Discours de M. Gilles de Robien, ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur l'évolution de la maîtrise d'oeuvre à l'heure de la décentralisation, Paris le 3 juin 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Gilles de Robien - Ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

Circonstance : Assises de la maîtrise d'oeuvre organisées par le groupe Moniteur à Paris le 3 juin 2003

Texte intégral

Monsieur le Ministre mon cher Jean-Jacques,
Messieurs les Présidents
Mesdames et Messieurs,

A mon tour, je tiens à remercier le groupe Moniteur d'avoir pris l'initiative de ces rencontres. Je tiens également à vous remercier d'avoir fait l'effort d'être là dans des conditions de déplacement difficiles, le Ministre en charge des transports en sait quelque chose.
Pour faire la transition avec ce qu'a dit Jean-Jacques Aillagon, je tiens à vous dire que nous sommes tous deux très attachés à travailler en tandem sur la question de la qualité urbaine et architecturale. C'est, pour nous, la marque que ces questions ne sauraient être dissociées.
En matière de construction, au sens large, le Gouvernement doit, me semble-t-il, poursuivre deux buts que je résumerai en une phrase : "que des projets de qualité se réalisent", c'est-à-dire, pardons d'insister, qu'ils soient de qualité et qu'ils se réalisent. Je n'ai le goût ni des constructions au rabais, ni des beaux projets qui restent en carton.
Pour cela, il faut des hommes. Aucune procédure, aucune obligation ne remplacera la qualité des personnes.
Il faut, en premier lieu, de bons urbanistes. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas opposer qualité urbaine et qualité architecturale.

Dans ce domaine, deux mots du Ministre en charge de l'urbanisme :
la loi Urbanisme et habitat qui vient d'être votée permettra me semble-t-il, de lever d'inutiles blocages sans remettre en cause, je dirais même au contraire, en confortant, les deux avancées de la loi SRU : le souci de la planification et la démarche de projet ;
la prochaine étape, qui vous concerne de près, et que nous mènerons de concert avec Jean-Jacques Aillagon, c'est la simplification des autorisations d'urbanisme. Je ne suis pas sûr que toutes les procédures soient utiles. Et, je le répète, il est important que des projets ne restent pas en carton. Les procédures ne doivent pas décourager les initiatives.
Cette simplification ne se fera pas au détriment de la qualité : nous avons besoin, en particulier pour les lotissements, d'être plus exigeant en la matière : c'est un des chantiers que nous avons confiés à Ann-José ARLOT et Philippe GRAND.
Il faut en second lieu de bons maîtres d'ouvrage.
Le Gouvernement vous le savez entend mener à bien une nouvelle étape de décentralisation. Elle sera un succès, dans nos domaines, si les élus bénéficient de conseils avisés pour exercer pleinement leur métier de maître d'ouvrage.
Cela pose la question de la place des architectes et des urbanistes dans la fonction publique territoriale.
Cela pose la question du rôle des DDE mais aussi des CAUE.
Cela pose aussi la question de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. A ce titre, il me semble important de dire que le projet de réforme de la loi MOP, dont je n'éluderai pas les difficultés, ouvrira à tous les intervenants, et en particulier, évidemment, aux professionnels de la maîtrise d'uvre, les métiers du mandat et de la conduite d'opération.
Cela pose, enfin, la question de la sensibilisation des maîtres d'ouvrage, pour laquelle la MIQCP a un rôle central à jouer. Il me semble, en effet, que la procédure compte moins que la capacité du maître d'ouvrage à mener à bien un projet.

Vous me permettrez une digression.
Comme Ministre des Transports, je suis particulièrement attaché à leur place dans la ville. Il me semble très important que ces équipements participent à la qualité urbaine et architecturale. C'est un des sujets sur lesquels nous attendons des propositions de nos services.
De bons urbanistes, de bons maîtres d'ouvrages,... il faut enfin de bons maîtres d'oeuvre.
C'est pour cette raison qu'avec Jean-Jacques Aillagon, nous avons placé les questions de formation et de qualification au coeur de nos préoccupations et au coeur de la mission confiée à la DGUHC et à la DAPA.
C'est pour cette question que votre rôle est absolument capital
De bons maîtres d'ouvrage, de bons maîtres d'oeuvre. Mais aussi de bonnes relations entre les deux.
Il est indispensable que nous puissions faciliter un choix éclairé du maître d'oeuvre par le maître d'ouvrage ... j'ai presque envie d'ajouter, et réciproquement. Car le maître d'oeuvre choisit aussi ses maîtres d'ouvrage.
Jean-Jacques Aillagon et moi-même sommes tous deux très sensibles à la question de l'anonymat dans les concours. Nous y travaillons, en lien avec Francis Mer. Je pense qu'à la rentrée nous serons en mesure de vous donner et de donner à tous les maîtres d'ouvrage, une réponse juridiquement solide à cette question difficile.
J'en viens à la question de la loi MOP et du Partenariat Public Privé. Il n'y a pas de mystère à faire là-dessus car chacun d'entre vous le sait, il y a sur ce sujet, débat au sein du gouvernement.

Je crois qu'avec Jean-Jacques Aillagon, nous sommes d'accord sur l'essentiel :

  • la loi MOP a constitué un grand progrès en matière de qualité de la maîtrise d'ouvrage chez les acteurs publics et de clarté des relations et responsabilités dans l'acte de construire
  • la loi MOP doit évoluer, pour tenir compte notamment de la décentralisation et des progrès de l'Union européenne

le cadre légal doit rester cohérent et lisible. Je ne suis pas sûr que nous ayons eu raison d'agir par "dérogation sectorielle" à la loi MOP, même s'il fallait aller vite. Je suis sûr que nous aurions tort de continuer.
Pour éviter une multiplication de lois ad hoc, il semble préférable de procéder à une adaptation globale de la loi MOP. Il faudra dire dans quels cas les missions de maîtrise d'uvre et de construction peuvent être regroupées -cela doit rester l'exception, nous sommes tout à fait clairs là-dessus- et dans quels cas, elles doivent rester séparées. Pour nous, la séparation entre conception et construction doit rester la règle générale.
Cela suppose donc que nous délimitions le champ d'application de la conception construction.
Il me semble que des ouvertures de deux ordres sont raisonnables.
D'abord, les ouvrages comme les prisons pour lesquels une certaine industrialisation ne me choque pas.
Ensuite, les ouvrages pour lesquels il y a un lien très fort entre conception et exploitation.

Enfin, et c'est sans doute le plus important, il faut que dans ce champ où, par exception, la conception construction serait possible, il y ait des garanties fortes de deux ordres :

  • première garantie, il faut que le maître d'ouvrage ait, de façon encore plus forte qu'à l'accoutumée, des obligations en termes de contenu du programme.
  • deuxième garantie que la place du concepteur soit clairement identifié. Bien sûr, je ne vais pas vous dire le contraire, le concepteur au sein d'un groupement n'aurait pas le même rôle que dans une procédure normale, mais il faut impérativement protéger son travail et sa mission.

Voilà en quelques mots ce que je voulais vous dire.
Je sais qu'il y a, sur ce sujet, de réels désaccords. Vous l'exprimez, je crois, de manière on ne peut plus claire.
Je tiens à vous dire que le temps du débat n'est pas clos. Avec Jean-Jacques Aillagon, nous avons proposé que le texte de l'ordonnance soit mis sur la place publique et soumis au débat avant d'être adopté.
Enfin, pour terminer sur une note plus optimiste et pour rassurer très sincèrement, je ne crois pas que les collectivités aient envie de se passer des architectes. Je suis convaincu, au contraire, qu'elles attendent beaucoup de vous.
Je vous remercie

(Source http://www.logement.gouv.fr, le 6 juin 2003)