Texte intégral
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
Chaque année, 8 000 personnes sont tuées sur les routes de France et notre pays se situe loin derrière les autres pays européens qui réussissent le mieux en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Le risque d'être tué sur les routes, en France, est deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves. Chaque jour, 22 personnes sont tuées et près de 460 sont blessées, dont près d'une centaine gravement, lors des accidents de la route.
Il ne s'agit pas là, à mon avis, d'une fatalité, et c'est peut-être la question essentielle qui nous est posée.
C'est vrai que, depuis vingt-cinq ans, des progrès importants ont été accomplis dans notre pays, puisque le nombre de victimes a été divisé par deux alors que la circulation a pratiquement doublé.
Mais il ne faut pas se satisfaire de cette évolution. Depuis quelques années, la progression de la réduction s'est ralentie et nous constatons même aujourd'hui une stagnation, voire, dans certains départements de France, une inversion de tendance.
Les derniers chiffres portés à ma connaissance sont particulièrement préoccupants : en janvier 1998, il y a eu encore 9 532 accidents sérieux, graves, à la suite desquels 647 personnes ont été tuées et 12 625 personnes ont été blessées.
Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur de ce fléau national dès son entrée en fonctions, et la décision de réunir un comité interministériel de la sécurité routière a été adoptée en conseil des ministres, sur ma proposition, le 25 juin 1997.
Lors du comité interministériel de la sécurité routière qui s'est réuni le 26 novembre 1997, le Gouvernement s'est fixé comme objectif de diviser par deux le nombre de personnes tuées au terme des cinq prochaines années.
Il s'agit, je le sais, d'un objectif très ambitieux ; mais c'est sur ce dernier que travaillent également les ministres des transports de l'Union européenne. Certains pays, comme le Royaume-Uni, se fixent même des objectifs encore plus bas.
Au-delà de l'objectif national, et y compris pour atteindre ce dernier, il nous faut créer les conditions pour que des entreprises, des communes, des départements, des agglomérations se fixent des objectifs de zéro mort autour de telle école, de tel village, de tel quartier, sur telle section de route ou d'autoroute. Je suis convaincu que nous devons nous engager dans cette voie pour que cette utopie prenne progressivement corps.
Si la demande sociale de sécurité s'est considérablement renforcée ces dernières années dans tous les domaines, notamment dans celui de la sécurité routière, elle a également qualitativement évolué. Les associations de victimes et de familles de victimes, qui se trouvaient à la pointe d'un combat digne et juste, sont aujourd'hui relayées par l'ensemble de l'opinion publique qui n'admet pas la fatalité des accidents dans les entreprises, dans les quartiers, dans les villes et les villages. Chacun connaît, dans sa famille ou dans son entourage, les souffrances terribles que causent ces accidents.
La mobilisation de l'opinion publique est d'ailleurs d'autant plus forte que la plupart des accidents se produisent tout près du domicile des victimes, en agglomération, sur des trajets familiers parce que souvent empruntés.
Les différentes catégories d'usagers expriment des exigences claires en matière de sécurité routière.
Tout d'abord, les chauffeurs routiers souhaitent un respect plus rigoureux des conditions de travail et de circulation, qui sont essentielles pour leur sécurité et celle des autres usagers. La loi sur l'amélioration des conditions d'exercice de la profession des transporteurs routiers du 6 février 1998, adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale, permettra des améliorations notables. Je vous proposerai d'y apporter par amendement gouvernemental deux précisions de manière à recouvrir sans ambiguïté le transport des personnes comme le transport des marchandises et à prévoir des sanctions de même nature tant pour l'absence de limiteurs de vitesse et de chronotachygraphes que pour leur falsification.
Par ailleurs, les automobilistes prennent désormais plus conscience du fait que la pratique exige une éducation, un apprentissage sérieux, une formation permanente, un certain comportement, dirai-je même. Nombre d'entreprises et d'administrations commencent d'ailleurs, en s'appuyant sur l'esprit de responsabilité de leurs salariés, à mettre en place des plans de prévention spécifiques, 55 % des 1 300 tués par accidents du travail enregistrés chaque année étant, en fait, des victimes d'accidents de la route.
En outre, les utilisateurs de deux-roues, motorisés ou non, soucieux de la qualité de la vie dans nos villes et de la sécurité des déplacements, sont aujourd'hui des partenaires à part entière des pouvoirs publics, à l'échelon national et local, pour tendre à une conduite apaisée - voilà un maître mot de la démarche - et à une harmonieuse coexistence des différentes catégories d'usagers.
Enfin, les piétons aspirent à une approche renouvelée des politiques de circulation en ville, prenant en compte un meilleur équilibre entre les différents modes de déplacement. Ces attentes appellent une politique novatrice et dynamique. Une meilleure mobilisation des compétences et des moyens existants est indispensable pour redresser la situation qui est la nôtre et nécessaire si nous voulons atteindre l'objectif qui consiste à réduire de moitié, en cinq ans, le nombre de tués sur la route.
Il s'agit tout d'abord - mais cette démarche mérite un véritable débat - de prendre appui sur les jeunes et leur capacité à promouvoir de nouveaux comportements.
Piétons, conducteurs de deux-roues ou de quatre-roues, automobilistes ou passagers, les jeunes sont les premières victimes de l'insécurité routière. Plus de 28 % des tués ont moins de vingt-cinq ans. Chaque jour, plus de six enfants et jeunes de moins de vingt-cinq ans meurent sur la route.
Les actions de prévention, de sensibilisation et de formation constituent l'axe majeur de la politique du Gouvernement : de victimes, les jeunes peuvent devenir prescripteurs.
Il s'agit, ensuite, de se donner les moyens de répondre à la forte demande sociale de sécurité.
Le Gouvernement entend, à cet égard, mobiliser l'ensemble des acteurs sociaux, les services de l'Etat, bien entendu, mais aussi les entreprises, les associations, les collectivités territoriales, les sociétés et les mutuelles d'assurance. Une mobilisation consciente et active de tous ces partenaires nationaux et locaux autour d'objectifs clairs et partagés est indispensable pour permettre de réels progrès qualitatifs et quantitatifs.
Il s'agit, enfin, de garantir la liberté de circuler en sécurité.
La conduite est, certes, un acte privé, mais c'est aussi - et j'ai envie de dire avant tout - un acte social qui doit prendre en compte les valeurs civiques de base que sont le respect de l'autre et la liberté d'aller et de venir en sécurité. Cela implique des règles simples, claires et intangibles.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, contient six mesures nécessaires à la politique de lutte contre l'insécurité routière.
La première vise à instaurer l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices, c'est-à-dire pour ceux qui sont titulaires du permis de conduire depuis moins de deux ans, qui ont commis une infraction grave.
On estime que, chaque année, 15 000 à 20 000 conducteurs novices commettent une infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points sur le permis de conduire.
Il faut prévenir le sur-risque que supportent ces conducteurs novices : ceux-ci ont, en effet, une probabilité d'être tués dans un accident de la route trois fois plus élevée que la moyenne des conducteurs. Il est donc indispensable de les aider et de les responsabiliser avant et après le permis de conduire, grâce à trois dispositions spécifiques.
Il est vrai que deux de ces dispositions ne sont pas d'ordre législatif.
Il s'agit, tout d'abord, d'inciter les conducteurs novices à suivre un rendez-vous d'évaluation avec un enseignant agréé dans le douzième mois qui suit l'obtention du permis de conduire. Ce stage ne doit pas induire de dépenses supplémentaires pour les jeunes, j'ai pris en ce sens des contacts, notamment avec les assureurs, pour le financement de cette formation.
Je pense aussi à la possibilité de passer l'épreuve théorique - le code - de l'examen du permis de conduire dès l'âge de seize ans. Le contenu de cette épreuve sera révisé et le chantier plus global de la réforme de l'apprentissage de la conduite et de l'examen du permis de conduire est ouvert.
Ces dispositions constituent un ensemble cohérent, proche dans sa forme de ce que nombre de pays ont mis en place sous l'appellation de " permis probatoire ".
La proposition du Gouvernement s'en distingue par une approche plus pédagogique et plus éducative. Ainsi, l'action en faveur des conducteurs novices s'inscrit bien dans la priorité du Gouvernement, qui est d'éduquer et de former, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie du conducteur. Bien avant le permis, c'est-à-dire dès la maternelle, des actions de formation seront engagées sous l'impulsion de Ségolène Royal, de Claude Allègre et de Marie-George Buffet, en milieu scolaire comme en milieu extrascolaire.
En outre, pour tous les conducteurs volontaires, un rendez-vous de perfectionnement dix ans après l'obtention du permis de conduire, qui s'apparentera à une formation continue, sera expérimenté dans certains départements, avec des opérateurs volontaires eux aussi.
La deuxième partie du projet de loi, la plus substantielle, vise à assainir le fonctionnement des établissements d'enseignement de la conduite et à améliorer la qualité de leurs prestations.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France compte environ 15 000 établissements d'enseignement de la conduite, qui dispensent une formation au permis de conduire à près d'un million de candidats chaque année à titre onéreux, dans le cadre de prestations de services de nature commerciale.
Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multiplication des créations d'établissements à l'existence souvent éphémère. Il en résulte une concurrence très vive, marquée par une guerre tarifaire et par l'apparition d'offres anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur conducteur. En outre, de nombreuses affaires d'escroquerie ont entamé la crédibilité et le capital de confiance qui sont indispensables à toute activité d'enseignement.
A la demande insistante non seulement des représentants de la profession, mais aussi des associations de consommateurs, qui souhaitent ensemble des mesures de moralisation et d'assainissement, le Gouvernement propose de consacrer dans la loi plusieurs règles existantes.
Premièrement, les enseignants devront être titulaires du BEPECASER, le brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière, ou d'un diplôme dont l'équivalence est reconnue.
Deuxièmement, l'enseignement dispensé devra être conforme au programme national de formation.
Troisièmement, l'enseignement ne pourra être dispensé que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par le préfet, après avis de la commission départementale de sécurité routière.
Nous vous proposons ensuite d'y ajouter trois éléments qui me semblent particulièrement importants : un contrat écrit devra être élaboré entre le candidat et l'établissement, portant sur les conditions et les modalités de l'enseignement et de la préparation au permis de conduire ; un contrat d'application du programme d'information sera mis en place ; enfin, les sanctions en cas de non-respect de ces dispositions fixées par la loi seront sensiblement renforcées.
Il ne s'agit pas, vous le comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, d'instaurer un quelconque numerus clausus, mais de fiabiliser l'ensemble du système de formation. Nous avons en effet besoin d'un système de formation fiable et reconnu.
Cet article du projet de loi a fait l'objet d'une concertation approfondie avec l'ensemble de la profession, dont je comprends et partage les attentes. Par ailleurs, la réflexion et la concertation nécessaires pour une labellisation correcte des formations sont d'ores et déjà engagées par la délégation interministérielle. Enfin, au-delà de ce projet de loi, le Gouvernement examine les dispositions utiles à l'ensemble des structures et associations qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité routière. Celles-ci réalisent des formations très variées, qui englobent parfois l'apprentissage de la conduite. Je sais que ces associations sont indispensables et qu'elles font du très bon travail, notamment dans les quartiers défavorisés.
Avant d'envisager de légiférer dans ce domaine si cela s'avérait nécessaire, il faut prendre le temps, au préalable, de mener une concertation approfondie.
Les associations mobilisent énormément de bonnes volontés. Elles peuvent être amenées à se développer en créant de nouveaux emplois pour répondre à de nouveaux besoins.
La troisième partie de ce texte vise à créer une responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules. Je sais que ce point a fait l'objet de discussions. Qu'en est-il exactement ?
Le respect de la réglementation est une condition essentielle de l'efficacité en matière de sécurité routière. Or notre système de contrôle et de sanction souffre de nombreux dysfonctionnements aujourd'hui bien identifiés qui en altèrent la crédibilité.
Il me faut ici citer la très faible efficacité des contrôles automatiques sans interception. Cette faiblesse tient essentiellement à l'obstacle juridique que représente l'absence de responsabilité du titulaire de la carte grise. Les actions de contrôle sont ainsi notoirement affaiblies.
Enfin, ce qui est grave, de nombreux contrevenants échappent aux sanctions, l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas toujours respectée.
La responsabilité du propriétaire du véhicule, déjà adoptée dans plusieurs autres pays voisins européens sous diverses formes - souvent très strictes, d'ailleurs - est indispensable pour rétablir en la matière un Etat de droit.
Il vous est donc proposé d'étendre celle qui existe déjà depuis 1972 pour le stationnement à trois autres infractions : l'excès de vitesse, le franchissement de feux rouges et le franchissement de panneaux " stop ". Cette extension constitue la réponse technique pour crédibiliser les contrôles. Elle aura un impact positif sur les résultats de sécurité routière à très court terme.
La démonstration de l'efficacité d'un tel dispositif dans les pays qui l'ont adopté est de nature à lever les quelques réserves que certains ont pu légitimement exprimer sur cette mesure ; mais nous reviendrons certainement sur les précisions à apporter, lors de la discussion des articles, afin d'éviter toute dérive.
La quatrième partie du projet de loi tend à instaurer un délit, en cas de récidive dans l'année, pour un excès de vitesse de cinquante kilomètres-heure ou plus au-delà de la vitesse maximale autorisée.
On constate aujourd'hui que les vitesses pratiquées sur les différentes catégories du réseau routier sont élevées, voire souvent bien supérieures aux limites réglementaires. Or la vitesse excessive ou inappropriée est à la fois à l'origine de nombreux accidents et facteur de gravité. Elle est en cause dans près d'un accident mortel sur deux. Il est donc essentiel de réduire cette dérive inacceptable des comportements, en ville comme sur les liaisons interurbaines.
A la suite des travaux réalisés sous l'impulsion de M. Robert Namias, le précédent gouvernement avait envisagé de créer un délit de grande vitesse, mais ce n'est pas ce dispositif que nous avons retenu.
Nous pensons, pour notre part, qu'il est préférable d'amener les conducteurs à réfléchir à leurs actes. Ainsi, les grands excès de vitesse seront passibles d'une contravention qui a été alourdie et la mesure législative qui vous est proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste simplement à considérer la récidive de grand excès de vitesse dans l'année comme un délit.
Ce dispositif a un caractère hautement pédagogique. Il reprend la logique des propositions de M. Namias et répond, sans démagogie, à une attente forte des associations de victimes de la route. Il devrait se révéler efficace pour inciter à l'abaissement de l'ensemble des vitesses pratiquées et au respect des vitesses maximales autorisées : trente, cinquante ou soixante-dix kilomètres-heure en ville ; quatre-vingt-dix, cent dix ou cent trente kilomètres-heure sur route et sur autoroute.
J'ai beaucoup discuté, beaucoup consulté, y compris des spécialistes de la vitesse, des sportifs et des professionnels de la prise de risque maîtrisée. Le respect des vitesses maximales autorisées appelle, à l'évidence, un effort sans précédent de la part des différents maîtres d'ouvrage de la voirie - communes, départements et Etat - pour remettre en ordre, quand cela n'a pas encore été fait, la signalisation.
A ce propos, je veux redire, parce que la question est revenue souvent dans le débat, que pour le Gouvernement et pour moi, il s'agit non pas de piéger les automobilistes, de les piéger pour les piéger, mais de favoriser une conduite apaisée tenant réellement compte de l'environnement social.
La cinquième partie du projet de loi vise à instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel.
La conduite automobile est une activité qui exige, naturellement, une vigilance de tous les instants.
La relation entre le médicament, la drogue et la sécurité routière a fait l'objet d'un rapport établi, sous la présidence du professeur Lagier, par des personnalités éminentes du milieu médical. Ce rapport avait d'ailleurs été demandé par le précédent gouvernement en 1994. Ma proposition s'appuie sur les conclusions de ces travaux, publiés en 1995.
La mesure proposée est pragmatique. En l'absence de données statistiques permettant d'apprécier sérieusement le phénomène, elle permettra de recueillir dans les deux ou trois ans à venir des indications épidémiologiques précises en la matière, ce qui me semble devoir être un préalable absolu pour fonder une législation spécifique sur la drogue et la conduite automobile.
La dernière conférence européenne des ministres des transports, qui s'est tenue le 3 mars dernier, a permis de faire le point sur la situation dans les autres pays européens. Le centre d'études et de recherches en médecine du trafic a montré que le lien d'implication entre prise de drogue et accident mortel est réel et qu'il est même significatif par rapport à d'autres facteurs d'accident.
L'obligation de dépistage de la drogue lors des accidents mortels répond donc à un souci de sérieux, d'une part, pour connaître et analyser le phénomène, d'autre part, pour étudier, valider et mettre en place rationnellement, avec le secrétariat d'Etat à la santé et l'Agence du médicament, le dispositif technique de prélèvement et d'analyse qui, aujourd'hui, n'existe pas.
A ce stade et en l'état actuel de notre législation en matière pénale, il n'y a pas lieu de fixer dans le code de la route - je dis bien " dans le code de la route " - une sanction spécifique en cas de dépistage positif.
S'agissant d'homicides, une instruction est obligatoirement ouverte puisque nous sommes dans le cas d'accidents mortels, et le juge pourra, bien sûr, tenir compte des résultats des analyses dans la sanction qu'il prononcera. Il dispose pour cela de l'arsenal juridique nécessaire dans le code pénal et dans le code de la santé publique.
La répression est loin d'être la panacée, en la matière. La prévention, l'éducation et la formation sont primordiales. C'est pourquoi un pictogramme spécifique sera imprimé sur toutes les boîtes de médicaments contenant des substances susceptibles d'entraîner des effets négatifs pour la conduite automobile. Des actions de communication et de sensibilisation du public, d'information et de formation des médecins et des pharmaciens, dont la responsabilité peut être mise en cause, seront engagées dès cette année.
La sixième partie du projet de loi tend à autoriser la suspension judiciaire du permis de conduire en cas de condamnation pour modification du dispositif de limitation de vitesse par construction. Une telle disposition s'applique déjà en cas d'alcoolémie, d'entrave ou de gêne à la circulation, de fausse immatriculation, de conduite sans permis. Elle complète la sanction de manipulation de l'appareil, instaurée par la loi du 1er février 1995 portant diverses dispositions en matière de transports routiers.
Afin d'éviter de laisser une faille dans le dispositif juridique actuel, je proposerai, par amendement, de faire en sorte que l'absence de limiteur de vitesse soit sanctionnée comme sa falsification.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a souhaité vous présenter un projet de loi exclusivement consacré à la sécurité routière. Ce projet, largement fondé sur le rapport qui m'a été remis dès mon arrivé par M. Verré, président de la table ronde voulue par mon prédécesseur, constitue la partie législative de la politique ambitieuse et globale que nous avons engagée.
J'ai eu l'occasion, au cours de ces derniers mois, de beaucoup consulter des élus nationaux et locaux, des représentants des organisations professionnelles, associatives et syndicales, des personnalités du monde du sport et de la presse. Je tiens à témoigner de la qualité et du caractère constructif de ces échanges. De nombreuses propositions m'ont été faites. Elles ne sont, bien sûr, pas toutes - heureusement, dirai-je ! - d'ordre législatif. Nombre d'entre elles peuvent être mises en oeuvre et contribuer à des progrès concrets.
Si, en matière de sécurité routière, l'essentiel tient à des actions locales, les mesures du présent projet de loi sont cependant nécessaires. Elles ne sont, bien sûr, pas suffisantes - j'y insiste - pour tendre vers l'objectif quantifié que nous avons fixé. Il importera d'assurer la publication rapide des textes réglementaires. J'y veillerai, car l'enjeu, c'est une meilleure prise en compte, sur le terrain, dans les entreprises, dans les écoles, collèges et lycées, dans les communes et les départements, de toutes les questions d'éducation, de prévention et de formation.
Réaliser des progrès en matière de sécurité routière, c'est - ne l'oublions pas - réaliser des progrès dans les rapports humains, les rapports sociaux. Une conduite apaisée, adaptée à l'environnement, c'est une meilleure qualité de vie dans les quartiers, les villes et les villages.
Le Gouvernement a décidé de se donner les moyens d'assurer la mise en oeuvre de cette politique et d'en suivre les résultats au plus près du terrain, de manière à permettre aux autorités locales de prendre les dispositions adaptées pour progresser.
Sur le plan national - c'est aussi, dans une certaine mesure, un événement - le comité interministériel de la sécurité routière se réunira désormais chaque année sous la présidence du Premier ministre. Ce sera l'occasion de dresser un constat public de l'évolution de la sécurité routière, d'apprécier les avancées vers une meilleure harmonisation de la réglementation européenne, d'analyser les différences de résultats sur le plan territorial et de décider, le cas échéant, les mesures législatives ou réglementaires qui pourront s'avérer indispensables.
Le Gouvernement reste, bien évidemment, ouvert aux propositions des parlementaires, aux vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, comme à celles des députés, car, dans le domaine de la sécurité routière, les progrès que nous devons réaliser sont immenses. La sagesse de votre assemblée permettra, j'en suis convaincu, de forger dans la plus grande sérénité un texte qui confortera l'action de toutes celles et de tous ceux qui oeuvrent quotidiennement, sur le terrain, avec les moyens qui sont les leurs, pour faire reculer l'insécurité routière dans notre pays.
(Source http://www.senat.gouv.fr, le 29 novembre 2001)
Chaque année, 8 000 personnes sont tuées sur les routes de France et notre pays se situe loin derrière les autres pays européens qui réussissent le mieux en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Le risque d'être tué sur les routes, en France, est deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves. Chaque jour, 22 personnes sont tuées et près de 460 sont blessées, dont près d'une centaine gravement, lors des accidents de la route.
Il ne s'agit pas là, à mon avis, d'une fatalité, et c'est peut-être la question essentielle qui nous est posée.
C'est vrai que, depuis vingt-cinq ans, des progrès importants ont été accomplis dans notre pays, puisque le nombre de victimes a été divisé par deux alors que la circulation a pratiquement doublé.
Mais il ne faut pas se satisfaire de cette évolution. Depuis quelques années, la progression de la réduction s'est ralentie et nous constatons même aujourd'hui une stagnation, voire, dans certains départements de France, une inversion de tendance.
Les derniers chiffres portés à ma connaissance sont particulièrement préoccupants : en janvier 1998, il y a eu encore 9 532 accidents sérieux, graves, à la suite desquels 647 personnes ont été tuées et 12 625 personnes ont été blessées.
Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur de ce fléau national dès son entrée en fonctions, et la décision de réunir un comité interministériel de la sécurité routière a été adoptée en conseil des ministres, sur ma proposition, le 25 juin 1997.
Lors du comité interministériel de la sécurité routière qui s'est réuni le 26 novembre 1997, le Gouvernement s'est fixé comme objectif de diviser par deux le nombre de personnes tuées au terme des cinq prochaines années.
Il s'agit, je le sais, d'un objectif très ambitieux ; mais c'est sur ce dernier que travaillent également les ministres des transports de l'Union européenne. Certains pays, comme le Royaume-Uni, se fixent même des objectifs encore plus bas.
Au-delà de l'objectif national, et y compris pour atteindre ce dernier, il nous faut créer les conditions pour que des entreprises, des communes, des départements, des agglomérations se fixent des objectifs de zéro mort autour de telle école, de tel village, de tel quartier, sur telle section de route ou d'autoroute. Je suis convaincu que nous devons nous engager dans cette voie pour que cette utopie prenne progressivement corps.
Si la demande sociale de sécurité s'est considérablement renforcée ces dernières années dans tous les domaines, notamment dans celui de la sécurité routière, elle a également qualitativement évolué. Les associations de victimes et de familles de victimes, qui se trouvaient à la pointe d'un combat digne et juste, sont aujourd'hui relayées par l'ensemble de l'opinion publique qui n'admet pas la fatalité des accidents dans les entreprises, dans les quartiers, dans les villes et les villages. Chacun connaît, dans sa famille ou dans son entourage, les souffrances terribles que causent ces accidents.
La mobilisation de l'opinion publique est d'ailleurs d'autant plus forte que la plupart des accidents se produisent tout près du domicile des victimes, en agglomération, sur des trajets familiers parce que souvent empruntés.
Les différentes catégories d'usagers expriment des exigences claires en matière de sécurité routière.
Tout d'abord, les chauffeurs routiers souhaitent un respect plus rigoureux des conditions de travail et de circulation, qui sont essentielles pour leur sécurité et celle des autres usagers. La loi sur l'amélioration des conditions d'exercice de la profession des transporteurs routiers du 6 février 1998, adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale, permettra des améliorations notables. Je vous proposerai d'y apporter par amendement gouvernemental deux précisions de manière à recouvrir sans ambiguïté le transport des personnes comme le transport des marchandises et à prévoir des sanctions de même nature tant pour l'absence de limiteurs de vitesse et de chronotachygraphes que pour leur falsification.
Par ailleurs, les automobilistes prennent désormais plus conscience du fait que la pratique exige une éducation, un apprentissage sérieux, une formation permanente, un certain comportement, dirai-je même. Nombre d'entreprises et d'administrations commencent d'ailleurs, en s'appuyant sur l'esprit de responsabilité de leurs salariés, à mettre en place des plans de prévention spécifiques, 55 % des 1 300 tués par accidents du travail enregistrés chaque année étant, en fait, des victimes d'accidents de la route.
En outre, les utilisateurs de deux-roues, motorisés ou non, soucieux de la qualité de la vie dans nos villes et de la sécurité des déplacements, sont aujourd'hui des partenaires à part entière des pouvoirs publics, à l'échelon national et local, pour tendre à une conduite apaisée - voilà un maître mot de la démarche - et à une harmonieuse coexistence des différentes catégories d'usagers.
Enfin, les piétons aspirent à une approche renouvelée des politiques de circulation en ville, prenant en compte un meilleur équilibre entre les différents modes de déplacement. Ces attentes appellent une politique novatrice et dynamique. Une meilleure mobilisation des compétences et des moyens existants est indispensable pour redresser la situation qui est la nôtre et nécessaire si nous voulons atteindre l'objectif qui consiste à réduire de moitié, en cinq ans, le nombre de tués sur la route.
Il s'agit tout d'abord - mais cette démarche mérite un véritable débat - de prendre appui sur les jeunes et leur capacité à promouvoir de nouveaux comportements.
Piétons, conducteurs de deux-roues ou de quatre-roues, automobilistes ou passagers, les jeunes sont les premières victimes de l'insécurité routière. Plus de 28 % des tués ont moins de vingt-cinq ans. Chaque jour, plus de six enfants et jeunes de moins de vingt-cinq ans meurent sur la route.
Les actions de prévention, de sensibilisation et de formation constituent l'axe majeur de la politique du Gouvernement : de victimes, les jeunes peuvent devenir prescripteurs.
Il s'agit, ensuite, de se donner les moyens de répondre à la forte demande sociale de sécurité.
Le Gouvernement entend, à cet égard, mobiliser l'ensemble des acteurs sociaux, les services de l'Etat, bien entendu, mais aussi les entreprises, les associations, les collectivités territoriales, les sociétés et les mutuelles d'assurance. Une mobilisation consciente et active de tous ces partenaires nationaux et locaux autour d'objectifs clairs et partagés est indispensable pour permettre de réels progrès qualitatifs et quantitatifs.
Il s'agit, enfin, de garantir la liberté de circuler en sécurité.
La conduite est, certes, un acte privé, mais c'est aussi - et j'ai envie de dire avant tout - un acte social qui doit prendre en compte les valeurs civiques de base que sont le respect de l'autre et la liberté d'aller et de venir en sécurité. Cela implique des règles simples, claires et intangibles.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, contient six mesures nécessaires à la politique de lutte contre l'insécurité routière.
La première vise à instaurer l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices, c'est-à-dire pour ceux qui sont titulaires du permis de conduire depuis moins de deux ans, qui ont commis une infraction grave.
On estime que, chaque année, 15 000 à 20 000 conducteurs novices commettent une infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points sur le permis de conduire.
Il faut prévenir le sur-risque que supportent ces conducteurs novices : ceux-ci ont, en effet, une probabilité d'être tués dans un accident de la route trois fois plus élevée que la moyenne des conducteurs. Il est donc indispensable de les aider et de les responsabiliser avant et après le permis de conduire, grâce à trois dispositions spécifiques.
Il est vrai que deux de ces dispositions ne sont pas d'ordre législatif.
Il s'agit, tout d'abord, d'inciter les conducteurs novices à suivre un rendez-vous d'évaluation avec un enseignant agréé dans le douzième mois qui suit l'obtention du permis de conduire. Ce stage ne doit pas induire de dépenses supplémentaires pour les jeunes, j'ai pris en ce sens des contacts, notamment avec les assureurs, pour le financement de cette formation.
Je pense aussi à la possibilité de passer l'épreuve théorique - le code - de l'examen du permis de conduire dès l'âge de seize ans. Le contenu de cette épreuve sera révisé et le chantier plus global de la réforme de l'apprentissage de la conduite et de l'examen du permis de conduire est ouvert.
Ces dispositions constituent un ensemble cohérent, proche dans sa forme de ce que nombre de pays ont mis en place sous l'appellation de " permis probatoire ".
La proposition du Gouvernement s'en distingue par une approche plus pédagogique et plus éducative. Ainsi, l'action en faveur des conducteurs novices s'inscrit bien dans la priorité du Gouvernement, qui est d'éduquer et de former, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie du conducteur. Bien avant le permis, c'est-à-dire dès la maternelle, des actions de formation seront engagées sous l'impulsion de Ségolène Royal, de Claude Allègre et de Marie-George Buffet, en milieu scolaire comme en milieu extrascolaire.
En outre, pour tous les conducteurs volontaires, un rendez-vous de perfectionnement dix ans après l'obtention du permis de conduire, qui s'apparentera à une formation continue, sera expérimenté dans certains départements, avec des opérateurs volontaires eux aussi.
La deuxième partie du projet de loi, la plus substantielle, vise à assainir le fonctionnement des établissements d'enseignement de la conduite et à améliorer la qualité de leurs prestations.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France compte environ 15 000 établissements d'enseignement de la conduite, qui dispensent une formation au permis de conduire à près d'un million de candidats chaque année à titre onéreux, dans le cadre de prestations de services de nature commerciale.
Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multiplication des créations d'établissements à l'existence souvent éphémère. Il en résulte une concurrence très vive, marquée par une guerre tarifaire et par l'apparition d'offres anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur conducteur. En outre, de nombreuses affaires d'escroquerie ont entamé la crédibilité et le capital de confiance qui sont indispensables à toute activité d'enseignement.
A la demande insistante non seulement des représentants de la profession, mais aussi des associations de consommateurs, qui souhaitent ensemble des mesures de moralisation et d'assainissement, le Gouvernement propose de consacrer dans la loi plusieurs règles existantes.
Premièrement, les enseignants devront être titulaires du BEPECASER, le brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière, ou d'un diplôme dont l'équivalence est reconnue.
Deuxièmement, l'enseignement dispensé devra être conforme au programme national de formation.
Troisièmement, l'enseignement ne pourra être dispensé que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par le préfet, après avis de la commission départementale de sécurité routière.
Nous vous proposons ensuite d'y ajouter trois éléments qui me semblent particulièrement importants : un contrat écrit devra être élaboré entre le candidat et l'établissement, portant sur les conditions et les modalités de l'enseignement et de la préparation au permis de conduire ; un contrat d'application du programme d'information sera mis en place ; enfin, les sanctions en cas de non-respect de ces dispositions fixées par la loi seront sensiblement renforcées.
Il ne s'agit pas, vous le comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, d'instaurer un quelconque numerus clausus, mais de fiabiliser l'ensemble du système de formation. Nous avons en effet besoin d'un système de formation fiable et reconnu.
Cet article du projet de loi a fait l'objet d'une concertation approfondie avec l'ensemble de la profession, dont je comprends et partage les attentes. Par ailleurs, la réflexion et la concertation nécessaires pour une labellisation correcte des formations sont d'ores et déjà engagées par la délégation interministérielle. Enfin, au-delà de ce projet de loi, le Gouvernement examine les dispositions utiles à l'ensemble des structures et associations qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité routière. Celles-ci réalisent des formations très variées, qui englobent parfois l'apprentissage de la conduite. Je sais que ces associations sont indispensables et qu'elles font du très bon travail, notamment dans les quartiers défavorisés.
Avant d'envisager de légiférer dans ce domaine si cela s'avérait nécessaire, il faut prendre le temps, au préalable, de mener une concertation approfondie.
Les associations mobilisent énormément de bonnes volontés. Elles peuvent être amenées à se développer en créant de nouveaux emplois pour répondre à de nouveaux besoins.
La troisième partie de ce texte vise à créer une responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules. Je sais que ce point a fait l'objet de discussions. Qu'en est-il exactement ?
Le respect de la réglementation est une condition essentielle de l'efficacité en matière de sécurité routière. Or notre système de contrôle et de sanction souffre de nombreux dysfonctionnements aujourd'hui bien identifiés qui en altèrent la crédibilité.
Il me faut ici citer la très faible efficacité des contrôles automatiques sans interception. Cette faiblesse tient essentiellement à l'obstacle juridique que représente l'absence de responsabilité du titulaire de la carte grise. Les actions de contrôle sont ainsi notoirement affaiblies.
Enfin, ce qui est grave, de nombreux contrevenants échappent aux sanctions, l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas toujours respectée.
La responsabilité du propriétaire du véhicule, déjà adoptée dans plusieurs autres pays voisins européens sous diverses formes - souvent très strictes, d'ailleurs - est indispensable pour rétablir en la matière un Etat de droit.
Il vous est donc proposé d'étendre celle qui existe déjà depuis 1972 pour le stationnement à trois autres infractions : l'excès de vitesse, le franchissement de feux rouges et le franchissement de panneaux " stop ". Cette extension constitue la réponse technique pour crédibiliser les contrôles. Elle aura un impact positif sur les résultats de sécurité routière à très court terme.
La démonstration de l'efficacité d'un tel dispositif dans les pays qui l'ont adopté est de nature à lever les quelques réserves que certains ont pu légitimement exprimer sur cette mesure ; mais nous reviendrons certainement sur les précisions à apporter, lors de la discussion des articles, afin d'éviter toute dérive.
La quatrième partie du projet de loi tend à instaurer un délit, en cas de récidive dans l'année, pour un excès de vitesse de cinquante kilomètres-heure ou plus au-delà de la vitesse maximale autorisée.
On constate aujourd'hui que les vitesses pratiquées sur les différentes catégories du réseau routier sont élevées, voire souvent bien supérieures aux limites réglementaires. Or la vitesse excessive ou inappropriée est à la fois à l'origine de nombreux accidents et facteur de gravité. Elle est en cause dans près d'un accident mortel sur deux. Il est donc essentiel de réduire cette dérive inacceptable des comportements, en ville comme sur les liaisons interurbaines.
A la suite des travaux réalisés sous l'impulsion de M. Robert Namias, le précédent gouvernement avait envisagé de créer un délit de grande vitesse, mais ce n'est pas ce dispositif que nous avons retenu.
Nous pensons, pour notre part, qu'il est préférable d'amener les conducteurs à réfléchir à leurs actes. Ainsi, les grands excès de vitesse seront passibles d'une contravention qui a été alourdie et la mesure législative qui vous est proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste simplement à considérer la récidive de grand excès de vitesse dans l'année comme un délit.
Ce dispositif a un caractère hautement pédagogique. Il reprend la logique des propositions de M. Namias et répond, sans démagogie, à une attente forte des associations de victimes de la route. Il devrait se révéler efficace pour inciter à l'abaissement de l'ensemble des vitesses pratiquées et au respect des vitesses maximales autorisées : trente, cinquante ou soixante-dix kilomètres-heure en ville ; quatre-vingt-dix, cent dix ou cent trente kilomètres-heure sur route et sur autoroute.
J'ai beaucoup discuté, beaucoup consulté, y compris des spécialistes de la vitesse, des sportifs et des professionnels de la prise de risque maîtrisée. Le respect des vitesses maximales autorisées appelle, à l'évidence, un effort sans précédent de la part des différents maîtres d'ouvrage de la voirie - communes, départements et Etat - pour remettre en ordre, quand cela n'a pas encore été fait, la signalisation.
A ce propos, je veux redire, parce que la question est revenue souvent dans le débat, que pour le Gouvernement et pour moi, il s'agit non pas de piéger les automobilistes, de les piéger pour les piéger, mais de favoriser une conduite apaisée tenant réellement compte de l'environnement social.
La cinquième partie du projet de loi vise à instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel.
La conduite automobile est une activité qui exige, naturellement, une vigilance de tous les instants.
La relation entre le médicament, la drogue et la sécurité routière a fait l'objet d'un rapport établi, sous la présidence du professeur Lagier, par des personnalités éminentes du milieu médical. Ce rapport avait d'ailleurs été demandé par le précédent gouvernement en 1994. Ma proposition s'appuie sur les conclusions de ces travaux, publiés en 1995.
La mesure proposée est pragmatique. En l'absence de données statistiques permettant d'apprécier sérieusement le phénomène, elle permettra de recueillir dans les deux ou trois ans à venir des indications épidémiologiques précises en la matière, ce qui me semble devoir être un préalable absolu pour fonder une législation spécifique sur la drogue et la conduite automobile.
La dernière conférence européenne des ministres des transports, qui s'est tenue le 3 mars dernier, a permis de faire le point sur la situation dans les autres pays européens. Le centre d'études et de recherches en médecine du trafic a montré que le lien d'implication entre prise de drogue et accident mortel est réel et qu'il est même significatif par rapport à d'autres facteurs d'accident.
L'obligation de dépistage de la drogue lors des accidents mortels répond donc à un souci de sérieux, d'une part, pour connaître et analyser le phénomène, d'autre part, pour étudier, valider et mettre en place rationnellement, avec le secrétariat d'Etat à la santé et l'Agence du médicament, le dispositif technique de prélèvement et d'analyse qui, aujourd'hui, n'existe pas.
A ce stade et en l'état actuel de notre législation en matière pénale, il n'y a pas lieu de fixer dans le code de la route - je dis bien " dans le code de la route " - une sanction spécifique en cas de dépistage positif.
S'agissant d'homicides, une instruction est obligatoirement ouverte puisque nous sommes dans le cas d'accidents mortels, et le juge pourra, bien sûr, tenir compte des résultats des analyses dans la sanction qu'il prononcera. Il dispose pour cela de l'arsenal juridique nécessaire dans le code pénal et dans le code de la santé publique.
La répression est loin d'être la panacée, en la matière. La prévention, l'éducation et la formation sont primordiales. C'est pourquoi un pictogramme spécifique sera imprimé sur toutes les boîtes de médicaments contenant des substances susceptibles d'entraîner des effets négatifs pour la conduite automobile. Des actions de communication et de sensibilisation du public, d'information et de formation des médecins et des pharmaciens, dont la responsabilité peut être mise en cause, seront engagées dès cette année.
La sixième partie du projet de loi tend à autoriser la suspension judiciaire du permis de conduire en cas de condamnation pour modification du dispositif de limitation de vitesse par construction. Une telle disposition s'applique déjà en cas d'alcoolémie, d'entrave ou de gêne à la circulation, de fausse immatriculation, de conduite sans permis. Elle complète la sanction de manipulation de l'appareil, instaurée par la loi du 1er février 1995 portant diverses dispositions en matière de transports routiers.
Afin d'éviter de laisser une faille dans le dispositif juridique actuel, je proposerai, par amendement, de faire en sorte que l'absence de limiteur de vitesse soit sanctionnée comme sa falsification.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a souhaité vous présenter un projet de loi exclusivement consacré à la sécurité routière. Ce projet, largement fondé sur le rapport qui m'a été remis dès mon arrivé par M. Verré, président de la table ronde voulue par mon prédécesseur, constitue la partie législative de la politique ambitieuse et globale que nous avons engagée.
J'ai eu l'occasion, au cours de ces derniers mois, de beaucoup consulter des élus nationaux et locaux, des représentants des organisations professionnelles, associatives et syndicales, des personnalités du monde du sport et de la presse. Je tiens à témoigner de la qualité et du caractère constructif de ces échanges. De nombreuses propositions m'ont été faites. Elles ne sont, bien sûr, pas toutes - heureusement, dirai-je ! - d'ordre législatif. Nombre d'entre elles peuvent être mises en oeuvre et contribuer à des progrès concrets.
Si, en matière de sécurité routière, l'essentiel tient à des actions locales, les mesures du présent projet de loi sont cependant nécessaires. Elles ne sont, bien sûr, pas suffisantes - j'y insiste - pour tendre vers l'objectif quantifié que nous avons fixé. Il importera d'assurer la publication rapide des textes réglementaires. J'y veillerai, car l'enjeu, c'est une meilleure prise en compte, sur le terrain, dans les entreprises, dans les écoles, collèges et lycées, dans les communes et les départements, de toutes les questions d'éducation, de prévention et de formation.
Réaliser des progrès en matière de sécurité routière, c'est - ne l'oublions pas - réaliser des progrès dans les rapports humains, les rapports sociaux. Une conduite apaisée, adaptée à l'environnement, c'est une meilleure qualité de vie dans les quartiers, les villes et les villages.
Le Gouvernement a décidé de se donner les moyens d'assurer la mise en oeuvre de cette politique et d'en suivre les résultats au plus près du terrain, de manière à permettre aux autorités locales de prendre les dispositions adaptées pour progresser.
Sur le plan national - c'est aussi, dans une certaine mesure, un événement - le comité interministériel de la sécurité routière se réunira désormais chaque année sous la présidence du Premier ministre. Ce sera l'occasion de dresser un constat public de l'évolution de la sécurité routière, d'apprécier les avancées vers une meilleure harmonisation de la réglementation européenne, d'analyser les différences de résultats sur le plan territorial et de décider, le cas échéant, les mesures législatives ou réglementaires qui pourront s'avérer indispensables.
Le Gouvernement reste, bien évidemment, ouvert aux propositions des parlementaires, aux vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, comme à celles des députés, car, dans le domaine de la sécurité routière, les progrès que nous devons réaliser sont immenses. La sagesse de votre assemblée permettra, j'en suis convaincu, de forger dans la plus grande sérénité un texte qui confortera l'action de toutes celles et de tous ceux qui oeuvrent quotidiennement, sur le terrain, avec les moyens qui sont les leurs, pour faire reculer l'insécurité routière dans notre pays.
(Source http://www.senat.gouv.fr, le 29 novembre 2001)