Texte intégral
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames, messieurs,
Quelques semaines après le sommet d'Helsinki et à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne, nous demander si nous allons " Vers une fiscalité européenne " n'a rien d'un exercice de style. Le Sommet d'Helsinki a été, il faut le reconnaître, un relatif échec pour l'harmonisation fiscale européenne. Il a montré que les supposés intérêts particuliers des Etats membres l'emportent encore souvent sur l'intérêt général européen et que, si l'on ne parvient pas à modifier le principe de l'unanimité dans ce domaine, nous n'arriverons vraisemblablement pas à grand chose. L'idée avancée de voter à la majorité qualifiée lorsque la fiscalité est susceptible d'affecter la concurrence mérite considération. Je sais que la présidence portugaise déploie tous ses effort pour trouver des solutions.
Car, si l'harmonisation européenne est en panne, alors les fiscalités nationales sont poussées à se faire concurrence vers le moins disant fiscal, avec des conséquences en particulier sur le niveau de la protection sociale, sur l'action des secteurs publics nationaux et finalement sur ce qu'on appelle " le modèle européen ". Ce risque est évident en matière d'épargne, où la libre circulation des capitaux et l'avènement de l'euro ont créé un marché unique des placements financiers. Les importantes décisions d'allégement récemment annoncées par le Gouvernement allemand tiennent compte de cette logique. Mettons donc de l'ordre dès maintenant dans notre propre fiscalité, avant que les marchés unifiés ne nous placent hors-jeu.
Je redis à cet égard mon souhait que l'année 2000 marque une réduction significative de la pression fiscale en France. Cela fait longtemps que j'y insiste. On a fait des pas utiles en ce sens, il faut en féliciter le Gouvernement et continuer. Continuer dans le contrôle des dépenses ; je n'en parlerai pas ce matin. Continuer dans l'allégement des impôts, dans la mesure où le surplus de recettes généré par la croissance - et il sera à nouveau important en l'an 2000 - doit permettre d'engager, dès cette année, un plan triennal de baisse des prélèvements obligatoires. L'objectif devrait être de revenir dans un premier temps au taux de prélèvement antérieur à 1995, voire à 1993, en insistant notamment sur les baisses d'impôt ciblées qui permettront, à l'image de ce qui a été fait par le Gouvernement pour la fiscalité immobilière, de dynamiser l'activité économique, donc l'emploi, de renforcer la justice sociale et de simplifier l'écheveau fiscal.
A mon sens, quatre orientations sont prioritaires. Poursuivre les baisses de TVA, en concentrant nos efforts sur le secteur de la restauration, qui dispose de potentialités d'embauche importantes ; la France pourrait utiliser pour cela la possibilité juridique, certes étroite, ouverte à Bruxelles par nos amis portugais. Il faut également alléger la taxe d'habitation, qui est probablement l'impôt personnel le plus injuste, en nous fixant pour objectif de le cantonner à terme à sa part communale. Une baisse significative de la taxe d'habitation pour le contribuable, qui peut être assurée par diverses techniques, pourrait être décidée dès le printemps 2000. Nous devons, en troisième lieu, remettre à plat et alléger nettement la fiscalité du revenu. Supprimer les trappes à inactivité, raisonner en taux moyen et non plus en taux marginal, pratiquer la retenue à la source comme la plupart des Etats modernes et faire en sorte qu'au total l'impôt sur le revenu soit moins lourd sur l'ensemble du barème. Je pense que cela pourrait être engagé dès le 3e tiers de l'IRPP cette année, afin d'éviter de donner à d'éventuels allégements un aspect ponctuel, donc incertain.
Il faut enfin revoir nos mécanismes d'épargne salariale pour bâtir l'" économie partenaire " dont notre pays a besoin. La majorité a annoncé des textes en ce sens : bravo ! La participation et l'intéressement ont représenté le premier âge de l'économie-partenaire : leurs mécanismes devraient être rénovés, de manière que tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, puissent bénéficier des fruits de la croissance que nous promet le nouveau cycle.
Le deuxième âge de l'économie partenaire, c'est celui que nous devons présentement faire émerger. Il implique qu'à travers l'actionnariat salarial, les salariés soient partie prenante à la valorisation, et pas seulement aux résultats de leur entreprise. Une fraction significative des augmentations de capital ou des rachats d'action pourrait leur être réservée, avec des règles favorisant une détention longue de ces actions. S'agissant des stocks-options, objet d'un débat souvent passionné, leur distribution devrait être transparente, tant vis-à-vis des actionnaires que des salariés, et pouvoir bénéficier à l'ensemble du personnel. A ces conditions, la question fiscale pourrait être abordée plus sereinement, en retenant l'idée que le taux de prélèvement devra rester raisonnable, si les stock options veulent être efficaces pour que, là aussi, l'harmonisation fiscale européenne joue.
Le troisième âge de l'économie-partenaire, c'est celui qui verra, je l'espère, la mise en place des fonds partenariaux de retraite dont j'ai proposé, ici-même, il y a deux ans, la création.. La reprise de la croissance, excellente, ne fait pas disparaître le problème à terme de l'équilibre des retraites qui devront rester fondées sur la répartition mais permettre aussi des compléments s'inspirant de quelques exemples étrangers. On parle beaucoup du principe de précaution : il doit s'appliquer aussi à ce domaine des retraites, sans tomber évidemment dans un catastrophisme absurde. Agir autrement, ce serait manquer à la solidarité, au détriment de nos enfants et petits-enfants qui auraient alors le moment venu à subir doublement, comme actifs puis comme retraités, les conséquences de notre myopie ou de notre égoïsme. Je suis convaincu que le Gouvernement aura ces éléments à l'esprit lorsqu'il définira sa position.
Il s'agit, on l'a compris, à travers toutes ces orientations de réformer notre Etat pour concilier l'économique et le social, élever la compétitivité de nos entreprises, l'attractivité de notre territoire et notre situation de l'emploi, dans un souci d'harmonisation européenne, ce qui ne veut pas dire uniformité. Nous avons fait le choix positif de l'Europe ; nous devons être cohérents avec ce choix, ambitieux et réalistes. Avec l'euro, la compétitivité fiscale entre les pays de l'Union devient plus importante. Il nous faut un système fiscal plus simple et plus juste, mais il nous faut aussi un système fiscal compétitif par comparaison avec nos voisins européens. Je suis sûr que les 9èmes Rencontres parlementaires sur l'épargne seront, comme à l'accoutumée, très riches en analyses et en propositions en ce sens.
(source http://www.assemblee-nationale.fr, le 21 janvier 2000)
Mesdames, messieurs,
Quelques semaines après le sommet d'Helsinki et à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne, nous demander si nous allons " Vers une fiscalité européenne " n'a rien d'un exercice de style. Le Sommet d'Helsinki a été, il faut le reconnaître, un relatif échec pour l'harmonisation fiscale européenne. Il a montré que les supposés intérêts particuliers des Etats membres l'emportent encore souvent sur l'intérêt général européen et que, si l'on ne parvient pas à modifier le principe de l'unanimité dans ce domaine, nous n'arriverons vraisemblablement pas à grand chose. L'idée avancée de voter à la majorité qualifiée lorsque la fiscalité est susceptible d'affecter la concurrence mérite considération. Je sais que la présidence portugaise déploie tous ses effort pour trouver des solutions.
Car, si l'harmonisation européenne est en panne, alors les fiscalités nationales sont poussées à se faire concurrence vers le moins disant fiscal, avec des conséquences en particulier sur le niveau de la protection sociale, sur l'action des secteurs publics nationaux et finalement sur ce qu'on appelle " le modèle européen ". Ce risque est évident en matière d'épargne, où la libre circulation des capitaux et l'avènement de l'euro ont créé un marché unique des placements financiers. Les importantes décisions d'allégement récemment annoncées par le Gouvernement allemand tiennent compte de cette logique. Mettons donc de l'ordre dès maintenant dans notre propre fiscalité, avant que les marchés unifiés ne nous placent hors-jeu.
Je redis à cet égard mon souhait que l'année 2000 marque une réduction significative de la pression fiscale en France. Cela fait longtemps que j'y insiste. On a fait des pas utiles en ce sens, il faut en féliciter le Gouvernement et continuer. Continuer dans le contrôle des dépenses ; je n'en parlerai pas ce matin. Continuer dans l'allégement des impôts, dans la mesure où le surplus de recettes généré par la croissance - et il sera à nouveau important en l'an 2000 - doit permettre d'engager, dès cette année, un plan triennal de baisse des prélèvements obligatoires. L'objectif devrait être de revenir dans un premier temps au taux de prélèvement antérieur à 1995, voire à 1993, en insistant notamment sur les baisses d'impôt ciblées qui permettront, à l'image de ce qui a été fait par le Gouvernement pour la fiscalité immobilière, de dynamiser l'activité économique, donc l'emploi, de renforcer la justice sociale et de simplifier l'écheveau fiscal.
A mon sens, quatre orientations sont prioritaires. Poursuivre les baisses de TVA, en concentrant nos efforts sur le secteur de la restauration, qui dispose de potentialités d'embauche importantes ; la France pourrait utiliser pour cela la possibilité juridique, certes étroite, ouverte à Bruxelles par nos amis portugais. Il faut également alléger la taxe d'habitation, qui est probablement l'impôt personnel le plus injuste, en nous fixant pour objectif de le cantonner à terme à sa part communale. Une baisse significative de la taxe d'habitation pour le contribuable, qui peut être assurée par diverses techniques, pourrait être décidée dès le printemps 2000. Nous devons, en troisième lieu, remettre à plat et alléger nettement la fiscalité du revenu. Supprimer les trappes à inactivité, raisonner en taux moyen et non plus en taux marginal, pratiquer la retenue à la source comme la plupart des Etats modernes et faire en sorte qu'au total l'impôt sur le revenu soit moins lourd sur l'ensemble du barème. Je pense que cela pourrait être engagé dès le 3e tiers de l'IRPP cette année, afin d'éviter de donner à d'éventuels allégements un aspect ponctuel, donc incertain.
Il faut enfin revoir nos mécanismes d'épargne salariale pour bâtir l'" économie partenaire " dont notre pays a besoin. La majorité a annoncé des textes en ce sens : bravo ! La participation et l'intéressement ont représenté le premier âge de l'économie-partenaire : leurs mécanismes devraient être rénovés, de manière que tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, puissent bénéficier des fruits de la croissance que nous promet le nouveau cycle.
Le deuxième âge de l'économie partenaire, c'est celui que nous devons présentement faire émerger. Il implique qu'à travers l'actionnariat salarial, les salariés soient partie prenante à la valorisation, et pas seulement aux résultats de leur entreprise. Une fraction significative des augmentations de capital ou des rachats d'action pourrait leur être réservée, avec des règles favorisant une détention longue de ces actions. S'agissant des stocks-options, objet d'un débat souvent passionné, leur distribution devrait être transparente, tant vis-à-vis des actionnaires que des salariés, et pouvoir bénéficier à l'ensemble du personnel. A ces conditions, la question fiscale pourrait être abordée plus sereinement, en retenant l'idée que le taux de prélèvement devra rester raisonnable, si les stock options veulent être efficaces pour que, là aussi, l'harmonisation fiscale européenne joue.
Le troisième âge de l'économie-partenaire, c'est celui qui verra, je l'espère, la mise en place des fonds partenariaux de retraite dont j'ai proposé, ici-même, il y a deux ans, la création.. La reprise de la croissance, excellente, ne fait pas disparaître le problème à terme de l'équilibre des retraites qui devront rester fondées sur la répartition mais permettre aussi des compléments s'inspirant de quelques exemples étrangers. On parle beaucoup du principe de précaution : il doit s'appliquer aussi à ce domaine des retraites, sans tomber évidemment dans un catastrophisme absurde. Agir autrement, ce serait manquer à la solidarité, au détriment de nos enfants et petits-enfants qui auraient alors le moment venu à subir doublement, comme actifs puis comme retraités, les conséquences de notre myopie ou de notre égoïsme. Je suis convaincu que le Gouvernement aura ces éléments à l'esprit lorsqu'il définira sa position.
Il s'agit, on l'a compris, à travers toutes ces orientations de réformer notre Etat pour concilier l'économique et le social, élever la compétitivité de nos entreprises, l'attractivité de notre territoire et notre situation de l'emploi, dans un souci d'harmonisation européenne, ce qui ne veut pas dire uniformité. Nous avons fait le choix positif de l'Europe ; nous devons être cohérents avec ce choix, ambitieux et réalistes. Avec l'euro, la compétitivité fiscale entre les pays de l'Union devient plus importante. Il nous faut un système fiscal plus simple et plus juste, mais il nous faut aussi un système fiscal compétitif par comparaison avec nos voisins européens. Je suis sûr que les 9èmes Rencontres parlementaires sur l'épargne seront, comme à l'accoutumée, très riches en analyses et en propositions en ce sens.
(source http://www.assemblee-nationale.fr, le 21 janvier 2000)