Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "Le Journal du Dimanche" du 18 mai 2003, sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer et sur le bilan du voyage de Jean-Pierre Raffarin à La Réunion.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

JDD : Quel est l'esprit de votre loi pour l'outre-mer ?
B.GIRARDIN :
Elle a pour objectif de répondre aux trois handicaps structurels majeurs des collectivités d'Outre-Mer : un coût du travail trop élevé au regard des pays voisins qui pratiquent des salaires très faibles. Le coût du capital est également un problème du fait de l'éloignement de la métropole, de l'étroitesse du marché ou des phénomènes climatiques ? Il faut donc un système de défiscalisation approprié pour remédier à cette difficulté.
Enfin, la continuité territoriale est loin d'être une évidence outre-mer, les dessertes, qu'elles soient aériennes, maritimes ou fluviales comme en Guyane n'étant pas simples.
JDD : Quel est le plus de votre loi par rapport aux précédentes ?
B.GIRARDIN :
La loi Pons de 1986 instaurait la défiscalisation, la loi Perben, en 1994, l'allégement des charges sociales sur les entreprises. Moi je tire les leçons du passé, j'amplifie ce qui a bien marché et je corrige les effets pervers de certaines mesures. Par exemple, mon prédécesseur socialiste avait supprimé les exonérations de charges pour les entreprises dépassant dix salariés. Avec mon projet, une entreprise qui embauche un ou plusieurs salariés au-delà de dix, conservera les exonérations dans la limite des dix salariés. En outre, dans le domaine du BTP, les exonérations de charges passeront de 50 à 100 % afin d'éviter que les entreprises n'embauchent des étrangers clandestins.
JDD : Cette défiscalisation tout azimut, n'est-ce-pas un retour à la loi Pons qui a permis certains abus ?
B.GIRARDIN :
Non ! Pour éviter tout dérapage, nous mettons en place un système totalement transparent et donc facilement contrôlable. Et nous excluons les secteurs comme la navigation de croisière qui avait donné lieu à des abus, de même que nous ne défiscalisons pas les secteurs non compatibles avec le droit communautaire. Il s'agit en outre aujourd'hui de cibler des priorités : l'activité touristique, l'hôtellerie, le logement social, les énergies renouvelables. Nous mettons également l'accent sur des petits projets, les petites entreprises et voulons inciter les particuliers d'Outre-mer à investir dans l'économie locale. En fixant le cadre d'une stratégie de développement durable sur quinze ans, nous voulons rétablir un climat de confiance et ce, d'autant plus que tous les trois ans sera établi le bilan de ce qui marche bien ou pas. Notre objectif prioritaire c'est de créer des emplois pour sortir la jeunesse d'Outre-Mer de la précarité et la faire entrer dans le secteur productif, avec des formations adaptées.
JDD : Jean-Pierre RAFFARIN n'avait pas apprécié lors de son voyage à la Réunion en février dernier, d'avoir été mal accueilli par la population. Vous en veut-il toujours ?
B.GIRARDIN :
Jean-Pierre RAFFARIN a été mieux accueilli à la Réunion que ce qu'il en a été rapporté. Le Premier Ministre, à l'écoute de la population, a remporté dans toutes les communes visitées un vrai succès.
Il est exact que la décentralisation est un sujet sensible à la Réunion après les inquiétudes qu'avait provoquées le projet socialiste de bidépartementalisation en 2001. Mais je crois que tous les Français, et notamment ceux de la Réunion, ont tout à gagner avec la mise en uvre de la décentralisation. Je rappelle en particulier que les droits statutaires des personnels concernés seront préservés.
Par ailleurs, je fais partie d'une équipe gouvernementale soudée autour du Premier Ministre. Jean-Pierre RAFFARIN, en accordant des arbitrages favorables à la loi-programme sur l'Outre-Mer au moment où la conjoncture économique est difficile, montre bien le soutien qu'il apporte à la politique que je conduis sur l'outre-mer.
Propos recueillis par Florence MURACCIOLE

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 19 mai 2003)