Déclaration de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur les grandes lignes du projet de loi relatif aux marchés énergétiques préparant la transposition de la directive européenne sur l'ouverture du marché gazier, à Paris le 10 octobre 2002.

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Circonstance : Ouverture du 7ème Sommet des dirigeants de l'industrie du gaz à Paris le 10 octobre 2002

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je participe à l'ouverture de ce 7ème Sommet des Dirigeants de l'industrie du gaz. Cette rencontre est désormais devenue un rendez-vous incontournable de la communauté internationale du gaz. Et je souhaite une chaleureuse bienvenue à tous les participants internationaux de cette réunion.
La première session des travaux de ce sommet est consacrée à la situation européenne. L'Europe, comme vous le savez, s'apprête à réaliser une nouvelle étape de libéralisation du marché gazier. La France, avec l'ensemble de ses partenaires européens, est appelée à y participer.
Je voudrais dire ici devant vous que la France est favorable à cette ouverture des marchés du gaz en Europe mais également que cette ouverture, pour être efficace, doit être maîtrisée et progressive.
A - Dans ce contexte, la France entend tout d'abord rattraper son retard juridique. J'ai présenté au Conseil des ministres du 25 septembre dernier un projet de loi qui a pour objet de transposer la directive de 1998. Ce texte sera soumis au Sénat dès la semaine prochaine et je souhaite qu'il soit ensuite adopté le plus rapidement possible.
Cette transposition, très attendue, transcrira d'ailleurs dans les textes la réalité d'une ouverture qui s'est progressivement développée dans les faits depuis maintenant 2 ans.
Je rappelle en effet que le niveau d'ouverture à la concurrence de notre marché du gaz, même aujourd'hui en l'absence de transposition, est d'ores et déjà comparable à celui d'une majorité de nos partenaires européens.
Il faut souligner que nos opérateurs gaziers ont mis en place dès le 10 août 2000 un régime dit transitoire d'accès au réseau, applicable aux clients consommant plus de 25 millions de m3 sur un même site. Vous pouvez ainsi trouver sur les sites internet des différents opérateurs les informations concernant la tarification de l'accès aux réseaux, tarification comparable à celles des autres gestionnaires de réseaux européens.
L'ouverture du marché français est donc bien réelle. L'application du régime transitoire a ainsi permis aux premiers clients éligibles de renégocier leur contrat de fourniture de gaz. 28% des clients éligibles ont ainsi changé de fournisseur. Trois nouveaux opérateurs sont déjà présents sur le marché : TFE, Distrigaz et BP. Elle sera très prochainement confortée avec le cadre légal de la transposition.
Les grandes lignes du projet de loi que je vais soumettre au Sénat sont les suivantes :
- ce projet octroie aux clients éligibles la liberté de choisir leur fournisseur et oblige les opérateurs de réseaux à donner accès à leurs réseaux aux nouveaux fournisseurs ;
- il précise les obligations de service public que l'Etat peut imposer aux fournisseurs afin de mettre en uvre une politique énergétique soucieuse de préserver la sécurité d'approvisionnement, la continuité de fourniture, la solidarité envers les plus démunis et entre les territoires, enfin la protection de l'environnement ;
- ce texte élargit les compétences de l'actuelle Commission de régulation de l'électricité au secteur gazier afin de garantir le bon fonctionnement du marché et la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence.
B - En deuxième lieu, la France entend conformément aux engagements pris au sommet de Barcelone s'engager résolument dans la recherche d'un compromis global et acceptable pour tous sur la libéralisation du marché du gaz comme de l'électricité.
Je tiens tout d'abord à me féliciter des progrès qui ont été faits au niveau européen en matière de conception du service public. La directive prévoit en effet dans son article 3 des missions de service public exhaustives, permettant une véritable protection des ménages. Si j'ose le dire, elles s'inspirent en large part de cette originalité culturelle française du service public et je m'en réjouis.
Par ailleurs, la Commission européenne continue de proposer une ouverture du marché des ménages beaucoup trop rapprochée et la séparation juridique des activités de transport et de distribution d'une part, et de production et de fourniture d'autre part.
Ces propositions ne sont pas en l'état acceptables par la France.
L'accélération du calendrier de l'ouverture totale du marché méconnaît en effet les interrogations légitimes qu'on peut avoir sur les bienfaits réels que pourraient retirer les consommateurs domestiques de cette ouverture totale. L'exemple de la crise californienne ou les difficultés de British Energy sont là pour nous rappeler les difficultés que peuvent engendrer une libéralisation mal maîtrisée !
Sans nous montrer opposés à l'ouverture du marché aux ménages, j'ai proposé à mes partenaires européens de conditionner l'entrée en application d'une telle décision à l'établissement d'un bilan positif des conséquences de l'ouverture aux professionnels. Cette évaluation, pour être pertinente, nécessite un recul que nous n'avons pas encore.
En ce qui concerne la séparation juridique des opérateurs de réseaux, la France n'est toujours pas convaincue du bien fondé de cette mesure qui ne garantirait en aucun cas l'absence de subventions croisées ou de pratiques anticoncurrentielles. Il nous semble que seul un régulateur fort, ayant accès aux informations comptables nécessaires, est à même de garantir des conditions de concurrences équitables. Personne ne conteste d'ailleurs aujourd'hui l'efficacité du système mis en place dans le domaine de l'électricité avec le RTE. Un approfondissement de la rédaction de la directive est donc sur ce point tout à fait nécessaire.
La France veillera par ailleurs à ce que la nouvelle directive prévoit bien la possibilité pour les opérateurs de pouvoir financer, dans des conditions acceptables, les nouvelles infrastructures de transport dont l'Europe aura besoin pour faire face à l'augmentation prévisible de sa consommation et de sa dépendance énergétique.
Malgré ces points de divergence, j'espère provisoires, je suis toutefois convaincue que la France parviendra à trouver avec ses partenaires européens un compromis acceptable pour tous d'autant que la France est loin d'être isolée, par exemple, sur un sujet comme celui de la séparation juridique - ses préoccupations, je le pense, étant partagées par nos amis allemands.
C - Enfin, la libéralisation des marchés de l'énergie ne saurait résumer à elle seule notre ambition politique. Au contraire, elle n'est qu'un des éléments d'un ensemble beaucoup plus vaste de réformes qui visent à refonder la politique énergétique française face à un monde qui change.
Car si ce monde est plus ouvert, il est aussi :
- plus complexe. Les problèmes environnementaux, notamment liés à l'effet de serre, se posent en effet de manière globale et font partie intégrante du dialogue nord/sud, comme cela est apparu de façon éclairante au récent sommet de Johannesburg.
- Et plus incertain : le 11 septembre comme les événements actuels au Moyen-Orient démontrent bien que la sécurité d'approvisionnement reste un concept d'une parfaite actualité.
Face à ces évolutions, et outre la mise en oeuvre d'une libéralisation maîtrisée, le Gouvernement français entend :
- donner les moyens aux deux grandes entreprises nationales que sont EDF et GDF de s'adapter à cette libéralisation afin de devenir deux grandes entreprises européennes. Ceci passe par une modification du statut de ces entreprises et une ouverture minoritaire de leur capital qui leur permettra, d'une part, de lier des alliances et, d'autre part, de réunir les capitaux nécessaires à leur développement autrement que par un endettement qui comporte des risques difficilement maîtrisables, comme nous avons eu l'occasion récemment de le constater. Cette évolution se fera évidemment sans remettre en cause le statut des agents et en veillant à ce que le système spécifique de leurs retraites reçoive les garanties nécessaires ;
- doter la France d'une loi d'orientation sur l'énergie qui définisse et précise, à l'issue d'un grand débat national, initié d'ici la fin de cette année et qui se tiendra en début d'année prochaine, nos grandes options énergétiques en matière de nucléaire, d'énergies renouvelables, de maîtrise de la sécurité et de l'approvisionnement de l'énergie.
- participer activement à la coopération européenne et internationale en matière de sécurité d'approvisionnement.
A cet égard, je voudrais vous dire que je me réjouis de voir ré-ouvert un débat sur la sécurité des approvisionnements au niveau européen, qui est évidemment le niveau pertinent pour aborder ce problème même si le principe de subsidiarité doit être respecté.
Le développement au niveau européen d'une approche normative qui préciserait les scénarios de crise auxquels les opérateurs doivent pouvoir faire face, est un exemple d'avancée qui doit être encouragée.
Au-delà de l'Europe, je tiens également à souligner que la sécurité des approvisionnements gaziers doit être confortée par le développement du dialogue producteurs-consommateurs.
J'ai participé en septembre dernier au Forum International de l'Energie qui s'est tenu à Osaka. Ce forum est devenu l'instance internationale de promotion du dialogue entre producteurs et consommateurs et j'ai pu m'assurer de l'existence d'un consensus réel en faveur de la stabilité des prix de l'énergie à un niveau compatible avec une croissance économique durable. En bref, des prix stables et modérés.
En conclusion, j'espère que les orientations politiques que je vous ai brièvement présenté vous ont convaincu de la volonté de la France de participer activement à la construction européenne et de tirer les bénéfices d'une libéralisation maîtrisée, tout en restant fidèle à ses principes d'égalité et de solidarité qui sont au fondement même du service public. Cette politique se veut assurément un pas supplémentaire dans les réformes structurelles dont notre pays a besoin pour affronter le monde d'aujourd'hui.
Je souhaite également que ces orientations enrichissent les débats de ce matin dont les conclusions, j'en suis sûre, permettront de guider nos pas lors des prochaines étapes d'ouverture du marché du gaz à la concurrence. Je souhaite pleine réussite à vos travaux.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 11 octobre 2002)