Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Bienvenue à tous pour ce 57ème congrès fédéral. Je crois que nous sommes particulièrement bien accueillis à Rodez cette année. Je sais tous les efforts qui ont été déployés par le département de l'Aveyron et pas seulement pour notre congrès. Depuis 8 jours, Rodez sourit à la ruralité. Des événements ont été organisés sur ce thème dans la ville de Rodez. Je tire mon chapeau à toute l'équipe organisatrice. Bravo à tous !
Nous sommes réunis depuis hier pour deux jours de travail. Ensemble, nous allons mettre à profit ce temps pour réfléchir sur notre syndicalisme, pour nous exprimer sur l'ensemble des problématiques agricoles, pour orienter nos actions.
Tout cela, nous le ferons d'abord à la lumière de nos propres voix agricoles, au cours de la table ronde qui se tiendra dans la matinée sur la PAC et le revenu.
Nous le ferons aussi à la lumière de ce que pourront nous dire les intervenants de la table ronde de demain, qui sauront nous apporter, par leur regard extérieur, un autre point de vue.
Nous accueillerons enfin le ministre de l'Agriculture qui sera invité à clôturer nos travaux.
Cette année, notre congrès a ceci de particulier qu'il n'est pas bousculé par des échéances électorales, politiques ou syndicales, ce qui laisse le temps de la réflexion. C'est ce que nous avons fait hier, au cours de notre huis-clos.
L'an dernier, nous avons décidé une réforme de notre organisation. Cela a impliqué des changements dans notre mode de fonctionnement, ce qui n'est jamais chose facile. Et pourtant, tous ensemble, nous avons été capable de mettre en oeuvre cette réforme et d'en mesurer la pertinence.
A ce titre, je voudrais remercier, toute l'équipe des secrétaires généraux qui s'est fortement impliquée dans l'accompagnement de la réforme. Nous en avons décidé hier, nous allons continuer dans cette voie. Nous allons également tout faire pour améliorer le financement de notre réseau ainsi que le fonctionnement des services aux agriculteurs.
Nous avons tous encore beaucoup de travail syndical à accomplir mais nous savons que nous avons choisi la bonne direction.
Là où nous sommes hélas plus incertains, c'est sur la direction que prend l'agriculture aujourd'hui.
L'année 2002 a été très difficile, éprouvante même. Cela ne doit pas se renouveler en 2003. Des prix bas, des revenus en baisse, des secteurs en crises, sans compter les sombres perspectives de Bruxelles : les nuages s'accumulent sur l'agriculture.
Mais en syndicalistes que nous sommes, nous ne supportons pas l'enlisement : nous agissons pour nous en sortir.
Nous agissons, chacun à notre niveau, chacun en fonction de ses responsabilités et je peux vous assurer que cette synergie de notre réseau est loin d'être inutile. Bien au contraire. Les victoires que nous avons remportées depuis le congrès de Versailles sont là pour nous encourager.
Avec la manifestation de Strasbourg en juin 2002, nous avons réussi à mobiliser nos partenaires européens autour de notre projet. Cette mobilisation n'est pas pour rien dans le ralentissement que connaît la réforme Fischler.
Au cours de cette année 2002, nous avons aussi multiplié les efforts pour nous faire accepter comme partenaire social à part entière. C'est une réalité aujourd'hui et c'est essentiel. C'est ainsi que nous avons participé à la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire et que nous pouvons faire valoir, régulièrement, notre point de vue sur différents dossiers relatifs à l'emploi.
Et il y aussi cette bataille pour le développement agricole que certains voyaient moribond. Nous n'avons peut-être pas obtenu ce que nous voulions, mais l'essentiel a été préservé : un développement fondé sur la solidarité entre les régions et entre les productions.
Politique européenne, politique sociale, financement du syndicalisme : ce sont là quelques exemples des succès que nous avons remporté tous ensemble et qui doivent nous inciter à continuer à croire en nos forces.
D'autant plus que l'année 2003, est une année chargée : entre le suivi de l'accord sur les pratiques commerciales, la mise en place des contrats d'agriculture durable, la réforme des retraites, les nouveaux projets de la PAC et les négociations internationales ou encore la loi rurale, nous ne pouvons pas nous permettre de baisser les bras. Nous devons être présents sur tous les fronts.
Avec cette actualité chargée et ces problèmes conjoncturels, nous savions qu'en choisissant la ruralité comme thème de notre congrès, nous serions critiqués. Et ça a été le cas. " Pas assez économique " ont dit certains. " Trop éloigné des préoccupations du terrain " ont dit les autres. "Parlez-nous plutôt de la PAC, du prix des céréales et des quotas laitiers " ont-ils repris en cur.
Mais nous n'avons pas fait fausse route. Le rapport d'orientation que nous discuterons cette après-midi, et qui aurait fait la fierté de Raymond Lacombe, tombe à point nommé. Tout d'abord parce qu'un débat a été lancé sur la ruralité et que si nous restons muets, d'autres voix s'exprimeront à notre place au risque de reléguer l'espace rural, au pire en dépotoir de la civilisation urbaine, au mieux en zone récréative pour urbains stressés.
Ensuite parce que le confort de la vie quotidienne des habitants comme des entreprises, est un critère d'installation, les zones rurales ont besoin de services publics pour que les jeunes puissent reprendre nos entreprises.
Enfin, le thème de la ruralité nous donne la possibilité de parler autrement de notre métier, d'une façon moins corporatiste, plus compréhensible de nos concitoyens.
Quand nous disons que le projet Fischler va entraîner la fin des organisations de marché et accentuer notre dépendance par rapport aux aides directes, nous nous comprenons bien sûr, mais reconnaissons que c'est un langage d'initié qui n'éveille pas beaucoup d'échos chez nos concitoyens. En revanche, si nous savons expliquer que cette politique ultra libérale aura des effets négatifs sur la qualité des produits, sur la qualité des paysages, sur la variété des terroirs, sur l'emploi, nous aurons plus de chances d'être entendus.
Mais pour être entendus, nous devons aussi être soutenus. Soutenus par une politique digne de ce nom, qui traduise l'ambition agricole de notre pays. C'est ce que nous dirons au ministre de l'agriculture.
Car l'agriculture est un choix de société. Elle mérite une politique qui oriente ensuite toutes les décisions à prendre. C'est le choix de ce que nous voulons manger, de ce que nous voulons sentir, des paysages que nous voulons voir. C'est un choix qui est nécessairement différent de celui fait par d'autres pays. C'est pourquoi nous devons nous battre, à Bruxelles comme à Genève, pour que les politiques et les accords internationaux tiennent compte des spécificités agricoles.
Or pour l'instant ce que veut la Commission à Bruxelles, c'est détruire la politique agricole et à l'OMC laminer nos productions en appliquant des prix mondiaux.
Prix mondiaux dont on ne sait s'ils sont le fruit d'avantages climatiques, d'inexistence de politique sociale ou de dumping.
Sur tous ces points, la FNSEA sera ferme. C'est notre avenir qui est jeu.
Plus que jamais, nous aurons besoin de toutes nos forces, de toutes les composantes de notre réseau, de toute notre unité pour faire face aux difficultés, pour préserver notre modèle agricole, éviter la banalisation de nos produits, pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier.
Très bon congrès à tous.
Je vous remercie.
(Source http://www.fnsea.fr, le 27 mars 2003)
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir à Rodez pour votre 1er congrès de la FNSEA. C'est votre 1er congrès, cela peut surprendre car vous faites aujourd'hui partie du PAF. Je veux parler bien sûr du paysage agricole français...
Alors vous comprendrez que je ne peux pas avoir pour vous l'indulgence que l'on accorde au débutant. Vous êtes ministre depuis presque une année. Cette expérience m'autorise à être ferme envers vous et envers le Gouvernement que vous représentez. Ferme mais pas fermé, comme vous aimez à le dire.
Pour ce congrès de la FNSEA, vous le percevez sans doute, l'ambiance des campagnes est lourde.
Les paysans sont amers et désorientés. Les responsables qui sont devant vous sont inquiets.
Il y a, bien sûr, ces crises qui perdurent dans de nombreux secteurs : crise avicole, crise porcine, marasme de la viticulture, chute des cours des céréales,...
Mais la plus grave de toutes, c'est la crise morale. Les agriculteurs n'en peuvent plus des incertitudes qui pèsent sur leur avenir, des accusations qui pèsent sur leur métier.
Ce n'est pas le changement qui leur fait peur. Ils ont suffisamment démontré, au cours des dernières décennies, qu'ils savaient se moderniser, se restructurer, se mécaniser, se former.
Ce qui les déroute, c'est qu'ils ne savent plus ce qu'ils doivent faire. La société leur envoie des messages brouillés, la politique agricole manque de lisibilité.
Ce que les agriculteurs attendent de vous, Monsieur le Ministre, d'abord et avant tout, c'est que vous leur donniez des perspectives, des objectifs clairs, une règle du jeu stable. L'agriculture a besoin d'un projet politique qui soit aussi un projet de société.
Je sais bien que c'est plus facile à dire qu'à faire, d'autant que vous n'êtes pas seul aux manettes. Il y a Bruxelles, il y a l'OMC, en France il y a d'autres ministères avec lesquels vous devez composer.
Mais ce n'est pas parce que la tâche est rude qu'il faut baisser les bras. Comme tous les montagnards, vous êtes obstiné et courageux. Mobilisez ces qualités pour donner un projet à l'agriculture. Vous servirez la cause de l'agriculture et l'action politique en sortira grandie.
Car gouverner, ce n'est pas gérer à la petite semaine, c'est orienter et décider.
Et pour définir ce projet, la FNSEA est prête à vous aider, au niveau qui est le sien, celui d'une organisation professionnelle responsable qui se veut force de proposition.
L'an dernier, lors de notre rassemblement au Palais des Sports, nous avons mis l'Agriculture au cur des débats de notre société. Nous participons activement aux grands équilibres économiques, sociaux et démographiques de notre pays : c'est la ligne directrice de notre rapport d'orientation sur la ruralité.
[La ruralité]
Nous sommes convaincus qu'en visant cette cible, on ne s'est pas trompés d'objectif. Pour trois raisons.
Première raison : en annonçant la mise en chantier d'une grande loi sur la ruralité, le Président de la République a ouvert un débat qui appelait notre présence. L'agriculture est la colonne vertébrale de l'espace rural : c'est elle qui structure le territoire, c'est elle qui façonne le paysage. Les paysans sont les indéracinables de l'espace rural !
Deuxième raison : Nos entreprises ont besoin de prix rémunérateurs. Mais elles ont aussi besoin de moyens de communication, qu'il s'agisse de routes pour écouler nos produits, d'informatique à haut débit ou de téléphonie mobile pour communiquer avec nos fournisseurs et nos clients.
Il leur faut aussi des services publics, des écoles, des services de santé, sans lesquels la main d'uvre dont nous avons besoin nous fuira de plus en plus, sans lesquels les jeunes, au lieu de nous succéder, déserteront les campagnes.
De même, notre outil de travail doit être protégé des appétits de la société urbaine, qui voudrait bien imposer sa loi dans l'espace rural.
Troisième raison : la ruralité, c'est aussi une façon de montrer l'étendue et la diversité de notre métier. Nous montrons que l'agriculture c'est la qualité des produits, la qualité des paysages, la variété des terroirs. Cette orientation, nous la renforçons avec notre engagement dans l'agriculture raisonnée.
[La loi rurale]
Alors, nous disons oui ! Oui à une loi rurale.
Oui à une loi qui rééquilibre le territoire et qui mette un terme à cette obsession urbaine dans laquelle se sont englués beaucoup de décideurs. Une obsession budgétairement ruineuse, qui engendre l'insécurité et le mal vivre des populations.
A ceux qui nous chipotent une salle de classe ou un bureau de poste, à ceux-là, je voudrais demander s'ils connaissent le coût de l'hyperconcentration urbaine ?
Vous connaissez peut-être, en région parisienne, cette autoroute, l'A14, entre La Défense et Poissy, qui a coûté 150 Euros par millimètre, 150 millions d'euros par kilomètre. Une autoroute d'intérêt purement local, dont le coût a été supporté par l'ensemble de la collectivité nationale. Combien d'écoles et de bureaux de poste aurait-on pu maintenir avec de tels budgets ?
Alors, Monsieur le Ministre, sachez que nous sommes à vos côtés pour défendre une politique rurale. Vous trouverez dans notre rapport d'orientation, des pistes qui vous permettront de donner du corps à votre projet.
Cette loi qui se prépare en ce moment est un exercice périlleux. D'abord, la diversité du monde rural implique une concertation avec un grand nombre d'acteurs ; ensuite ce projet est par nature intersectoriel. Il met en jeu différents ministères et administrations et les cloisons entre administrations sont souvent plus épaisses que la muraille de Chine !
Toutefois, je voudrais vous exprimer le malaise que je ressens face à ce projet. La méthode de concertation est, disons, brouillonne ; l'état des travaux - à moins qu'on nous cache des choses - nous laisse sur notre faim.
De plus, on a parfois le sentiment que des outils de la politique agricole, comme les Safer, le statut du fermage, ou la règle de réciprocité en matière d'urbanisme pourraient ne pas sortir indemnes de l'exercice.
Il n'y a rien d'immuable, on peut discuter de tout, à condition que la discussion ne se passe pas à la sauvette.
J'en appelle à votre vigilance, monsieur le ministre, pour que cette loi ne soit pas une jolie coquille remplie de cavaliers législatifs, ou pire encore, une coquille vide.
Sur cette loi rurale, nous devons réussir ensemble. Notre combat contre le projet Fischler a montré notre capacité à faire front commun.
[PAC et OMC]
En juillet dernier, on ne donnait pas cher de notre opposition aux projets de la commission.
Nous avons travaillé, discuté et démontré que ce projet signait la fin de notre modèle agricole. Nous avons convaincu l'essentiel de nos partenaires européens et nous avons fait évoluer les positions. Si tout n'est pas gagné, nous sommes aujourd'hui en bonne voie.
Nous combattons l'intégralité du projet Fischler, sans entrer dans les détails. Et vous savez pourquoi : ses objectifs ne sont pas les nôtres. La Commission ne veut qu'une chose : mettre fin aux organisations de marché.
Effacer les organisations de marché et augmenter les jachères, éliminer la préférence communautaire, supprimer les restitutions : ce n'est pas là construire une politique agricole, c'est la détruire !
Pour seule contrepartie, on nous propose un moyen présenté comme une panacée : des subventions découplées qu'on nous contestera dans quelques années.
Non. nous ne pouvons pas discuter des détails de ce projet, ce serait cautionner les objectifs de la Commission.
Il ne faut pas tromper les consommateurs : plus de qualité alimentaire, plus de sécurité sanitaire, plus d'environnement, plus de bien-être animal... tout ça avec des prix toujours plus bas ! Ce n'est pas possible !
Disons haut et fort que le projet de la Commission ce sera demain la disparition de la moitié des exploitations agricoles, la disparition de beaucoup d'entreprises agro-alimentaires et d'agro-fournitures, la disparition des emplois qui y sont liés.
M. Fischler, arrêtez de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : avec votre complice, M. Lamy, votre objectif, c'est de baisser les prix. Nous refusons de nous enfoncer encore plus dans cette spirale infernale à la baisse.
Monsieur Fischler, vous n'avez qu'un seul mandat : le bilan à mi-parcours des accords de Berlin. Respectez-le !
Et, cerise sur le gâteau, on nous dit qu'il faudrait en passer par là pour aller négocier à l'OMC !
Mais quelle naïveté ! Quel amateurisme que de négocier en montrant son jeu avant de commencer, en donnant des points à l'adversaire avant qu'il ne pose lui-même ses atouts !
Notre opposition nous vaut des critiques virulentes. Çà et là, on peut lire et entendre que la FNSEA est conservatrice, sclérosée, agrippée à ses avantages, incapable de se remettre en cause.
Mais ceux-là se trompent !
Qu'ils comprennent bien deux choses : la première, c'est que la FNSEA n'acceptera jamais une politique agricole qui régule le nombre d'agriculteurs par les crises, une politique agricole qui crée la zizanie entre les productions, entre les paysans.
La seconde, c'est que nous sommes prêts à discuter d'une réforme de la PAC, dès à présent s'il le faut, à condition que ce ne soit pas pour l'enterrer. Nous sommes demandeurs d'une PAC rénovée, consolidant et développant des OCM et maintenant une vraie préférence communautaire. Et cela sans aucun a priori sur les moyens techniques à utiliser pour gérer les marchés et les productions.
Gérer juste à temps les marchés, ce n'est pas revenir à l'époque révolue depuis longtemps, où il nous arrivait de produire pour stocker dans les silos ou dans les frigos.
De plus, il nous faut tenir compte de l'élargissement. Cet élargissement, nous l'avons soutenu. Il ne doit pas être aujourd'hui la raison de profondes remises en cause. Ce que nous avons su gérer à 15, nous devons y arriver à 25 : il y va de notre crédibilité par rapport aux nouveaux entrants.
L'accord de Bruxelles nous fixe un budget pour le premier pilier. Alors mettons-nous au travail !
Ensuite, il y a le deuxième pilier, celui du développement rural. Pour un pays comme le nôtre, et on le voit ici en Aveyron, il faut une politique de développement rural. Mais cette politique ne doit pas se faire au détriment du premier pilier. Elle doit avoir son budget propre et ses mesures spécifiques. Elle doit s'inscrire dans la logique de la cohésion économique et sociale des territoires et respecter les choix nationaux au sein de l'Union européenne.
Sur le plan communautaire, Monsieur le Ministre, il vous faut tenir sur la durée. Vous le voyez, nous sommes derrière vous. Mais ne vous méprenez pas : si nous sommes derrière vous, c'est pour vous empêcher de reculer !
Cette ambition politique, il nous faudra aussi la faire partager à nos amis des pays en développement. Notre modèle agricole pourrait être un objectif pour eux. Au lieu de cela, ils vilipendent la PAC, suivent dans leur vote à l'OMC le groupe de Cairns, se font manipuler par les Etats-Unis.
Entre paysans, nous nous comprenons et avons des positions communes : ce n'est pas la même chose au niveau des gouvernements. La proposition du Président de la République de supprimer toute subvention à l'exportation vers les pays en développement pendant la durée du Round est intéressante. Elle montre une Europe ouverte, compréhensive, riche de valeur et d'ambition.
A notre niveau, nous apporterons notre pierre à l'édifice en multipliant les rencontres sur le terrain, en expliquant et expliquant encore, en sensibilisant à tous les niveaux. Comme nous, ils vont prendre connaissance des projets de M. Harbinson à l'OMC.
Le premier texte était inacceptable, le second est de la même veine. Monsieur le Ministre, soyez intransigeant sur notre opposition : c'est se moquer de nous et des pays en développement. Alors, plutôt un échec qu'un mauvais accord.
Avec le conflit irakien, la France a montré ces dernières semaines qu'il était possible de rallier de nombreux pays autour de politiques originales et équilibrées, malgré les pressions et les chantages du camp de la guerre.
Ayons la même ambition à l'OMC ! Disons que la France n'acceptera jamais la diplomatie du diktat. Je suis sûr qu'une majorité peut voir le jour autour de nos thèses.
Le conflit en cours montre la nécessité de trouver un nouvel ordre économique mondial, plus équilibré, respectueux des ensembles régionaux et conformes aux intérêts de tous les paysans du monde.
[Les faiblesses des politiques nationales]
Venons-en maintenant aux dossiers nationaux sur lesquels nous avons à nous expliquer.
Un sujet de satisfaction d'abord : la bonification. Quelques beaux esprits voulaient lui tordre le cou. Ils s'y sont cassé les dents. Ils avaient oublié que l'agriculture ressemble à une industrie lourde, que le ratio capital / valeur ajoutée y est complètement atypique, qu'il n'y a pas d'investissement possible dans notre secteur sans une politique de prêt spécifique.
Dans cette affaire, nous avons frôlé la catastrophe. Grâce à la FNSEA, avec votre soutien, nous avons pu sauver l'essentiel. Au-delà, il convient de conserver toute leur attractivité aux prêts bonifiés et, devant la baisse généralisée des taux, un ajustement à la baisse des taux bonifiés est indispensable.
[ADAR]
Pour ce qui concerne l'ADAR, la situation que vous avez trouvée en arrivant ressemblait à un champ de ruines. Une assemblée générale paralysée, des fonctionnaires qui n'en faisaient qu'à leur tête, des organismes de développement financés par versements provisoires remboursables.
S'il est un sujet qui supporte mal la démagogie, c'est bien celui du développement. Le développement, c'est la recherche, c'est l'innovation, c'est notre capacité d'anticiper pour maintenir la compétitivité de nos entreprises et leur répartition équilibrée sur le territoire. Sacrifier le développement, c'est condamner l'avenir.
Alors, au risque de ne pas être compris par certains de mes amis, je dirais que vous avez sauvé l'essentiel.
C'est vrai, il a fallu légiférer dans l'urgence, et le texte est loin d'être parfait.
2003 est une année de rodage. Il faudra revenir sur l'assiette, corriger ses imperfections manifestes et je vous le demande instamment. Il faut aussi que les décrets en préparation donnent un vrai pouvoir d'orientation et de contrôle au conseil d'administration de l'agence et à son président.
Mais l'essentiel, comme l'avait demandé notre Congrès l'an dernier, c'est d'avoir préservé un développement à la française, un développement fondé sur la solidarité entre les régions et entre les productions.
Je tiens aussi à vous exprimer notre satisfaction pour le maintien et la revalorisation de la prime herbagère.
C'est une des grandes avancées de ces derniers mois. La pression syndicale a donc été couronnée de succès. J'espère que les textes d'application ne décevront pas les espoirs que la PHAE a fait naître dans les zones herbagères.
En revanche, le CTE est en panne sèche. Je veux bien comprendre que les contraintes budgétaires nécessitaient des inflexions, mais depuis le mois d'août dernier, vos services ont eu largement le temps de recadrer le dispositif. Or, en huit mois, pas un seul contrat n'a été signé. Le seul élément nouveau a été de leur trouver un nouveau nom : le CTE est devenu le CAD. Voilà qui semble prouver qu'au ministère de l'Agriculture, à défaut d'argent, on a de l'imagination.
Et je suis certain que les hommes de Bercy apprécient les talents économes de la rue de Varenne... Mais hâtez-vous, monsieur le ministre, de donner à ces CAD un contenu concret. De nombreux agriculteurs attendent le redémarrage du dispositif.
Enfin, nous comptons sur vous pour conserver au ministère de l'Agriculture la plénitude de ses prérogatives. Ainsi, que la réforme du BAPSA ne soit pas l'occasion de transférer le régime social agricole rue de Grenelle. Que la décentralisation n'entraîne pas une remise en cause de l'originalité de l'enseignement et de la formation agricoles
[PMPOA]
Le PMPOA 2 se traduit par des baisses considérables des aides et par un recentrage des financements sur les seules zones vulnérables. La réalité est dans les comptes. Vous avez pu le constater la semaine dernière dans la Manche : aujourd'hui celles et ceux qui lancent leur projet reçoivent 30 à 40% de moins que les éleveurs engagés depuis 1994. C'est purement et simplement scandaleux ! Il n'y a pas d'autre alternative pour vous, Monsieur le Ministre, que de revenir à l'équité.
Pour des dizaines de milliers d'élevage des zones non vulnérables, il n'y a plus d'espérance de financement avant 2008. Nous vous proposons de mettre en place dans ces régions, un plan de modernisation des bâtiments d'élevage, en incluant un volet environnemental de mise aux normes. Un véritable plan de développement durable !
Vous avez entrepris un vrai travail de simplification administrative. Nous saluons ce retour au bon sens.
Il faut aujourd'hui amorcer le chantier de l'allègement réglementaire, en stoppant la surenchère par rapport à la loi européenne.
Nous n'en appelons pas au laxisme mais à la mesure. Car je vous le dis aujourd'hui Monsieur le Ministre, à vouloir partout le plus que parfait, notre futur apparaît bien comme décomposé.
[assurer les productions]
Les exploitations agricoles sont des entreprises à ciel ouvert. A ce titre, elles ont subi au cours des derniers mois toute une série d'accidents climatiques.
Je pense tout particulièrement aux inondations catastrophiques de l'automne dernier auxquelles l'agriculture a payé un si lourd tribut. Au-delà de l'aide que chacun a pu apporter, et qui a pris la forme d'un énorme élan de solidarité, cette catastrophe a montré les limites du fonds des calamités.
Il faut explorer d'autres voies pour que les agriculteurs bénéficient d'une protection contre les risques du métier. L'assurance récolte est une de ces voies. Des pays comme les Etats-Unis ou l'Espagne s'y sont engagés depuis plusieurs années. Raison de plus pour ne pas perdre de temps.
L'an dernier, un premier pas a été franchi pour soutenir budgétairement l'assurance récolte. Hélas, ce modeste soutien a disparu dans le budget 2003. Monsieur le ministre, je vous en prie, ne tuez pas dans l'uf une expérience prometteuse. Publiez sans attendre le décret qui permettra de prolonger les expériences en cours. Etendez le dispositif aux grandes cultures.
[l'emploi]
Sur la question de l'emploi, la FNSEA est enfin consacrée partenaire social à part entière, aux côtés du MEDEF, des PME et artisans, des professions libérales pour la représentation des employeurs.
Il faut rappeler qu'outre les exploitants et la main d'oeuvre familiale, l'agriculture c'est 150 000 emplois à durée indéterminée, un million de saisonniers.
Rajoutons à cela que dans certains secteurs spécialisés, le coût du travail représente 60 % des coûts totaux de productions.
La capacité de développer de bonnes relations sociales et de faire vivre le paritarisme est donc essentielle.
Avec des partenaires salariés dont je salue la capacité de négociation et d'écoute, nous avons effectué des avancées pour gérer les 35 heures pour les contrats à durée indéterminée, pour atténuer le coût des heures supplémentaires pour nos saisonniers.
Mais il reste des problèmes importants à régler, par exemple, celui du coût des quatre premières heures supplémentaires, pour lequel nous allons rediscuter avec nos partenaires salariés, celui de l'allégement des charges, dans lequel nous voudrions vous voir plus présent.
Comment comprendre que dans un pays où il y a de plus en plus de chômeurs, nous trouvons de moins en moins de main d'oeuvre ?
Comme beaucoup de très petites entreprises, nous avons besoin de souplesse. Quand nous ne pouvons plus trouver de main d'uvre locale, il faut nous autoriser sans attendre à faire appel à des salariés étrangers. Vous le savez : pour les fruits et légumes, avant l'heure, c'est pas mûr, après l'heure, c'est pourri !
[les professions comptables]
La gestion quotidienne d'une exploitation est aussi alourdie par toutes ces réglementations qui s'empilent les unes sur les autres, par tous ces formulaires, par toutes ces charges.
Pourtant, le Gouvernement dont vous faites partie est arrivé aux affaires en affichant des intentions vertueuses à l'égard des entreprises, notamment des plus petites d'entre elles : diminuer leurs charges, simplifier les formalités, faciliter les transmissions.
Quelques décisions positives ont d'ailleurs été prises : relèvement du seuil d'exonération des plus-values dans la loi sur l'initiative économique de votre collègue Renaud Dutreil, mise en place, par votre ministère, d'un comité de simplification administrative.
Mais il y a aussi des ratés.
Le plus magistral, c'est cette calamiteuse réforme des professions comptables, que le ministère du budget essaye de faire passer en force.
Là où il existait une structure, on en fait deux ; au lieu d'alléger les coûts, on les alourdit ; au lieu de simplifier la vie des gens, on la complique.
Persuadez votre collègue Alain Lambert qu'il fait fausse route.
Fausse route quand il se contente, sans changer une virgule, de reprendre le projet du gouvernement précédent.
Fausse route quand il se réfère à l'accord des professionnels de la comptabilité, alors que les premiers concernés, c'est à dire les agriculteurs, les artisans, les professionnels libéraux, n'ont pas eu voix au chapitre.
Il faut remettre les choses à l'endroit : les centres de gestion sont au service des agriculteurs, et pas le contraire.
[les dépenses injustifiées]
Enfin, des coûts injustifiés pèsent de plus en plus sur la gestion de nos exploitations. Prenons le cas de l'énergie.
Depuis plus de huit mois, le prix du baril de pétrole augmente. Savez-vous ce que va coûter la hausse du pétrole aux agriculteurs : 250 millions d'euros ! 250 millions d'euros : combien d'exploitants peuvent déjà calculer leur chute de revenu pour 2003 ?
Or, en juillet 2002, le Gouvernement a abandonné le système de la TIPP flottante. Il faut le remettre en place. Et puis, monsieur le Ministre, ne pensez-vous pas que c'est le bon moment pour revenir à une fiscalité propice au développement des biocarburants ?
Que ce dossier du coût de l'énergie ne se transforme pas en une épreuve supplémentaire ! Comme ces autres sujets, que je vais évoquer brièvement, et qui éveillent des souvenirs douloureux : Unigrains, réserves de la MSA, réserve du fonds des calamités, budget des offices, section viticole du fonds des calamités...
Sans même parler des conséquences du gel budgétaire, les coupes sombres que vous avez dû pratiquer vous privent de toute marge de manuvre pour gérer les crises et promouvoir les produits.
Nous avons vu passer beaucoup de millions d'euros, mais sauf erreur, ils ne passaient pas dans le bon sens pour les agriculteurs. " Sauf erreur, je ne me trompe jamais " pour reprendre le mot d'Alexandre Vialatte, cet écrivain que vous appréciez tout particulièrement.
Et s'il vous plaît, obtenez de ce Gouvernement - et notamment du ministère des Finances - qu'il adopte à l'avenir un comportement moins brutal, plus respectueux des corps intermédiaires.
Nous voulons bien discuter de tout, mais nous n'acceptons pas d'être mis devant le fait accompli. Les difficultés budgétaires de ce pays n'excusent pas la méthode.
[Les grandes surfaces]
Des productions éprouvées, des exploitations malmenées. Et ce ne sont pas les grandes surfaces qui vont nous tirer d'affaire.
Entre les marges-arrière, les marges-avant et pourquoi pas les marges de côté, l'imagination n'a pas de limite. Et vous le savez comme moi, à ce jeu-là, ni les consommateurs, ni les fournisseurs, ni les producteurs ne ressortiront gagnants. Le seul gagnant, c'est celui qui fixe les règles du jeu, c'est la distribution.
En novembre, après avoir épuisé tous les moyens de négociation et de persuasion, nous avons dû passer à l'action. Nous avons bloqué quelques centrales d'achat et nous sommes parvenus à un accord sur les pratiques commerciales.
Mais il faut aujourd'hui que les pouvoirs publics et la justice fassent leur travail pour traquer les abus et les sanctionner. Les accords signés doivent être respectés et les lois sont faites pour être appliquées ! Sans quoi, nous passerons de nouveau à l'action.
Mobilisés autour de notre CAC40, les paysans sauront se donner les moyens pour observer les marges. Car c'est bien des marges dont il faut parler. Mieux vaut compter sur nos propres forces que sur la circulaire de votre collègue Renaud Dutreil !
Quant à la direction de la concurrence de la Commission de Bruxelles, croyez-vous qu'elle s'intéresse aux pratiques de la grande distribution ? Pensez-vous qu'elle vérifie si les 5 ou 6 grandes familles qui ont la main-mise sur notre commerce, et qui sont au hit-parade des grandes fortunes de France, ne constitueraient pas par hasard une sorte de cartel ?
Pas du tout. Ceux qui sont dans son collimateur, ce sont les 250 000 éleveurs de bovins victimes de la crise de l'ESB et les organisations syndicales qui ont essayé de les défendre. Ce qu'ils nous reprochent c'est d'avoir, au plus fort de la crise, passé un accord avec les négociants, accord bien modeste et bien insuffisant, pour que les prix ne s'effondrent pas complètement.
Nous utiliserons tous les moyens de droit pour faire valoir notre position. Mais si, à la fin, nous devions être condamnés, je le dis très calmement, nous répondrions à la répression syndicale par l'action syndicale.
[l'installation et la communication]
Ces crises qui s'accumulent, ces coûts de production qui augmentent sans cesse, ces charges qui pèsent sur les chefs d'exploitation ont une incidence certaine sur le métier et plus particulièrement sur la perception que peuvent en avoir nos jeunes. Les chiffres de l'installation ne sont pas bons. Mais plus que de traduire les difficultés économiques d'un secteur, ils illustrent le sentiment général sur le métier d'agriculteur.
Le plus désolant, c'est cette image négative que l'on véhicule sans vergogne et qui fait oublier la beauté de notre métier.
Aujourd'hui, on accuse l'agriculture de tous les maux : l'Union européenne a un trou dans son budget : c'est l'agriculture ; l'environnement n'est pas préservé : c'est encore l'agriculture ; les produits sont trop chers dans les grandes surfaces : c'est encore et toujours l'agriculture.
Comment voulez-vous donner envie aux jeunes de s'installer dans un climat pareil ?
Et pourtant il le faut, et pourtant j'y crois. Avec les Jeunes Agriculteurs, je déploie toute mon énergie pour faire avancer l'installation. Pour faire comprendre que travailler la terre, que s'occuper d'un troupeau, qu'être des artisans du vivant : il n'y a rien de mieux.
[Conclusion]
Monsieur le Ministre, les seuls combats perdus d'avance sont ceux qu'on refuse de livrer.
Battez-vous à nos côtés pour remporter la bataille des prix, la bataille de notre revenu, la bataille de notre métier.
Notre ambition, c'est celle d'un modèle de société. Trouvons la volonté, le courage, la pugnacité de la faire partager à nos 14 partenaires européens, de la faire découvrir et apprécier aux dix nouveaux adhérents de l'Union. La France a montré qu'elle restait une référence dans le monde : qu'elle le soit aussi pour son modèle agricole.
Monsieur le Ministre, nous avons noté votre humilité, nous sommes sensibles à votre pragmatisme, nous comptons sur votre ambition.
J'espère que de votre côté, vous serez sensible à notre détermination. Comme le disait Raymond Lacombe, " les paysans ne capituleront jamais ! ".
(Source http://www.fnsea.fr, le 27 mars 2003)
Mes chers amis,
Bienvenue à tous pour ce 57ème congrès fédéral. Je crois que nous sommes particulièrement bien accueillis à Rodez cette année. Je sais tous les efforts qui ont été déployés par le département de l'Aveyron et pas seulement pour notre congrès. Depuis 8 jours, Rodez sourit à la ruralité. Des événements ont été organisés sur ce thème dans la ville de Rodez. Je tire mon chapeau à toute l'équipe organisatrice. Bravo à tous !
Nous sommes réunis depuis hier pour deux jours de travail. Ensemble, nous allons mettre à profit ce temps pour réfléchir sur notre syndicalisme, pour nous exprimer sur l'ensemble des problématiques agricoles, pour orienter nos actions.
Tout cela, nous le ferons d'abord à la lumière de nos propres voix agricoles, au cours de la table ronde qui se tiendra dans la matinée sur la PAC et le revenu.
Nous le ferons aussi à la lumière de ce que pourront nous dire les intervenants de la table ronde de demain, qui sauront nous apporter, par leur regard extérieur, un autre point de vue.
Nous accueillerons enfin le ministre de l'Agriculture qui sera invité à clôturer nos travaux.
Cette année, notre congrès a ceci de particulier qu'il n'est pas bousculé par des échéances électorales, politiques ou syndicales, ce qui laisse le temps de la réflexion. C'est ce que nous avons fait hier, au cours de notre huis-clos.
L'an dernier, nous avons décidé une réforme de notre organisation. Cela a impliqué des changements dans notre mode de fonctionnement, ce qui n'est jamais chose facile. Et pourtant, tous ensemble, nous avons été capable de mettre en oeuvre cette réforme et d'en mesurer la pertinence.
A ce titre, je voudrais remercier, toute l'équipe des secrétaires généraux qui s'est fortement impliquée dans l'accompagnement de la réforme. Nous en avons décidé hier, nous allons continuer dans cette voie. Nous allons également tout faire pour améliorer le financement de notre réseau ainsi que le fonctionnement des services aux agriculteurs.
Nous avons tous encore beaucoup de travail syndical à accomplir mais nous savons que nous avons choisi la bonne direction.
Là où nous sommes hélas plus incertains, c'est sur la direction que prend l'agriculture aujourd'hui.
L'année 2002 a été très difficile, éprouvante même. Cela ne doit pas se renouveler en 2003. Des prix bas, des revenus en baisse, des secteurs en crises, sans compter les sombres perspectives de Bruxelles : les nuages s'accumulent sur l'agriculture.
Mais en syndicalistes que nous sommes, nous ne supportons pas l'enlisement : nous agissons pour nous en sortir.
Nous agissons, chacun à notre niveau, chacun en fonction de ses responsabilités et je peux vous assurer que cette synergie de notre réseau est loin d'être inutile. Bien au contraire. Les victoires que nous avons remportées depuis le congrès de Versailles sont là pour nous encourager.
Avec la manifestation de Strasbourg en juin 2002, nous avons réussi à mobiliser nos partenaires européens autour de notre projet. Cette mobilisation n'est pas pour rien dans le ralentissement que connaît la réforme Fischler.
Au cours de cette année 2002, nous avons aussi multiplié les efforts pour nous faire accepter comme partenaire social à part entière. C'est une réalité aujourd'hui et c'est essentiel. C'est ainsi que nous avons participé à la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire et que nous pouvons faire valoir, régulièrement, notre point de vue sur différents dossiers relatifs à l'emploi.
Et il y aussi cette bataille pour le développement agricole que certains voyaient moribond. Nous n'avons peut-être pas obtenu ce que nous voulions, mais l'essentiel a été préservé : un développement fondé sur la solidarité entre les régions et entre les productions.
Politique européenne, politique sociale, financement du syndicalisme : ce sont là quelques exemples des succès que nous avons remporté tous ensemble et qui doivent nous inciter à continuer à croire en nos forces.
D'autant plus que l'année 2003, est une année chargée : entre le suivi de l'accord sur les pratiques commerciales, la mise en place des contrats d'agriculture durable, la réforme des retraites, les nouveaux projets de la PAC et les négociations internationales ou encore la loi rurale, nous ne pouvons pas nous permettre de baisser les bras. Nous devons être présents sur tous les fronts.
Avec cette actualité chargée et ces problèmes conjoncturels, nous savions qu'en choisissant la ruralité comme thème de notre congrès, nous serions critiqués. Et ça a été le cas. " Pas assez économique " ont dit certains. " Trop éloigné des préoccupations du terrain " ont dit les autres. "Parlez-nous plutôt de la PAC, du prix des céréales et des quotas laitiers " ont-ils repris en cur.
Mais nous n'avons pas fait fausse route. Le rapport d'orientation que nous discuterons cette après-midi, et qui aurait fait la fierté de Raymond Lacombe, tombe à point nommé. Tout d'abord parce qu'un débat a été lancé sur la ruralité et que si nous restons muets, d'autres voix s'exprimeront à notre place au risque de reléguer l'espace rural, au pire en dépotoir de la civilisation urbaine, au mieux en zone récréative pour urbains stressés.
Ensuite parce que le confort de la vie quotidienne des habitants comme des entreprises, est un critère d'installation, les zones rurales ont besoin de services publics pour que les jeunes puissent reprendre nos entreprises.
Enfin, le thème de la ruralité nous donne la possibilité de parler autrement de notre métier, d'une façon moins corporatiste, plus compréhensible de nos concitoyens.
Quand nous disons que le projet Fischler va entraîner la fin des organisations de marché et accentuer notre dépendance par rapport aux aides directes, nous nous comprenons bien sûr, mais reconnaissons que c'est un langage d'initié qui n'éveille pas beaucoup d'échos chez nos concitoyens. En revanche, si nous savons expliquer que cette politique ultra libérale aura des effets négatifs sur la qualité des produits, sur la qualité des paysages, sur la variété des terroirs, sur l'emploi, nous aurons plus de chances d'être entendus.
Mais pour être entendus, nous devons aussi être soutenus. Soutenus par une politique digne de ce nom, qui traduise l'ambition agricole de notre pays. C'est ce que nous dirons au ministre de l'agriculture.
Car l'agriculture est un choix de société. Elle mérite une politique qui oriente ensuite toutes les décisions à prendre. C'est le choix de ce que nous voulons manger, de ce que nous voulons sentir, des paysages que nous voulons voir. C'est un choix qui est nécessairement différent de celui fait par d'autres pays. C'est pourquoi nous devons nous battre, à Bruxelles comme à Genève, pour que les politiques et les accords internationaux tiennent compte des spécificités agricoles.
Or pour l'instant ce que veut la Commission à Bruxelles, c'est détruire la politique agricole et à l'OMC laminer nos productions en appliquant des prix mondiaux.
Prix mondiaux dont on ne sait s'ils sont le fruit d'avantages climatiques, d'inexistence de politique sociale ou de dumping.
Sur tous ces points, la FNSEA sera ferme. C'est notre avenir qui est jeu.
Plus que jamais, nous aurons besoin de toutes nos forces, de toutes les composantes de notre réseau, de toute notre unité pour faire face aux difficultés, pour préserver notre modèle agricole, éviter la banalisation de nos produits, pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier.
Très bon congrès à tous.
Je vous remercie.
(Source http://www.fnsea.fr, le 27 mars 2003)
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir à Rodez pour votre 1er congrès de la FNSEA. C'est votre 1er congrès, cela peut surprendre car vous faites aujourd'hui partie du PAF. Je veux parler bien sûr du paysage agricole français...
Alors vous comprendrez que je ne peux pas avoir pour vous l'indulgence que l'on accorde au débutant. Vous êtes ministre depuis presque une année. Cette expérience m'autorise à être ferme envers vous et envers le Gouvernement que vous représentez. Ferme mais pas fermé, comme vous aimez à le dire.
Pour ce congrès de la FNSEA, vous le percevez sans doute, l'ambiance des campagnes est lourde.
Les paysans sont amers et désorientés. Les responsables qui sont devant vous sont inquiets.
Il y a, bien sûr, ces crises qui perdurent dans de nombreux secteurs : crise avicole, crise porcine, marasme de la viticulture, chute des cours des céréales,...
Mais la plus grave de toutes, c'est la crise morale. Les agriculteurs n'en peuvent plus des incertitudes qui pèsent sur leur avenir, des accusations qui pèsent sur leur métier.
Ce n'est pas le changement qui leur fait peur. Ils ont suffisamment démontré, au cours des dernières décennies, qu'ils savaient se moderniser, se restructurer, se mécaniser, se former.
Ce qui les déroute, c'est qu'ils ne savent plus ce qu'ils doivent faire. La société leur envoie des messages brouillés, la politique agricole manque de lisibilité.
Ce que les agriculteurs attendent de vous, Monsieur le Ministre, d'abord et avant tout, c'est que vous leur donniez des perspectives, des objectifs clairs, une règle du jeu stable. L'agriculture a besoin d'un projet politique qui soit aussi un projet de société.
Je sais bien que c'est plus facile à dire qu'à faire, d'autant que vous n'êtes pas seul aux manettes. Il y a Bruxelles, il y a l'OMC, en France il y a d'autres ministères avec lesquels vous devez composer.
Mais ce n'est pas parce que la tâche est rude qu'il faut baisser les bras. Comme tous les montagnards, vous êtes obstiné et courageux. Mobilisez ces qualités pour donner un projet à l'agriculture. Vous servirez la cause de l'agriculture et l'action politique en sortira grandie.
Car gouverner, ce n'est pas gérer à la petite semaine, c'est orienter et décider.
Et pour définir ce projet, la FNSEA est prête à vous aider, au niveau qui est le sien, celui d'une organisation professionnelle responsable qui se veut force de proposition.
L'an dernier, lors de notre rassemblement au Palais des Sports, nous avons mis l'Agriculture au cur des débats de notre société. Nous participons activement aux grands équilibres économiques, sociaux et démographiques de notre pays : c'est la ligne directrice de notre rapport d'orientation sur la ruralité.
[La ruralité]
Nous sommes convaincus qu'en visant cette cible, on ne s'est pas trompés d'objectif. Pour trois raisons.
Première raison : en annonçant la mise en chantier d'une grande loi sur la ruralité, le Président de la République a ouvert un débat qui appelait notre présence. L'agriculture est la colonne vertébrale de l'espace rural : c'est elle qui structure le territoire, c'est elle qui façonne le paysage. Les paysans sont les indéracinables de l'espace rural !
Deuxième raison : Nos entreprises ont besoin de prix rémunérateurs. Mais elles ont aussi besoin de moyens de communication, qu'il s'agisse de routes pour écouler nos produits, d'informatique à haut débit ou de téléphonie mobile pour communiquer avec nos fournisseurs et nos clients.
Il leur faut aussi des services publics, des écoles, des services de santé, sans lesquels la main d'uvre dont nous avons besoin nous fuira de plus en plus, sans lesquels les jeunes, au lieu de nous succéder, déserteront les campagnes.
De même, notre outil de travail doit être protégé des appétits de la société urbaine, qui voudrait bien imposer sa loi dans l'espace rural.
Troisième raison : la ruralité, c'est aussi une façon de montrer l'étendue et la diversité de notre métier. Nous montrons que l'agriculture c'est la qualité des produits, la qualité des paysages, la variété des terroirs. Cette orientation, nous la renforçons avec notre engagement dans l'agriculture raisonnée.
[La loi rurale]
Alors, nous disons oui ! Oui à une loi rurale.
Oui à une loi qui rééquilibre le territoire et qui mette un terme à cette obsession urbaine dans laquelle se sont englués beaucoup de décideurs. Une obsession budgétairement ruineuse, qui engendre l'insécurité et le mal vivre des populations.
A ceux qui nous chipotent une salle de classe ou un bureau de poste, à ceux-là, je voudrais demander s'ils connaissent le coût de l'hyperconcentration urbaine ?
Vous connaissez peut-être, en région parisienne, cette autoroute, l'A14, entre La Défense et Poissy, qui a coûté 150 Euros par millimètre, 150 millions d'euros par kilomètre. Une autoroute d'intérêt purement local, dont le coût a été supporté par l'ensemble de la collectivité nationale. Combien d'écoles et de bureaux de poste aurait-on pu maintenir avec de tels budgets ?
Alors, Monsieur le Ministre, sachez que nous sommes à vos côtés pour défendre une politique rurale. Vous trouverez dans notre rapport d'orientation, des pistes qui vous permettront de donner du corps à votre projet.
Cette loi qui se prépare en ce moment est un exercice périlleux. D'abord, la diversité du monde rural implique une concertation avec un grand nombre d'acteurs ; ensuite ce projet est par nature intersectoriel. Il met en jeu différents ministères et administrations et les cloisons entre administrations sont souvent plus épaisses que la muraille de Chine !
Toutefois, je voudrais vous exprimer le malaise que je ressens face à ce projet. La méthode de concertation est, disons, brouillonne ; l'état des travaux - à moins qu'on nous cache des choses - nous laisse sur notre faim.
De plus, on a parfois le sentiment que des outils de la politique agricole, comme les Safer, le statut du fermage, ou la règle de réciprocité en matière d'urbanisme pourraient ne pas sortir indemnes de l'exercice.
Il n'y a rien d'immuable, on peut discuter de tout, à condition que la discussion ne se passe pas à la sauvette.
J'en appelle à votre vigilance, monsieur le ministre, pour que cette loi ne soit pas une jolie coquille remplie de cavaliers législatifs, ou pire encore, une coquille vide.
Sur cette loi rurale, nous devons réussir ensemble. Notre combat contre le projet Fischler a montré notre capacité à faire front commun.
[PAC et OMC]
En juillet dernier, on ne donnait pas cher de notre opposition aux projets de la commission.
Nous avons travaillé, discuté et démontré que ce projet signait la fin de notre modèle agricole. Nous avons convaincu l'essentiel de nos partenaires européens et nous avons fait évoluer les positions. Si tout n'est pas gagné, nous sommes aujourd'hui en bonne voie.
Nous combattons l'intégralité du projet Fischler, sans entrer dans les détails. Et vous savez pourquoi : ses objectifs ne sont pas les nôtres. La Commission ne veut qu'une chose : mettre fin aux organisations de marché.
Effacer les organisations de marché et augmenter les jachères, éliminer la préférence communautaire, supprimer les restitutions : ce n'est pas là construire une politique agricole, c'est la détruire !
Pour seule contrepartie, on nous propose un moyen présenté comme une panacée : des subventions découplées qu'on nous contestera dans quelques années.
Non. nous ne pouvons pas discuter des détails de ce projet, ce serait cautionner les objectifs de la Commission.
Il ne faut pas tromper les consommateurs : plus de qualité alimentaire, plus de sécurité sanitaire, plus d'environnement, plus de bien-être animal... tout ça avec des prix toujours plus bas ! Ce n'est pas possible !
Disons haut et fort que le projet de la Commission ce sera demain la disparition de la moitié des exploitations agricoles, la disparition de beaucoup d'entreprises agro-alimentaires et d'agro-fournitures, la disparition des emplois qui y sont liés.
M. Fischler, arrêtez de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : avec votre complice, M. Lamy, votre objectif, c'est de baisser les prix. Nous refusons de nous enfoncer encore plus dans cette spirale infernale à la baisse.
Monsieur Fischler, vous n'avez qu'un seul mandat : le bilan à mi-parcours des accords de Berlin. Respectez-le !
Et, cerise sur le gâteau, on nous dit qu'il faudrait en passer par là pour aller négocier à l'OMC !
Mais quelle naïveté ! Quel amateurisme que de négocier en montrant son jeu avant de commencer, en donnant des points à l'adversaire avant qu'il ne pose lui-même ses atouts !
Notre opposition nous vaut des critiques virulentes. Çà et là, on peut lire et entendre que la FNSEA est conservatrice, sclérosée, agrippée à ses avantages, incapable de se remettre en cause.
Mais ceux-là se trompent !
Qu'ils comprennent bien deux choses : la première, c'est que la FNSEA n'acceptera jamais une politique agricole qui régule le nombre d'agriculteurs par les crises, une politique agricole qui crée la zizanie entre les productions, entre les paysans.
La seconde, c'est que nous sommes prêts à discuter d'une réforme de la PAC, dès à présent s'il le faut, à condition que ce ne soit pas pour l'enterrer. Nous sommes demandeurs d'une PAC rénovée, consolidant et développant des OCM et maintenant une vraie préférence communautaire. Et cela sans aucun a priori sur les moyens techniques à utiliser pour gérer les marchés et les productions.
Gérer juste à temps les marchés, ce n'est pas revenir à l'époque révolue depuis longtemps, où il nous arrivait de produire pour stocker dans les silos ou dans les frigos.
De plus, il nous faut tenir compte de l'élargissement. Cet élargissement, nous l'avons soutenu. Il ne doit pas être aujourd'hui la raison de profondes remises en cause. Ce que nous avons su gérer à 15, nous devons y arriver à 25 : il y va de notre crédibilité par rapport aux nouveaux entrants.
L'accord de Bruxelles nous fixe un budget pour le premier pilier. Alors mettons-nous au travail !
Ensuite, il y a le deuxième pilier, celui du développement rural. Pour un pays comme le nôtre, et on le voit ici en Aveyron, il faut une politique de développement rural. Mais cette politique ne doit pas se faire au détriment du premier pilier. Elle doit avoir son budget propre et ses mesures spécifiques. Elle doit s'inscrire dans la logique de la cohésion économique et sociale des territoires et respecter les choix nationaux au sein de l'Union européenne.
Sur le plan communautaire, Monsieur le Ministre, il vous faut tenir sur la durée. Vous le voyez, nous sommes derrière vous. Mais ne vous méprenez pas : si nous sommes derrière vous, c'est pour vous empêcher de reculer !
Cette ambition politique, il nous faudra aussi la faire partager à nos amis des pays en développement. Notre modèle agricole pourrait être un objectif pour eux. Au lieu de cela, ils vilipendent la PAC, suivent dans leur vote à l'OMC le groupe de Cairns, se font manipuler par les Etats-Unis.
Entre paysans, nous nous comprenons et avons des positions communes : ce n'est pas la même chose au niveau des gouvernements. La proposition du Président de la République de supprimer toute subvention à l'exportation vers les pays en développement pendant la durée du Round est intéressante. Elle montre une Europe ouverte, compréhensive, riche de valeur et d'ambition.
A notre niveau, nous apporterons notre pierre à l'édifice en multipliant les rencontres sur le terrain, en expliquant et expliquant encore, en sensibilisant à tous les niveaux. Comme nous, ils vont prendre connaissance des projets de M. Harbinson à l'OMC.
Le premier texte était inacceptable, le second est de la même veine. Monsieur le Ministre, soyez intransigeant sur notre opposition : c'est se moquer de nous et des pays en développement. Alors, plutôt un échec qu'un mauvais accord.
Avec le conflit irakien, la France a montré ces dernières semaines qu'il était possible de rallier de nombreux pays autour de politiques originales et équilibrées, malgré les pressions et les chantages du camp de la guerre.
Ayons la même ambition à l'OMC ! Disons que la France n'acceptera jamais la diplomatie du diktat. Je suis sûr qu'une majorité peut voir le jour autour de nos thèses.
Le conflit en cours montre la nécessité de trouver un nouvel ordre économique mondial, plus équilibré, respectueux des ensembles régionaux et conformes aux intérêts de tous les paysans du monde.
[Les faiblesses des politiques nationales]
Venons-en maintenant aux dossiers nationaux sur lesquels nous avons à nous expliquer.
Un sujet de satisfaction d'abord : la bonification. Quelques beaux esprits voulaient lui tordre le cou. Ils s'y sont cassé les dents. Ils avaient oublié que l'agriculture ressemble à une industrie lourde, que le ratio capital / valeur ajoutée y est complètement atypique, qu'il n'y a pas d'investissement possible dans notre secteur sans une politique de prêt spécifique.
Dans cette affaire, nous avons frôlé la catastrophe. Grâce à la FNSEA, avec votre soutien, nous avons pu sauver l'essentiel. Au-delà, il convient de conserver toute leur attractivité aux prêts bonifiés et, devant la baisse généralisée des taux, un ajustement à la baisse des taux bonifiés est indispensable.
[ADAR]
Pour ce qui concerne l'ADAR, la situation que vous avez trouvée en arrivant ressemblait à un champ de ruines. Une assemblée générale paralysée, des fonctionnaires qui n'en faisaient qu'à leur tête, des organismes de développement financés par versements provisoires remboursables.
S'il est un sujet qui supporte mal la démagogie, c'est bien celui du développement. Le développement, c'est la recherche, c'est l'innovation, c'est notre capacité d'anticiper pour maintenir la compétitivité de nos entreprises et leur répartition équilibrée sur le territoire. Sacrifier le développement, c'est condamner l'avenir.
Alors, au risque de ne pas être compris par certains de mes amis, je dirais que vous avez sauvé l'essentiel.
C'est vrai, il a fallu légiférer dans l'urgence, et le texte est loin d'être parfait.
2003 est une année de rodage. Il faudra revenir sur l'assiette, corriger ses imperfections manifestes et je vous le demande instamment. Il faut aussi que les décrets en préparation donnent un vrai pouvoir d'orientation et de contrôle au conseil d'administration de l'agence et à son président.
Mais l'essentiel, comme l'avait demandé notre Congrès l'an dernier, c'est d'avoir préservé un développement à la française, un développement fondé sur la solidarité entre les régions et entre les productions.
Je tiens aussi à vous exprimer notre satisfaction pour le maintien et la revalorisation de la prime herbagère.
C'est une des grandes avancées de ces derniers mois. La pression syndicale a donc été couronnée de succès. J'espère que les textes d'application ne décevront pas les espoirs que la PHAE a fait naître dans les zones herbagères.
En revanche, le CTE est en panne sèche. Je veux bien comprendre que les contraintes budgétaires nécessitaient des inflexions, mais depuis le mois d'août dernier, vos services ont eu largement le temps de recadrer le dispositif. Or, en huit mois, pas un seul contrat n'a été signé. Le seul élément nouveau a été de leur trouver un nouveau nom : le CTE est devenu le CAD. Voilà qui semble prouver qu'au ministère de l'Agriculture, à défaut d'argent, on a de l'imagination.
Et je suis certain que les hommes de Bercy apprécient les talents économes de la rue de Varenne... Mais hâtez-vous, monsieur le ministre, de donner à ces CAD un contenu concret. De nombreux agriculteurs attendent le redémarrage du dispositif.
Enfin, nous comptons sur vous pour conserver au ministère de l'Agriculture la plénitude de ses prérogatives. Ainsi, que la réforme du BAPSA ne soit pas l'occasion de transférer le régime social agricole rue de Grenelle. Que la décentralisation n'entraîne pas une remise en cause de l'originalité de l'enseignement et de la formation agricoles
[PMPOA]
Le PMPOA 2 se traduit par des baisses considérables des aides et par un recentrage des financements sur les seules zones vulnérables. La réalité est dans les comptes. Vous avez pu le constater la semaine dernière dans la Manche : aujourd'hui celles et ceux qui lancent leur projet reçoivent 30 à 40% de moins que les éleveurs engagés depuis 1994. C'est purement et simplement scandaleux ! Il n'y a pas d'autre alternative pour vous, Monsieur le Ministre, que de revenir à l'équité.
Pour des dizaines de milliers d'élevage des zones non vulnérables, il n'y a plus d'espérance de financement avant 2008. Nous vous proposons de mettre en place dans ces régions, un plan de modernisation des bâtiments d'élevage, en incluant un volet environnemental de mise aux normes. Un véritable plan de développement durable !
Vous avez entrepris un vrai travail de simplification administrative. Nous saluons ce retour au bon sens.
Il faut aujourd'hui amorcer le chantier de l'allègement réglementaire, en stoppant la surenchère par rapport à la loi européenne.
Nous n'en appelons pas au laxisme mais à la mesure. Car je vous le dis aujourd'hui Monsieur le Ministre, à vouloir partout le plus que parfait, notre futur apparaît bien comme décomposé.
[assurer les productions]
Les exploitations agricoles sont des entreprises à ciel ouvert. A ce titre, elles ont subi au cours des derniers mois toute une série d'accidents climatiques.
Je pense tout particulièrement aux inondations catastrophiques de l'automne dernier auxquelles l'agriculture a payé un si lourd tribut. Au-delà de l'aide que chacun a pu apporter, et qui a pris la forme d'un énorme élan de solidarité, cette catastrophe a montré les limites du fonds des calamités.
Il faut explorer d'autres voies pour que les agriculteurs bénéficient d'une protection contre les risques du métier. L'assurance récolte est une de ces voies. Des pays comme les Etats-Unis ou l'Espagne s'y sont engagés depuis plusieurs années. Raison de plus pour ne pas perdre de temps.
L'an dernier, un premier pas a été franchi pour soutenir budgétairement l'assurance récolte. Hélas, ce modeste soutien a disparu dans le budget 2003. Monsieur le ministre, je vous en prie, ne tuez pas dans l'uf une expérience prometteuse. Publiez sans attendre le décret qui permettra de prolonger les expériences en cours. Etendez le dispositif aux grandes cultures.
[l'emploi]
Sur la question de l'emploi, la FNSEA est enfin consacrée partenaire social à part entière, aux côtés du MEDEF, des PME et artisans, des professions libérales pour la représentation des employeurs.
Il faut rappeler qu'outre les exploitants et la main d'oeuvre familiale, l'agriculture c'est 150 000 emplois à durée indéterminée, un million de saisonniers.
Rajoutons à cela que dans certains secteurs spécialisés, le coût du travail représente 60 % des coûts totaux de productions.
La capacité de développer de bonnes relations sociales et de faire vivre le paritarisme est donc essentielle.
Avec des partenaires salariés dont je salue la capacité de négociation et d'écoute, nous avons effectué des avancées pour gérer les 35 heures pour les contrats à durée indéterminée, pour atténuer le coût des heures supplémentaires pour nos saisonniers.
Mais il reste des problèmes importants à régler, par exemple, celui du coût des quatre premières heures supplémentaires, pour lequel nous allons rediscuter avec nos partenaires salariés, celui de l'allégement des charges, dans lequel nous voudrions vous voir plus présent.
Comment comprendre que dans un pays où il y a de plus en plus de chômeurs, nous trouvons de moins en moins de main d'oeuvre ?
Comme beaucoup de très petites entreprises, nous avons besoin de souplesse. Quand nous ne pouvons plus trouver de main d'uvre locale, il faut nous autoriser sans attendre à faire appel à des salariés étrangers. Vous le savez : pour les fruits et légumes, avant l'heure, c'est pas mûr, après l'heure, c'est pourri !
[les professions comptables]
La gestion quotidienne d'une exploitation est aussi alourdie par toutes ces réglementations qui s'empilent les unes sur les autres, par tous ces formulaires, par toutes ces charges.
Pourtant, le Gouvernement dont vous faites partie est arrivé aux affaires en affichant des intentions vertueuses à l'égard des entreprises, notamment des plus petites d'entre elles : diminuer leurs charges, simplifier les formalités, faciliter les transmissions.
Quelques décisions positives ont d'ailleurs été prises : relèvement du seuil d'exonération des plus-values dans la loi sur l'initiative économique de votre collègue Renaud Dutreil, mise en place, par votre ministère, d'un comité de simplification administrative.
Mais il y a aussi des ratés.
Le plus magistral, c'est cette calamiteuse réforme des professions comptables, que le ministère du budget essaye de faire passer en force.
Là où il existait une structure, on en fait deux ; au lieu d'alléger les coûts, on les alourdit ; au lieu de simplifier la vie des gens, on la complique.
Persuadez votre collègue Alain Lambert qu'il fait fausse route.
Fausse route quand il se contente, sans changer une virgule, de reprendre le projet du gouvernement précédent.
Fausse route quand il se réfère à l'accord des professionnels de la comptabilité, alors que les premiers concernés, c'est à dire les agriculteurs, les artisans, les professionnels libéraux, n'ont pas eu voix au chapitre.
Il faut remettre les choses à l'endroit : les centres de gestion sont au service des agriculteurs, et pas le contraire.
[les dépenses injustifiées]
Enfin, des coûts injustifiés pèsent de plus en plus sur la gestion de nos exploitations. Prenons le cas de l'énergie.
Depuis plus de huit mois, le prix du baril de pétrole augmente. Savez-vous ce que va coûter la hausse du pétrole aux agriculteurs : 250 millions d'euros ! 250 millions d'euros : combien d'exploitants peuvent déjà calculer leur chute de revenu pour 2003 ?
Or, en juillet 2002, le Gouvernement a abandonné le système de la TIPP flottante. Il faut le remettre en place. Et puis, monsieur le Ministre, ne pensez-vous pas que c'est le bon moment pour revenir à une fiscalité propice au développement des biocarburants ?
Que ce dossier du coût de l'énergie ne se transforme pas en une épreuve supplémentaire ! Comme ces autres sujets, que je vais évoquer brièvement, et qui éveillent des souvenirs douloureux : Unigrains, réserves de la MSA, réserve du fonds des calamités, budget des offices, section viticole du fonds des calamités...
Sans même parler des conséquences du gel budgétaire, les coupes sombres que vous avez dû pratiquer vous privent de toute marge de manuvre pour gérer les crises et promouvoir les produits.
Nous avons vu passer beaucoup de millions d'euros, mais sauf erreur, ils ne passaient pas dans le bon sens pour les agriculteurs. " Sauf erreur, je ne me trompe jamais " pour reprendre le mot d'Alexandre Vialatte, cet écrivain que vous appréciez tout particulièrement.
Et s'il vous plaît, obtenez de ce Gouvernement - et notamment du ministère des Finances - qu'il adopte à l'avenir un comportement moins brutal, plus respectueux des corps intermédiaires.
Nous voulons bien discuter de tout, mais nous n'acceptons pas d'être mis devant le fait accompli. Les difficultés budgétaires de ce pays n'excusent pas la méthode.
[Les grandes surfaces]
Des productions éprouvées, des exploitations malmenées. Et ce ne sont pas les grandes surfaces qui vont nous tirer d'affaire.
Entre les marges-arrière, les marges-avant et pourquoi pas les marges de côté, l'imagination n'a pas de limite. Et vous le savez comme moi, à ce jeu-là, ni les consommateurs, ni les fournisseurs, ni les producteurs ne ressortiront gagnants. Le seul gagnant, c'est celui qui fixe les règles du jeu, c'est la distribution.
En novembre, après avoir épuisé tous les moyens de négociation et de persuasion, nous avons dû passer à l'action. Nous avons bloqué quelques centrales d'achat et nous sommes parvenus à un accord sur les pratiques commerciales.
Mais il faut aujourd'hui que les pouvoirs publics et la justice fassent leur travail pour traquer les abus et les sanctionner. Les accords signés doivent être respectés et les lois sont faites pour être appliquées ! Sans quoi, nous passerons de nouveau à l'action.
Mobilisés autour de notre CAC40, les paysans sauront se donner les moyens pour observer les marges. Car c'est bien des marges dont il faut parler. Mieux vaut compter sur nos propres forces que sur la circulaire de votre collègue Renaud Dutreil !
Quant à la direction de la concurrence de la Commission de Bruxelles, croyez-vous qu'elle s'intéresse aux pratiques de la grande distribution ? Pensez-vous qu'elle vérifie si les 5 ou 6 grandes familles qui ont la main-mise sur notre commerce, et qui sont au hit-parade des grandes fortunes de France, ne constitueraient pas par hasard une sorte de cartel ?
Pas du tout. Ceux qui sont dans son collimateur, ce sont les 250 000 éleveurs de bovins victimes de la crise de l'ESB et les organisations syndicales qui ont essayé de les défendre. Ce qu'ils nous reprochent c'est d'avoir, au plus fort de la crise, passé un accord avec les négociants, accord bien modeste et bien insuffisant, pour que les prix ne s'effondrent pas complètement.
Nous utiliserons tous les moyens de droit pour faire valoir notre position. Mais si, à la fin, nous devions être condamnés, je le dis très calmement, nous répondrions à la répression syndicale par l'action syndicale.
[l'installation et la communication]
Ces crises qui s'accumulent, ces coûts de production qui augmentent sans cesse, ces charges qui pèsent sur les chefs d'exploitation ont une incidence certaine sur le métier et plus particulièrement sur la perception que peuvent en avoir nos jeunes. Les chiffres de l'installation ne sont pas bons. Mais plus que de traduire les difficultés économiques d'un secteur, ils illustrent le sentiment général sur le métier d'agriculteur.
Le plus désolant, c'est cette image négative que l'on véhicule sans vergogne et qui fait oublier la beauté de notre métier.
Aujourd'hui, on accuse l'agriculture de tous les maux : l'Union européenne a un trou dans son budget : c'est l'agriculture ; l'environnement n'est pas préservé : c'est encore l'agriculture ; les produits sont trop chers dans les grandes surfaces : c'est encore et toujours l'agriculture.
Comment voulez-vous donner envie aux jeunes de s'installer dans un climat pareil ?
Et pourtant il le faut, et pourtant j'y crois. Avec les Jeunes Agriculteurs, je déploie toute mon énergie pour faire avancer l'installation. Pour faire comprendre que travailler la terre, que s'occuper d'un troupeau, qu'être des artisans du vivant : il n'y a rien de mieux.
[Conclusion]
Monsieur le Ministre, les seuls combats perdus d'avance sont ceux qu'on refuse de livrer.
Battez-vous à nos côtés pour remporter la bataille des prix, la bataille de notre revenu, la bataille de notre métier.
Notre ambition, c'est celle d'un modèle de société. Trouvons la volonté, le courage, la pugnacité de la faire partager à nos 14 partenaires européens, de la faire découvrir et apprécier aux dix nouveaux adhérents de l'Union. La France a montré qu'elle restait une référence dans le monde : qu'elle le soit aussi pour son modèle agricole.
Monsieur le Ministre, nous avons noté votre humilité, nous sommes sensibles à votre pragmatisme, nous comptons sur votre ambition.
J'espère que de votre côté, vous serez sensible à notre détermination. Comme le disait Raymond Lacombe, " les paysans ne capituleront jamais ! ".
(Source http://www.fnsea.fr, le 27 mars 2003)