Déclaration de M. Francis Mer, ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, sur le rôle des pouvoirs publics dans le développement de l'économie numérique, notamment pour améliorer la sécurité des transactions sur Internet et favoriser l'accès à l'information, à Paris le 24 octobre 2002.

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Circonstance : Conférence internationale de la mission pour l'économie numérique "l'avenir de l'économie numérique : quel rôle pour les pouvoirs publics?" à Paris les 24 et 25 octobre 2002

Texte intégral

Monsieur le Commissaire,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec plaisir mais aussi avec un vif intérêt que notre Ministère accueille cette conférence organisée à l'initiative de la mission pour l'économie numérique pour permettre à des professionnels du monde entier de nous apporter leurs réflexions sur le rôle majeur des pouvoirs publics dans le développement de l'économie numérique.
Il serait en effet illusoire, en matière d'économie numérique, de travailler dans un contexte strictement national : les technologies de l'information produisent leurs effets à l'échelle mondiale, et l'échange permanent de bonnes pratiques est indispensable afin d'apprendre constamment des expériences réalisées par tous. En matière de processus et d'application des technologies, il n'y a pas de vérité révélée, pas de rupture entre le public et le privé : il y a les bonnes idées, les moins bonnes, et surtout le besoin d'un échange permanent pour que les bonnes idées se propagent plus vite que les autres. C'est dans cet esprit que vous aborderez cette conférence, afin que les bonnes pratiques se diffusent entre acteurs de pays différents.
Puisque j'ai l'honneur d'inaugurer la première conférence sur l'économie numérique de Bercy, je crois qu'il m'appartient d'en proposer une définition.
Au départ, l'économie numérique désignait l'ensemble des activités industrielles issues spécifiquement des technologies de l'information : les services et les équipements de télécommunication, les services et les équipements informatiques, les logiciels, l'audiovisuel et l'électronique grand public, les composants et l'électronique professionnelle. Mais, au fil de la diffusion de ces technologies, l'économie numérique a évolué pour s'intégrer dans l'économie du pays. L'économie numérique, c'est aujourd'hui toute l'économie irriguée par les technologies de l'information et de la communication qui en améliore la dynamique et la performance.
Dans ce contexte, nous sommes aujourd'hui réunis afin de répondre à la question suivante : " Quel rôle pour les pouvoirs publics ? "
L'Etat a fondamentalement deux rôles à jouer :
Il incite, soutient, et crée les conditions de la confiance,
Il utilise les technologies pour ses propres besoins.

L'Etat incite, soutient et crée les conditions de la confiance
Développer l'économie numérique suppose d'élargir considérablement le nombre d'agents économiques, entreprises et ménages, pouvant y accéder dans des conditions optimales de confort d'utilisation et de coût. C'est pourquoi, l'une des priorités du gouvernement est d'inciter le plus grand nombre de personnes à accéder à Internet à haut débit, et donc de permettre un développement rapide des usages résultant des nouvelles capacités offertes.
En matière d'accès au haut débit, la France accuse un retard conséquent sur certains de ses partenaires européens avec un million d'abonnés contre plus de 2 en Allemagne. Néanmoins, l'utilisation de cet outil essentiel connaît aujourd'hui dans notre pays une croissance " fulgurante " : le nombre d'abonnés a été multiplié par trois en un an et le chiffre d'affaires de ce secteur connaît la même progression. Notre politique consiste à favoriser la concurrence sur les accès.
L'ADSL a été un des premiers dossiers traités depuis mon arrivée à Bercy. Le dispositif auquel nous sommes parvenus marquera, je n'en doute pas, un tournant essentiel dans le développement du marché français, grâce à une baisse des tarifs de gros et à l'émergence d'une offre grand public, sous forme d'un abonnement mensuel illimité au prix de 30 environ.
Le haut débit peut et doit en effet connaître le même succès que celui du téléphone portable avec 10 millions d'abonnés d'ici cinq ans. Cet objectif ambitieux est réalisable dès lors qu'il est partagé et porté par tous les acteurs : Gouvernement, autorité de régulation, opérateurs, industriels. Cette croissance du nombre des abonnés créera un cercle vertueux pour l'ensemble de l'économie numérique. Grâce à ce fort potentiel de clients, les investissements lourds et coûteux de ce secteur pourront être normalement amortis et de nouveaux services et usages émergeront. Notre économie en sera d'autant renforcée grâce à la multiplication des échanges permise par l'Internet, et au développement du commerce en ligne par exemple.
Au-delà de ces mesures prises en faveur de l'accès du plus grand nombre au haut débit, quelle politique incitera l'utilisation la plus large possible des usages et services électroniques?
En 2001, le montant des transactions sur Internet a pour la première fois dépassé celui réalisé sur le Minitel. En 2002, il lui est déjà cinq fois supérieur ! Le commerce électronique a dépassé le seuil de 1% de l'ensemble du commerce des entreprises vers les particuliers et se développe à plus de 25% par an. Peu de secteurs économiques peuvent se prévaloir d'afficher de telles performances ! Même si ces chiffres encourageants ne doivent pas masquer leur faible valeur absolue.
Malgré ces premiers résultats positifs, le gouvernement entend donner aujourd'hui une nouvelle impulsion au commerce électronique et à la sécurité des transactions électroniques.
Le commerce électronique ne pourra pas se développer massivement si les consommateurs n'ont pas une entière confiance dans les procédures électroniques associées. Pour créer cette confiance, le gouvernement va prochainement définir le cadre juridique applicable aux commerçants électroniques. C'est pourquoi nous présenterons un projet de loi concernant l'économie numérique avant la fin de l'année. Il intègrera la transposition de la directive européenne sur le commerce électronique et d'une partie de celle sur la protection des données et contiendra tout un ensemble de dispositions importantes en faveur de l'avènement d'une véritable économie numérique.
Un des principes poursuivis est celui d'assurer la transparence de l'information du consommateur qui a besoin d'être complètement renseigné sur l'identité, l'immatriculation et les coordonnées du marchand électronique.
Notre texte concerne aussi les règles régissant la publicité en ligne, par mail ou plus largement par voie électronique. Elle n'a pas vocation à être exagérément intrusive et le consommateur doit manifester son consentement préalable.
Notre projet définit aussi les conditions que doivent remplir les contrats sous forme électronique dans le domaine du commerce électronique et plus largement de l'économie numérique.
Enfin il nous faut répondre au nécessaire besoin de renforcer la sécurité des échanges électroniques.
Le traitement de ces sujets majeurs est de nature à renforcer considérablement la confiance dans l'économie numérique.
Un autre thème déterminant concerne la nécessaire sécurité des transactions. La conférence y consacrera à juste titre une table ronde et j'en analyserai ses conclusions avec le plus grand intérêt.
Certes, on ne peut pas nier que la confiance dans les moyens de paiement utilisés sur Internet ait nettement progressé : le taux de fraude est désormais très faible. Les autorités bancaires n'ont pas relâché leurs efforts et s'attachent à le faire baisser davantage : par la mise en place de nouvelles générations de cartes et au travers des recommandations qu'elles émettent vers les marchands électroniques.
Je m'en félicite. Mais il nous faut aller plus loin et lever complètement les craintes encore perçues par nos concitoyens sur la sécurité de leurs paiements en ligne.
Le rôle de la signature électronique
J'en viens maintenant à l'usage de la signature électronique, autre sujet majeur pour développer les transactions et pour passer de l'Internet " utilisé pour s'informer ", à l'Internet " espace de transactions ". Nous devons avoir dans les transactions électroniques le même niveau de preuve que dans les échanges papier. Depuis mars 2000, vous le savez, la valeur probante d'un échange électronique résulte nécessairement de l'existence d'une signature électronique fiable. Fin mai 2002, un arrêté a défini les règles d'accréditation des prestataires délivrant les outils permettant la mise en uvre de la signature électronique.
Pour autant, la signature électronique reste quelque chose d'abstrait ; son essor viendra essentiellement de l'importance des applications qui permettent son utilisation. Dans ce domaine, l'Etat a un rôle essentiel à jouer par le biais du développement des téléprocédures en tant qu'utilisateur et non plus seulement en tant que régulateur.
L'Etat est un utilisateur majeur de l'économie numérique
Plusieurs études montrent que les Français attendent essentiellement de l'administration électronique qu'elle leur fournisse de l'information et qu'elle simplifie leurs démarches administratives. Le gouvernement et plus particulièrement ce ministère ont donc ici un rôle essentiel en commençant, bien sûr, par les procédures de télédéclaration d'impôts.
Les particuliers ont été nombreux à utiliser les possibilités offertes par l'administration en ligne. Lors de la dernière campagne de l'impôt sur le revenu, le portail de Bercy a reçu près de 763 000 visites et ce sont près de 120 000 déclarations électroniques qui ont été faites contre 5 000 deux ans plus tôt. L'objectif pour 2003, est qu'il y ait plus de 500 000 télédéclarations.
En ce qui concerne les entreprises, la télédéclaration de TVA a été rendue obligatoire en 2001 pour les sociétés réalisant plus de 15 Millions d'euros de CA. Depuis avril 2001, nous avons reçu, en 17 mois, plus de 310 000 déclarations et 51 milliards d'euros en télépaiement. Avec pour le mois de septembre 2002, 36 000 télédéclarations de TVA pour près de 4,7 milliards d'euros en télépaiement, l'économie numérique a donc un sens très concret pour les comptes de la Nation.
Au-delà de ces applications phare, avec plus de 40 projets entrant dans le champ de l'économie numérique, Bercy joue donc un rôle de pionnier. C'est notamment grâce aux nouvelles technologies que l'efficacité des services pourra s'accroître.
Conclusion
En conclusion, je voudrais rappeler que le gouvernement entend conduire une politique fondée sur l'action se traduisant par :
La concertation avec les acteurs du secteur qui est nécessaire pour aboutir à des avancées telle que celle sur le haut débit ;
La réglementation lorsqu'elle est nécessaire, dans l'objectif majeur de renforcer la confiance dans l'économie numérique ;
L'investissement résolu de l'administration et des services publics dans les développements électroniques.
Certes, la bulle Internet a éclaté mais notre économie, pour être plus performante et plus compétitive, a besoin d'être plus que jamais numérique.
Les thèmes que vous allez aborder au cours de votre colloque s'inscrivent clairement dans cette perspective. Je prendrai connaissance de vos propositions avec un grand intérêt. Il appartiendra ensuite à la mission pour l'économie numérique d'en analyser les conclusions pour les intégrer dans son programme d'action.
Je vous remercie de votre attention et de votre coopération.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 25 octobre 2002)