Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur la mise en place d'une réglementation d'internet et des technologies des télécommunications, le projet de renforcer la concurrence dans les services de réseaux à haut débit dans les boucles locales, et sur le concept "d' internet du futur" intégrant audiovisuel, télécommunications et informatique, au Sénat, le 28 janvier 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 4èmes entretiens de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) sur "Internet et les télécommunications", au Sénat, le 28 janvier 2000

Texte intégral


Monsieur le Président de la Fédéral Communication Commission (M. Kennard), Monsieur le Président de l'ART, Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs, Mesdames et Messieurs Je souhaite remercier l'ART, organisateur de cet important colloque au cours duquel vous allez évoquer très largement la révolution que nous connaissons dans les télécommunications depuis l'apparition d'Internet. Historiquement, les secteurs des télécommunications et de l'informatique dont est issu le réseau Internet ont évolué de façon très distincte : l'informatique étant un secteur peu régulé, dynamique et changeant, concentré principalement sur les entreprises.
A contrario, les télécommunications ont pendant longtemps présenté le visage d'un secteur fortement réglementé, demandant des investissements considérables mais touchant les entreprises et le grand public. Internet est le lieu de rencontre de ces deux secteurs qui ont chacun évolué pour se rapprocher l'un de l'autre : l'informatique est devenue un marché de masse, tandis que le secteur des télécommunications s'est libéralisé ouvrant la voie à des innovations qui s'accélèrent sous la double impulsion de la concurrence et du progrès technique.
La convergence de ces deux secteurs est déjà largement entamée. Pour les pouvoirs publics, il est essentiel qu'elle soit créatrice de richesse et d'emplois. En particulier, nous veillons dans ce domaine : - à favoriser la mise en place de réseaux haut débit permettant l'apparition de services innovants ; - à favoriser l'accès du plus grand nombre aux réseaux de la société de l'information ; - à adapter le cadre réglementaire aux évolutions des services et des technologies.
Au-delà, nous devons réfléchir à ce que sera " l'Internet du Futur " qui permettra notamment la convergence de l'audiovisuel avec les télécommunications et l'informatique. Favoriser la mise en place de réseaux à haut débit
Les nouveaux services multimédia issu de cette convergence resteront cependant des projets de laboratoire s'ils ne sont pas soutenus par des réseaux à haut débit. Ces derniers nécessitent des investissements considérables à la fois pour la création de nouvelles infrastructures de communications mais également pour l'adaptation des réseaux existants.
Avec l'augmentation toujours plus rapide de la capacité sur les réseaux longue distance en fibre optique, l'essentiel de la problématique s'est portée sur le déploiement de réseaux haut débit dans la boucle locale afin d'assurer la connexion des PMI/PME et du grand public.
C'est la prise en compte de ces besoins nouveaux qui ont conduit le gouvernement à souhaiter renforcer la concurrence dans les services haut débit en prévoyant l'instauration du dégroupage de la boucle locale de l'opérateur historique . Ceci permettra à l'ensemble des opérateurs de fournir des services fondés sur des technologies xDSL.
L'objectif recherché par cette intervention réglementaire forte est de stimuler la fourniture d'offres à haut débit au bénéfice de l'ensemble des utilisateurs (entreprises, professionnels ou particuliers) sans attendre le déploiement souvent long de réseaux alternatifs. Nous avons préparé un texte législatif en ce sens, nous le présenterons au Parlement dès que possible.
Cependant la satisfaction de long terme des besoins en haut débit passe par des investissements en infrastructure, aussi le Gouvernement avec l'Autorité de Régulation des Télécommunications a lancé des appels à candidatures pour l'attribution de deux licences nationales de boucle locale radio moyen et haut débit ainsi que de deux licences haut débit dans chaque région métropolitaine. La boucle locale radio par son faible coût initial, sa rapidité de déploiement et ses capacités techniques devrait permettre de répondre à une grande partie des besoins en réseaux haut débit en prenant en compte nos objectifs d'aménagement du territoire.
A l'issue de la soumission comparative que mène l'ART, j'envisage de délivrer des autorisations en septembre prochain. A plus long terme, l'introduction d'autres réseaux comme l'UMTS ou les réseaux haut débit par satellite devraient permettre une couverture du territoire encore meilleure.
S'agissant de l'UMTS, le Gouvernement a décidé de procéder à une sélection des opérateurs par une soumission comparative et de ne pas retenir un système d'enchères. Favoriser l'accès du plus grand nombre aux réseaux de la société de l'information La société de l'information que nous construisons doit être accessible à tous et il me semble crucial de garantir cette universalité d'accès.
Ceci passe principalement par un service public ambitieux que la France défend avec constance au niveau européen. Le cadre actuel du service public de télécommunications garantit essentiellement les services de téléphonie vocale. Ni la forme, ni le contenu du service public de télécommunications ne sont cependant immuables, ils demanderont certainement à être adaptés pour répondre à cette préoccupation d'universalité.
Mais l'objectif d'universalité des nouveaux réseaux de communication demande aussi que l'on fasse correspondre la carte virtuelle du territoire avec l'étendue géographique réelle des réseaux. C'est dans cet esprit que le gouvernement encourage les initiatives de développement de réseaux de télécommunications à l'échelon local par les opérateurs.
Afin de réaliser cet objectif d'aménagement du territoire, les pouvoirs publics ont fait le choix de privilégier des critères de couverture du territoire lors des appels à candidatures pour la mise en place de nouveaux réseaux haut débit comme la boucle locale radio.
Ce sera également le cas pour l'appel à candidature des licences mobiles de 3ème génération.
Adapter la réglementation aux évolutions des services et des technologies La réglementation actuelle a été conçue pour ouvrir le secteur des télécommunications à la concurrence avec pour objectifs principaux l'innovation dans les services de télécommunications et la baisse des prix. Il convient aujourd'hui de l'adapter aux évolutions du secteur des technologies de l'information et notamment à l'importance de plus en plus grande des services fondés sur le réseau Internet.
Cette adaptation du cadre réglementaire doit être guidée par les principes suivants :
- le cadre réglementaire doit favoriser la mise en place de technologies et de services innovants ;
- il doit être technologiquement neutre : des services concurrents ou substituables doivent être soumis à des règles semblables quelque soit leur support technologique ;
- il doit offrir aux utilisateurs et aux investisseurs un cadre juridique solide et stable,
- enfin, il doit être limité au strict nécessaire et faire place à davantage d'autorégulation.
Le travail d'adaptation de la réglementation a déjà commencé tant au niveau français avec la consultation publique sur l'adaptation du cadre législatif de la Société de l'Information qu'au niveau européen avec, d'une part la négociation sur les directives "commerce électronique" et "signature électronique", et d'autre part le lancement en 1999 du réexamen du cadre réglementaire communautaire des télécommunications.
Au cours du second semestre, j'aurai l'honneur de présider le Conseil des ministres européens des télécommunications et je souhaite mettre en avant les grands principes que je viens d'énoncer.
Quel sera l'Internet du Futur ? La " grande convergence " qui rassemble l'informatique, les télécommunications, l'audiovisuel au sens large est en cours. Cette convergence audiovisuel/Internet est largement entamée avec la numérisation de l'ensemble de la chaîne de valeur audiovisuelle mais un pas supplémentaire sera franchi avec l'introduction future de la télévision numérique terrestre qui établira une équivalence réelle entre les anciens réseaux audiovisuels et ceux des télécommunications.
Le point de rencontre ou l'élément fédérateur entre ces différents mondes sera sans doute l'Internet, mais un " Internet du Futur " dont les capacités en terme d'usages ou de services seront sans doute sans commune mesure avec les performances actuelles. En particulier, le futur Internet devra montrer sa capacité à intégrer des flux audiovisuels, à rapprocher l'information des usages, à gérer la mobilité ou le nomadisme et à offrir un environnement sécurisé pour les transactions des usagers.
L'Internet devra aussi veiller à conserver ce qui a fait son succès c'est à dire d'une part son caractère communautaire, de village planétaire et d'autre part une combinaison extrêmement fructueuse d'innovations technologiques et d'innovations d'usages.
C'est tout le sens de l'initiative " Internet du Futur " que mènent aujourd'hui de concert les ministères de l'industrie et de la recherche. Le thème Internet du Futur constitue le thème fédérateur autour duquel un ensemble important d'actions du Secrétariat d'Etat à l'Industrie s'articule. L
e Programme Société de l'Information, le Réseau National de Recherche en Télécommunications, le Réseau National de Recherche en Technologies Logicielles, le Programme d'aide à la Recherche et à l'Innovation technique pour le cinéma, l'Audiovisuel et le MultiMédia, et le programme UCIP de diffusion d'Internet vers les PME sont autant d'actions complémentaires que nous continuerons de mener dans ce domaine. Toutes ces actions devront ensemble contribuer à donner à la France la place qu'elle mérite dans l'Internet de demain.
La croissance économique en Europe dans les 20 prochaines années sera bâtie sur le succès des Technologies de l'Information et de la Communication. Par ailleurs quelle que soit l'importance des avancées que nous avons déjà pu observer en termes de nouveaux services, d'augmentation des débits ou de convergence des réseaux de voix et de donnée, nous ne sommes encore qu'aux débuts de cette révolution. De grandes évolutions sont encore devant et nous avons tous collectivement la responsabilité d'y faire face et de les transformer en croissance et en emplois.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.

(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 04 février 2000).