Texte intégral
Limitation du cumul des mandats, coopération intercommunale, démocratie de proximité, les débats se multiplient. Seule la question du statut de l'élu local paraît officiellement parfois oubliée. Elle est pourtant une des clés pour une démocratie moderne.
Un statut moderne de l'élu n'est ni une construction utopique, ni une vue de l'esprit. Il doit comprendre au moins trois volets: accorder aux élus les moyens d'assurer leur mission, rééquilibrer leurs responsabilités, simplifier la gestion des collectivités locales.
Le mandat de l'élu local ne doit plus constituer un sacrifice qui écarte de la politique de nouveaux élus au recrutement sociologiquement diversifié. La question n'est pas seulement celle de l'indemnisation pour le temps passé et l'énergie consacrée. Il s'agit aussi de la compatibilité entre des fonctions électives et une activité salariée, ainsi que de l'obtention d'une protection sociale pour ceux qui les assument. Minimum de retraite, système efficace de formation, passerelle avec l'emploi, il conviendrait de prévoir tout cela dans un statut moderne. Pourquoi la France ne suivrait-elle pas le chemin tracé depuis des années par l'Espagne, le Danemark, les Pays-Bas et le Portugal, en donnant explicitement et non pas clandestinement, à partir d'un certain niveau de population, aux élus la possibilité de consacrer vraiment leur temps à leur mandat ?
Les élus locaux ne doivent pas être au-dessus des lois; ils ne doivent pas non plus être en dessous! La question de la responsabilité pénale des élus qui fut longtemps un sujet tabou ne l'est plus aujourd'hui. Ce qui relève de la faute personnelle et ce qui appartient au dysfonctionnement collectif, ce qui relève de la réparation civile et administrative et ce qui relève du pénal, tout cela doit être distingué. Au grand jour. Quand la faute de l'élu est personnelle et intentionnelle, elle doit naturellement être sanctionnée. Si elle n'est pas intentionnelle, s'il s'agit d'un mauvais fonctionnement administratif, la responsabilité est celle de la collectivité. La faute doit être réparée par la mise en cause de celle-ci. Il serait utile qu'un fonds aide rapidement les victimes dans l'attente des décisions de justice les indemnisant.
Un nouvel équilibre doit être également trouvé entre d'une part des textes de plus en plus contraignants, parfois inextricables et contradictoires qui encadrent l'action locale, et d'autre part la marge de manoeuvre qui doit rester aux élus sous le contrôle du suffrage universel. Les labyrinthes que sont souvent devenues les législations sur les enquêtes publiques ou les marchés publics appellent une réforme pour lutter contre les insécurités juridiques de toutes sortes nées d'une réglementation mouvante et foisonnante. L'inflation des normes dévalorise les normes. Nul n'est plus capable de connaître la loi. Il faut donc simplifier l'action locale pour qu'elle réponde à sa vocation de réactivité, de proximité et de rapidité.
Un statut moderne des élus locaux, pourquoi? Non pas pour leur forger une carapace les protégeant indûment, mais pour rééquilibrer les charges et les responsabilités résultant des nouvelles conditions d'exercice des mandats locaux, en y incluant le minimum de garanties et de droits liés à l'exercice de ces mandats. Sinon, on détournera de cette voie difficile les bonnes volontés. Ce n'est d'ailleurs pas seulement une revendication des élus mais aussi celle de nombreux décideurs publics (préfets, directeurs d'écoles, responsables associatifs). Plus généralement, il s'agit d'une exigence des citoyens qui souhaitent que leurs élus soient disponibles et efficaces. Bâtir un statut moderne de l'élu local, c'est donc se donner les moyens d'une démocratie renouvelée.
(source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 janvier 2000)