Déclaration de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la caisse nationale d'assurance maladie consacrée à la contractualisation au service de l'usager, Paris le 5 mars 2003.

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Circonstance : Forum sur "la convention d'objectifs et de gestion" entre l'Etat et La CNAM à Paris le 5 mars 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
C'est pour moi un réel plaisir d'intervenir aujourd'hui devant vous, au terme de cette manifestation qui a réuni l'ensemble des forces vives de la Sécurité sociale.
Je tiens à saluer tout particulièrement la participation des administrateurs, qui, en prenant sur leur temps de travail ou leur temps libre, participent, d'une façon à mes yeux irremplaçable, à la vie sociale de ce pays.
Je tiens à saluer également l'événement que constitue la réunion, dans une même enceinte, de l'ensemble des branches qui constituent le " grand arbre " de la Sécurité sociale.
Ce premier forum sur la contractualisation au service de l'usager, à travers la démarche de la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et les caisses nationales, atteste qu'une nouvelle dynamique est en oeuvre au sein de la sécurité sociale.
A travers la qualité de vos débats, que l'on m'a rapportés, j'ai apprécié l'intérêt des remontées de terrain, l'intérêt porté aux publics fragiles, la volonté de moderniser la gestion publique et la qualité des exemples tirés du secteur privé ou de l'étranger.
Ce forum représente un temps unique de réflexion de l'ensemble des partenaires de la sécurité sociale, une occasion rare d'échange collectif pour préparer l'avenir et les grandes échéances qui nous attendent.
Votre démarche s'inscrit d'ailleurs dans le cadre des préoccupations énoncées par le Président de la République lors de son allocution à l'occasion de la présentation des voeux. Il a ainsi déclaré : " Le service public ne nous appartient pas. Il n'appartient pas non plus à ses agents. Il appartient à tous les Français. Ses prestations doivent être assurées avec une exigence particulière de qualité, d'efficacité, d'économie ".
A travers ces propos, on retrouve les préoccupations qui sont déclinées dans vos conventions : priorité donnée à l'usager, efficacité du service et donc exigence de simplicité, gestion au meilleur coût.
Je tiens à cet égard à vous dire ma conviction que la démarche des conventions d'objectifs et de gestion est la bonne. C'est celle qui va permettre au service public de la Sécurité sociale de réussir sa modernisation.
L'arborescence de la Sécurité sociale est riche de potentialités, d'énergie, d'innovations ; j'ai pu le constater personnellement en visitant les stands, avant de venir à ce micro.
Elle peut aussi être source de complexité pour le citoyen, l'assuré social, le professionnel de santé, l'entreprise. Il nous appartient, il vous appartient de trouver ensemble les solutions qui, dans le respect de chaque régime et des agents, permettent de simplifier la vie de nos concitoyens, de mieux les aider à faire face à la complexité de la vie moderne. Et je pense notamment à ceux qui sont les plus démunis face aux contraintes et processus administratifs.
Si l'objectif fixé par les pouvoirs publics est clair, les moyens pour y parvenir sont multiples, et c'est tout l'intérêt d'une manifestation comme celle-ci de recenser, d'explorer la palette des ressources à votre disposition.
Je suis notamment convaincu que l'usage maîtrisé et mutualisé des nouvelles technologies peut permettre des sauts qualitatifs considérables dans le service à l'usager.
Connaître ses droits, calculer les charges dues, formuler une demande, interroger l'état de son compte, communiquer à la caisse un renseignement - changement d'adresse, embauche d'un salarié, déclaration de ressources - doivent dans les plus brefs délais être réalisables par tout un chacun, de façon très simple, par Internet. C'est le grand chantier immédiat du service public de la Sécurité sociale. Un chantier qui ne pourra être réussi qu'ensemble.
Je vous félicite d'ores et déjà des premières concrétisations de ce chantier. Je pense notamment au GIP " modernisation des déclarations sociales " qui me semble une démarche exemplaire de coopération entre organismes, au coeur de la simplification administrative pour les entreprises. Je pense également au portail " sécurité sociale.fr " qui permet à tous de se retrouver, à partir de questions simples, dans le maquis de la Sécurité sociale.
J'ai demandé à ce que soient dégagés les crédits, en 2003, pour permettre la mise au point d'un moteur de recherche performant.
Pour autant, et quelles que soient les vertus d'Internet, vos services qui sont des services sociaux, ne peuvent se dispenser du contact physique et téléphonique avec les assurés et les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles.
Les moyens dégagés par les nouvelles technologies, la télétransmission, la scannérisation, doivent permettre au service public de développer une nouvelle offre de service de proximité, pour prendre en charge une partie de la complexité administrative due notamment à la multiplicité des guichets. Je souhaite que soient exploitées au maximum toutes les hypothèses de mutualisation. Les réorganisations administratives, plus lourdes à gérer, et qui, en tout état de cause devraient respecter les droits des personnels, ne doivent intervenir qu'au vu d'une analyse concluant à leurs avantages comparatifs.
Il ne s'agit plus seulement de dire le droit, mais d'exercer un rôle de conseil, de facilitateur. La réussite de votre organisation ce n'est plus seulement d'avoir liquidé ou encaissé selon le droit en vigueur, c'est d'avoir permis au plus grand nombre de mener à bien leurs projets personnels, professionnels ou familiaux, grâce au soutien de vos institutions. C'est aussi bien sûr de pallier les accidents de la vie, voire les détresses humaines générées par la maladie, le handicap, l'exclusion.
La tâche est grande, à la dimension des missions de la Sécurité sociale dans ce pays.
Ceci m'amène à réaffirmer avec force, ici, devant vous, que la Sécurité sociale est au coeur de notre pacte républicain.
Nous savons que d'autres systèmes à l'étranger fondent la protection maladie et vieillesse des salariés beaucoup plus largement sur des systèmes d'entreprise que sur des systèmes mutualisés au sein de la collectivité nationale.
Nous connaissons de longue date les inégalités créées par de tels systèmes, entre ceux qui ont la chance d'appartenir à de grandes entreprises, et ceux, chômeurs, précaires ou salariés moins protégés qui restent sur le bord du chemin.
Les crises financières actuelles nous mettent en garde de plus contre la fragilité de tels systèmes.
Ici, tel groupe américain se voit obliger d'annoncer la fin du paiement des aides médicales et des primes d'assurance-vie à ses retraités et à leurs familles. Là, les analystes financiers eux-mêmes s'inquiètent des capacités de certaines sociétés à faire face à leurs obligations en matière de retraite.
Notre système n'est pas parfait. Il est loin d'être garanti contre les déficits ; il peut encourager les surenchères ; il est parfois facteur d'inertie. Mais ses problèmes, ses difficultés, ses avancées sont ceux de la Nation tout entière. Ce qui est en jeu, à chaque fois, c'est notre destin collectif, c'est notre capacité à affronter l'avenir et à refonder le pacte social qui unit chacun d'entre nous à la collectivité nationale.
La Sécurité sociale est au coeur de notre pacte républicain : elle est l'héritière moderne des principes de 1789 réinterprétés en 1946.
Elle est l'instrument par lequel s'exerce la solidarité entre tous les Français, de façon à assurer à chacun, à tous les stades de son existence, des conditions de vie décentes, pour lui et sa famille.
On oppose souvent cette " sécurité sociale " à une société favorisant le risque et l'innovation. Je n'en crois rien. Que serait une société du risque et de l'innovation sans attention aux plus faibles, aux plus démunis, à ceux qui sont les moins armés face à ce monde de la compétition et de la performance ? Il ne peut y avoir de progrès durable fondé sur une atomisation des liens sociaux.
La Sécurité sociale doit permettre de favoriser, de marier et non d'opposer la solidarité et la prise de risque et l'innovation ; sinon nous bâtirions une société inhumaine, une société de l'exclusion, qui au-delà de tout jugement moral, serait une société divisée, fragmentée, irréconciliable avec elle-même, une négation de ce que doit être la cité moderne.
Pour autant, la Sécurité sociale doit évoluer. Nous voyons trop bien qu'en dépit d'une sécurité sociale développée, absorbant une part sans cesse croissante de la richesse nationale, notre société est confrontée à certains des maux que je viens d'évoquer. Ce n'est pas du fait d'une insuffisance ou d'un trop-plein de sécurité sociale, mais d'une insuffisante adaptation de celle-ci aux problèmes de notre temps. C'est parce que la sécurité sociale est l'un de nos biens le plus cher que nous n'avons pas le droit au statu quo. La volonté d'adaptation continue est le gage du maintien des principes qui fondent la sécurité sociale.
Concernant l'adaptation aux problèmes de notre temps, il s'agit largement de la responsabilité du Gouvernement, mais aussi des partenaires sociaux. Nous partageons la responsabilité de trouver et de s'engager sur les pistes qui permettront de faire face au vieillissement de la population, de réduire réellement l'incertitude du lendemain qui repose sur une plus grande viabilité financière de nos systèmes.
C'est l'enjeu de la concertation et du projet de loi sur les retraites que je présenterai au Parlement en juin.
Mais à coté de cette adaptation des règles régissant les droits et les devoirs, il est également nécessaire de se mettre en situation de rendre un service, qui n'ait pas à rougir de la comparaison avec l'entreprise privée ou d'autres services publics. Parce que seule une qualité de service irréprochable peut permettre de tenir aux Français un discours de responsabilité vis-à-vis de la Sécurité sociale.
Je prends l'exemple de la retraite : c'est parce que l'avenir de notre système de retraite exige des efforts de tous que nous devons assurer une parfaite information sur la situation personnelle et les droits futurs de chaque actif.
De la sorte, nous permettrons également à chacun de mieux exercer sa liberté, de mieux gérer ses orientations de vie professionnelle et personnelle, de mieux anticiper la période de cessation d'activité et de retraite.
Chacun doit ainsi devenir acteur de sa sécurité sociale et ne plus en être le simple consommateur.
Ce qui nous a réunis pendant cette manifestation n'est nullement un enjeu marginal, mais un enjeu central de notre société. Rendre la Sécurité sociale plus performante, c'est aussi refonder le lien entre la société française et ce système de solidarité.
C'est pourquoi votre rôle est fondamental.
Je vous souhaite à tous, revenus dans vos caisses des diverses régions françaises de métropole ou d'outre-mer, de faire vivre l'esprit de modernité et de solidarité qui a animé cette manifestation. Pour que vive encore longtemps, dans notre " vieux pays ", une sécurité sociale jeune et dynamique.

(Source http://www.social.gouv.fr, le 10 mars 2003)