Texte intégral
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Nous voici réunis, pour la quatrième fois, dans cet exercice désormais traditionnel de la Conférence des Ambassadeurs. Cest pour moi loccasion dinscrire une réalité internationale complexe, parfois irrationnelle, dans une analyse cartésienne. Ce besoin daffirmer une vision globale, à long terme, au lieu seulement de gérer avec pragmatisme chaque dossier à mesure quil se présente, distingue, je crois, notre pays.
Analyser ce que lon voit et dire ce que lon veut est pourtant, pour une grande nation, un exercice nécessaire. Les Français ont besoin de savoir où ils vont. Et jai le sentiment quen proposant sa vision du XXIème siècle, notre pays rencontre un large assentiment dans le monde.
Que veut la France ?
La France veut dabord que lUnion européenne soit, dans tous les domaines, un acteur majeur du XXIème siècle. Parce que lEurope unifiée, démocratique, pacifique doit contribuer de façon décisive à léquilibre du monde. Parce qu'une Europe s'affirmant sur la scène de lHistoire est, pour la France, le meilleur moyen de préserver son influence et de promouvoir ses intérêts dans un monde globalisé.
La France veut ensuite encourager le mouvement irrésistible vers un monde multipolaire, où lEurope trouvera naturellement toute sa place. Il faut organiser une relation harmonieuse entre puissances installées et puissances émergentes, dans le respect de la dignité de chacun, dans le respect aussi du droit international et des pouvoirs des organisations qui veillent à son application. Il faut également renforcer les institutions où sincarnent les solidarités régionales car elles sont gages de paix et de stabilité.
La France veut enfin que la mondialisation irréversible des technologies et des marchés, pour être pleinement bénéfique, soit mieux organisée, mieux maîtrisée grâce à ladoption et à la mise en oeuvre de règles communes et grâce à laction des organisations internationales chargées de les faire appliquer. Il est nécessaire, il est possible de réduire les risques de crise, de réduire les phénomènes dexclusion et nous devons le faire.
Autour de ces trois objectifs, la France peut rallier la plupart de ses partenaires. En mobilisant ses moyens, qui la placent parmi les quelques pays en mesure de rayonner dans le monde entier, en mobilisant notamment le deuxième réseau diplomatique mondial que vous incarnez avec compétence et talent, la France dispose dune forte capacité dinfluence. Et elle entraîne dautant mieux que sa vision est en harmonie avec les aspirations du plus grand nombre.
Daucuns pensent que la France a perdu une marge de manoeuvre avec leffacement de lordre bipolaire. Cest faux. Dabord parce que la disparition des dictatures est toujours une bonne nouvelle. Mais surtout, parce que la France, du fait même de la fin de la guerre froide, a retrouvé une grande liberté dinitiative et daction. Notre marge de manoeuvre est dautant plus grande que nous savons faire preuve de cohésion, de détermination et dambition.
Depuis le début de cette décennie, et pour la première fois depuis des siècles, la France na pas dennemi. Les menaces nouvelles, souvent diffuses, auxquelles elle est confrontée sont les mêmes que celles qui pèsent sur nos principaux partenaires. Ayant tourné la page des ambitions territoriales ou coloniales, tout en cherchant à renforcer les solidarités créées par lHistoire, la France a su sadapter à un monde où les risques, comme les composantes de la puissance, changent rapidement et profondément.
Pour promouvoir ses intérêts, ses valeurs, sa langue, sa culture, ses entreprises, son ambition sociale dans un monde intégré, complexe, où les frontières seffacent, où léconomie pèse de plus en plus lourd, où les normes se définissent à léchelle de la planète, où les nouveaux réseaux de communication accélèrent et multiplient les échanges entre les hommes, dans ce monde là, la France doit savoir bâtir autour delle des ensembles divers, changeants selon les dossiers traités. Le Ministre des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine, sy attache avec conviction jour après jour, tout en poursuivant avec détermination la modernisation des structures et du fonctionnement du Quai dOrsay.
Dans ce jeu nouveau dalliances fondées sur des solidarités différentes, différentes dans leur nature et dans leur intensité, le premier cercle est naturellement celui de lUnion européenne.
Les Français, même sils sagacent à juste titre de certaines dérives bureaucratiques, mesurent la portée de laventure dans laquelle notre continent est engagé grâce au génie de quelques hommes de vision. Pour la première fois de lHistoire, une puissance naît non par les armes mais par la volonté librement exprimée des peuples qui la composent. Pour la première fois, cet empire de la raison na pas pour objet dassurer la domination dun peuple sur ses voisins, mais d'affirmer leur union dans le respect de lidentité de chacun et la promotion collective de valeurs partagées. Cest ce qui donne son caractère unique à notre construction institutionnelle. LUnion ne veut pas être les Etats-Unis dEurope. Elle veut être lEurope unie des Etats.
Et, pour la première fois depuis lempire romain, lEurope aura, le 1er janvier prochain, une monnaie unique. Comme tous mes prédécesseurs, et avec Helmut Kohl, jai voulu réussir le projet européen le plus ambitieux à ce jour. Parce quil est le complément nécessaire du marché unique. Parce quil rend à la France une souveraineté monétaire, certes partagée, mais quelle avait de fait progressivement perdue. Parce quil protège nos peuples des crises et des fluctuations monétaires. Parce quil nous dote de disciplines économiques collectives qui sont les meilleures garanties dune croissance durable et saine, et donc de lemploi, dans l'ensemble de nos pays. Parce quenfin il permettra à lEurope dêtre légale de lAmérique dans le domaine décisif de la monnaie.
Les Européens ne mesurent pas encore la puissance et la rapidité de leffet intégrateur de leuro. Mais les acteurs économiques les perçoivent bien. Ils raisonnent déjà à léchelle du marché unique et en tirent les conséquences en termes de modernisation, de rationalisation et de regroupements. Vous devez vous aussi, avec vos collègues de lUnion, tirer toutes les conséquences de lexistence de groupes financiers et industriels européens lorsquil faut en défendre les chances sur les marchés tiers. Dans le même esprit, il faudra rapidement définir des solutions appropriées sur un dossier essentiel : celui de la représentation extérieure de leuro.
Cette intégration économique accélérée doit être complétée par de nouveaux progrès de lEurope des hommes, notamment dans le domaine de lemploi et dans celui de ce modèle social européen pour lequel je me bats depuis plus de trois ans. Cest là notre réponse à certains effets pervers de la mondialisation et cest une condition de ladhésion durable de nos peuples au projet européen.
Les négociations de lagenda 2000 et la réforme des institutions seront difficiles. Leur aboutissement est le préalable incontournable au prochain élargissement. Mais elles ne doivent en aucun cas servir de prétexte à en retarder léchéance. Je le redis avec force : la France souhaite que puisse intervenir, dès que possible, ladhésion de tous les pays candidats qui rempliront les conditions fixées par les traités. Lélargissement est un devoir moral et il est aussi une chance pour lEurope. Les difficultés réelles qui devront être surmontées ne doivent pas nous faire perdre de vue lintérêt à long terme de lUnion : constituer un ensemble démocratique, pacifique, puissant, prospère, de 500 millions de femmes et dhommes. Le premier de la planète.
Le moment est aussi venu de compléter cet ambitieux programme dans deux domaines.
La culture dabord. Il faut accélérer lharmonisation, trop lentement engagée, des diplômes entre grandes universités européennes. Il faut que nos jeunes, quel que soit leur parcours, deviennent européens en acquérant leur formation dans plusieurs villes universitaires de lUnion, renouant ainsi avec une tradition qui remonte au Moyen-Age. Il faut enfin promouvoir lenseignement, dès le plus jeune âge, de deux langues étrangères dans chacun de nos pays. Cest là le meilleur moyen pour assurer lidentité culturelle de lEurope mais aussi de chacune des nations qui la composent.
Lautre domaine est celui de la politique étrangère et de sécurité. Avec leuro, lEurope a prouvé que quand elle veut, elle peut. Ayons la volonté dagir par nous-mêmes sur la scène internationale ! Il y faudra du temps, je le sais. Mais il faut progresser.
Je mexprimerai sur ces deux sujets au cours des prochains mois pour souligner lindispensable dimension culturelle de la construction européenne et pour proposer, en matière de politique extérieure et de sécurité commune, une voie vers davantage de concertation et dunion, donnant à chacun plus dinfluence et defficacité mais ne signifiant en aucun cas, pas plus pour vous que pour moi, paralysie ou abandon.
Pour entraîner ses partenaires, la France doit, plus encore que par le passé, développer avec chacun des pays de lUnion des rapports étroits et confiants. Jy suis personnellement très attentif. Elle doit aussi et surtout proposer à lAllemagne des chemins nouveaux, plus ambitieux encore, pour affirmer notre entente et notre coopération. Au coeur du projet européen, la relation entre Paris et Bonn, demain entre Paris et Berlin, est, plus que jamais, fondamentale. Chacun, pourtant, ressent que les structures et les procédures actuelles doivent être adaptées aux conditions nouvelles de la construction européenne. Le rapprochement entre nos peuples - allemand et français-, nos sociétés, nos économies, doit mieux sinscrire dans le contexte politique, psychologique et technique daujourdhui.
Comment conduire cette rénovation de la relation franco-allemande ? Je men suis entretenu avec le Premier Ministre et, dès les élections allemandes passées, jaborderai ce grand sujet avec le Chancelier. Nous devrons préciser les objectifs et repenser les moyens de notre coopération pour renforcer notre communauté de destin et notre capacité à entraîner ensemble lEurope.
Autre cercle, celui de lAlliance Atlantique. Dans le domaine de la sécurité, lUnion et lAlliance sont complémentaires et doivent poursuivre la clarification de leurs missions respectives dans un contexte radicalement transformé. Le sommet du cinquantenaire de lAlliance atlantique, en avril prochain à Washington, en sera loccasion avec ladoption dun nouveau concept stratégique.
Marquant une étape supplémentaire dans ladaptation de lOTAN, après Berlin et après Madrid dont les acquis doivent être pleinement mis en oeuvre, le sommet de Washington devra affirmer plus nettement lidentité européenne. Le mouvement engagé vers une meilleure répartition des responsabilités devra être poursuivi. La détermination des Européens à développer leurs forces multinationales et leur industrie de défense devra être saluée et encouragée.
Je souhaite quaprès Washington, à loccasion par exemple dun sommet de lUEO, adossé à un prochain Conseil européen, soit précisé lavenir de l'Union de l'Europe Occidentale. Pour la France, elle a vocation à devenir lagence de défense de lUnion européenne, progressivement intégrée dans ses institutions, tout en restant articulée naturellement sur lOTAN. Dans ce contexte il faudra voir si l'on doit créer, le moment venu, un Conseil des Ministres de la Défense de lUnion européenne pour affirmer notre solidarité dans ce domaine. Ainsi serait clarifié, équilibré et rendu plus efficace ce partenariat transatlantique qui demeure une pierre dangle de la stabilité et de la sécurité du monde.
Toutefois le sommet de Washington ne doit pas transformer lOTAN en une sorte de « Sainte Alliance » qui aurait vocation à intervenir partout et pour tout. La France ne laccepterait pas. Cest dans cet esprit quelle insiste, avec d'ailleurs, la quasi-totalité de ses partenaires européens, sur la nécessité dun mandat du Conseil de sécurité pour toute intervention militaire de lOTAN.
Ceci vaut aujourdhui pour le Kosovo où la poursuite des combats menace dembraser tous les Balkans, avec le bouleversement des frontières existantes, léclatement des Etats les plus fragiles et la mise en cause dacquis encore précaires en Bosnie. Nous ne pourrons bloquer cet engrenage quà une condition : les six pays membres du Groupe de Contact doivent durgence relancer la négociation sur des bases claires. Ils doivent affirmer leur détermination à voir adopté un statut de très large autonomie à lintérieur des frontière existantes. Une politique dextrême fermeté est nécessaire. Mais lusage de la force de lAlliance, sur mandat du Conseil de Sécurité, naura de sens quau service dobjectifs politiques dont le Groupe de Contact unanime doit rapidement préciser les contours.
Dans cette tragédie, la Russie peut et doit jouer le rôle positif que tous ses partenaires attendent delle. Pour men être entretenu à plusieurs reprises avec le Président Eltsine, je suis convaincu quelle fera le bon choix, comme en Bosnie, celui de ce partenariat stratégique que lui propose lActe fondateur OTAN-Russie et qui doit se traduire, de part et dautre, par une coopération confiante au Conseil de sécurité, à la table de négociation et sur le terrain.
LOTAN, la Bosnie, le Kosovo, autant doccasions de mesurer limportance souvent décisive -même si elle est parfois discutée- de la coopération franco-américaine. Autant doccasions de souligner le prix dune amitié que les années nentament pas.
Des différences peuvent certes exister sur lordre mondial à venir, quil sagisse de la Cour Pénale Internationale enfin créée ou du traité dinterdiction des mines anti-personnel, du financement de lONU ou de celui du Fonds Monétaire International, de la protection de lenvironnement ou de laide au développement, des sanctions unilatérales ou de l'usage de l'embargo.
Mais ces différences nopposent pas, je crois, les Etats-Unis et la France. Elles traduisent, chez certains, une tentation isolationniste et unilatéraliste, sans pourtant faire obstacle à des avancées importantes vers un ordre mondial conforme aux souhaits de la France et aux souhaits du plus grand nombre.
Je sais combien le Président Clinton déplore cette situation et je salue son engagement international résolu.
Lamitié personnelle qui nous lie, la bonne entente entre nos ministres et nos collaborateurs, nous ont permis daborder ensemble, côte à côte, les rudes chocs de 1998.
Ce fut dabord lIrak. Nous avions le même objectif : obtenir le strict respect des résolutions du Conseil de Sécurité. Nous lavons atteint en février en conjuguant nos moyens et en aidant le secrétaire général de lONU à réussir sa mission. Le même état desprit doit nous animer aujourdhui afin dobtenir, par une application scrupuleuse de ces mêmes résolutions, le passage progressif au contrôle à long terme puis la levée de lembargo. Le chef de lEtat irakien doit comprendre que des progrès décisifs dans ce sens dépendent de sa totale coopération avec lUNSCOM et lAIEA.
Le dialogue franco-américain sest également intensifié sur le processus de paix au Proche-Orient. La France naccepte pas la mort programmée de ce processus. Etouffer lespoir dune solution juste, conforme aux engagements pris, cest enfoncer des millions dhommes dans un désespoir porteur de violence et porteur de terrorisme. Avec le Président Hosni Moubarak, jai proposé que se tienne, en Egypte ou en France, un sommet des sauveteurs de la paix qui, dans un premier temps, se déroulerait sans les protagonistes. Il aurait pour objectif de confirmer tous les acquis et de préciser les conditions dune relance des deux volets du processus. Pour préparer ce sommet, sera conviée le moment venu, à Paris, une réunion de hauts fonctionnaires arabes, américains, russes et européens.
Enfin, le dialogue franco-américain est redevenu positif sur lIran. La France observe avec une extrême attention lévolution de ce grand pays, dont elle recevra, au cours des prochains mois, de très hauts dirigeants. Placé à lépicentre dun arc de crise qui est aussi le coeur énergétique du monde, lIran est confronté à son tour au risque de déstabilisation régionale qui résulte des derniers et inquiétants développements en Afghanistan. Sil confirme ses choix, lIran peut jouer un rôle constructif majeur. Cest tout le sens du dialogue franco-iranien, que nous venons de relancer à loccasion du voyage du Ministre des Affaires Etrangères.
Le deuxième choc de 1998 est venu des essais nucléaires de lInde et du Pakistan. Le sous-continent sest brutalement enfermé dans un face à face nucléaire sans règle du jeu. Soyons-en bien conscients : le pouvoir stabilisateur de latome nexiste pas quand une situation de tension, au Cachemire par exemple, peut à tout moment, et sans contrôle, enclencher un engrenage militaire non-maîtrisé.
Dialoguer et non sanctionner, contribuer à lélaboration de mesures de confiance, plaider pour la création à léchelle de lAsie toute entière dune organisation de sécurité qui lui fait cruellement défaut, convaincre lInde et le Pakistan daccepter un arrêt contrôlé du développement de leurs programmes nucléaires, réussir la négociation darrêt de toute production de matière fissile à usage militaire, obtenir quavant la conférence de mise en oeuvre du traité dinterdiction des essais, dans un an, lInde et le Pakistan signent ce traité sans conditions et que le Congrès américain le ratifie, voilà le seul chemin susceptible déviter deux catastrophes annoncées : un dérapage nucléaire en Asie du Sud et la destruction du régime de non-prolifération patiemment construit depuis 30 ans.
Si lInde et le Pakistan sengagent résolument dans cette voie, la communauté internationale devra alors réfléchir aux conditions de réalisation, dans ces pays, de programmes électro-nucléaires sûrs et contrôlés, indispensables pour répondre à leurs considérables besoins en énergie et aussi à la nécessité impérieuse de limiter dans le monde les émissions de gaz à effet de serre.
La France, qui a établi un dialogue intense et confiant avec lInde comme avec le Pakistan, doit rester en initiative sur ce dossier qui est un dossier crucial pour la stabilité mondiale, et ceci en liaison étroite avec ses partenaires membres permanents du Conseil de Sécurité.
Mais la France doit être tout aussi active face aux risques immédiats dautres proliférations : balistique, chimique et biologique. Elle devra en particulier prendre rapidement une initiative pour relancer la négociation de mise en place dun véritable instrument de vérification de la convention dinterdiction des armes biologiques.
Lurgence est dautant plus grande que ces armes de destruction massive pourraient bien, demain, être détenues par des groupes terroristes. La puissance des explosifs quils parviennent à se procurer leur permet déjà de perpétrer de terribles massacres dinnocents. On vient encore de le voir en Irlande du Nord ou en Afrique.
Pour lemporter dans un combat sans merci, nous devons obtenir de tous les Etats une condamnation sans réserve de tous les terroristes, afin quils ne puissent, nulle part, trouver refuge et préparer impunément leurs crimes. Nous devons aussi négocier dans les meilleurs délais une convention contre le financement du terrorisme, pour compléter un dispositif juridique dont il faut obtenir lapplication dans le monde entier. Vaincre le terrorisme sera une oeuvre de longue haleine. Nous réussirons le jour où tous les Etats seront convaincus quaucun néchappera durablement à ce fléau si tous ne sont pas solidaires.
Voilà des menaces auxquelles la France, comme ses partenaires, doit faire face et contre lesquelles elle doit mobiliser limagination et le talent de ses négociateurs, en suscitant, dans le monde entier, les alliances les plus larges .
Le dernier choc de lannée écoulée est naturellement celui de la crise financière asiatique. Tout a été dit et écrit sur les origines et le déroulement de cette crise. Le moment est venu en revanche den tirer deux leçons.
La première sadresse à nos industriels et à nos banquiers. Après avoir été porté au pinacle, le « modèle asiatique » est aujourdhui critiqué sans nuance. Ces deux réactions sont, naturellement, tout à fait excessives. Nous savons quil faudra du temps pour que ces pays retrouvent, sur des bases assainies et fortifiées, le chemin de la croissance. A condition bien sûr que les réformes nécessaires soient accomplies et que la Chine poursuive, comme elle en a sans aucun doute lintention, la politique responsable qui lui vaut les éloges justifiés de toute la communauté internationale. Quant au Japon, indispensable locomotive de la région, il est parfaitement capable, sil met en oeuvre les mesures nécessaires, dassainir son appareil financier, de rendre confiance à son peuple et au monde et de conduire sa rénovation.
Il faut donc encourager nos groupes à demeurer en Asie et à y utiliser, avec discernement, les opportunités dinvestissement qui se multiplient aujourd'hui. Nous nétions pas assez présents. Sachons saisir, avec toute la prudence nécessaire, bien sûr, loccasion dun renforcement durable de la Maison France dans une zone qui redeviendra demain lun des principaux pôles de croissance de la planète.
La deuxième leçon de cette crise concerne le nécessaire et urgent renforcement du système financier mondial autour du FMI. Sa mobilisation sans précédent en Asie a permis déviter le pire. Je tiens à rendre hommage à Michel Camdessus dont laction doit être soutenue par toute la communauté internationale. Je saisis cette occasion pour souligner que son intervention aujourdhui en Russie, avec le plein concours du G7, ne réussira que si les indispensables réformes internes voulues par le Président Eltsine sont résolument mises en oeuvre par le nouveau gouvernement de
M. Tchernomyrdine.
Avec la crise russe, le Fonds monétaire a atteint les limites de ses capacités dintervention. Laugmentation des quotes-parts, décidée il y a un an, est indispensable. Mais il faut aller plus loin.
Depuis le sommet du G7 de Lyon, la communauté mondiale a engagé, dans la discrétion, des réformes considérables. Pour améliorer la transparence. Pour aider les pays émergents à mieux gérer la liberté des mouvements internationaux de capitaux et à consolider leurs systèmes financiers nationaux. Pour sassurer que le secteur privé assume la responsabilité des décisions quil prend en matière de prêts. Pour accroître enfin le rôle des institutions financières internationales et la coopération entre elles.
Lors du sommet de Birmingham, jai proposé la transformation du comité intérimaire du FMI en véritable organe de décision au niveau ministériel afin de renforcer la légitimité du Fonds monétaire. Jai également suggéré que se tienne en France un sommet des Chefs dEtat ou de gouvernement des pays membres et suppléants de lactuel comité intérimaire, pour entériner solennellement toutes les réformes actuellement en préparation, et notamment celle du FMI.
Jattache une extrême importance à ce dossier. Leuro contribuera puissamment à la stabilité du système financier international. Mais si nous ne sommes pas capables de conduire rapidement les réformes nécessaires, autour dun FMI renforcé, nous serons à la merci dune secousse brutale, dans tel ou tel pays émergent. Pour conjurer cette vraie menace sur la croissance mondiale, et sur la prospérité dune Europe qui est devenue le premier banquier du monde, la France doit, là encore, mobiliser ses talents et rassembler peu à peu la très large coalition internationale sans laquelle la réforme du FMI ne pourra pas être adoptée.
Dautres grandes causes, vous le savez, appellent une intervention vigoureuse de la France : la lutte contre la drogue et le crime organisé ; la lutte contre les maladies infectieuses et dabord le SIDA ; la lutte pour la protection de notre environnement sur laquelle je mexprimerai en novembre à loccasion du Congrès de lUnion Mondiale pour la Nature ; la défense de la valeur universelle des droits de lHomme et lédification des « droits du XXIè siècle » pour lesquels je plaiderai avec force en décembre, à loccasion du cinquantième anniversaire de ladoption à Paris de la Déclaration universelle de 1948.
Lengagement au service de ces grandes causes constitue une dimension importante de notre politique étrangère. Il contribue au rayonnement de la France et à lattrait de son message. Je souhaite que, pour en accroître la portée, soient nommés au Quai dOrsay - j'ai eu l'occasion d'en parler au Ministre -, deux ou trois Ambassadeurs qui seraient spécifiquement chargés de dossiers tels que lenvironnement, les droits de lHomme, la lutte contre la drogue et le crime organisé.
Mais le rayonnement de la France tient aussi à la présence et à laide effective quelle a su maintenir en direction de deux cercles de solidarité qui se recoupent en partie : lAfrique et la francophonie. Selon les dernières statistiques de lOCDE, la France est redevenue, en chiffres absolus, en valeur absolue, le deuxième donneur daide publique au développement, derrière le Japon. Cet effort considérable saccompagne de la recherche dune efficacité accrue à travers la réforme engagée de nos outils de coopération.
Je continuerai de me battre pour lindispensable maintien de laide publique. Malgré bien des difficultés et des drames, lAfrique progresse sur le chemin de la démocratie, de la bonne gouvernance et du développement. Ce nest pas le moment de labandonner. Il faut au contraire l'encourager à poursuivre ses réformes. Sa croissance, établie désormais dans plus de 40 pays, pourrait être durablement accélérée si les flux de capitaux internationaux, publics et privés, étaient accrus. Le commerce ne doit pas servir dalibi au recul de laide. La France doit toujours et partout souligner lenjeu et l'obligation morale que représente lintégration des pays les plus pauvres dans léconomie mondiale, et, pour cela, le caractère irremplaçable et incontournable de l'aide publique : la face du XXIème siècle en sera transformée.
Le sommet Afrique-France qui se tiendra à Paris fin novembre sera pour moi loccasion de développer les principaux éléments dune politique africaine poursuivie avec constance depuis mon élection et qui tient en trois mots : fidélité, ouverture et modernisation. Mais jévoquerai aussi avec tous nos partenaires africains les questions de sécurité, qui seront, vous le savez, au coeur de ce prochain sommet.
Les événements qui continuent de marquer l'Afrique Centrale illustrent de façon dramatique les résultats dactions fondées sur lingérence extérieure et lemploi de la force pour semparer de lEtat, au mépris de lintérêt des peuples et des droits de lhomme.
La communauté internationale doit aider cette région à s'engager résolument sur le chemin de la stabilité, de la démocratie et du développement. Le problème de la sécurité dans la région des Grands Lacs doit être traité enfin. La France a proposé, vous le savez, la réunion d'une Conférence pour la paix. Elle apportera tout son concours aux propositions qui iront dans ce sens.
LAfrique donc, mais aussi la francophonie.
Dans un an, le sommet de Moncton permettra à ses 52 membres de mesurer, avec le premier Secrétaire général de notre Mouvement, le chemin parcouru depuis Hanoi. Je souhaite que le rôle politique de ce Mouvement s'affirme avec pragmatisme et que la réforme de lAgence et de son administration soit conduite avec détermination pour que soient mieux identifiés les objectifs communs et mieux utilisés les crédits mis à sa disposition. La même démarche simpose d'ailleurs pour les autres opérateurs.
La Francophonie se renforce parce qu'elle répond à un vrai besoin : préserver la diversité des langues et des cultures de notre planète face aux risques évidents de l'uniformisation culturelle. Sur cette solidarité particulière, la francophonie, nous entendons fonder des actions pour la paix, la démocratie et pour le développement.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Affirmer lidentité et défendre les intérêts de la France, bâtir une Europe unie, puissante et prospère, édifier un monde multipolaire harmonieux, pacifique et sûr, maîtriser la mondialisation au bénéfice de tous : voilà nos objectifs. Le Président de la République, le Premier Ministre et le Gouvernement mobilisent leurs efforts pour les atteindre. Et la France est dautant mieux entendue que son message est cohérent, généreux, ambitieux. A vous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, de transformer, dans tous les domaines, ce message en action et cette action en résultats.
Je suis sûr que votre réunion annuelle, qui a été fort bien préparée, vous y aidera. Je souhaite quelle vous permette aussi de mieux cerner les contours de vos missions qui ne cessent de senrichir. Et je ferai à ce sujet, en terminant, une réflexion.
C'est une évidence, les relations entre les nations dépassent de plus en plus les relations entre les Etats. Ce sont les sociétés tout entières, dans leurs différentes composantes, qui se croisent, se rencontrent, travaillent ensemble. Cette explosion d'échanges humains et le poids accru des opinions, qui vont, d'ailleurs, de pair avec la mondialisation, ne réduisent pas le rôle des ambassadeurs, bien au contraire. Mais ils transforment leur métier, qui est désormais plus riche, plus varié, plus ouvert, plus près des réalités.
Hier, vous deviez être à l'écoute des Etats, des gouvernements, de tout ce qui est officiel. Aujourd'hui, vous devez être aussi à l'écoute des peuples, ce qui est une tâche exigeante, passionnante, indispensable.
Je sais que vous le faites, car vous êtes curieux des autres et du monde. C'est probablement l'une des sources de votre vocation de diplomate. Je vous encourage à aller encore plus loin dans cette voie, car il nest pas de bonne politique étrangère sans bonne compréhension de toutes les forces, de tous les courants qui, ensemble, forment la personnalité dun peuple, lidentité dune nation et expliquent bien des évolutions majeures sur la scène internationale.
C'est en allant sur le terrain, au devant de tous les acteurs de la société civile, que vous percevrez les attentes, les projets, les mouvements d'opinion. Et c'est en développant cette connaissance politique, sociologique, psychologique que nous pourrons resserrer la trame des liens d'amitié et de solidarité qui nous unissent au monde et, ce faisant, mieux faire connaître notre propre pays et la politique qu'il conduit.
Une grande politique étrangère s'appuie sur quelques réalités : l'importance stratégique d'un pays, son histoire, sa culture, son poids et son dynamisme économiques, sa force militaire, son aptitude à avoir une vision claire de l'avenir et des objectifs qu'il veut atteindre. Mais aujourd'hui, plus encore quhier, il ny a pas de grande politique étrangère sans volonté et capacité de comprendre les peuples, de prendre en compte leurs aspirations et de faire partager au plus grand nombre ses analyses et ses ambitions.
Je souhaite que vous considériez cette dimension humaine et moderne de votre mission comme une nécessité essentielle de notre action diplomatique.
Parce que je connais personnellement la plupart des chefs de poste dont je lis attentivement les télégrammes, parce que je connais les responsables de l'administration centrale, je sais la qualité des hommes et des femmes qui, ensemble, forment cette grande maison qu'est le Quai d'Orsay. Je sais pouvoir compter sur tous nos ambassadeurs pour donner le meilleur d'eux-mêmes, notamment lorsque les conditions sont difficiles et ils en ont toujours fait la preuve . Aujourd'hui je vous invite à aller plus loin, à vous dépasser dans la plus exigeante des missions : être la France dans le monde.
Je vous remercie.
Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Nous voici réunis, pour la quatrième fois, dans cet exercice désormais traditionnel de la Conférence des Ambassadeurs. Cest pour moi loccasion dinscrire une réalité internationale complexe, parfois irrationnelle, dans une analyse cartésienne. Ce besoin daffirmer une vision globale, à long terme, au lieu seulement de gérer avec pragmatisme chaque dossier à mesure quil se présente, distingue, je crois, notre pays.
Analyser ce que lon voit et dire ce que lon veut est pourtant, pour une grande nation, un exercice nécessaire. Les Français ont besoin de savoir où ils vont. Et jai le sentiment quen proposant sa vision du XXIème siècle, notre pays rencontre un large assentiment dans le monde.
Que veut la France ?
La France veut dabord que lUnion européenne soit, dans tous les domaines, un acteur majeur du XXIème siècle. Parce que lEurope unifiée, démocratique, pacifique doit contribuer de façon décisive à léquilibre du monde. Parce qu'une Europe s'affirmant sur la scène de lHistoire est, pour la France, le meilleur moyen de préserver son influence et de promouvoir ses intérêts dans un monde globalisé.
La France veut ensuite encourager le mouvement irrésistible vers un monde multipolaire, où lEurope trouvera naturellement toute sa place. Il faut organiser une relation harmonieuse entre puissances installées et puissances émergentes, dans le respect de la dignité de chacun, dans le respect aussi du droit international et des pouvoirs des organisations qui veillent à son application. Il faut également renforcer les institutions où sincarnent les solidarités régionales car elles sont gages de paix et de stabilité.
La France veut enfin que la mondialisation irréversible des technologies et des marchés, pour être pleinement bénéfique, soit mieux organisée, mieux maîtrisée grâce à ladoption et à la mise en oeuvre de règles communes et grâce à laction des organisations internationales chargées de les faire appliquer. Il est nécessaire, il est possible de réduire les risques de crise, de réduire les phénomènes dexclusion et nous devons le faire.
Autour de ces trois objectifs, la France peut rallier la plupart de ses partenaires. En mobilisant ses moyens, qui la placent parmi les quelques pays en mesure de rayonner dans le monde entier, en mobilisant notamment le deuxième réseau diplomatique mondial que vous incarnez avec compétence et talent, la France dispose dune forte capacité dinfluence. Et elle entraîne dautant mieux que sa vision est en harmonie avec les aspirations du plus grand nombre.
Daucuns pensent que la France a perdu une marge de manoeuvre avec leffacement de lordre bipolaire. Cest faux. Dabord parce que la disparition des dictatures est toujours une bonne nouvelle. Mais surtout, parce que la France, du fait même de la fin de la guerre froide, a retrouvé une grande liberté dinitiative et daction. Notre marge de manoeuvre est dautant plus grande que nous savons faire preuve de cohésion, de détermination et dambition.
Depuis le début de cette décennie, et pour la première fois depuis des siècles, la France na pas dennemi. Les menaces nouvelles, souvent diffuses, auxquelles elle est confrontée sont les mêmes que celles qui pèsent sur nos principaux partenaires. Ayant tourné la page des ambitions territoriales ou coloniales, tout en cherchant à renforcer les solidarités créées par lHistoire, la France a su sadapter à un monde où les risques, comme les composantes de la puissance, changent rapidement et profondément.
Pour promouvoir ses intérêts, ses valeurs, sa langue, sa culture, ses entreprises, son ambition sociale dans un monde intégré, complexe, où les frontières seffacent, où léconomie pèse de plus en plus lourd, où les normes se définissent à léchelle de la planète, où les nouveaux réseaux de communication accélèrent et multiplient les échanges entre les hommes, dans ce monde là, la France doit savoir bâtir autour delle des ensembles divers, changeants selon les dossiers traités. Le Ministre des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine, sy attache avec conviction jour après jour, tout en poursuivant avec détermination la modernisation des structures et du fonctionnement du Quai dOrsay.
Dans ce jeu nouveau dalliances fondées sur des solidarités différentes, différentes dans leur nature et dans leur intensité, le premier cercle est naturellement celui de lUnion européenne.
Les Français, même sils sagacent à juste titre de certaines dérives bureaucratiques, mesurent la portée de laventure dans laquelle notre continent est engagé grâce au génie de quelques hommes de vision. Pour la première fois de lHistoire, une puissance naît non par les armes mais par la volonté librement exprimée des peuples qui la composent. Pour la première fois, cet empire de la raison na pas pour objet dassurer la domination dun peuple sur ses voisins, mais d'affirmer leur union dans le respect de lidentité de chacun et la promotion collective de valeurs partagées. Cest ce qui donne son caractère unique à notre construction institutionnelle. LUnion ne veut pas être les Etats-Unis dEurope. Elle veut être lEurope unie des Etats.
Et, pour la première fois depuis lempire romain, lEurope aura, le 1er janvier prochain, une monnaie unique. Comme tous mes prédécesseurs, et avec Helmut Kohl, jai voulu réussir le projet européen le plus ambitieux à ce jour. Parce quil est le complément nécessaire du marché unique. Parce quil rend à la France une souveraineté monétaire, certes partagée, mais quelle avait de fait progressivement perdue. Parce quil protège nos peuples des crises et des fluctuations monétaires. Parce quil nous dote de disciplines économiques collectives qui sont les meilleures garanties dune croissance durable et saine, et donc de lemploi, dans l'ensemble de nos pays. Parce quenfin il permettra à lEurope dêtre légale de lAmérique dans le domaine décisif de la monnaie.
Les Européens ne mesurent pas encore la puissance et la rapidité de leffet intégrateur de leuro. Mais les acteurs économiques les perçoivent bien. Ils raisonnent déjà à léchelle du marché unique et en tirent les conséquences en termes de modernisation, de rationalisation et de regroupements. Vous devez vous aussi, avec vos collègues de lUnion, tirer toutes les conséquences de lexistence de groupes financiers et industriels européens lorsquil faut en défendre les chances sur les marchés tiers. Dans le même esprit, il faudra rapidement définir des solutions appropriées sur un dossier essentiel : celui de la représentation extérieure de leuro.
Cette intégration économique accélérée doit être complétée par de nouveaux progrès de lEurope des hommes, notamment dans le domaine de lemploi et dans celui de ce modèle social européen pour lequel je me bats depuis plus de trois ans. Cest là notre réponse à certains effets pervers de la mondialisation et cest une condition de ladhésion durable de nos peuples au projet européen.
Les négociations de lagenda 2000 et la réforme des institutions seront difficiles. Leur aboutissement est le préalable incontournable au prochain élargissement. Mais elles ne doivent en aucun cas servir de prétexte à en retarder léchéance. Je le redis avec force : la France souhaite que puisse intervenir, dès que possible, ladhésion de tous les pays candidats qui rempliront les conditions fixées par les traités. Lélargissement est un devoir moral et il est aussi une chance pour lEurope. Les difficultés réelles qui devront être surmontées ne doivent pas nous faire perdre de vue lintérêt à long terme de lUnion : constituer un ensemble démocratique, pacifique, puissant, prospère, de 500 millions de femmes et dhommes. Le premier de la planète.
Le moment est aussi venu de compléter cet ambitieux programme dans deux domaines.
La culture dabord. Il faut accélérer lharmonisation, trop lentement engagée, des diplômes entre grandes universités européennes. Il faut que nos jeunes, quel que soit leur parcours, deviennent européens en acquérant leur formation dans plusieurs villes universitaires de lUnion, renouant ainsi avec une tradition qui remonte au Moyen-Age. Il faut enfin promouvoir lenseignement, dès le plus jeune âge, de deux langues étrangères dans chacun de nos pays. Cest là le meilleur moyen pour assurer lidentité culturelle de lEurope mais aussi de chacune des nations qui la composent.
Lautre domaine est celui de la politique étrangère et de sécurité. Avec leuro, lEurope a prouvé que quand elle veut, elle peut. Ayons la volonté dagir par nous-mêmes sur la scène internationale ! Il y faudra du temps, je le sais. Mais il faut progresser.
Je mexprimerai sur ces deux sujets au cours des prochains mois pour souligner lindispensable dimension culturelle de la construction européenne et pour proposer, en matière de politique extérieure et de sécurité commune, une voie vers davantage de concertation et dunion, donnant à chacun plus dinfluence et defficacité mais ne signifiant en aucun cas, pas plus pour vous que pour moi, paralysie ou abandon.
Pour entraîner ses partenaires, la France doit, plus encore que par le passé, développer avec chacun des pays de lUnion des rapports étroits et confiants. Jy suis personnellement très attentif. Elle doit aussi et surtout proposer à lAllemagne des chemins nouveaux, plus ambitieux encore, pour affirmer notre entente et notre coopération. Au coeur du projet européen, la relation entre Paris et Bonn, demain entre Paris et Berlin, est, plus que jamais, fondamentale. Chacun, pourtant, ressent que les structures et les procédures actuelles doivent être adaptées aux conditions nouvelles de la construction européenne. Le rapprochement entre nos peuples - allemand et français-, nos sociétés, nos économies, doit mieux sinscrire dans le contexte politique, psychologique et technique daujourdhui.
Comment conduire cette rénovation de la relation franco-allemande ? Je men suis entretenu avec le Premier Ministre et, dès les élections allemandes passées, jaborderai ce grand sujet avec le Chancelier. Nous devrons préciser les objectifs et repenser les moyens de notre coopération pour renforcer notre communauté de destin et notre capacité à entraîner ensemble lEurope.
Autre cercle, celui de lAlliance Atlantique. Dans le domaine de la sécurité, lUnion et lAlliance sont complémentaires et doivent poursuivre la clarification de leurs missions respectives dans un contexte radicalement transformé. Le sommet du cinquantenaire de lAlliance atlantique, en avril prochain à Washington, en sera loccasion avec ladoption dun nouveau concept stratégique.
Marquant une étape supplémentaire dans ladaptation de lOTAN, après Berlin et après Madrid dont les acquis doivent être pleinement mis en oeuvre, le sommet de Washington devra affirmer plus nettement lidentité européenne. Le mouvement engagé vers une meilleure répartition des responsabilités devra être poursuivi. La détermination des Européens à développer leurs forces multinationales et leur industrie de défense devra être saluée et encouragée.
Je souhaite quaprès Washington, à loccasion par exemple dun sommet de lUEO, adossé à un prochain Conseil européen, soit précisé lavenir de l'Union de l'Europe Occidentale. Pour la France, elle a vocation à devenir lagence de défense de lUnion européenne, progressivement intégrée dans ses institutions, tout en restant articulée naturellement sur lOTAN. Dans ce contexte il faudra voir si l'on doit créer, le moment venu, un Conseil des Ministres de la Défense de lUnion européenne pour affirmer notre solidarité dans ce domaine. Ainsi serait clarifié, équilibré et rendu plus efficace ce partenariat transatlantique qui demeure une pierre dangle de la stabilité et de la sécurité du monde.
Toutefois le sommet de Washington ne doit pas transformer lOTAN en une sorte de « Sainte Alliance » qui aurait vocation à intervenir partout et pour tout. La France ne laccepterait pas. Cest dans cet esprit quelle insiste, avec d'ailleurs, la quasi-totalité de ses partenaires européens, sur la nécessité dun mandat du Conseil de sécurité pour toute intervention militaire de lOTAN.
Ceci vaut aujourdhui pour le Kosovo où la poursuite des combats menace dembraser tous les Balkans, avec le bouleversement des frontières existantes, léclatement des Etats les plus fragiles et la mise en cause dacquis encore précaires en Bosnie. Nous ne pourrons bloquer cet engrenage quà une condition : les six pays membres du Groupe de Contact doivent durgence relancer la négociation sur des bases claires. Ils doivent affirmer leur détermination à voir adopté un statut de très large autonomie à lintérieur des frontière existantes. Une politique dextrême fermeté est nécessaire. Mais lusage de la force de lAlliance, sur mandat du Conseil de Sécurité, naura de sens quau service dobjectifs politiques dont le Groupe de Contact unanime doit rapidement préciser les contours.
Dans cette tragédie, la Russie peut et doit jouer le rôle positif que tous ses partenaires attendent delle. Pour men être entretenu à plusieurs reprises avec le Président Eltsine, je suis convaincu quelle fera le bon choix, comme en Bosnie, celui de ce partenariat stratégique que lui propose lActe fondateur OTAN-Russie et qui doit se traduire, de part et dautre, par une coopération confiante au Conseil de sécurité, à la table de négociation et sur le terrain.
LOTAN, la Bosnie, le Kosovo, autant doccasions de mesurer limportance souvent décisive -même si elle est parfois discutée- de la coopération franco-américaine. Autant doccasions de souligner le prix dune amitié que les années nentament pas.
Des différences peuvent certes exister sur lordre mondial à venir, quil sagisse de la Cour Pénale Internationale enfin créée ou du traité dinterdiction des mines anti-personnel, du financement de lONU ou de celui du Fonds Monétaire International, de la protection de lenvironnement ou de laide au développement, des sanctions unilatérales ou de l'usage de l'embargo.
Mais ces différences nopposent pas, je crois, les Etats-Unis et la France. Elles traduisent, chez certains, une tentation isolationniste et unilatéraliste, sans pourtant faire obstacle à des avancées importantes vers un ordre mondial conforme aux souhaits de la France et aux souhaits du plus grand nombre.
Je sais combien le Président Clinton déplore cette situation et je salue son engagement international résolu.
Lamitié personnelle qui nous lie, la bonne entente entre nos ministres et nos collaborateurs, nous ont permis daborder ensemble, côte à côte, les rudes chocs de 1998.
Ce fut dabord lIrak. Nous avions le même objectif : obtenir le strict respect des résolutions du Conseil de Sécurité. Nous lavons atteint en février en conjuguant nos moyens et en aidant le secrétaire général de lONU à réussir sa mission. Le même état desprit doit nous animer aujourdhui afin dobtenir, par une application scrupuleuse de ces mêmes résolutions, le passage progressif au contrôle à long terme puis la levée de lembargo. Le chef de lEtat irakien doit comprendre que des progrès décisifs dans ce sens dépendent de sa totale coopération avec lUNSCOM et lAIEA.
Le dialogue franco-américain sest également intensifié sur le processus de paix au Proche-Orient. La France naccepte pas la mort programmée de ce processus. Etouffer lespoir dune solution juste, conforme aux engagements pris, cest enfoncer des millions dhommes dans un désespoir porteur de violence et porteur de terrorisme. Avec le Président Hosni Moubarak, jai proposé que se tienne, en Egypte ou en France, un sommet des sauveteurs de la paix qui, dans un premier temps, se déroulerait sans les protagonistes. Il aurait pour objectif de confirmer tous les acquis et de préciser les conditions dune relance des deux volets du processus. Pour préparer ce sommet, sera conviée le moment venu, à Paris, une réunion de hauts fonctionnaires arabes, américains, russes et européens.
Enfin, le dialogue franco-américain est redevenu positif sur lIran. La France observe avec une extrême attention lévolution de ce grand pays, dont elle recevra, au cours des prochains mois, de très hauts dirigeants. Placé à lépicentre dun arc de crise qui est aussi le coeur énergétique du monde, lIran est confronté à son tour au risque de déstabilisation régionale qui résulte des derniers et inquiétants développements en Afghanistan. Sil confirme ses choix, lIran peut jouer un rôle constructif majeur. Cest tout le sens du dialogue franco-iranien, que nous venons de relancer à loccasion du voyage du Ministre des Affaires Etrangères.
Le deuxième choc de 1998 est venu des essais nucléaires de lInde et du Pakistan. Le sous-continent sest brutalement enfermé dans un face à face nucléaire sans règle du jeu. Soyons-en bien conscients : le pouvoir stabilisateur de latome nexiste pas quand une situation de tension, au Cachemire par exemple, peut à tout moment, et sans contrôle, enclencher un engrenage militaire non-maîtrisé.
Dialoguer et non sanctionner, contribuer à lélaboration de mesures de confiance, plaider pour la création à léchelle de lAsie toute entière dune organisation de sécurité qui lui fait cruellement défaut, convaincre lInde et le Pakistan daccepter un arrêt contrôlé du développement de leurs programmes nucléaires, réussir la négociation darrêt de toute production de matière fissile à usage militaire, obtenir quavant la conférence de mise en oeuvre du traité dinterdiction des essais, dans un an, lInde et le Pakistan signent ce traité sans conditions et que le Congrès américain le ratifie, voilà le seul chemin susceptible déviter deux catastrophes annoncées : un dérapage nucléaire en Asie du Sud et la destruction du régime de non-prolifération patiemment construit depuis 30 ans.
Si lInde et le Pakistan sengagent résolument dans cette voie, la communauté internationale devra alors réfléchir aux conditions de réalisation, dans ces pays, de programmes électro-nucléaires sûrs et contrôlés, indispensables pour répondre à leurs considérables besoins en énergie et aussi à la nécessité impérieuse de limiter dans le monde les émissions de gaz à effet de serre.
La France, qui a établi un dialogue intense et confiant avec lInde comme avec le Pakistan, doit rester en initiative sur ce dossier qui est un dossier crucial pour la stabilité mondiale, et ceci en liaison étroite avec ses partenaires membres permanents du Conseil de Sécurité.
Mais la France doit être tout aussi active face aux risques immédiats dautres proliférations : balistique, chimique et biologique. Elle devra en particulier prendre rapidement une initiative pour relancer la négociation de mise en place dun véritable instrument de vérification de la convention dinterdiction des armes biologiques.
Lurgence est dautant plus grande que ces armes de destruction massive pourraient bien, demain, être détenues par des groupes terroristes. La puissance des explosifs quils parviennent à se procurer leur permet déjà de perpétrer de terribles massacres dinnocents. On vient encore de le voir en Irlande du Nord ou en Afrique.
Pour lemporter dans un combat sans merci, nous devons obtenir de tous les Etats une condamnation sans réserve de tous les terroristes, afin quils ne puissent, nulle part, trouver refuge et préparer impunément leurs crimes. Nous devons aussi négocier dans les meilleurs délais une convention contre le financement du terrorisme, pour compléter un dispositif juridique dont il faut obtenir lapplication dans le monde entier. Vaincre le terrorisme sera une oeuvre de longue haleine. Nous réussirons le jour où tous les Etats seront convaincus quaucun néchappera durablement à ce fléau si tous ne sont pas solidaires.
Voilà des menaces auxquelles la France, comme ses partenaires, doit faire face et contre lesquelles elle doit mobiliser limagination et le talent de ses négociateurs, en suscitant, dans le monde entier, les alliances les plus larges .
Le dernier choc de lannée écoulée est naturellement celui de la crise financière asiatique. Tout a été dit et écrit sur les origines et le déroulement de cette crise. Le moment est venu en revanche den tirer deux leçons.
La première sadresse à nos industriels et à nos banquiers. Après avoir été porté au pinacle, le « modèle asiatique » est aujourdhui critiqué sans nuance. Ces deux réactions sont, naturellement, tout à fait excessives. Nous savons quil faudra du temps pour que ces pays retrouvent, sur des bases assainies et fortifiées, le chemin de la croissance. A condition bien sûr que les réformes nécessaires soient accomplies et que la Chine poursuive, comme elle en a sans aucun doute lintention, la politique responsable qui lui vaut les éloges justifiés de toute la communauté internationale. Quant au Japon, indispensable locomotive de la région, il est parfaitement capable, sil met en oeuvre les mesures nécessaires, dassainir son appareil financier, de rendre confiance à son peuple et au monde et de conduire sa rénovation.
Il faut donc encourager nos groupes à demeurer en Asie et à y utiliser, avec discernement, les opportunités dinvestissement qui se multiplient aujourd'hui. Nous nétions pas assez présents. Sachons saisir, avec toute la prudence nécessaire, bien sûr, loccasion dun renforcement durable de la Maison France dans une zone qui redeviendra demain lun des principaux pôles de croissance de la planète.
La deuxième leçon de cette crise concerne le nécessaire et urgent renforcement du système financier mondial autour du FMI. Sa mobilisation sans précédent en Asie a permis déviter le pire. Je tiens à rendre hommage à Michel Camdessus dont laction doit être soutenue par toute la communauté internationale. Je saisis cette occasion pour souligner que son intervention aujourdhui en Russie, avec le plein concours du G7, ne réussira que si les indispensables réformes internes voulues par le Président Eltsine sont résolument mises en oeuvre par le nouveau gouvernement de
M. Tchernomyrdine.
Avec la crise russe, le Fonds monétaire a atteint les limites de ses capacités dintervention. Laugmentation des quotes-parts, décidée il y a un an, est indispensable. Mais il faut aller plus loin.
Depuis le sommet du G7 de Lyon, la communauté mondiale a engagé, dans la discrétion, des réformes considérables. Pour améliorer la transparence. Pour aider les pays émergents à mieux gérer la liberté des mouvements internationaux de capitaux et à consolider leurs systèmes financiers nationaux. Pour sassurer que le secteur privé assume la responsabilité des décisions quil prend en matière de prêts. Pour accroître enfin le rôle des institutions financières internationales et la coopération entre elles.
Lors du sommet de Birmingham, jai proposé la transformation du comité intérimaire du FMI en véritable organe de décision au niveau ministériel afin de renforcer la légitimité du Fonds monétaire. Jai également suggéré que se tienne en France un sommet des Chefs dEtat ou de gouvernement des pays membres et suppléants de lactuel comité intérimaire, pour entériner solennellement toutes les réformes actuellement en préparation, et notamment celle du FMI.
Jattache une extrême importance à ce dossier. Leuro contribuera puissamment à la stabilité du système financier international. Mais si nous ne sommes pas capables de conduire rapidement les réformes nécessaires, autour dun FMI renforcé, nous serons à la merci dune secousse brutale, dans tel ou tel pays émergent. Pour conjurer cette vraie menace sur la croissance mondiale, et sur la prospérité dune Europe qui est devenue le premier banquier du monde, la France doit, là encore, mobiliser ses talents et rassembler peu à peu la très large coalition internationale sans laquelle la réforme du FMI ne pourra pas être adoptée.
Dautres grandes causes, vous le savez, appellent une intervention vigoureuse de la France : la lutte contre la drogue et le crime organisé ; la lutte contre les maladies infectieuses et dabord le SIDA ; la lutte pour la protection de notre environnement sur laquelle je mexprimerai en novembre à loccasion du Congrès de lUnion Mondiale pour la Nature ; la défense de la valeur universelle des droits de lHomme et lédification des « droits du XXIè siècle » pour lesquels je plaiderai avec force en décembre, à loccasion du cinquantième anniversaire de ladoption à Paris de la Déclaration universelle de 1948.
Lengagement au service de ces grandes causes constitue une dimension importante de notre politique étrangère. Il contribue au rayonnement de la France et à lattrait de son message. Je souhaite que, pour en accroître la portée, soient nommés au Quai dOrsay - j'ai eu l'occasion d'en parler au Ministre -, deux ou trois Ambassadeurs qui seraient spécifiquement chargés de dossiers tels que lenvironnement, les droits de lHomme, la lutte contre la drogue et le crime organisé.
Mais le rayonnement de la France tient aussi à la présence et à laide effective quelle a su maintenir en direction de deux cercles de solidarité qui se recoupent en partie : lAfrique et la francophonie. Selon les dernières statistiques de lOCDE, la France est redevenue, en chiffres absolus, en valeur absolue, le deuxième donneur daide publique au développement, derrière le Japon. Cet effort considérable saccompagne de la recherche dune efficacité accrue à travers la réforme engagée de nos outils de coopération.
Je continuerai de me battre pour lindispensable maintien de laide publique. Malgré bien des difficultés et des drames, lAfrique progresse sur le chemin de la démocratie, de la bonne gouvernance et du développement. Ce nest pas le moment de labandonner. Il faut au contraire l'encourager à poursuivre ses réformes. Sa croissance, établie désormais dans plus de 40 pays, pourrait être durablement accélérée si les flux de capitaux internationaux, publics et privés, étaient accrus. Le commerce ne doit pas servir dalibi au recul de laide. La France doit toujours et partout souligner lenjeu et l'obligation morale que représente lintégration des pays les plus pauvres dans léconomie mondiale, et, pour cela, le caractère irremplaçable et incontournable de l'aide publique : la face du XXIème siècle en sera transformée.
Le sommet Afrique-France qui se tiendra à Paris fin novembre sera pour moi loccasion de développer les principaux éléments dune politique africaine poursuivie avec constance depuis mon élection et qui tient en trois mots : fidélité, ouverture et modernisation. Mais jévoquerai aussi avec tous nos partenaires africains les questions de sécurité, qui seront, vous le savez, au coeur de ce prochain sommet.
Les événements qui continuent de marquer l'Afrique Centrale illustrent de façon dramatique les résultats dactions fondées sur lingérence extérieure et lemploi de la force pour semparer de lEtat, au mépris de lintérêt des peuples et des droits de lhomme.
La communauté internationale doit aider cette région à s'engager résolument sur le chemin de la stabilité, de la démocratie et du développement. Le problème de la sécurité dans la région des Grands Lacs doit être traité enfin. La France a proposé, vous le savez, la réunion d'une Conférence pour la paix. Elle apportera tout son concours aux propositions qui iront dans ce sens.
LAfrique donc, mais aussi la francophonie.
Dans un an, le sommet de Moncton permettra à ses 52 membres de mesurer, avec le premier Secrétaire général de notre Mouvement, le chemin parcouru depuis Hanoi. Je souhaite que le rôle politique de ce Mouvement s'affirme avec pragmatisme et que la réforme de lAgence et de son administration soit conduite avec détermination pour que soient mieux identifiés les objectifs communs et mieux utilisés les crédits mis à sa disposition. La même démarche simpose d'ailleurs pour les autres opérateurs.
La Francophonie se renforce parce qu'elle répond à un vrai besoin : préserver la diversité des langues et des cultures de notre planète face aux risques évidents de l'uniformisation culturelle. Sur cette solidarité particulière, la francophonie, nous entendons fonder des actions pour la paix, la démocratie et pour le développement.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Affirmer lidentité et défendre les intérêts de la France, bâtir une Europe unie, puissante et prospère, édifier un monde multipolaire harmonieux, pacifique et sûr, maîtriser la mondialisation au bénéfice de tous : voilà nos objectifs. Le Président de la République, le Premier Ministre et le Gouvernement mobilisent leurs efforts pour les atteindre. Et la France est dautant mieux entendue que son message est cohérent, généreux, ambitieux. A vous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, de transformer, dans tous les domaines, ce message en action et cette action en résultats.
Je suis sûr que votre réunion annuelle, qui a été fort bien préparée, vous y aidera. Je souhaite quelle vous permette aussi de mieux cerner les contours de vos missions qui ne cessent de senrichir. Et je ferai à ce sujet, en terminant, une réflexion.
C'est une évidence, les relations entre les nations dépassent de plus en plus les relations entre les Etats. Ce sont les sociétés tout entières, dans leurs différentes composantes, qui se croisent, se rencontrent, travaillent ensemble. Cette explosion d'échanges humains et le poids accru des opinions, qui vont, d'ailleurs, de pair avec la mondialisation, ne réduisent pas le rôle des ambassadeurs, bien au contraire. Mais ils transforment leur métier, qui est désormais plus riche, plus varié, plus ouvert, plus près des réalités.
Hier, vous deviez être à l'écoute des Etats, des gouvernements, de tout ce qui est officiel. Aujourd'hui, vous devez être aussi à l'écoute des peuples, ce qui est une tâche exigeante, passionnante, indispensable.
Je sais que vous le faites, car vous êtes curieux des autres et du monde. C'est probablement l'une des sources de votre vocation de diplomate. Je vous encourage à aller encore plus loin dans cette voie, car il nest pas de bonne politique étrangère sans bonne compréhension de toutes les forces, de tous les courants qui, ensemble, forment la personnalité dun peuple, lidentité dune nation et expliquent bien des évolutions majeures sur la scène internationale.
C'est en allant sur le terrain, au devant de tous les acteurs de la société civile, que vous percevrez les attentes, les projets, les mouvements d'opinion. Et c'est en développant cette connaissance politique, sociologique, psychologique que nous pourrons resserrer la trame des liens d'amitié et de solidarité qui nous unissent au monde et, ce faisant, mieux faire connaître notre propre pays et la politique qu'il conduit.
Une grande politique étrangère s'appuie sur quelques réalités : l'importance stratégique d'un pays, son histoire, sa culture, son poids et son dynamisme économiques, sa force militaire, son aptitude à avoir une vision claire de l'avenir et des objectifs qu'il veut atteindre. Mais aujourd'hui, plus encore quhier, il ny a pas de grande politique étrangère sans volonté et capacité de comprendre les peuples, de prendre en compte leurs aspirations et de faire partager au plus grand nombre ses analyses et ses ambitions.
Je souhaite que vous considériez cette dimension humaine et moderne de votre mission comme une nécessité essentielle de notre action diplomatique.
Parce que je connais personnellement la plupart des chefs de poste dont je lis attentivement les télégrammes, parce que je connais les responsables de l'administration centrale, je sais la qualité des hommes et des femmes qui, ensemble, forment cette grande maison qu'est le Quai d'Orsay. Je sais pouvoir compter sur tous nos ambassadeurs pour donner le meilleur d'eux-mêmes, notamment lorsque les conditions sont difficiles et ils en ont toujours fait la preuve . Aujourd'hui je vous invite à aller plus loin, à vous dépasser dans la plus exigeante des missions : être la France dans le monde.
Je vous remercie.