Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur les aides aux entreprises et les simplifications administratives, notamment au travers de la création de la Banque de développement des PME (BDPME), Saint-Quentin le 16 janvier 1997.

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Circonstance : Déplacement de M. Juppé à Saint-Quentin (Aisne), le 16 janvier 1997-rencontre avec les chefs d'entreprise

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs,
En préparant ce voyage, on m'a appris que c'était la première fois qu'un Premier ministre était amené à s'exprimer à Saint-Quentin.
Je voudrais m'en féliciter et vous exprimer mes remerciements, M. le maire, ainsi qu'aux présidents du Conseil Régional et du Conseil Général, ici présents et qui m'accueillez dans cette enceinte.
Je voudrais aussi saluer l'initiative qu'a prise le ministre des PME en organisant, également pour la première fois, une véritable délocalisation de ses administrations centrales, j'y reviendrai. Il me fournit ainsi une occasion précieuse de rencontre avec des chefs d'entreprises de l'Aisne.
Par cette visite, j'ai voulu constater le plus concrètement possible et ce n'est pas toujours facile en l'espèce, ce qui avait été accompli en matière d'amélioration des relations entre les entreprises et les administrations au sens large. Le plan gouvernemental de novembre 1995 comportait en effet des annonces. J'ai voulu me rendre compte des progrès accomplis, et plus particulièrement en ce qui concerne la simplification des procédures administratives.
J'ai voulu aussi écouter comment les chefs d'entreprises percevaient ces progrès et m'enquérir auprès d'eux de ce qui leur paraissait le plus contraignant dans leur vie quotidienne d'entrepreneur.
Je n'hésiterai pas à le dire, ce que je viens d'entendre lors de ma visite de l'entreprise MORET, de mon passage à l'URSSAF et de la trop rapide table ronde avec quelques chefs d'entreprise et leurs principaux interlocuteurs départementaux me conforte dans l'idée que notre pays est en train de se moderniser. Des changements tangibles sont déjà visibles. Un état d'esprit nouveau est en train d'émerger. Pas à pas, les choses changent.
Il m'arrive parfois, depuis mon bureau parisien, de douter qu'il y ait des réalités derrière les promesses de simplifications de formulaires ou de meilleur service aux usagers.
Aujourd'hui, je les ai constatées. Non seulement j'ai été le témoin mais presque l'acteur de l'une d'entre elles. Puisque devant moi l'entreprise MORET a procédé à une embauche et pour tout dire à une embauche au titre d'un contrat initiative emploi. Cette embauche s'est faite très simplement. Remplissage de la déclaration unique d'embauche. Envoi par télématique. L'affaire était faite. Moins de papier, un accès moderne et rapide à l'administration compétente, voilà un exemple précis d'une simplification réussie.
Je le sais, sur ces questions, l'incrédulité est souvent la plus forte. Pourtant des progrès sensibles ont été opérés. Je pourrais multiplier les exemples pour tenter de vous en convaincre. L'après-midi a été riche en la matière et j'aurais l'embarras du choix. Mais, au lieu d'emporter l'adhésion, sans doute lasserai-je.
Et ceci d'autant plus que du chemin reste à parcourir. J'ai pu constater lors de la table ronde que j'évoquais tout à l'heure que si les chefs d'entreprise sont sensibles aux étapes qui ont été franchies, les attentes demeurent encore grandes. Certaines sont connues et doivent être satisfaites très rapidement ; d'autres sont plus nouvelles.
La conférence annuelle des PME, la première du genre, qui se tiendra lundi prochain avec les organisations professionnelles sera l'occasion d'analyser la situation des PME et de dresser l'état des besoins que le Gouvernement peut satisfaire grâce aux travaux qu'il engagera en 1997.
Je dis bien l'état des besoins que le Gouvernement peut satisfaire et non l'état des besoins en général.
Je voudrais en effet, et cela m'a particulièrement frappé au début de cet après-midi, dire combien le Gouvernement serait impuissant s'il n'était fortement relayé.
Relayé par ses administrations centrales bien sûr et j'appuie pleinement la démarche entreprise par M. RAFFARIN. Rapprocher, pendant une semaine, dans une région, ses directeurs et son cabinet de leurs administrés témoigne d'une préoccupation essentielle : que ses plus proches collaborateurs connaissent de manière intime la réalité de la vie des entreprises pour impulser correctement et sans relâche l'action de simplification et de libération des entraves des entreprises que mène le gouvernement.
Relayé aussi par ses administrations locales. A l'évidence, ce sont elles qui font le quotidien de l'entreprise et qui sont en relation qui avec son dirigeant, qui avec son comptable, qui encore avec son responsable des ressources humaines. Elles s'efforcent de se moderniser et d'apporter un meilleur soutien. Pourtant, des améliorations considérables sont encore devant nous ; c'est tout le sens de la réforme de l'État sur laquelle le Gouvernement s'est engagé que de parvenir à simplifier la vie des usagers.
Je devrais me limiter ici dans la liste des relais que le Gouvernement peut utiliser pour administrer plus simplement et plus efficacement et, ce faisant, libérer les entreprises des pertes de temps et d'énergie inutiles et leur permettre de se consacrer pleinement à développer leurs activités sur leurs marchés respectifs.
Pourtant, je vais aller au-delà. Les entreprises ne sont en effet pas confrontées aux seules administrations de l'État. Et je voudrais lancer un appel aux administrations sociales, aux administrations des collectivités locales et même aux administrations des organisations professionnelles que les entreprises elles-mêmes ont créées.
Ce sont toutes des interlocuteurs qui ont vocation à accompagner la démarche de simplification et de facilitation de l'ensemble des démarches administratives, quelles qu'elles soient, dont nos entreprises ont besoin.
C'est possible. Je l'ai constaté aujourd'hui même. J'ai en effet trouvé une URSSAF qui s'était mobilisée au service de ses usagers pour le meilleur profit de l'emploi : organisation simplifiée, mise en réseau des informations nécessaires, mobilisation pour développer les emplois familiaux, j'en oublie certainement, autant de manifestations de cet esprit de service qui devrait présider à toute organisation administrative.
Puisqu'il s'agit de mobiliser au service des entreprises, donc de la croissance et de l'emploi, j'ai voulu placer également ma visite sous le signe d'un autre volet du plan PME que celui des simplifications, le volet de leur financement.
Vous vous en souvenez, dès novembre 1995, et malgré les difficultés budgétaires et économiques du moment, le Gouvernement avait entrepris de réformer ce que j'appellerai l'environnement des entreprises. Relations commerciales et conditions de concurrence, marchés publics, modalités de transmission des entreprises, baisse des charges, innovation, exportation, tels étaient les principaux sujets qui formaient, avec les simplifications et le financement, les grands chapitres du plan PME.
Depuis le premier janvier dernier, grâce au lancement effectif de la banque de développement des petites et moyennes entreprises, la BDPME, le volet financement est désormais complet.
Je n'insisterai pas, les chefs d'entreprise comme leurs banquiers qui sont ici présents le savent, le financement des entreprises est crucial pour assurer leur développement et maîtriser le risque inhérent à toute activité économique.
Le paysage que le Gouvernement a trouvé en arrivant n'avait rien de réjouissant.
Les fonds propres des entreprises demeuraient largement insuffisants. Les taux d'intérêt étaient à la fois élevés et instables. L'épargne s'orientait plus spontanément vers les placements peu risqués, tels que les SICAV monétaires, que vers le haut de bilan de nos entreprises. L'accès au crédit était encore trop difficile ou à un coût prohibitif.
Le Gouvernement s'est attaqué à l'ensemble de ces difficultés.
Avec succès, puisque l'ensemble des mesures annoncées est désormais en place et je reviendrai dans un instant sur la plus récente mais aussi une des plus significatives, la création de la BDPME.
Ces mesures quelles sont-elles ?
La première, la plus spectaculaire et la plus difficile à obtenir parce qu'elle nécessite une action tenace et constante, une grande continuité dans la politique économique qui est menée, c'est la baisse des taux d'intérêt. Les résultats du gouvernement en la matière sont considérables. Leurs effets sont immédiats sur les comptes de l'immense majorité des entreprises.
La deuxième mesure est constituée d'une série de modifications de la réglementation fiscale destinées à encourager les prises de participations au capital des entreprises. Je me limiterai à citer l'augmentation de la réduction d'impôt en cas d'investissement dans le capital de PME, la possibilité d'utiliser cette réduction pour des fonds communs d'entreprises innovantes et enfin son cumul possible avec une déduction fiscale du revenu en cas de pertes dues à la faillite de l'entreprise.
Ces dispositions permettent de renforcer les fonds propres des entreprises. Il en ira bientôt de même des Fonds d'Épargne Retraite qui draineront des flux nouveaux en direction de ces mêmes entreprises.
La troisième mesure est destinée à faciliter l'autofinancement.
C'est la baisse à 19 % du taux de l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réinvestis qui vient d'être votée par le Parlement et qui entre en vigueur à compter de cette année.
La quatrième enfin, c'est la mise en place de la BDPME.
Comment est née l'idée de la BDPME ?
Le Gouvernement devait remédier à une situation insatisfaisante tant du côté des entreprises que du côté des banques.
Côté entreprises, pas ou peu de crédits, des crédits trop chers, la nécessité d'apporter tout son patrimoine personnel en garantie, un véritable parcours du combattant, telle était trop souvent la situation des chefs d'entreprise à la recherche des financements nécessaires au développement ou à la poursuite de leurs activités.
Côté banques, un système financier fragilisé, notamment par les risques importants pris au cours des dernières années, auprès des PME, mais surtout dans l'immobilier.
Dans ce contexte, deux instruments principaux pré-existaient : le premier, la SOFARIS dont, dès juin 1995, le Gouvernement avait étendu les garanties et renforcé les moyens d'intervention mais qui demeurait isolé, offrait une gamme de produits trop sommaire et ne permettait pas d'offrir des réponses appropriées à toutes les formes de prise de risques.
Le second, le CEPME, présentait, malgré la qualité de son réseau, un bilan globalement négatif : cette institution, banalisée, s'épuisait dans une concurrence stérile, sans réel profit pour les PME, et était constamment recapitalisée par l'État pour lui permettre de poursuivre son activité après des pertes répétées.
Le Gouvernement se devait d'agir pour que l'argent public investi profite pleinement aux PME et permette une amélioration réelle de leurs conditions de financement.
C'est désormais chose faite.
La BDPME existe, fruit du rapprochement du CEPME et de la SOFARIS.
Qu'apporte-t-elle de plus aux entreprises ?
Depuis le 1er janvier, la BDPME offre aux entreprises ses nouveaux produits.
L'activité du CEPME reste le financement des entreprises. Il intervient exclusivement en cofinancement en partenariat avec les banques.
Cette activité, grâce à une meilleure articulation avec la garantie SOFARIS, permet de prendre en charge ceux des besoins de financement des PME qui étaient jusqu'à présent insuffisamment couverts par le marché.
Concrètement, le partage du risque avec le banquier peut aller jusqu'à 70 % du financement accordé. Et, dans certains types de contrats, l'intervention de la BDPME permet de limiter les garanties demandées au chef d'entreprise, l'hypothèque de sa maison par exemple.
Pour financer cette activité à un taux intéressant pour les entreprises, les CODEVI mis à sa disposition ont été portés de 12 à 30 milliards de francs.
A cette activité principale, s'ajoutent trois autres activés :
- une activité de fonds propres et quasi-fonds propres avec le soutien de la Caisse des Dépôts et Consignations ;
- une activité de financement des commandes publiques ;
- et un rôle d'appui et de conseils pour le montage des dossiers financiers des entreprises.
La SOFARIS, de son côté, poursuit son activité de garantie. Selon les cas, elle le fait séparément ou en liaison avec le CEPME. La SOFARIS continue, avec des garanties modulées aux risques couverts, à exercer pleinement son métier d'assureur.
Vous le voyez, en mettant en place la BDPME, le gouvernement poursuit deux objectifs : que davantage de PME accèdent au financement dont elles ont besoin pour se développer et qu'elles y accèdent à des coûts compatibles avec la rentabilité de leurs projets.
La réussite de la BDPME suppose qu'un certain nombre de conditions soient réunies. Je voudrais profiter ici de ce que la plupart des acteurs locaux qui sont concernés par la BDPME soient présents pour les indiquer brièvement.
Tout d'abord, il faut bien sûr que les réseaux du CEPME et de la SOFARIS fassent tous leurs efforts pour que les synergies attendues du rapprochement des deux entités produisent leurs effets, pour le plus grand bénéfice des PME. Jacques-Henri DAVID m'a assuré que c'était le cas. Je salue par avance la réussite de leur travail.
Par ailleurs, il faut que les banquiers, avec lesquels une concertation approfondie a été conduite au cours des derniers mois, s'engagent, sur la base des accords qui ont été signés entre leurs organisations professionnelles et la BDPME, à travailler avec celle-ci. C'est la condition d'un meilleur partenariat entre les PME et leurs banquiers. C'est aussi la condition pour que, globalement, le système bancaire accompagne mieux et davantage les projets de développement des entreprises, dans un climat de confiance restauré.
Avec la BDPME, l'État est parfaitement fondé, comme dans d'autres grands pays industrialisés, à apporter un "plus PME" que le marché n'apporte pas spontanément. J'espère que les banques joueront le jeu, et notamment le jeu du cofinancement afin qu'au-delà de la baisse des taux d'intérêt, les PME puissent investir et financer leur croissance dans les meilleures conditions.
J'invite donc l'ensemble des responsables bancaires ici présents à s'emparer, pour ce qui les concerne, de la BDPME.
La maîtrise des risques est le métier des banquiers par excellence ; le gouvernement a fait son devoir en allant au bout de ce qu'il pouvait faire pour en prendre sa part quand c'était utile.
A eux désormais d'être plus audacieux. Les idées et le goût d'entreprendre ne manquent pas. Pas plus dans l'Aisne que partout dans le pays.
Je souhaite que grâce à la mise en place, désormais effective de la BDPME, les banquiers se montrent toujours davantage partenaires des entreprises.
Simplifications et améliorations des relations entre les administrations et les entreprises, actions diverses pour améliorer le financement de ces mêmes entreprises et particulièrement au travers de la BDPME, oui le gouvernement traduit en acte ses annonces et améliore concrètement le contexte réglementaire et financier dans lequel les entreprises évoluent.
La semaine prochaine j'aurai l'occasion avec la première conférence annuelle des PME de faire un bilan de ce qui a été fait. J'aurai aussi l'occasion de fixer les orientations du gouvernement pour 1997.
Je sais que les collectivités locales apportent leurs propres contributions au développement de l'économie régionale et je salue ici leur action.
Mais au-delà, et je voudrais terminer là-dessus même si ce n'est pas la partie la plus agréable à dire et la plus facile à entendre, il me faut rappeler une vérité d'évidence : on ne peut tout attendre de la puissance publique. Le gouvernement conduit une politique déterminée, même si elle demeure encore incomplète, d'allègement des contraintes qui gênent les entreprises, il mène une politique continue qui est en train, et c'est important pour les entreprises, de ramener la confiance des investisseurs et des consommateurs. Il poursuivra dans cette voie.
C'est aux entreprises, et plus précisément, à vous, responsables d'entreprises, de profiter de ces opportunités nouvelles et de vous battre pour créer de la richesse, pour accélérer la croissance.
Bref pour que la situation de l'emploi s'améliore.
Vous pouvez compter sur le gouvernement pour tout faire dans le sens d'entreprises plus prospères et plus libres d'entreprendre.
Je compte sur vous pour gagner de nouveaux marchés et aider notre pays à vaincre le fléau du chômage.