Texte intégral
Q - 11 septembre, deux ans et deux guerres après, on se retrouve sur le plateau de "Journal du monde" pour passer en revue l'actualité de ce jour particulier avec Dominique de Villepin.
Nous n'allons pas faire ici de commémoration mais cet anniversaire, c'est l'occasion de faire un point rapide sur le désordre du monde et sur la politique de la France.
Nous allons commencer avec la lutte antiterroriste. A New York, on a célébré plus discrètement que l'an dernier, la mort des 3000 victimes du World Trade Center, minute de silence respectée par tous les Américains, à commencer bien sûr par les hôtes de la Maison Blanche. Cérémonies un peu partout dans le pays jusqu'à Tikrit, tout un symbole, on a vu l'aumônier de la quatrième division d'infanterie lire quelques passages de la Bible dans l'ancien fief de Saddam Hussein.
Mais la véritable image qui restera de la journée, c'est la réapparition de Ben Laden. On ne l'avait pas vu depuis un an et demi, Ben Laden en promenade, en montagne, vieilli mais vaillant, pas grand chose d'un homme traqué avec, à ses côtés, Al-Zawahri, tout à la fois son lieutenant, son âme damnée et son médecin.
Monsieur de Villepin, il est vivant, le saviez-vous comme tout le monde le prétend aujourd'hui ou bien avez-vous été surpris ?
R - Non, pas surpris car rien n'indiquait qu'il ait pu être mort. Cela confirme le sentiment, assez répandu je crois, qu'il était toujours vivant, quelque part.
Q - Et cela confirme aussi l'échec de la campagne menée en Afghanistan ?
R - Cela confirme la difficulté de mener campagne en Afghanistan mais aussi la nécessité de poursuivre l'effort. La campagne contre le terrorisme est une campagne de longue haleine. Il ne faut pas se tromper d'objectif, il faut savoir que notre meilleur atout, c'est l'unité de la communauté internationale. C'est un combat qui doit se livrer, bien sûr dans les domaines militaires, quand cela est nécessaire - nous l'avons fait en Afghanistan - mais aussi dans les domaines policier, judiciaire, dans le domaine financier, dans les domaines du renseignement. C'est véritablement une traque à laquelle il faut se livrer, à l'égal d'un virus.
Q - Est-ce le travail des diplomates aussi car durant l'hiver dernier, vous avez réuni le Conseil de sécurité pour justement parler de la lutte antiterroriste et vous avez proposé un certain nombre de mesures, un fond spécial des Nations unies etc. Mais, il n'y a eu aucune suite concrète à ces propositions françaises et on a l'impression que la lutte contre le terrorisme, c'est l'affaire des militaires, des policiers, mais vraiment pas l'affaire des politiques.
R - Non, c'est l'affaire de tous et c'est bien ce que nous avions voulu signifier à l'époque, dès le mois de janvier. C'est ce qu'est venu nous rappeler le 11 septembre. En ce jour de commémoration, il faut se souvenir que cela nous concerne tous à travers la planète et que personne ne peut être épargné ou se considérer épargné ou indifférent face à cette menace. Il ne faut pas se tromper d'objectif et de moyens.
Il est évident que la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité doit s'accompagner en permanence d'une mobilisation politique et cela, c'est le travail privilégié, l'objectif privilégié des diplomates. Plus nous réduisons les crises, plus nous réduisons l'incertitude sur la scène internationale, moins le terrorisme a de chance de pouvoir prospérer, comme l'on voit les virus se nourrir de la gangrène. Je crois que cette notion d'un virus mutant, d'un virus opportuniste, qui ne cesse de s'adapter et de changer est très importante pour trouver justement les bons moyens de lutter contre le terrorisme. L'Irak n'était pas une terre de terrorisme jusqu'à ces derniers mois, et aujourd'hui, le terrorisme y prospère. Ceci montre bien que les conflits, les divisions nourrissent le terrorisme.
Q - Et concernant la position française, Moussaoui est dans les oubliettes américaines, une demi-douzaine de Français à Guantanamo, Pierre Robert dans une prison marocaine, et en quelque sorte, la France exporte ses terroristes, cela n'appelle-t-il pas un peu de modestie de la part du gouvernement français ?
R - Je crois qu'il faut surtout être lucide. Toutes les nationalités sont représentées parmi les mouvements terroristes. Des filières se sont créées, un certain nombre de sources particulières et de conflits ont nourri le terrorisme. On l'a vu avec l'Afghanistan, on le voit aujourd'hui avec l'Irak, de la même façon qu'on l'a vu avec le Proche-Orient. La crise, la guerre nourrissent le terrorisme. Personne n'est à l'abri et personne ne peut se considérer directement responsable, de telles et telles filières terroristes.
Q - Cet après-midi, vous avez annoncé qu'un accord avait été enfin conclu avec la Libye. Ils vont payer, la France va donc voter la levée des sanctions. 14 ans avec l'explosion, on vous voit en train de l'annoncer cet après-midi même au Quai d'Orsay, 14 ans après l'explosion du DC-10, les familles des victimes vont toucher une supplément d'indemnisation, tant mieux pour elles.
Comment peut-on être crédibles dans la lutte contre le terrorisme alors que les hommes qui ont organisé cet attentat, le plus meurtrier jamais organisé contre les intérêts français, coulent des jours tranquilles à Tripoli, à commencer par le propre beau-frère de Kadhafi ?
R - Vous savez que, dans le cas français, il y a eu un procès et une décision de justice. La question qui s'est posée est de savoir comment faire appliquer cette décision de justice. Selon la règle utilisée par les Libyens : on n'extrade pas ses propres nationaux, aucune comparution, en dépit des demandes de la France, n'a pas pu avoir lieu. En conséquence, nous nous sommes placés sur le terrain de la morale et de l'équité parce que c'était, évidemment, la demande insistante des familles. Ce gouvernement, lorsqu'il est arrivé aux affaires, a eu à cur de reprendre ce dossier et de faire valoir aux Libyens toute l'importance que nous attachions à demander une réponse réellement équitable. Vous savez qu'une décision a été prise pour l'attentat de Lockerbie prévoyant des indemnisations beaucoup plus importantes pour les familles car il n'y a pas que des Américains et Britanniques concernées. Nous avons demandé que l'équité soit respectée et nous sommes heureux qu'un accord ait pu intervenir - nous l'avons demandé et soutenu - entre les représentants des familles des victimes et la fondation Kadhafi. Ceci ouvre la voie à une levée des sanctions contre la Libye, aux Nations unies.
Q - Ne soyons pas plus royaliste que le roi, plus que les familles des victimes, là où le terrorisme est quotidien, vous le disiez, c'est là où l'armée américaine affronte désormais les poseurs de bombes, c'est donc l'Irak. Vous l'aviez prédit, c'est arrivé.
Vous avez rendez-vous avec Colin Powell, ce week-end à Genève, en Suisse, vous parlerez du projet de résolution déposé par les Américains, la France mangera-t-elle "son chapeau" ? Va-t-on envoyer les renforts qu'on nous demande ? Financera-t-on la reconstruction comme ils l'exigent et, légitimer, a posteriori la guerre que nous n'avons pas cessé de dénoncer pendant des mois ?
R - Quelle est la question qui est posée aujourd'hui à la communauté internationale en Irak ? C'est de trouver un chemin pour la reconstruction de l'Irak. La France l'a clairement dit : pour nous, la clef, le point de départ de cette reconstruction, c'est la restauration de la souveraineté irakienne. C'est donc un processus politique.
Aujourd'hui, multiplier les contingents nationaux en Irak, ce n'est pas répondre aux problèmes. Nous voyons bien le cycle de violence conjuguant des forces nationalistes, islamiques et terroristes. De nouveaux contingents nationaux seraient placés dans la même situation que les forces de la coalition aujourd'hui. Il faut sortir de cet engrenage, il faut que les Irakiens soient maîtres de leur destin. C'est-à-dire que, dans un délai très court, il faut qu'un gouvernement irakien, constitué à partir des institutions existantes, du Conseil de gouvernement et du Conseil des ministres, puisse prendre les choses en main. Ce gouvernement, assurant son destin politique, sa responsabilité économique et financière, sa responsabilité dans le domaine de la sécurité, puisse demander à la communauté internationale ce dont il a besoin, l'appui et la force multinationale nécessaires. Il faut que les Nations unies jouent tout leur rôle dans ce processus politique, qu'elles puissent fixer le mandat et la mission de cette force multinationale. Que le problème du commandement soit traité, comme il l'est souvent, en confiant cette tâche à la nation la plus présente au sein de la force, ne pose évidemment pas de problème.
Q - Au-delà, la solution politique est un calendrier, une constituante, un recadrage de la transparence dans l'exploitation de l'Irak.
R - Mais, c'est beaucoup plus qu'un calendrier, c'est l'affirmation que les Irakiens décident en Irak.
Q - ils seraient bien les premiers à décider de leur sort au Proche-Orient.
Imaginez-vous que les Américains, après avoir fait tout cela, partagent leur autorité, qu'ils vont rendre des comptes à l'ONU et qu'ils vont dépendre de la bonne volonté du vote des Irakiens ?
R - Quel est l'intérêt des Américains aujourd'hui ? C'est de trouver une solution qui permette aux Irakiens de travailler ensemble, sans entrer dans cette spirale du communautarisme, des affrontements et de la violence. L'intérêt est de trouver une solution. Quelle est-elle aujourd'hui en Irak ? Je crois qu'il faut avoir le courage de faire face à cette réalité et de voir que ceux qui sont le plus intéressés aujourd'hui à renforcer le rôle des Nations unies en Irak, sont les forces de la coalition elle-même.
Q - Il n'est pas sûr que les Irakiens comprennent obligatoirement les subtilités de la politique française.
Il y a urgence ! Ne faut-il pas se contenter finalement d'une résolution humanitaire ?
R - Il faut faire bien plus qu'une résolution humanitaire. Une fois de plus, je le dis car c'est vrai en Irak, comme au Proche-Orient, comme en Afghanistan. Comprenons que la clef de tout, c'est la restauration d'un processus politique. Si nous n'engageons pas ce processus, nous n'arriverons à rien.
J'ai rencontré hier la seule femme membre du Conseil de gouvernement intérimaire. Elle comprend bien l'importance, comme beaucoup d'Irakiens, d'affirmer d'abord ce point de départ de la souveraineté. Si nous voulons éviter ce cycle de violence, c'est le point de départ de tout. La France, en liaison avec tous ses partenaires, est mobilisée pour prendre ses responsabilités dans ce sens. Mais, une fois de plus, créons les conditions qui permettront la reconstruction de l'Irak.
Q - Politique, politique d'abord, c'est votre slogan.
R - Oui, et la sécurité en liaison avec les Irakiens.
Q - Cela fut pendant toute la guerre et avant même que la guerre serait la pire des choses. C'est un peu surprenant de la part d'un homme qui aime autant Napoléon. Avez-vous revu ce jugement en découvrant les chambres de torture, les charniers, les immenses listes de disparus irakiens ?
R - Je l'ai souvent dit, durant toute la période où nous avons travaillé et proposé des solutions au Conseil de sécurité avec nos différents partenaires, j'avais deux obsessions en tête. La première, c'est la situation du peuple irakien et cette connaissance de la dictature de Saddam Hussein ; la deuxième, c'était d'éviter un engrenage de violence qui pourrait conduire à l'atteinte de l'unité de l'Irak, à la déstabilisation de la région, à la reprise du terrorisme, voire, à un choc de cultures et de civilisations.
Il y a bien là, des risques épouvantables dont nous devons avoir pleinement conscience.
Q - Quand vous parliez du pire, vous aviez raison.
R - Nous disions et c'est le plus important, que gagner la guerre était évidemment à la portée d'un grand pays ; gagner la paix ne peut être fait qu'avec la communauté internationale et la mobilisation de tous les Irakiens eux-mêmes. L'Irak est capable de relever le défi et de se mobiliser.
Q - Mais, vous ne m'avez pas répondu, avez-vous été surpris en découvrant la cruauté du régime irakien ou aviez-vous pleinement conscience des crimes du régime de Saddam ?
R - Nous connaissions la nature de ce régime. N'oubliez pas les massacres dont nous avons parlé en 1991, alors qu'il y avait eu des soulèvements dans le sud irakien, espérant l'intervention américaine qui finalement n'a pas eu lieu. Nous connaissions la nature de ce régime à travers le rôle qu'ont voulu jouer les Nations unies afin d'obtenir un désarmement pacifique de l'Irak. Il y avait aussi l'espoir que ce rôle intrusif des inspections permettrait d'amender et de faire évoluer le régime. C'est évidemment une préoccupation qui était aussi au cur de l'action de la communauté internationale. La vraie question, c'est que prendre une responsabilité aussi grande que celle prise en Irak nécessite d'être capable d'accompagner et de se donner les moyens de la paix.
Aujourd'hui, cela suppose, je crois, une révision importante de la politique qui a été menée.
Q - Concernant le Proche-Orient, la guerre à outrance, l'empoignade fatale.
Voici les images de Yasser Arafat ce matin à la Moqattaa où il avait convoqué son Premier ministre et les futurs membres de son hypothétique gouvernement. On sent bien que l'étau se resserre et on a l'impression d'assister à l'agonie d'un régime lorsqu'on regarde ces images.
A 300 mètres du bâtiment, les soldats israéliens ont pris position, le cabinet Sharon tient lui-même une réunion de crise et la plupart des ministres israéliens sont désormais partisans d'expulser le président palestinien.
Dominique de Villepin, on connaît la position de la France, vous êtes évidemment contre l'expulsion d'Arafat, pour l'instant en tout cas.
Pensez-vous que George Bush peut retenir, dans un avenir prévisible, dans l'année qui vient, d'ici aux élections le bras des Israéliens, pensez-vous que les Américains peuvent imposer quoi que ce soit à Israël ?
R - Vous dites la position de la France mais c'est aussi la position de l'Union européenne. Nous étions tous ensemble en Italie pour la réunion ministérielle et nous avons réaffirmé cette position. C'est aujourd'hui aussi la position des Américains. Là encore, nous avons une responsabilité au Proche-Orient. Une politique sécuritaire seule peut-elle enclencher un processus de paix, ne faut-il pas un processus politique ?
Yasser Arafat est le président de l'Autorité légitime. On peut toujours écarter Arafat, mais les choses seront-elles plus simples ? Je crains qu'elles ne deviennent au contraire, beaucoup plus difficiles.
Q - Ariel Sharon a dit un jour, tout haut, ce que beaucoup d'Israéliens pensent tout bas, à savoir que la Feuille de route, le Quartet, ce n'est pas sérieux. Pourquoi faire semblant de croire que l'on puisse imposer à cette région une solution extérieure, alors que cela n'a jamais marché ?
R - Tout simplement parce que nous sommes devant une crise majeure de la vie internationale et qu'il est urgent de rétablir la justice dans cette région. Nous voyons bien à quel point cette crise a des conséquences sur l'ensemble de la planète, y compris en Europe et dans nos propres pays.
Q - Cela ne regarde pas seulement les Israéliens et les Palestiniens ?
R - Cela concerne l'ensemble de la planète - et nous préconisons une politique beaucoup plus volontaire, beaucoup plus énergique de la part de la communauté internationale - nous souhaitons qu'avec le réengagement américain puisse s'impliquer dans le comité de supervision, l'ensemble des parties, tous les membres du Quartet et notamment l'Europe.
Parce que ce processus est difficile, parce que nous ne sortons pas de cette guerre des préalables où chacun attend que l'autre fasse un geste et où, à chaque étape, existe le risque d'être pris en otage par la violence et le terrorisme. Nous disons : faisons en sorte qu'il y ait vraiment un électrochoc ; la Conférence internationale, par exemple, qui mettra en scène l'ensemble des parties, tous les représentants des pays arabes, dans la ligne du sommet de Beyrouth. Prenons une autre possibilité : un déploiement de forces de la communauté internationale sur le terrain permettrait de garantir son fonctionnement. Allons de l'avant !
Q - Et ceci avec l'accord des Palestiniens et des Israéliens.
R - Bien sûr, mais constatons que ce qui a été fait ne donne pas de résultats. Cela implique que nous changions d'échelle, que nous changions de rythme et que nous le fassions ensemble.
Q - Il y aurait beaucoup à dire concernant le Proche-Orient et notamment sur l'inscription du Hamas sur la liste noire du terrorisme, finalement après les deux attentats, estimez-vous avoir eu raison ?
R - C'est une exigence de lucidité et de responsabilité. Nous le faisons dans le cadre d'une démarche politique volontaire en demandant à Israël de s'engager résolument dans le même sens et en adressant un message clair au Hamas et aux Palestiniens.
Le Hamas est à la fois une organisation politique et militaire, qui a une dimension sociale importante. Nous leur disons que s'ils se consacrent entièrement au combat politique en renonçant à la violence, alors l'Europe pourra revenir sur sa décision.
Q - Et les Suédois en état de choc après la mort de leur ministre des Affaires étrangères Anna Lindh qui a été poignardée par un inconnu alors qu'elle faisait ses courses dans un grand magasin, en toute simplicité et sans garde du corps. Emotion considérable dans le pays, les drapeaux sont en berne mais le référendum prévu dimanche sur l'adoption de l'euro est maintenu, référendum dont l'issue reste assez incertaine.
J'imagine que cette mort vous fait de la peine car vous la connaissiez mais je voudrais que l'on parle des dossiers européens. L'un des grands bouleversements de l'année qui vient de s'écouler, c'est la division des Européens. Les Américains ont tout fait pour cela. Les nouveaux venus ont défié la France et l'Allemagne, ils ont pris des distances aussi avec la construction européenne. Ces jours-ci, on les voit protester, refuser la réforme prévue par la Convention, par la constitution rédigée par Valéry Giscard d'Estaing.
Croyez-vous encore aux chances d'un nouveau Traité de Rome d'ici la fin de l'année ?
R - Permettez-moi d'abord de dire, concernant Anna Lindh, car c'est une douleur pour nous tous et c'est une grande perte pour la diplomatie suédoise, que c'était l'une des voix fortes de la Suède. C'est une perte pour l'Europe, c'est une perte pour nous tous. C'était à la fois, une femme de grand caractère et d'une immense gentillesse. Elle siégeait à côté de nous, elle siégeait à côté du président Chirac dans les Conseils européens, France, Suède, côte à côte, nous avons travaillé et nous étions profondément liés.
Q - Sa disparition fera peut-être adopter l'euro aux Suédois, ce sera son legs ?
R - C'est leur choix.
Q - Et concernant le Traité de Rome, c'est mal parti ?
R - Je pense que le bon sens va l'emporter. Bien sûr, de nombreux Etats ont beaucoup de revendications mais tous reconnaissent que la Convention, sous l'égide du président Giscard d'Estaing, a fait un remarquable travail. Bien entendu, ils ont un certain nombre de revendications et d'intérêts et souhaiteraient amender le texte proposé. Nous sommes évidemment prêts à le préciser, à chercher à l'améliorer, mais nous disons : attention de ne pas remettre en cause ce processus essentiel qui accompagne celui de l'élargissement. L'approfondissement institutionnel accompagne l'élargissement à la veille des grandes négociations.
Q - Comment la France peut-elle montrer la voie à ces petits pays alors qu'ils s'indignent de notre déficit budgétaire, qu'euro oblige, ils financent en partie.
R - D'abord, constatons que ce n'est pas seulement une division petits et grands Etats. Le Luxembourg fait preuve d'un réalisme et d'un esprit de responsabilité très grand. L'engagement de la France - le président de la République a eu l'occasion de le rappeler très clairement en Espagne lors de sa rencontre aujourd'hui avec le président Aznar - est un engagement très fort vis-à-vis du Pacte de stabilité à respecter cet objectif de réduction des déficits. Mais, parallèlement, nous avons un certain nombre de contraintes compte tenu de notre situation intérieure. La vie des nations fait qu'il y a des périodes de prospérité, des périodes d'aisance et des périodes plus difficiles.
Que dans les périodes d'aisance, la contribution à la réduction des déficits puisse être plus importante que dans d'autres, c'est une loi naturelle, je pense que chacun peut le comprendre en Europe. Je constate que c'est d'ailleurs la situation de la plupart des grands Etats, qui sont engagés dans de nombreuses dépenses, qui intéressent aussi les autres Etats puisque la prospérité des uns retentit directement sur celle des autres.
Je crois qu'il y a un fort esprit de communauté au-delà des polémiques qui sont engagées et qu'il nous faut régler ces problèmes ensemble.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 septembre 2003)