Déclaration de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur son action à la tête du ministère depuis dix mois et ses projets : garantir l'équilibre des territoires, favoriser les pratiques respectueuses de l'environnement et le développement agricole, soutenir les filières agricoles, défendre une politique européenne dynamique, simplifier les démarche des agriculteurs, Rodez le 27 mars 2003.

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Circonstance : Congrès de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA) à Rodez le 27 mars 2003

Texte intégral


Monsieur le Président, cher Jean-Michel LEMETAYER,
Messieurs les Ministres, chers Jean PUECH et Jacques GODFRAIN,
Monsieur le Président de l'APCA, cher Luc GUYAU,
Madame le Président de la CNMCCA, chère Jeanette GROS,
Monsieur le Président des Jeunes Agriculteurs, cher Jérôme DESPEY,
Monsieur le Président du COPA,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Depuis mon arrivée rue de Varenne, j'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup d'entre vous dans nos régions, sur le terrain, où je me trouve à vos côtés, en moyenne plus de trois jours par semaine.
Dans le même temps, Monsieur le Président, nous avons appris à nous connaître et à nous apprécier. Nos échanges, parfois vifs, ont toujours été emprunts - je peux en témoigner - d'une grande loyauté.
Pendant ces dix mois, il m'a fallu, d'abord, " remettre de l'ordre dans la maison ". En arrivant rue de Varenne, j'ai trouvé une facture de 3 milliards d'euros : 1 milliard d'euros de dépenses non financées touchant à des sujets aussi essentiels que le BAPSA, la bonifications des prêts, les CTE ou même l'indemnité viagère de départ. S'y ajoutent 2 milliards d'euros d'engagements non financés, concernant en particulier les CTE. Il m'a pourtant fallu apporter des réponses immédiates à des situations de crises conjoncturelles, engager avec vous un certain nombre de réformes de fond et restaurer, avec votre soutien, notre position dans les négociations agricoles internationales.
Mais, comme vous l'avez vous même relevé, Monsieur le Président, c'est aujourd'hui pour moi la première occasion de m'exprimer devant le Congrès national de la FNSEA. C'est avec un plaisir particulier que je vous retrouve aujourd'hui ici, en Aveyron, une terre qui a donné fréquemment à la profession agricole des responsables porteurs de valeurs authentiques, à l'image de Raymond LACOMBE, auquel nous avons ce matin rendu l'hommage qu'il mérite.
Je voudrais profiter de cette rencontre pour partager avec vous ma vision de notre agriculture et de nos agricultures. Depuis trop longtemps, en effet, on ne parle de l'agriculture qu'en des termes techniques et donc abstraits pour une majorité de nos concitoyens. Insidieusement, on a ainsi laissé se développer une coupure devenue préoccupante entre la France des villes et celle des campagnes.
Il est donc temps de revenir à quelques idées simples et essentielles. L'agriculture, c'est avant tout la terre et les territoires, des productions et des hommes. Je veux vous dire, sur tous ces sujets, les principes qui guident ma démarche et faire le point des actions menées. Mais, comme vous le savez, leur succès dépend désormais pour une large part, du contexte international, de la réforme de la Politique Agricole Commune, des négociations au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce et de la diplomatie du développement durable.
Mon action sur le terrain, directement à votre contact, ou dans les négociations internationales où se joue l'avenir de notre agriculture constituent les deux faces indissociables d'une même réalité. Penser globalement, agir localement est devenue une des exigences qui s'imposent à tout Ministre de l'Agriculture. C'est en demeurant toujours au contact du terrain que je serai le plus pertinent dans les enceintes internationales. Et c'est en y étant fortement présent que je vous défendrai le plus efficacement. C'est tout le sens du combat que je mène avec vous, et qui me tient à coeur.
Parce qu'elle attache les Français à la France, la terre occupe une place importante dans la politique que je veux conduire, pour maintenir un équilibre entre nos différents territoires et nos différentes productions.
Compenser les différences
Compenser les difficultés particulières tenant au relief ou aux productions, constitue l'une de mes priorités. Elle relève de la solidarité que notre pays doit à chacun de ses enfants. Et plus spécifiquement à ceux qui ont choisi de travailler dans les métiers de l'agriculture. Toute une série de mesures, décidées depuis mon arrivée rue de Varenne, procède de cette exigence.
La Prime Herbagère Agri-Environnementale (PHAE)
C'est, en effet, dans cette esprit que j'ai créé la Prime Herbagère Agri-Environnementale. Cette prime vise à favoriser un mode de production herbager respectueux de l'environnement. La Commission européenne s'était opposée à la reconduction de la prime à l'herbe pour une nouvelle période de cinq ans. Le Gouvernement précédent n'avait prévu aucune mesure de substitution si ce n'est un recours obligatoire à des CTE, au demeurant non financés. J'ai d'abord voulu revaloriser le montant de cette prime de 70 % en moyenne, et en autoriser l'accès indépendamment de tout lien obligatoire avec les Contrats d'Agriculture Durable (CAD) qui succèdent aux CTE. Doté de 270 millions d'euros, ce nouveau dispositif devrait bénéficier à plus de 60 000 exploitants. Quant aux critères d'éligibilité, je souhaite que nous conservions 1,4 UGB à l'hectare et un taux de spécialisation d'herbe d'au moins 75 %.
Les enveloppes départementales concernant cette prime ont été notifiées ces derniers jours. Son versement pourra donc intervenir, comme prévu, en octobre prochain.
L'indemnité Compensatoire de Handicap Naturel (ICHN)
Dans le même esprit, l'ICHN constitue un outil essentiel pour garantir l'équilibre des territoires et préserver l'activité agricole dans des zones fragiles. C'est pourquoi, après avoir financé en juillet 2002, une revalorisation de 20 % en haute-montagne et de 5 % en montagne, que mon prédécesseur avait annoncée mais pas financée, j'ai décidé d'augmenter sa dotation en 2003 de 4,2 %. Sur la durée de la législature, je veillerai à revaloriser progressivement le montant accordé pour les vingt-cinq premiers hectares.
Les bâtiments d'élevage
Ce dossier préoccupe beaucoup d'entre vous et nous recherchons une solution qui puisse vous donner satisfaction.
L'élevage bovin viande bénéficiait d'un dispositif mis en oeuvre par l'OFIVAL. D'autres dispositifs existent sous forme de prêts bonifiés ou de subventions. Le Comité de simplification m'a fait des propositions, dont nous avons commencé à débattre. Le Plan de Développement Rural est un passage obligé pour l'avenir.
C'est d'ailleurs dans ce cadre que s'inscrivent les crédits spécifiques pour les bâtiments et la mécanisation en zone de montagne. Ceux-ci progresseront de 16 % en 2003. Les critères d'aides seront adaptés, et des propositions en ce sens - que j'étudierai avec vous - me seront adressées cet été.
· Maintenir et moderniser les prêts bonifiés
Le système des prêts bonifiés, créé par Jacques CHIRAC en 1972 et auquel je vous sais très attachés, a fait depuis longtemps la preuve de son efficacité. Mais là encore, le précédent gouvernement avait laissé se créer une situation qui plaçait ce dispositif en dehors des conditions posées par la Commission Européenne pour en assurer le co-financement. Nous encourrons ainsi plusieurs centaines de millions d'euros de pénalités.
Je suis heureux de vous annoncer que le nouveau dispositif que j'ai proposé a été validé en fin de semaine dernière par Bruxelles. Les prêts pourront donc être très rapidement mis en place. J'ai voulu, en outre, répondre à une demande de taux plus bas : le taux des prêts spéciaux d'élevage et des prêts aux productions végétales spéciales sera ainsi abaissé de 4,5 % à 4 %.
· Favoriser les pratiques respectueuses de notre environnement
La prise en compte des préoccupations environnementales par les agriculteurs se renforce et les 100 000 déclarations d'intentions d'engagement dans le PMPOA déposées avant le 31 décembre dernier en sont la preuve.
Dans le cadre de la négociation à mi-parcours de la PAC, j'ai demandé - avec le soutien de plusieurs de nos partenaires - que le renforcement du deuxième pilier permette enfin de financer les mises aux normes environnementales ou relatives au bien être animal. L'Etat assumera ses responsabilités et ses engagements. Je viens d'obtenir des services de la Commission la révision du DOCUP pour que dans les zones d'objectif 2, les opérations cordonnées soient éligibles. Les zones en situation économique fragile seront donc les premières à bénéficier de cette avancée. Je dispose ainsi des crédits de paiement nécessaires pour faire face aux demandes des agriculteurs dans les zones prioritaires.
Je me bats pour que Bruxelles admette que celui qui rend obligatoires les nouvelles mesures de protection environnementale doit participer, au moins partiellement, à leur financement.
Je voudrais également dire quelques mots de deux dossiers qui me préoccupent : les pesticides et la dégradation des sols. S'agissant des pesticides, nous n'avons d'autre choix, compte tenu du progrès des connaissances et les données épidémiologiques, que d'avancer ensemble. L'Etat assumera ses responsabilités, en n'hésitant pas, s'il le faut, à retirer les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM). Je vous invite, pour votre part, à optimiser les pratiques d'utilisation. Je veillerai à ce que les programmes de formation initiale et continue intègrent désormais pleinement cette dimension.
Plus de 100 000 tonnes de produits sont ainsi utilisées chaque année sur le territoire. Tous, bien sûr, ne sont pas destinés aux seuls agriculteurs mais ceux-ci en sont souvent les premiers utilisateurs. Nous devons à la fois apporter des solutions de substitution et réduire leurs effets négatifs sur la santé et l'environnement.
S'agissant des sols, je souhaite que nous nous montrions réalistes, car les remembrements n'expliquent pas à eux seuls la multiplication des zones d'érosion. La monoculture dans certains secteurs, le manque d'apport de matières organiques, certaines techniques culturales peuvent également expliquer ces phénomènes.
Enfin, je veux vous parler des Contrats d'Agriculture Durable (CAD). Ces contrats prennent la suite des CTE. La première circulaire d'application est arrivée dans les départements. Ainsi à un dispositif non financé, complexe et inefficace, selon les conclusions mêmes du rapport de l'Inspection Générale de l'Agriculture succèdera un nouveau contrat simplifié, resserré sur les mesures agri-environnementales les plus efficaces, maîtrisé budgétairement et donc réaliste. J'ai dégagé 200 millions d'euros supplémentaires pour financer cette politique, qui bénéficiera au total de 490 millions d'euros en 2003.
Au total, dans un contexte budgétaire difficile, j'ai obtenu du Gouvernement et grâce à une meilleure mobilisation des crédits communautaires, plus de 700 millions d'euros en 2003, pour financer la PHAE, l'ICHN, les CAD et les autres dispositifs qui participent de cette nouvelle politique.
· Favoriser le développement agricole
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, l'important dossier du développement agricole. L'Association Nationale pour le Développement Agricole (ANDA) a traversé, sous le gouvernement précédent, une période de crise qui a conduit à la paralysie progressive de son fonctionnement. Ainsi l'innovation technique et sa diffusion par la formation et le conseil se trouvaient mises en péril.
C'est pourquoi j'ai décidé très vite de m'attacher à régler avec vous ce problème. Il a été nécessaire de créer un nouvel établissement public, l'Association pour le Développement Agricole et Rural (ADAR), dans la loi de Finances pour 2003. Son décret de constitution est actuellement en cours d'examen au Conseil d'Etat. Dès le milieu de l'année, cette structure nouvelle, à laquelle vous avez pris et continuerez - j'en suis sûr - à prendre toute votre part, assurera le financement du développement agricole sur ses ressources propres. En fin d'année, nous dresserons ensemble le bilan de sa première année de fonctionnement et, s'il le faut, nous rechercherons dans la concertation les aménagements nécessaires.
· Réussir la loi en faveur du monde rural
En choisissant, Monsieur le Président, de faire de la ruralité le thème de votre congrès, vous montrez à nouveau les attentes qui sont les vôtres en la matière. C'est pour y répondre que le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé d'élaborer une loi en faveur du monde rural.
Je veux, tout d'abord, vous rassurer sur l'élaboration de ce texte. Vous avez déjà été associés aux groupes techniques mis en place. A plus forte raison, vous le serez dans les étapes politiques qui s'annoncent.
Notre politique rurale n'a de sens que si elle est sous-tendue, Monsieur le Président, par une activité agricole vigoureuse. Sans paysan actif, il n'y aura pas de campagne dynamique. Vous pouvez compter sur moi pour que les agriculteurs demeurent le " coeur battant " de nos campagnes, même si, bien évidemment, nous devons également tenir compte des autres activités créatrices de richesses dans le monde rural.
Ce projet se fonde, d'abord, sur le constat d'une diversité croissante du monde rural et des problèmes auxquels il est confronté, ce qui, vous l'avez dit, Monsieur le Président, ne simplifie pas l'exercice. " La France se nomme diversité ", écrivait Fernand BRAUDEL. Tous les vingt ou trente kilomètres, un paysage cède la place à un autre, et la réalité de nos territoires ruraux est plus diverse que les Français, eux-mêmes ne l'imaginent souvent. Qu'y a-t-il de commun entre les zones agricoles péri-urbaines dynamiques, mais dont les terres sont bousculées et soumises à la pression croissante de l'urbanisme commercial, et les communes qui continuent de connaître un déclin important ? Bien peu de choses, en vérité, sinon parfois un sentiment d'abandon.
Je souhaite, avant tout, que ce projet de loi et tous les dispositifs réglementaires qui vont l'accompagner s'attachent aux préoccupations les plus concrètes du monde rural. Lever les obstacles économiques propres au monde rural, favoriser les partenariats, encourager le développement des territoires les plus isolés, préserver et mettre en valeur le patrimoine naturel et bâti, favoriser - au nom de l'égalité des chances - l'accès de tous aux services : tels sont les objectifs principaux qui me guideront. Bien évidemment, il faudra examiner la question foncière et je serai sur ce sujet qui touche à l'essentiel, c'est à dire à votre outil de travail, particulièrement attentif à vos propositions.
Je voudrais particulièrement vous remercier, cher Président, ainsi que votre équipe, et en particulier votre Secrétaire Général-adjoint et Président de la Fédération de l'Aveyron, Dominique BARRAU, pour la part qu'il a prise à la rédaction de votre rapport d'orientation, dont j'ai apprécié la lecture. Je viens, d'ailleurs, Monsieur le Président, de vous écrire pour vous présenter les premières propositions et recueillir vos réactions. Je sais qu'il s'agit parfois de questions difficiles, et c'est pour moi une raison supplémentaire de vouloir les faire progresser avec vous.
" Si nourrir les hommes est un métier sans avenir, alors la société, aussi, est sans avenir ", disait Raymond LACOMBE. Les productions demeurent la raison d'être de votre profession et en font la noblesse.
· Soutenir les filières agricoles
Quand je suis arrivé rue de Varenne, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, de nombreuses filières animales se trouvaient en proie aux plus vives difficultés. Pour chacune d'entre elles - viande bovine, lait, porc, volailles - j'ai recherché les moyens les plus efficaces pour les aider.
L'année 2002, nous aura apporté également son lot de difficultés au niveau des productions végétales : prix malmenés, marché parfois déprimé, le tout aggravé par des errements communautaires. Qu'il s'agisse des céréales, du vin ou des fruits et légumes, le cap a été redressé, et il sera tenu avec détermination.
· Favoriser les biocarburants et maîtriser le coût de l'énergie
Je voudrais, pour conclure, vous dire quelques mots des usages non alimentaires de l'agriculture, et en particulier des biocarburants. Les biocarburants peuvent utilement participer à la lutte contre l'effet de serre et à une politique de développement durable, à laquelle le Président de la République - vous le savez - est particulièrement attaché. Ils améliorent également l'indépendance énergétique de notre pays. Ils offrent, enfin, de nouvelles perspectives aux agriculteurs. L'adoption des deux projets de directives, que la Commission avait présentés en novembre 2001, est désormais très avancée. Celles-ci devraient être publiées dans les prochaines semaines. Leur adoption ouvre la voie d'un développement effectif des biocarburants, que je veux soutenir. De façon plus immédiate, je veillerai à ce que les agriculteurs n'aient pas à souffrir d'une hausse excessive du prix de l'énergie.
Avant d'aborder les questions de l'alimentation, je voudrais revenir sur les ressources des Offices et les relations avec la grande distribution.
· Préserver les ressources des Offices
Les budgets des Offices participent à l'effort de maîtrise des finances publiques. Pour autant, ils demeurent pour chacune d'entre elles un outil essentiel de gestion des crises. Et je veillerai personnellement à ce que l'Etat soit toujours " au rendez-vous de la solidarité ".
· Rétablir un équilibre avec la distribution
La fin de l'année dernière a été marquée, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, par un conflit entre le monde agricole et la grande distribution. A cette occasion, j'ai pris au nom du Gouvernement des engagements. Ils sont tenus : aujourd'hui même, le Sénat examine à ma demande de nouvelles dispositions pour réagir en cas de chute de cours. Nous disposerons ainsi d'instruments nouveaux et qui nous permettront de mieux répondre aux difficultés récurrentes rencontrés par le secteur des produits frais. Ainsi, l'intérêt de l'agriculteur rejoindra celui du consommateur.
· Préserver notre modèle alimentaire
Il en va de même de notre modèle alimentaire. J'ai acquis la conviction qu'il nous faut aborder conjointement les questions de la sécurité sanitaire des aliments, de la qualité de nos produits et de la préservation de notre modèle alimentaire. Le plaisir de la table doit reprendre le pas sur les peurs souvent irrationnelles liées aux crises sanitaires de ces dernières années.
· Etendre les formules d'assurance-récolte
Le Ministère de l'Agriculture s'est engagé depuis 2002, en lien avec vous, dans une expérimentation de l'assurance-récolte, qui va au-dela de l'assurance grêle déjà mis en place pour les fruits et légumes depuis 1994. Cette expérimentation a porté en 2002 sur les garanties gel-grêle en arboriculture et en viticulture et sur les assurances multirisques climatiques en grandes cultures.
Les céréales, à l'exception des oléo-protéagineux, avaient été exclues de l'expérimentation, l'an dernier.
L'assurance récolte me semble une des pistes à creuser pour donner à nos exploitations une plus grande stabilité économique.
C'est pourquoi je souhaite que l'expérimentation engagée soit poursuivie et étendue en 2003 aux cultures céréalières, afin de pouvoir, le moment venu, évaluer avec la profession agricole, le Ministère des Finances et les compagnies d'assurance l'intérêt et les conséquences d'une généralisation du système.
A cet effet, je mandaterai avec mon collègue Francis MER, un groupe de travail Agriculture-Trésor ouvert aux professionnels, qui, à la lumière des expériences étrangères, étudiera les conditions de succès d'une telle généralisation et l'articulation de ce dispositif avec le système actuel des calamités agricoles.
· Défendre une politique européenne dynamique
J'en viens maintenant à l'Europe, qui doit nous aider dans ce combat.
L'Europe élargit son périmètre à 10 nouveaux Etats membres, qui doivent la rejoindre courant 2004, et réfléchit à l'avenir de ses institutions. A cette étape de son histoire, elle s'interroge sur le sens de son action et sur la nature de ses responsabilités.
Certains Etats membres tel le Royaume-Uni posent publiquement la question de l'utilité des politiques communes et proposent que l'Europe se limite à une vaste zone de libre échange.
Ce n'est pas notre vision de l'Europe.
Conduire des politiques agricoles fortes
Pour nous, l'Europe est un continent qui s'est construit au XXème siècle autour de politiques sectorielles fortes, au premier rang desquelles la politique agricole. La Politique Agricole Commune nous permet de vendre sans entraves nos produits aux autres Etats membres, où vous réalisez plus de 70 % de vos exportations. Elle nous permet également de maintenir des formes d'agriculture diverses, mais où l'agriculteur est toujours considéré comme un entrepreneur et non comme un salarié de l'Etat. La Politique Agricole Commune constitue, enfin, un " rempart " contre les menaces de la mondialisation et elle doit le rester.
Mon premier objectif est de conforter et de promouvoir notre modèle agricole européen. C'est pourquoi la France doit rechercher des alliances avec les futurs Etats membres, et en particulier avec la Pologne, l'autre grande puissance agricole européenne. C'est également pourquoi je me bats pour que la Convention sur l'avenir des institutions européennes nous permette demain de continuer à faire vivre l'Europe agricole.
Mon second objectif est de donner de la visibilité aux agriculteurs, et notamment aux jeunes, en stoppant la dérive que nous constatons actuellement où on nous propose tous les ans de réformer la PAC de fond en comble.
A Bruxelles, je me bats sur deux fronts.
Il faut d'abord réformer ce qui fonctionne mal. A ma prise de fonctions, la Commission observait, depuis plus d'un an, le déferlement des céréales à prix cassés en provenance des pays de la Mer Noire. Je me suis battu pour obtenir des mesures rétablissant la préférence communautaire. Même si la solution finalement retenue n'est pas celle que nous aurions souhaité, elle permet - et c'est bien là l'essentiel - de redonner un équilibre sur ce marché. Il en va de même pour les politiques de développement rural, pour lesquelles nous demandons des instruments plus simples, plus souples d'emploi et tenant compte de la situation budgétaire des Etats membres.
Il faut, en revanche, refuser un bouleversement de la PAC, qui serait dicté par des considérations strictement idéologiques - je veux parler de la proposition de découplage des aides. La Commission ferait mieux de réfléchir sérieusement à une PAC plus efficace dans des domaines où elle est trop absente : les secteurs du porc, de la volaille et des fruits et légumes, dont les mécanismes actuels sont insuffisants ou inefficaces.
Vous le savez, en Europe, c'est la Commission qui propose et le Conseil des Ministres qui décide. La Commission a un mandat très clair sur l'agriculture, qui lui a été donné par les Ministres de l'agriculture européens il y a près de 3 ans : s'en tenir à l'Agenda 2000. La contribution écrite de l'Europe sur la négociation agricole à l'OMC respecte ce mandat. C'est dans cette mesure que la France a validé cette contribution fin janvier, lors du Conseil des ministres européens des Affaires étrangères. La Commission a fait le choix audacieux d'afficher d'emblée toutes nos marges de négociation. Elle doit maintenant s'y tenir. Qu'on ne vienne pas un jour nous expliquer qu'il faut donner du mou supplémentaire au négociateur pour sortir la négociation de l'ornière. La réponse sera non. Elle a déjà été donnée par Dominique de VILLEPIN, avec qui je travaille en étroite relation sur ces sujets, lors du Conseil des ministres des Affaires Etrangères de janvier, lorsqu'il a rappelé que la négociation se conclura à l'unanimité. Vous l'avez compris, chacun devra prendre ses responsabilités.
J'ai engagé en parallèle un dialogue avec les représentants des paysans du Sud.
Rétablir les conditions d'un débat loyal sur le commerce et le développement
Lors du Salon de l'Agriculture, j'ai invité une quinzaine de ministres africains, à qui j'ai proposé de réfléchir aux côtés de la France au modèle rural que la mondialisation pouvait proposer. Comme l'Europe, l'Afrique doit trouver une politique agricole qui assure l'équilibre entre performance économique et préservation du monde rural.
Je souhaiterais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour saluer la masse impressionnante d'initiatives, individuelles ou collectives, que j'ai découverte dans le monde agricole pour la coopération internationale. A l'heure où la PAC est accusée à tort d'affamer la planète, il est grand temps de faire savoir à quel point les agriculteurs français s'investissent dans l'effort de solidarité avec les pays les plus pauvres.
Mais, je voudrais terminer en vous parlant des hommes qui font l'agriculture. Agriculteurs, vous êtes avant tout des chefs d'entreprises et des créateurs de richesses économiques.
Faire connaître les réalités de l'agriculture
La noblesse et la diversité de vos métiers ne sont pas suffisamment connues. C'est pourquoi j'ai voulu faire du Fonds de communication une réalité. Prévu par la loi d'Orientation Agricole celui-ci était, en effet, resté lettre morte depuis 1999. J'ai fait inscrire, pour son financement, une somme de 2 millions d'euros dans la Loi de Finances pour 2003.
· Favoriser l'emploi et l'installation
On a trop oublié, ces dernières années, combien, avec ses emplois induits, l'agriculture pouvait constituer une importante source d'emplois pour notre pays.
A partir de juillet prochain, les employeurs de salariés permanents bénéficieront d'une exonération unique de charges, totale jusqu'à concurrence du SMIC et dégressive jusqu'à 1,4 SMIC. Les employeurs de travailleurs agricoles occasionnels, bénéficieront quant à eux d'une réduction de plus de 23 millions d'euros par an sur les cotisations sociales dont ils étaient redevables, soit une baisse pouvant aller jusqu'à 90 %. Je vous invite à saisir l'opportunité de l'accord national sur les saisonniers conclu le 18 juillet dernier, pour proposer des contrats originaux favorisant la formation et donc, l'insertion durable dans les exploitations agricoles de la main d'oeuvre saisonnière.
J'entends également favoriser la fidélisation des travailleurs en CDI intermittents. J'ai demandé pour cela à l'UNEDIC que les périodes non travaillées puissent être désormais indemnisées.
L'installation constitue une priorité absolue, car il n'y a pas d'agriculture moderne sans un renouvellement des générations. D'importantes actions ont déjà pu être mises en oeuvre en ce sens : la condition liée au revenu minimal sera appréciée avec souplesse pour le versement de la deuxième fraction de la Dotation aux Jeunes Agriculteurs (DJA). Les prêts bonifiés à l'installation sont conservés. La pratique professionnelle peut être prise en compte pour ouvrir le droit à s'installer. Le Fonds d'Incitation et de Communication pour l'Installation en Agriculture (FICIA) a été doté de 10 millions d'euros par la loi de Finances pour 2003. Enfin, les crédits d'animation dans le cadre des PIDIL ont été augmentés pour que les Points info-Installation puissent également traiter de la transmission.
J'annoncerai d'autres mesures en faveur de l'installation dans les prochaines semaines.
· Garantir les solidarités et les retraites agricoles
La Nation doit à ses agriculteurs la solidarité. J'entends, par ailleurs, préserver la spécificité du régime agricole de prestations sociales, car je suis, comme vous, attaché à son action de proximité et à son esprit mutualiste.
A mon arrivée, il m'a fallu trouver 746 millions d'euros pour boucler le financement du BAPSA. L'Etat a alors relevé sa subvention de 290 millions d'euros. Cet effort a été poursuivi en 2003, où les crédits ont augmenté de plus de 250 millions d'euros.
Nous nous sommes engagés dans un programme pluriannuel de revalorisation des retraites de base, et je suis fier que nous ayons financé un régime de Retraite Complémentaire Obligatoire (RCO), dont bénéficiera l'ensemble des retraités agricoles à compter du 1er avril prochain.
· Développer l'enseignement et la recherche agricole
En ce qui concerne l'enseignement agricole, je partage, bien entendu, avec vous la conviction que la compétence et le professionnalisme sont plus que jamais des atouts majeurs pour l'adaptation de notre agriculture aux mutations en cours. Vous vous interrogez, par ailleurs, légitimement sur le devenir du Schéma prévisionnel national de l'enseignement agricole et sur la situation particulière de l'enseignement agricole privé, et je veux vous rassurer à cet égard.
Lors du premier Conseil des ministres de l'année 2003, j'ai eu l'occasion de présenter une communication sur l'enseignement agricole. J'ai voulu ainsi réaffirmer le rôle original de notre enseignement au sein du système national d'éducation et de formation. J'ai, par ailleurs, demandé au nouveau Directeur Général de l'Enseignement et de la Recherche de mettre en oeuvre une politique qui permette de mieux répondre aux préoccupations actuelles : environnement, qualité, sécurité sanitaire et développement durable.
S'agissant de l'enseignement agricole privé, avec lequel nous avons rétabli des relations normales, il n'est pas question que les contrats entre l'Etat et les établissements privés soient remis en cause à l'occasion de la préparation du projet de loi de décentralisation. Je souhaite qu'il en soit de même pour le Schéma National Prévisionnel des Formations.
Enfin, vous souhaitez le maintien des deux fonds finançant actuellement la formation permanente des agriculteurs et des salariés. Je ne vois pour ma part aucune raison particulière de remettre en cause l'existence de ces fonds, d'autant que celui concernant les agriculteurs vient d'être rénové avec la création de VIVEA.
Préserver la spécificité des centres de gestion agricoles
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, la réforme des centres de gestion, dont les travaux, engagés il y a déjà plus de sept ans, vous préoccupent.
J'ai attiré l'attention du Ministre de l'Economie sur la nécessité de limiter son impact financier. Ses services étudient toutes les adaptations qui pourraient introduire de la souplesse dans le nouveau dispositif. Et j'ai bon espoir que le coût en soit limité, et que la réforme puisse se faire avec les hommes en place.
S'agissant du respect de la spécificité agricole, j'ai bon espoir que nous trouvions, en concertation avec vous, les modalités techniques pour la préserver. J'ai rappelé au Ministre de l'Economie combien je suis attaché à son maintien. Je sais qu'il a été sensible aux arguments qui je lui ai présentés, et qu'il vous adressera prochainement des propositions concrètes.
· Simplifier les démarches des agriculteurs
La vocation d'un agriculteur est de produire. Elle n'est en aucun cas de s'épuiser dans le magma des réglementations ou de devoir apporter en permanence la preuve de sa bonne foi. C'est pourquoi j'ai engagé un double effort de simplification des règles et des procédures et d'allègement des contrôles auxquels vous êtes soumis.
En octobre dernier, j'ai mis en place un Comité de simplification.
Je suis en mesure de vous présenter plusieurs améliorations qui seront mises en oeuvre dès cette année :
L'instruction des dossiers d'aide sera simplifiée. Chaque exploitant recevra un numéro unique d'identification et aura accès à un dossier permanent de son exploitation conservé au sein de la DDAF. Les déclarations de la PMTVA seront pré-renseignées, comme c'est le cas des primes à l'abattage. LE PMPOA 2 fera l'objet d'un diagnostic simplifié. Un dossier unique de fertilisation s'appliquera à l'ensemble des procédures du PMPOA 2, et des Directives Nitrates et Installations classées. Une circulaire signée conjointement avec le Ministre de l'Ecologie et du Développement durable sera publiée dans les prochains jours. Le dexel sera simplifié, ses indicateurs essentiels ramenés de 11 à 5, et des techniques légères de traitement validées. Les dossiers de déclaration d'installations classées feront l'objet d'un dépôt en Préfecture et non plus d'une instruction longue et souvent, tatillonne.
86 % des contrôles surfaces seront opérés par télédétection, en 2003. Ce sera le cas de la totalité d'entre eux en 2004. J'ai, par ailleurs, demandé à la Commission européenne de reconnaître notre Base de Données Nationale d'Identification (BDNI), de façon à ce que seulement 5 % des exploitations fassent l'objet d'un contrôle chaque année, contre 10 % actuellement. Je veillerai également à ce que ceux-ci soient regroupés, afin d'en limiter les contrainte pour les agriculteurs concernés. Enfin, j'ai demandé à ce que les exploitations qui ont fait l'objet de contrôles n'ayant pas révélé d'anomalies, reçoivent leurs aides en même temps que ceux qui n'ont pas fait l'objet de contrôle.
En 2004, nous simplifierons le fonctionnement du PDRN et la gestion des aides à l'investissement, développerons les télé-procédures, et harmoniserons les conditions d'éligibilité aux aides nationales et communautaires.
L'ensemble de ces mesures s'inscrira dans une Charte de la simplicité, et je vous donne rendez-vous dans quelques semaines sur le terrain et dans les DDAF, pour apprécier ensemble la mise en uvre de ces mesures.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
L'enjeu de notre action est exaltant : restaurer l'égalité des chances entre la France des villes et des campagnes, et soutenir - sur le terrain ou dans le cadre des négociations internationales - une activité agricole qui, comme le Président de la République l'a déclaré à l'occasion de votre cinquantième anniversaire, est " plus que toute autre profession, la gardienne de notre identité. "
Sur la revue à mi-parcours de la PAC, les négociations devant l'OMC, le projet de loi en faveur du monde rural comme sur les autres sujets que j'ai évoqués, je souhaite que nous continuions à travailler ensemble pour proposer un cadre et une perspective durable pour vos activités. Et c'est en conjuguant au mieux l'efficacité économique et la responsabilité sociale, que l'agriculture assurera à ceux qui l'ont choisie les moyens de vivre, tout en faisant d'eux un élément de référence et de repère pour notre pays, qui en a plus que jamais besoin.
Le panorama des filières
la viande bovine
J'ai voulu accompagner l'interprofession dans son effort de promotion des viandes du troupeau allaitant et de dégagement du marché des femelles. J'ai également souhaité clarifier les transactions, en introduisant des machines à classer et en engageant une démarche de réforme des cotations et des marchés. J'ai eu à coeur de conforter la confiance retrouvée des consommateurs, et c'est dans cet esprit que je viens de co-signer le décret sur l'étiquetage de la viande servie en restauration. J'ai cherché, enfin, à améliorer l'organisation économique de la filière, en appuyant avec votre soutien, le travail de mise à plat des organisations de productions et en renforçant l'action de son interprofession.
le lait
La baisse du prix du lait, bien que partiellement compensée par une baisse significative de la collecte en fin de campagne, me préoccupe. Je combats fermement la proposition du Commissaire FISCHLER d'augmenter encore les quotas, et le dernier Conseil des ministres européens de l'Agriculture, les 17 et 18 mars, a montré que nous recueillons sur ce point le soutien d'un certain nombre de partenaires. Je continuerai enfin, à défendre le maintien du principe des quotas, celui d'une politique intérieure visant à maintenir par le revenu une activité agricole rémunératrice, y compris dans les zones les plus défavorisées de notre territoire.
le porc
Après avoir successivement obtenu la réouverture des marchés coréen et japonais puis engagé une opération communautaire de stockage privé, j'espérais, comme tous les éleveurs, que les cours remonteraient. Or, les cours au cadran de Plérin demeurent désespérément étals à quelques millièmes d'euros au dessus du seuil de 1 euro/kg. En dépit des difficultés budgétaires, un dispositif de type STABIPORC avec aides à la trésorerie a pu être mis en oeuvre. Au delà de ces mesures immédiates, il me semble essentiel de pouvoir rendre à cette filière, des perspectives à long terme. Ce sera l'objet du rapport PORRY, dont j'aurai l'occasion d'évoquer les premières conclusions avec les producteurs, dans quelques jours, à l'occasion de l'assemblée générale de la Fédération Nationale Porcine (FNP). Je suis partisan d'une meilleure structuration économique de cette filière, par la voie de l'interprofession.
les volailles
Le secteur des volailles connaît une certaine stagnation depuis 1998. Celle-ci tient à la baisse de consommation en France, à la concurrence renforcée de pays tiers et aux accords de Marrakech, qui ont entraîné une baisse des exportations avec restitutions. Compte tenu de cette dégradation structurelle du marché, j'ai décidé de mettre en oeuvre un plan d'adaptation, dont la première tranche du volet amont vient d'être engagée. J'entends parallèlement favoriser l'adaptation des capacités de production au nouvel équilibre du marché et doter cette filière de l'interprofession que vous êtes entrain de bâtir.
le blé
Après des mois de discussions, où la France - disons- le, franchement - n'a pas toujours été très soutenue dans ses demandes, nous disposons enfin depuis quelques semaines, d'un nouveau régime d'importation pour le blé. Chacun sait qu'il ne s'agit pas de la solution que nous privilégions initialement. Mais chacun est également d'accord pour reconnaître la nécessité de stopper cette spéculation débridée et de mettre en oeuvre ce dispositif sans délai. Nous avons obtenu que nos demandes soient largement prises en compte et que les modalités d'application de ce nouveau système soient les plus rigoureuses possibles. J'observe, d'ailleurs, qu'un tour de vis supplémentaire vient d'être donné en Comité de gestion pour davantage sécuriser le dispositif. Cela étant, nous devons rester vigilants. Et quelle que soit l'efficacité du système, nous devons désormais compter avec cette concurrence avérée et mieux valoriser les atouts de l'offre française. Cette ambition, que sert la qualité exceptionnelle - ce n'est pas un hasard - de la moisson 2002 est plus indispensable encore cette année, alors que l'équilibre de la campagne va largement dépendre de l'exportation. J'y suis d'autant plus attentif que les prix actuels marquent des faiblesses et justifient que nous ne relâchions pas nos efforts. Les marchés sont donc de plus en plus durs, et ce constat ne vaut pas que pour les céréales, les viticulteurs savent également de quoi je parle !
le vin
Nous devons nous garder du pessimisme noir, auquel certains semblent succomber. Mais en même temps, c'est indéniable, notre leadership, s'il reste incontestable, est de plus en plus disputé. Les chiffres de l'année 2002 sont d'ailleurs très significatifs. Rassurants en valeur, ils confirment toutefois une concurrence forte en termes de parts de marché. Là encore, l'émergence des Nouveaux pays producteurs a changé le panorama du marché et nous oblige à d'autant plus d'efforts que notre consommation intérieure régresse de façon régulière. Or, l'agressivité commerciale de nos challengers exige aujourd'hui une véritable dynamique si nous voulons poursuivre la course en tête. La filière a entamé, y a plusieurs mois, un travail de réflexion, alors que la conjoncture était encore bonne. J'y vois un signe de la détermination de la profession à répondre au défi que nous lance le Nouveau monde et entends que nous travaillons ensemble au cours des prochaines semaines pour progresser dans cette voie. La filière a également montré sa résolution à prendre part au plan de reconversion qualitative différée. Dès mon arrivée, les viticulteurs du Languedoc-Roussillon m'ont demandé unanimement d'obtenir auprès de Bruxelles cette mesure, qu'il réclamait depuis longtemps. J'ai pu convaincre la Commission de la pertinence de ce projet et fournir aux professionnels les outils pour le mettre en oeuvre de façon expérimentale dès cette année. Tous se sont pris en main, collectivement et suivant une dynamique qui a d'ailleurs, dépassé nos espérances et nos prévisions. Nous aurons besoin de la même mobilisation pour réussir la réforme de l'OCM et permettre à la production communautaire de reconquérir ses positions commerciales sur les marchés.
les fruits et légumes
Un autre secteur important des productions végétales doit également faire l'objet de propositions de la part de la Commission : je pense bien entendu aux fruits et légumes, dont différentes filières connaissent des difficultés répétées depuis plusieurs années. Mais au-delà de la simplification et du renforcement de leur OCM, la situation concurrentielle du secteur, le durcissement de son environnement réglementaire et les crispations de ses relations avec l'aval rendent aujourd'hui nécessaire un travail d'analyse de ses forces et de ses faiblesses. Réclamé par tous ses acteurs, cet audit sera conduit dans le cadre d'un Comité de pilotage, faisant appel à des analystes indépendants et auquel je vous invite à prendre part. Ce travail ne doit pas déboucher sur un rapport de plus. Ce n'est pas ainsi que je vois les choses. Les producteurs non plus, d'ailleurs.
le sucre
Une réforme du régime sucre sera peut-être proposée dans les mois qui viennent par la Commission. Il est hors de question de laisser démanteler une OCM qui ne coûte rien au contribuable européen et dans laquelle, par les accords avec certains pays en développement d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, on trouve un excellent exemple de ce qu'une OCM peut apporter de concret à la coopération internationale, en ciblant précisément notre soutien. Nous devrons être vigilants à ce que des points de faiblesse déjà répertoriés, comme des conséquences incontrôlée de l'initiative " tout sauf les armes " ne viennent pas déstabiliser cet édifice. Pour autant, là comme ailleurs, nous ne sommes pas fermés à une évolution rendue nécessaire par l'élargissement de l'Union Européenne et la volonté de nombre de pays pauvres de participer aux accords dont je viens de parler.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 28 mars 2003)