de simples particuliers expriment par courrier ou dans les permanences touchent très souvent à des problèmes de logement.
Au nom du gouvernement, il m'appartient maintenant de répondre aux préoccupations de nombreux citoyens avec l'approche la plus concrète possible et en même temps la plus prospective.
Mais, avant cela, je voudrai d'abord vous dire que, je me suis vraiment réjoui que le Premier ministre m'ait confié la responsabilité du logement. Je pense que le logement mérite bien un Ministre plein.
En effet, au risque de vous surprendre par cette ambition, le ministère dont j'ai la charge aujourd'hui a pour mission, au cours des décennies à venir de dessiner et de réaliser la géographie de la France du XXIème siècle.
Equipement, transport, logement avec les règles d'urbanisme sont trois fonctions complémentaires, qui, mises en synergie, déterminent, façonnent, dessinent le paysage au sens large de notre pays.
Ligne nouvelle de Tramway à Grenoble, Accueil de nouveaux habitants dans un bourg du Lot et Garonne, restructuration lourde des quartiers nord de Marseille, les règle de droit et les moyens déployés ont des conséquences durables sur l'aspect physique de la France et la qualité du cadre de vie de ses habitants. La problématique logement est donc un enjeu majeur.
Quels que soient les mécanismes ou les règles, parfois complexes mis en place, il faut garder à l'esprit qu'ils ont pour but de mettre à la disposition de chacun un bien qui répond à un besoin fondamental de la personne humaine. C'est aussi pour beaucoup de personnes le seul investissement qu'ils feront au cours de leur vie.
(Gard et Somme)
En même temps, les logements de nos villes et de nos campagnes constituent notre cadre de vie et notre environnement social, et les urbanistes, les architectes, les sociologues ont chacun dans leur discipline un rôle éminent à jouer. Il faut solliciter tous les visionnaires car on agit durablement sur le long terme.
J'évoquerai d'abord les principes qui guideront mon action. D'abord, sur le plan de la méthode, je privilégierai l'écoute, puis la concertation, avant de prendre les décisions qui s'imposeront naturellement et alors se mettront en oeuvre d'autant mieux. Une politique du logement ne sort pas toute faite de la tête de quelqu'un, elle se construit jour après jour collectivement.
Il faut aussi du pragmatisme. Les textes actuels nous démontrent qu'on en a parfois manqué. Et se fixer quelques grands objectifs.
En premier lieu, j'ai, depuis longtemps, la conviction, que pour loger tous les Français dans les meilleures conditions, il faut intervenir sur toute la "chaîne du logement", et pas seulement sur un seul maillon. Vous savez ainsi que le développement de l'accession sociale à la propriété conduit de nombreux ménages à quitter leurs logements HLM, permettant ainsi à d'autres de se loger. De même, la construction de nouveaux logements a une répercussion sur l'ancien. Je serai bien le ministre de tout le logement, n'excluant aucun levier susceptible de mieux faire fonctionner chaque maillon de la chaîne du logement.
Ma deuxième conviction est que dans cette chaîne du logement, il est nécessaire d'offrir un "choix réel" à chaque personne pour se loger. Nous avons depuis longtemps quitté les années de pénurie absolue de logements et d'habitat dépersonnalisée imposé par le système. Mais la rareté de l'offre ici, la cherté des loyers là, sont autant d'obstacles à ce choix personnel. Et ce n'est pas seulement une question de revenus. Nous avons trop de territoires où il est difficile pour tous de se loger, la région parisienne bien sûr, mais aussi beaucoup d'agglomérations, comme notamment les zones touristiques ou frontalières.
Troisième conviction. Dans cette chaîne du logement les maillons sont solidaires ce qu'on appelle la "mixité sociale", c'est-à-dire la présence sur un même territoire, d'habitants d'origine, de revenus, d'âge ou de statut familial différents, est un objectif qui reste, plus que jamais, d'actualité. Si l'on veut que les villes soient des lieux de société, l'habitat doit favoriser les rapprochements et les rencontres.
Et contribuer ainsi à la cohésion sociale de notre pays. C'est dans cet esprit que je travaille avec des parlementaires sur le fameux article 55 dont l'objectif de mixité sociale n'est pas atteint car les mécanismes mal adaptés à la diversité des communes, sont fondées sur une méfiance à priori vis à vis des acteurs locaux. Dans leur très grande majorité leur sens de l'intérêt général les motivent suffisamment pour qu'ils se mobilisent en faveur d'une offre diversifiée de logement avec des incitations et des accompagnements adaptés.
Enfin, je sais qu'il y a encore beaucoup à faire pour insérer dans notre société grâce à un logement décent de nombreuses personnes ou familles qui sont aujourd'hui dans une situation indigne de nos valeurs (hébergement précaire, habitat dégradé, voire insalubre, suroccupation, saturnisme, etc).
Voilà pour les principes. J'en viens maintenant aux "orientations" elles-mêmes en partant des constats que l'on peut faire sur la situation actuelle du logement. Ces orientations nécessiteront beaucoup de travail, beaucoup de concertation et des moyens pour mettre en place les dispositifs qui permettront de répondre aux besoins de nos concitoyens. C'est pour cela que je refuse les effets d'annonce, nous travaillons sur le moyen terme et nous ne relâcherons pas nos efforts sur la durée de la législature.
Nous devons répondre à cette aspiration de beaucoup d'habitants : Devenir propriétaires ou copropriétaire de la France. Je pense que la grande majorité des locataires aimeraient avoir un jour leur habitation. Être propriétaire, c'est un rêve partagé, or la France est très en retard.
Sans intervention publique volontariste, cette aspiration ne pourra se concrétiser. Il existe des mécanismes comme le prêt à taux zéro (le PTZ), et le prêt d'accession sociale (le PAS). Avec des taux d'intérêt historiquement bas, beaucoup plus de ménages devrait s'engager dans un projet d'accession.
Je souhaite qu'on mobilise tous les moyens facilitant bien davantage cette accession y compris pour les ménages au revenu modeste. Cela me conduit à quatre propositions :
1) améliorer les mécanismes du PTZ et du PAS et notamment leur articulation,
2) développer, avec les promoteurs privés et les organismes HLM, les dispositifs de location-accession pour sécuriser ceux qui hésitent à s'engager dans un projet d'accession,
3) chercher avec les banques à améliorer l'ingénierie de l'accession à la propriété, en s'inspirant des pratiques étrangères réussies, notamment anglo-saxonnes, en matière de durée et de modalités de remboursement,.
4) définir contractuellement avec les organismes HLM les logements existants qui peuvent être vendus à leurs occupants, en tenant compte bien évidemment de l'état de leur patrimoine et de la localisation des logements.
L'accession ne peut évidemment pas être la solution unique. Nous avons besoin d'un parc locatif qui se renouvelle et qui offre suffisamment de logements à tous ceux qui, en raison de leur âge, de leur situation économique, de leur besoin de mobilité professionnelle ou tout simplement de leur souhait, n'engageront pas ou pas tout de suite de projet d'accession.
Nous avons donc besoin à la fois de logements privés locatifs et de logements HLM locatifs. Je ne les opposerai pas, car ils sont complémentaires et jouent ensemble un rôle social évident. Le nombre de bénéficiaires d'aides personnelles au logement qui se répartit dans les deux parcs est d'ailleurs éloquent.
Vous observez avec moi un phénomène de rareté dans les grandes et moyennes agglomérations. D'où une tension sur les loyers qui exclut des centres villes des familles même à revenus aisés.
Cette situation s'est aggravée dans la période récente. Développons une offre locative nouvelle. Pour cela, il faut à la fois encourager les propriétaires-bailleurs actuels à le rester et encourager de nouveaux investisseurs dans le locatif.
C'est pourquoi trois chantiers seront engagés, en particulier avec mon collègue du Budget, Alain Lambert :
1) réfléchir à la mise en place d'un statut fiscal plus équitable pour les bailleurs, allant dans le sens d'une plus grande équité fiscale entre investissements immobiliers et placements mobiliers,
2) assurer une meilleure protection des bailleurs et des locataires contre les risques d'impayés de loyers,
3) travailler sur un dispositif qui, à terme, soit plus incitatif et plus simple que l'amortissement fiscal des logements neufs "dit amortissement "Besson".
Ce système n'incite pas la production de logement en nombre suffisant et de surface variée dans les agglomérations, là où précisément la tension est la plus forte.
4) engager les professionnels à mobiliser de l'épargne en faveur de l'immobilier.
Venons-en maintenant aux logements HLM. Je m'exprimerai dans quelques jours au Congrès HLM. Je sais le travail que font, dans des conditions souvent très difficiles, les dirigeants des organismes, J'ai été président d'un OPAC.
J'apprécie qualité des constructions qui sont désormais réalisées depuis maintenant de nombreuses années.
Malheureusement, subsistent des logements qui ne correspondent plus à notre conception qualitative de l'habitat. La politique de renouvellement urbain, engagée avec détermination par mon collègue, Jean-Louis Borloo, vise à remodeler des quartiers entiers pour qu'ils redeviennent des lieux de bien vivre. Je la soutiens pleinement.
J'observe, par ailleurs, que les files d'attente pour bénéficier d'un logement HLM s'allongent.
Je vais, dans les années à venir, travailler avec les organismes HLM sur des objectifs partagés :
1) améliorer la qualité de vie et la sécurité des habitants, condition indispensable pour redonner une image positive des HLM là où elle est dégradée,
2) réaffirmer la vocation sociale du parc HLM en réfléchissant avec tous les partenaires concernés, notamment les organismes HLM, les associations de locataires et celles qui uvrent pour le droit au logement,
3) mettre en place ce que les spécialistes appellent un conventionnement global organisme par organisme, c'est-à-dire des conventions passées entre l'autorité publique et l'organisme HLM sur des objectifs en matière de loyers, de patrimoine, d'occupation sociale, de service aux habitants.
Plusieurs autres chantiers seront engagés.
Il s'agit d'abord de répondre à un problème qui inquiète tous les professionnels, qu'ils soient privés ou responsables d'HLM, c'est la rareté des terrains, et sans terrain, il n'y a pas de construction et donc pas d'offre nouvelle.
J'ai, pour ma part, engagé une discussion avec de très nombreux parlementaires et il apparaît que plusieurs dispositions d'urbanisme de la loi SRU qui gèlent des terrains. Il faut les amender.
Je serai aussi pleinement le ministre de l'urbanisme. Il est vrai que c'est une compétence décentralisée mais les élus peuvent être assurés que mes services leur apporteront l'aide dont ils peuvent avoir besoin pour façonner et développer durablement notre territoire.
Avant d'évoquer la décentralisation, je voudrai terminer sur les situations les plus dramatiques en matière de logement. Elles sont de deux types. Elles proviennent soit de la situation économique et sociale de la personne, soit de l'état de l'habitat.
Dans le premier cas, il s'agit des personnes qui, en raison de leurs incapacité à payer leur loyer sont expulsées sans être de mauvais payeurs ou des personnes qui sont dans des hébergements provisoires. Des mécanismes existent aujourd'hui comme les fonds de solidarité logement financés conjointement par l'Etat et les départements.
Mais il faut aller plus loin et je propose :
1) de réfléchir avec tous les partenaires intéressés à la création d'un guichet unique qui regroupe les divers dispositifs qui existent aujourd'hui comme cela fonctionne déjà dans certains départements;
2) de généraliser un accompagnement social qui permette d'éviter l'expulsion des locataires en impayés qui ne sont pas de mauvaise foi,
2) d'amplifier nos mécanismes en matière de lutte contre l'exclusion. Nous nous rencontrons le 7 octobre avec Madame Dominique Versini et nous communiquerons notre plan d'action pour un meilleur environnement des personnes en difficulté.
L'état de l'habitat pose aussi des problèmes graves dans certains centres villes qui relèvent tout autant de la politique de renouvellement urbain que de celle des quartiers que j'ai évoqués tout à l'heure. Il s'agit d'offrir aux élus locaux les outils pour traiter efficacement de façon pérenne les problèmes d'insalubrité et de copropriétés en difficulté.
Pour mettre en oeuvre toutes ces orientations, l'Etat, doit rester garant de la solidarité nationale, et faire confiance aux collectivités territoriales. La complexité des procédures, la lenteur des réactions ne lui permettent plus de répondre aux besoins qui sont ceux d'aujourd'hui, et ce malgré la totale mobilisation de ses fonctionnaires. Il faut tenir compte de la diversité des territoires, rurak, urbain ou péri urbain,; de leur histoire, de leurs évolutions économiques ou sociale des goûts de nos concitoyens.
De même, notre patrimoine immobilier nécessite non seulement des travaux sur le bâti, mais aussi une réflexion sur le cadre urbain comme sur le tissu social.
Des autorités plus proches des habitants que l'État central sont mieux à même de prendre en compte cette dimension tout à la fois locale et globale.
C'est pourquoi, la décentralisation de la politique du logement seront mises à l'étude et discutées dans le cadre du grand chantier de décentralisation engagée par le Premier ministre. Cette décentralisation, qui me paraît très souhaitable, constituera une grande réforme si elle améliore la vie de tous les habitants de notre pays et qu'elle contribue à créer de vraies communautés de vie et d'intégration sociale. La décentralisation doit aussi rapprocher les Français de la politique du logement, faire en sorte qu'ils en soient acteurs, qu'ils puissent exprimer leur souhait à des élus capables de les satisfaire.
Pour cette pédagogie du changement et du logement, soyez sûr que le gouvernement saura se mobiliser.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 1er octobre 2002)