Texte intégral
Je suis vraiment heureux de pouvoir être parmi vous aujourd'hui. Ce n'est pas une clause de style, une simple formule convenue.
Il est, en effet, des évènements qui rythment l'année, qui sont des rendez-vous importants que tout le monde attend. La publication de votre rapport est de cette nature, car il est désormais, depuis huit ans, un document de référence sur la situation du logement et surtout du mal-logement en France.
Il propose toujours des mesures simples, il est vrai parfois chères, .... mais qui nous forcent, nous les pouvoirs publics, à quitter la tourmente du quotidien pour nous poser les vraies questions sur la finalité exacte de nos interventions.
Je n'aurais, pour un empire, voulu manquer cette occasion de rencontre. Merci de me permettre de m'exprimer devant vous.
C'est pourquoi, je vous le redis, je suis très heureux et très fier aujourd'hui de me trouver parmi vous.
Je suis d'autant plus heureux d'être parmi vous qu'après avoir lu votre rapport et vos propositions avec l'attention qu'elles méritent, j'ai le sentiment que le gouvernement depuis huit mois a mis en oeuvre des mesures qui pour beaucoup vont dans le sens de vos orientations.
Votre première proposition est que le nombre de logements sociaux réalisés chaque année soit porté à 80.000 et que 20.000 logements soient conventionnés dans le parc privé.
Si je partage votre souci d'augmenter l'offre de logements accessibles à des gens modestes, j'ai, je le reconnais, sur ce sujet une approche légèrement différente. Je veux, que chaque année, nous produisions le nombre nécessaire de logements pour que l'ensemble de la population, et je dis bien l'ensemble de la population, puisse être logé de façon décente.
C'est en ce sens que prend toute sa valeur l'analyse de l'INSEE qui indiquait récemment qu'il faut, au moins jusqu'en 2004, produire 320.000 logements par an. Comme le rappelle votre rapport, nous n'avons pas réussi à atteindre cet objectif les années passées, nous avons malheureusement accumulé du retard, il nous faudra le rattraper.
Quand nous construisons, ou que nous accompagnons la construction d'un logement en accession, c'est aussi une famille, parfois modeste que nous logeons, une famille qui, souvent occupait un logement social qu'elle libère, et qui pourra accueillir d'autres personnes à ressources modestes qui étaient mal logées.
C'est cela la chaîne du logement, offrir à chacun le logement dont il a besoin, c'est s'assurer que les plus pauvres de nos concitoyens, les plus délaissés ne seront pas oubliés. Car nous le savons parfaitement, et surtout vous dont c'est la préoccupation première, si un ou plusieurs maillons de la chaîne du logement se grippe, ce sont d'abord les populations les plus défavorisées qui en subissent les conséquences.
Pour construire, il faut d'abord du foncier. Ce premier maillon était brisé, ce fut donc ma première préoccupation en arrivant dans ce ministère, ma première interrogation : Comment favoriser la production de terrains pour accueillir de nouveaux logements ?
Très vite, j'ai identifié plusieurs blocages législatifs dans le code de l'urbanisme. Ils sont en passe d'être levés avec la loi "Urbanisme et Construction", actuellement soumise au parlement.
Cela permettra aux élus locaux de relancer des projets d'urbanisation et donc de construction de logements.
Il faut bien sûr que cette offre nouvelle de logements comporte une part significative de logements locatifs sociaux, ceux qui permettent une insertion dans le parcours résidentiel. Je pense aux résidences sociales, mais aussi à cette nouvelle formule des maisons-relais. C'est ainsi que nous avons décidé avec Madame Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, d'initier, dès 2003, un premier programme expérimental de 1.000 places en maisons-relais qui seront financés sur le budget de mon ministère. Si cette expérience est concluante, et je ne doute pas qu'elle le sera, nous intensifierons cet effort. Vous souhaitez que le conventionnement dans le parc privé atteigne 20.000 logements par an.
Je partage votre volonté de développer cette offre sociale, Aussi, le développement d'une offre locative privée conventionnée est la première des trois priorités que le gouvernement a fixées à l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat.
La seconde priorité de l'ANAH est la lutte contre l'insalubrité. Il existe aujourd'hui près d'un million de logements insalubres. Avec l'ANAH, nous disposons d'un outil global et efficace pour aider la rénovation de ces logements. Mais, parfois, la simple incitation financière ne suffit pas. Les pouvoirs publics doivent alors disposer des moyens pour que cessent de telles situations que nous ne pouvons plus accepter dans notre pays.
Je proposerai prochainement au parlement, dans le cadre d'une loi sur l'Habitat et le Logement, le renforcement et la simplification des dispositifs existants pour lutter contre l'habitat insalubre et le saturnisme. Nous devons traiter définitivement ces quasi-ghettos intolérables que sont devenus certains de nos centres-villes et leur redonner les couleurs de la vie. C'est pour moi une priorité absolue.
Vous proposez aussi que les logements soumis à la loi de 1948 soient conventionnés.
Bon nombre de ces logements sont aujourd'hui dans un état de dégradation inacceptable. Nous devons nous donner les moyens de les rénover, tout en protégeant les personnes fragiles ou modestes qui les occupent. Une réunion de concertation se tiendra prochainement au ministère sur l'évolution du statut de ces logements.
Je ne veux pas anticiper sur cette concertation ni faire d'annonce prématurée, mais je peux vous indiquer que votre proposition est de fait très proche d'une des pistes qui pourrait être proposée aux partenaires.
Soyez, en tout cas, persuadés de ma détermination sur ce sujet à protéger ceux de nos concitoyens qui sont les plus fragiles.
Vos propositions en matière de logements locatifs sociaux qu'ils soient publics ou privés sont chiffrées, quantifiées, et c'est bien normal quand on veut faire des propositions positives.
Mais, je fais encore appel à mon expérience de maire, c'est véritablement au niveau du bassin d'habitat que ces besoins doivent être définis.
Le Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, a annoncé lors de la clôture des assises régionale à Rouen, il y a trois semaines, que le gouvernement envisageait de déléguer la gestion des aides à la pierre aux départements ou aux communautés urbaines ou d'agglomération qui en feraient la demande.
Chaque mot a son importance.
L'état délègue. Il n'abandonne pas sa compétence. Il reste donc le responsable de la politique du logement. Mais il propose aux élus locaux, par voie conventionnelle et sur la base d'objectifs conjoints, définis dans un programme local de l'habitat, d'assurer la mise en oeuvre de cette politique et la poursuite de ces objectifs.
Cela signifie que, comme vous le souhaitez, l'Etat reste le garant de la politique du logement. La solidarité nationale est en jeu. Aussi, il ne peut être envisagé de décentraliser les aides à la personne qui sont et resteront de sa responsabilité.
De même, l'Etat s'assurera du respect de la mixité sociale, socle de cette solidarité nationale. Je l'ai dit à plusieurs reprises devant le parlement : l'objectif fixé par l'article 55 de la loi S.R.U. est un bon objectif, il doit être maintenu et défendu, mais sans nous priver d'une réflexion sur les moyens les plus efficaces pour atteindre cet objectif. D'ailleurs à mon sens, insuffisant et non atteint. Si nous y parvenons, nous pourrons améliorer le dispositif. Si nous n'y parvenons, il nous faudra . Continuer à réfléchir.
En tout état de cause, le gouvernement ne voudra pas, s'opposera même à toute modification de l'article 55 qui affaiblisse l'objectif de mixité sociale. Devant vous, je m'y engage personnellement.
Votre rapport enfin, propose de faire avancer le droit au logement vers un droit opposable. Avec Madame Dominique Versini, j'ai présenté au mois de novembre à toutes les associations et notamment à votre fondation le volet logement du Programme National de Renforcement de la Lutte contre les Exclusions.
Il faut que les personnes en difficulté aient facilement accès à l'information. Aussi, le Programme national envisage pour les Associations Départementales d'Information sur le Logement, (les ADIL) un rôle de coordination des instances chargées de l'accès au logement, pour faciliter à ceux qui en ont besoin l'accès aux aides. Une expérimentation sur 11 départements est lancée dès 2003. La circulaire aux Préfets leur donnant les consignes sur cette expérimentation vient d'être signée.
Les mécanismes d'aide à l'accès ou au maintien dans les lieux doivent aussi être plus efficaces.
Aussi, le programme prévoit la fusion des divers fonds d'aide, FSL, fonds eau, fonds téléphone et fonds énergie en un seul fonds: le fonds de solidarité Habitat. Cette réforme majeure se traduira dans la loi sur l'Habitat.
En même temps, mes services engageront une réflexion avec les acteurs locaux pour qu'il y ait, avant leur transfert aux départements, des pratiques plus convergentes sur l'ensemble du territoire.
Il faut prévenir les expulsions. Aujourd'hui, les délais accordés par le juge servent surtout à aggraver la situation des familles en difficulté. Le programme national prévoit de mieux mobiliser les travailleurs sociaux et de systématiser l'accompagnement social post-jugement pour que les délais accordés par le juge puissent vraiment être utilisés pour trouver une solution pérenne.
Enfin, il faut que l'accès au logement soit le même pour tous. Monsieur Louis Besson, qui participera à votre table ronde tout à l'heure, a créé en 1997 les commissions de médiation. Le gouvernement souhaite renforcer leurs pouvoirs pour qu'elles puissent s'auto-saisir des dossiers de demandeurs qui ne se seraient pas vu proposer un logement dans un délai raisonnable, et, si nécessaire, utiliser le contingent du préfet pour apporter une réponse à ces demandeurs.
Cette mesure est incontestablement un élément clé du droit au logement opposable que vous appelez de vos voeux. Il s'agit de dispositions simples. En 8 mois, voici nos premières initiatives. Elles vont, pour l'essentiel, dans le sens que vous souhaitez. Il reste énormément à faire, le gouvernement en est conscient, j'en suis conscient.
Je suis persuadé aussi que, s'il a un rôle incontournable de garant devant la nation, l'Etat ne pourra traiter seul le problème du mal-logement en France.
Il lui faut, pour être pleinement efficace, travailler avec les élus locaux, les organismes d'HLM et aussi et surtout l'ensemble du milieu associatif.
Je suis venu aujourd'hui, pour vous dire que je connais et reconnais l'importance de votre travail quotidien sur le terrain pour trouver des solutions, pour vous dire aussi que j'ai besoin de vous pour sensibiliser, convaincre tous ceux qui, à un titre ou à un autre, doivent gagner cette bataille du logement décent pour tous.
Ministre ou pas, vous me trouverez toujours à vos côtés, pour vous aider dans ce combat qui est d'abord celui de la dignité humaine.
Je vous remercie de tout ce que vous avez fait et de tout ce que vous continuerez à faire inlassablement.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 21 mars 2003)