Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. R. Dutreil, un des politiques de la génération Chirac, qui fut chargé de fonder, d'imaginer l'UMP et de batailler pour la victoire du 5 mai, R. Dutreil, bonjour.
- "Bonjour."
Vous êtes au Qatar avec des chefs d'entreprise pour rendre visite et travailler avec les émirs. Dans quel but ?
- "Dans le but de créer de la croissance pour la France. Nos entreprises sont très présentes au Qatar ; c'est un partenaire important sur le plan commercial, aussi bien des très grandes entreprises, on vend beaucoup d'Airbus, de matériels militaires ; on est très présent dans le domaine énergétique avec le gaz, le Qatar est la deuxième réserve du monde en gaz, et puis je souhaite également que des PME puissent venir au Qatar, vendre leurs matériels, leurs produits, leurs services, parce que les PME c'est la richesse de notre économie en France et trop souvent elles ne sont pas ouvertes à l'international. Aujourd'hui, j'ai avec moi des gens, par exemple une entreprise de Roanne, qui va vendre des camions de pompiers au Qatar, ça c'est de la croissance qu'on peut construire grâce à une exportation plus importante."
Je vous ai invité, R. Dutreil, parce que vous êtes le premier ministre du gouvernement français probablement en mission pour le Président de la République et le premier ministre dans la région après la guerre d'Irak. Quelle part nouvelle justement les entreprises françaises peuvent-elles prendre dans la reconstruction de la région ?
- "C'est vrai que cette région a subi un bouleversement dont on imagine mal aujourd'hui les conséquences. La France a des positions très fortes dans certains pays et en particulier au Qatar, et on sent bien la pression américaine, très forte aussi : pressions commerciales, pressions économiques. Il est très possible que les Américains souhaitent bénéficier de la situation actuelle pour reprendre des parts de marché à la France. Donc il faut être présent, c'est ce que je fais avec 60 entreprises, une très importante délégation."
Sans illusions ? parce que vous dites vous-même que la présence et la pression américaines sont fortes.
- "On est bon, et quand on est bon on gagne des marchés, et donc moi je ne suis absolument pas fataliste. Je pense que nos entreprises ont un vrai savoir-faire qu'elles peuvent vendre, et je sens aussi de la part des autorités du Qatar, la volonté de ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier, le tout américain ce n'est pas forcément une solution pour des pays qui sont amis des Américains, c'est vrai, mais qui sont en même temps des pays arabes et des pays musulmans. La position de la France leur convient très bien. Le président Chirac, J. Chirac, a une image extraordinaire dans cette région et donc nous avons, avec lui, un atout formidable qu'il faut valoriser, qu'il faut transformer en emplois, en richesses, en conquêtes de parts de marchés."
Dans quels secteurs vous recommandez aux chefs d'entreprise de s'activer dans la région, en tout cas au Qatar ?
- "Un exemple tout simple : le Qatar souhaite créer une très grande bibliothèque, avec un ensemble culturel, un musée etc. La France est sur les rangs, et elle se retrouve en compétition directe avec une entreprise américaine. Donc nous allons savoir, d'ici quelques semaines, si la France l'a emporté, et ma présence ici est très importante avec les chefs d'entreprise, avec les ingénieurs, avec les techniciens, qui vont discuter directement, aujourd'hui, demain, toute la semaine, avec les autorités qatariennes."
Est-ce qu'il y a une chance pour que les entreprises françaises défendent leurs savoir-faire et leurs intérêts chez les voisins plus importants en Irak ?
- "La reconstruction de l'Irak est un autre problème, essentiellement diplomatique, je crois que D. de Villepin..."
Mais est-ce que vous ne visez pas l'Irak via le Qatar ?
- "C'est très difficile de savoir ce qui va se passer en Irak en matière de reconstruction et je crois que là, la bonne ligne c'est celle que D. de Villepin ne cesse d'expliquer dans toute la région, puisqu'il se déplace beaucoup dans la région lui aussi. C'est l'ONU qui doit être le pivot de la reconstruction de l'Irak et c'est ensuite dans un cadre défini à l'ONU que les uns et les autres pourront participer à la reconstruction. Nous avons des entreprises qui savent faire, qui peuvent faire, qui peuvent aider le peuple irakien à reconstruire son pays, et tout le monde sait que ces entreprises sont très présentes dans la région, à proximité immédiate de l'Irak, mais des problèmes diplomatiques se posent avant que nous puissions envisager une action économique."
Vous dites, R. Dutreil, " l'ONU, l'ONU ". On voit ce que les Américains en font. Est-ce que le moment n'est pas venu de se dépêcher de se rapprocher des Etats-Unis ?
- "J'ai toujours eu, depuis que je suis ministre des PME, des relations assez étroites avec les Américains, pourquoi, parce que beaucoup de nos entreprises sont franco-américaines, elles ont des marchés aux Etats-Unis, elles ont des emplois aux Etats-Unis, et vice et versa. Une région comme Rhône-Alpes par exemple, premiers investisseurs, c'est les Etats-Unis d'Amérique. Donc nous sommes des amis, nous sommes des alliés, nous ne sommes pas alignés sur les Etats-Unis et nous avons un partenariat économique très fort avec eux. Il faut le développer, il faut le continuer, j'irai moi-même d'ailleurs aux Etats-Unis à l'occasion de l'anniversaire de " Small Business Act ", qui est une loi très importante aux Etats-Unis, qui a dynamisé les PME, et de mon côté, je pense que l'économie doit s'appuyer sur des relations fortes entre les Etats-Unis et l'Europe, et la France en particulier."
Mais par exemple, R. Dutreil, au Qatar où vous vous trouvez depuis quelques...
- "Là nous sommes en compétition avec les Etats-Unis, c'est vrai."
Est-ce qu'ils vous encouragent ou vous sentez bien qu'ils n'assoupliront pas les obstacles qu'ils mettent à l'égard des Français ?
- "Raison de plus pour venir, pour venir avec les chefs d'entreprises, pour venir avec de bons produits, de bons projets et se battre. Je crois que le pire aujourd'hui, dans tous les secteurs, c'est de baisser les bras, c'est de renoncer, et trop souvent en France on entend cette petite musique du renoncement : " on est pas assez bon, on est pas les meilleurs ". Moi, je vois les entreprises, aussi bien les artisans, les commerçants. J'étais il y a quelques jours avec des charcutiers apprentis à 16 ans qui se battent pour être de bons artisans. On a vraiment des talents en France, extraordinaires, on ne le dit pas assez, il faut les valoriser."
Voilà, c'est une bonne occasion, vous allez les promouvoir dans cette région du Proche-Orient, c'est-à-dire avec les Emirats, avec Dubaï et compagnies. Mais je n'oublie pas que c'est aujourd'hui le 5 mai, un an après, une date historique pour laquelle le président de la République a choisi aujourd'hui la sobriété, la simplicité. Votre génération se retrouve-t-elle dans ce qui est réalisé depuis un an ?
- "Il y a un vrai changement depuis un an, pourquoi ? Parce que d'abord on s'est attaqué aux problèmes difficiles, ce qui n'était pas le cas avant. Cela tranche avec le gouvernement précédent, l'exemple des retraites est évident et saute à l'esprit. Mais nous avons également relancé une dynamique de croissance. Je vois dans mon secteur, la création d'entreprises, ça fait 12 mois que je..."
Attendez, je vous arrête. C'est vrai que vous êtes loin de France et que vous n'avez pas lu la presse française ce matin. Quand vous dites que vous avez recréé une dynamique de croissance, la croissance pour cette année est de 1,2,3. Quand vous voyez le monde d'aujourd'hui et certains pays conquérants, qu'est-ce que votre gouvernement et l'UMP devraient accélérer aujourd'hui ?
- "Je crois qu'il faut bien expliquer aux Français que la vraie richesse c'est les entreprises. C'est les entreprises qui tirent la croissance, donc il faut les libérer de fardeaux qui pèsent sur elles, bien entendu la fiscalité, les charges sociales, on va le faire, on va engager la baisse des charges sociales dans les cinq ans, ça sera progressif mais ça sera déterminé. Il faut également alléger les formalités administratives, toute la paperasse, la charge de paperasse. Et puis, il faut développer l'esprit d'entreprise et c'est ce que je fais avec cette loi sur la création d'entreprises. Il faut veiller également à ce que toutes les entreprises qui vont être transmises, parce que beaucoup de dirigeants vont partir à la retraite, se fassent dans de bonnes conditions."
C'est-à-dire qu'on les aide aussi sur le plan de la fiscalité, quand vous dites la transmission.
- "Bien sûr, nous allons baisser la fiscalité comme jamais on l'a fait depuis 20 ans en matière de transmission d'entreprise. Pourquoi ? parce que 500 000 chefs d'entreprise vont partir à la retraite dans les années qui viennent. Il y a de vraies opportunités pour des jeunes aujourd'hui de créer des entreprises ou d'en reprendre, encore faut-il qu'on développe ce goût du travail. Et je crois qu'après cinq ans où on a passé son temps à expliquer aux Français que l'avenir c'était gagner plus en travaillant moins, nous, nous disons des choses qui ne sont pas forcement faciles à dire, mais qui sont justes et qui sont vraies."
Et est-ce que ça va assez vite, puisque vous faites partie des réformateurs impatients.
- "Il y a des choses qui vont vite. Regardez par exemple les accidents de la route. Une action déterminée, volontariste, a sauvé des familles, a sauvé des vies. En matière de délinquance on voit les résultats aujourd'hui, en matière de création d'entreprises, on les voit, ils sont tangibles, et ce qu'il faut faire, c'est déterminer aujourd'hui les entreprises à investir. Elles n'investissent pas suffisamment, pourquoi, parce qu'elles doutent de la croissance et donc notre travail à nous, c'est de dire : ce gouvernement vous soutient, ce gouvernement vous accompagne dans votre développement, il ne vous mettra pas des bâtons dans les roues, il va au contraire libérer vos énergies. Cela va se faire avec les moyens du bord. Vous voyez bien qu'aujourd'hui le vent n'est pas fort, on a un petit vent, petit vent mondial, la croissance est faible, mais le Gouvernement, lui, a fait le bon choix de politique économique, c'est-à-dire une politique à la fois de soutien de la demande - le SMIC va augmenter le 1er juillet de 5 % pour une grande partie des smicards. C'est injecter de la croissance dans l'économie, mais également soutenir nos entreprises qui sont la vraie locomotive de la croissance."
C'est formidable, vous avez une vision très optimiste, elle est peut-être vraie, mais..
- "Je crois que c'est plus facile."
Oui, quand on est loin.
- "Quand on est assis dans les gradins que quand on est sur le terrain avec le ballon dans les pieds, mais en tout cas nous, on joue pour gagner et la France, je pense, peut gagner, aujourd'hui elle peut être une vraie locomotive en Europe."
R. Dutreil, vous êtes aussi chargé des PME, j'allais dire [chargé] d'obtenir de Bruxelles et des partenaires européens la baisse de la TVA sur la restauration, c'est important. Est-ce que vous l'obtiendrez pour janvier 2004 ? quand on en voit à la fois le coût et les déficits de la France.
- "Je crois que le Premier ministre vraiment déploie une énergie considérable pour arriver à un résultat sur la TVA à 5.5, parce qu'il faut obtenir l'autorisation de nos voisins européens, et ensuite il faut bien voir qu'une mesure comme celle-là, lorsqu'elle a été mise en oeuvre dans le bâtiment, elle a créé 40 000 emplois, et on a besoin de créer des emplois aujourd'hui dans les secteurs de main d'oeuvre, on a besoin d'en créer dans le secteur de la restauration. La promesse a été faite, elle doit être tenue pour des raisons éthiques, pour des raisons morales, et elle doit être tenue également pour des raisons économiques. Et je pense que ce que ça va nous coûter un petit peu en baisse d'impôts la première année, on va le récupérer ensuite en rentrées fiscales et également en chômeurs en moins. Donc c'est une bonne politique et il faudra à tout prix la mettre en oeuvre le plus tôt possible."
Si vous étiez à Paris, ou quand vous reviendrez à Paris, qu'est-ce que vous offririez au président de la République d'abord ? aujourd'hui 5 mai.
- "Si j'étais magicien, je lui offrirais un ou deux points de croissance en plus, mais je ne suis pas magicien, donc je lui offre, je crois ce que chacun de nous lui offrons dans ce gouvernement, une équipe très soudée autour de J.-P. Raffarin, très unie autour de lui et qui a beaucoup d'affection et de solidarité avec lui parce qu'il a la place la plus difficile, et il l'occupe avec beaucoup de détermination et de courage."
Est-ce que vous diriez avec messieurs Juppé, Debré, Ruffenacht, Baroin, qu'on vous souhaite un troisième mandat à l'Elysée, déjà ?
- "Tout vient à point à qui sait attendre, et aujourd'hui ce n'est pas le temps des ambitions, c'est le temps de l'action et je pense que tout le monde est dans cet état d'esprit."
Et à J.-P. Raffarin, pour bien commencer l'an 2 ? Son an 2.
- "Je lui souhaite d'abord une bonne réussite dans la réforme des retraites. C'est le premier Premier ministre qui s'est attaqué à ce problème lancinant mais essentiel pour sécuriser nos concitoyens, pour qu'ils regardent l'avenir avec confiance, et lui le fait. Ceux qui ne l'ont pas fait dans le passé sont mal placés pour donner des leçons. Donc chapeau J.-P. Raffarin de s'attaquer aux réformes difficiles, et ensuite eh bien une fois cette réforme passée, il y a beaucoup d'autres choses à faire pour moderniser notre pays, et là encore redonner confiance aux Français qui souvent doutent d'eux-mêmes alors qu'ils ont de l'or dans les mains, de la matière grise, du talent, de l'innovation. Moi, je suis confiant dans notre pays à condition qu'on retrousse les manches tous ensemble et qu'on y arrive."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 mai 2003)
- "Bonjour."
Vous êtes au Qatar avec des chefs d'entreprise pour rendre visite et travailler avec les émirs. Dans quel but ?
- "Dans le but de créer de la croissance pour la France. Nos entreprises sont très présentes au Qatar ; c'est un partenaire important sur le plan commercial, aussi bien des très grandes entreprises, on vend beaucoup d'Airbus, de matériels militaires ; on est très présent dans le domaine énergétique avec le gaz, le Qatar est la deuxième réserve du monde en gaz, et puis je souhaite également que des PME puissent venir au Qatar, vendre leurs matériels, leurs produits, leurs services, parce que les PME c'est la richesse de notre économie en France et trop souvent elles ne sont pas ouvertes à l'international. Aujourd'hui, j'ai avec moi des gens, par exemple une entreprise de Roanne, qui va vendre des camions de pompiers au Qatar, ça c'est de la croissance qu'on peut construire grâce à une exportation plus importante."
Je vous ai invité, R. Dutreil, parce que vous êtes le premier ministre du gouvernement français probablement en mission pour le Président de la République et le premier ministre dans la région après la guerre d'Irak. Quelle part nouvelle justement les entreprises françaises peuvent-elles prendre dans la reconstruction de la région ?
- "C'est vrai que cette région a subi un bouleversement dont on imagine mal aujourd'hui les conséquences. La France a des positions très fortes dans certains pays et en particulier au Qatar, et on sent bien la pression américaine, très forte aussi : pressions commerciales, pressions économiques. Il est très possible que les Américains souhaitent bénéficier de la situation actuelle pour reprendre des parts de marché à la France. Donc il faut être présent, c'est ce que je fais avec 60 entreprises, une très importante délégation."
Sans illusions ? parce que vous dites vous-même que la présence et la pression américaines sont fortes.
- "On est bon, et quand on est bon on gagne des marchés, et donc moi je ne suis absolument pas fataliste. Je pense que nos entreprises ont un vrai savoir-faire qu'elles peuvent vendre, et je sens aussi de la part des autorités du Qatar, la volonté de ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier, le tout américain ce n'est pas forcément une solution pour des pays qui sont amis des Américains, c'est vrai, mais qui sont en même temps des pays arabes et des pays musulmans. La position de la France leur convient très bien. Le président Chirac, J. Chirac, a une image extraordinaire dans cette région et donc nous avons, avec lui, un atout formidable qu'il faut valoriser, qu'il faut transformer en emplois, en richesses, en conquêtes de parts de marchés."
Dans quels secteurs vous recommandez aux chefs d'entreprise de s'activer dans la région, en tout cas au Qatar ?
- "Un exemple tout simple : le Qatar souhaite créer une très grande bibliothèque, avec un ensemble culturel, un musée etc. La France est sur les rangs, et elle se retrouve en compétition directe avec une entreprise américaine. Donc nous allons savoir, d'ici quelques semaines, si la France l'a emporté, et ma présence ici est très importante avec les chefs d'entreprise, avec les ingénieurs, avec les techniciens, qui vont discuter directement, aujourd'hui, demain, toute la semaine, avec les autorités qatariennes."
Est-ce qu'il y a une chance pour que les entreprises françaises défendent leurs savoir-faire et leurs intérêts chez les voisins plus importants en Irak ?
- "La reconstruction de l'Irak est un autre problème, essentiellement diplomatique, je crois que D. de Villepin..."
Mais est-ce que vous ne visez pas l'Irak via le Qatar ?
- "C'est très difficile de savoir ce qui va se passer en Irak en matière de reconstruction et je crois que là, la bonne ligne c'est celle que D. de Villepin ne cesse d'expliquer dans toute la région, puisqu'il se déplace beaucoup dans la région lui aussi. C'est l'ONU qui doit être le pivot de la reconstruction de l'Irak et c'est ensuite dans un cadre défini à l'ONU que les uns et les autres pourront participer à la reconstruction. Nous avons des entreprises qui savent faire, qui peuvent faire, qui peuvent aider le peuple irakien à reconstruire son pays, et tout le monde sait que ces entreprises sont très présentes dans la région, à proximité immédiate de l'Irak, mais des problèmes diplomatiques se posent avant que nous puissions envisager une action économique."
Vous dites, R. Dutreil, " l'ONU, l'ONU ". On voit ce que les Américains en font. Est-ce que le moment n'est pas venu de se dépêcher de se rapprocher des Etats-Unis ?
- "J'ai toujours eu, depuis que je suis ministre des PME, des relations assez étroites avec les Américains, pourquoi, parce que beaucoup de nos entreprises sont franco-américaines, elles ont des marchés aux Etats-Unis, elles ont des emplois aux Etats-Unis, et vice et versa. Une région comme Rhône-Alpes par exemple, premiers investisseurs, c'est les Etats-Unis d'Amérique. Donc nous sommes des amis, nous sommes des alliés, nous ne sommes pas alignés sur les Etats-Unis et nous avons un partenariat économique très fort avec eux. Il faut le développer, il faut le continuer, j'irai moi-même d'ailleurs aux Etats-Unis à l'occasion de l'anniversaire de " Small Business Act ", qui est une loi très importante aux Etats-Unis, qui a dynamisé les PME, et de mon côté, je pense que l'économie doit s'appuyer sur des relations fortes entre les Etats-Unis et l'Europe, et la France en particulier."
Mais par exemple, R. Dutreil, au Qatar où vous vous trouvez depuis quelques...
- "Là nous sommes en compétition avec les Etats-Unis, c'est vrai."
Est-ce qu'ils vous encouragent ou vous sentez bien qu'ils n'assoupliront pas les obstacles qu'ils mettent à l'égard des Français ?
- "Raison de plus pour venir, pour venir avec les chefs d'entreprises, pour venir avec de bons produits, de bons projets et se battre. Je crois que le pire aujourd'hui, dans tous les secteurs, c'est de baisser les bras, c'est de renoncer, et trop souvent en France on entend cette petite musique du renoncement : " on est pas assez bon, on est pas les meilleurs ". Moi, je vois les entreprises, aussi bien les artisans, les commerçants. J'étais il y a quelques jours avec des charcutiers apprentis à 16 ans qui se battent pour être de bons artisans. On a vraiment des talents en France, extraordinaires, on ne le dit pas assez, il faut les valoriser."
Voilà, c'est une bonne occasion, vous allez les promouvoir dans cette région du Proche-Orient, c'est-à-dire avec les Emirats, avec Dubaï et compagnies. Mais je n'oublie pas que c'est aujourd'hui le 5 mai, un an après, une date historique pour laquelle le président de la République a choisi aujourd'hui la sobriété, la simplicité. Votre génération se retrouve-t-elle dans ce qui est réalisé depuis un an ?
- "Il y a un vrai changement depuis un an, pourquoi ? Parce que d'abord on s'est attaqué aux problèmes difficiles, ce qui n'était pas le cas avant. Cela tranche avec le gouvernement précédent, l'exemple des retraites est évident et saute à l'esprit. Mais nous avons également relancé une dynamique de croissance. Je vois dans mon secteur, la création d'entreprises, ça fait 12 mois que je..."
Attendez, je vous arrête. C'est vrai que vous êtes loin de France et que vous n'avez pas lu la presse française ce matin. Quand vous dites que vous avez recréé une dynamique de croissance, la croissance pour cette année est de 1,2,3. Quand vous voyez le monde d'aujourd'hui et certains pays conquérants, qu'est-ce que votre gouvernement et l'UMP devraient accélérer aujourd'hui ?
- "Je crois qu'il faut bien expliquer aux Français que la vraie richesse c'est les entreprises. C'est les entreprises qui tirent la croissance, donc il faut les libérer de fardeaux qui pèsent sur elles, bien entendu la fiscalité, les charges sociales, on va le faire, on va engager la baisse des charges sociales dans les cinq ans, ça sera progressif mais ça sera déterminé. Il faut également alléger les formalités administratives, toute la paperasse, la charge de paperasse. Et puis, il faut développer l'esprit d'entreprise et c'est ce que je fais avec cette loi sur la création d'entreprises. Il faut veiller également à ce que toutes les entreprises qui vont être transmises, parce que beaucoup de dirigeants vont partir à la retraite, se fassent dans de bonnes conditions."
C'est-à-dire qu'on les aide aussi sur le plan de la fiscalité, quand vous dites la transmission.
- "Bien sûr, nous allons baisser la fiscalité comme jamais on l'a fait depuis 20 ans en matière de transmission d'entreprise. Pourquoi ? parce que 500 000 chefs d'entreprise vont partir à la retraite dans les années qui viennent. Il y a de vraies opportunités pour des jeunes aujourd'hui de créer des entreprises ou d'en reprendre, encore faut-il qu'on développe ce goût du travail. Et je crois qu'après cinq ans où on a passé son temps à expliquer aux Français que l'avenir c'était gagner plus en travaillant moins, nous, nous disons des choses qui ne sont pas forcement faciles à dire, mais qui sont justes et qui sont vraies."
Et est-ce que ça va assez vite, puisque vous faites partie des réformateurs impatients.
- "Il y a des choses qui vont vite. Regardez par exemple les accidents de la route. Une action déterminée, volontariste, a sauvé des familles, a sauvé des vies. En matière de délinquance on voit les résultats aujourd'hui, en matière de création d'entreprises, on les voit, ils sont tangibles, et ce qu'il faut faire, c'est déterminer aujourd'hui les entreprises à investir. Elles n'investissent pas suffisamment, pourquoi, parce qu'elles doutent de la croissance et donc notre travail à nous, c'est de dire : ce gouvernement vous soutient, ce gouvernement vous accompagne dans votre développement, il ne vous mettra pas des bâtons dans les roues, il va au contraire libérer vos énergies. Cela va se faire avec les moyens du bord. Vous voyez bien qu'aujourd'hui le vent n'est pas fort, on a un petit vent, petit vent mondial, la croissance est faible, mais le Gouvernement, lui, a fait le bon choix de politique économique, c'est-à-dire une politique à la fois de soutien de la demande - le SMIC va augmenter le 1er juillet de 5 % pour une grande partie des smicards. C'est injecter de la croissance dans l'économie, mais également soutenir nos entreprises qui sont la vraie locomotive de la croissance."
C'est formidable, vous avez une vision très optimiste, elle est peut-être vraie, mais..
- "Je crois que c'est plus facile."
Oui, quand on est loin.
- "Quand on est assis dans les gradins que quand on est sur le terrain avec le ballon dans les pieds, mais en tout cas nous, on joue pour gagner et la France, je pense, peut gagner, aujourd'hui elle peut être une vraie locomotive en Europe."
R. Dutreil, vous êtes aussi chargé des PME, j'allais dire [chargé] d'obtenir de Bruxelles et des partenaires européens la baisse de la TVA sur la restauration, c'est important. Est-ce que vous l'obtiendrez pour janvier 2004 ? quand on en voit à la fois le coût et les déficits de la France.
- "Je crois que le Premier ministre vraiment déploie une énergie considérable pour arriver à un résultat sur la TVA à 5.5, parce qu'il faut obtenir l'autorisation de nos voisins européens, et ensuite il faut bien voir qu'une mesure comme celle-là, lorsqu'elle a été mise en oeuvre dans le bâtiment, elle a créé 40 000 emplois, et on a besoin de créer des emplois aujourd'hui dans les secteurs de main d'oeuvre, on a besoin d'en créer dans le secteur de la restauration. La promesse a été faite, elle doit être tenue pour des raisons éthiques, pour des raisons morales, et elle doit être tenue également pour des raisons économiques. Et je pense que ce que ça va nous coûter un petit peu en baisse d'impôts la première année, on va le récupérer ensuite en rentrées fiscales et également en chômeurs en moins. Donc c'est une bonne politique et il faudra à tout prix la mettre en oeuvre le plus tôt possible."
Si vous étiez à Paris, ou quand vous reviendrez à Paris, qu'est-ce que vous offririez au président de la République d'abord ? aujourd'hui 5 mai.
- "Si j'étais magicien, je lui offrirais un ou deux points de croissance en plus, mais je ne suis pas magicien, donc je lui offre, je crois ce que chacun de nous lui offrons dans ce gouvernement, une équipe très soudée autour de J.-P. Raffarin, très unie autour de lui et qui a beaucoup d'affection et de solidarité avec lui parce qu'il a la place la plus difficile, et il l'occupe avec beaucoup de détermination et de courage."
Est-ce que vous diriez avec messieurs Juppé, Debré, Ruffenacht, Baroin, qu'on vous souhaite un troisième mandat à l'Elysée, déjà ?
- "Tout vient à point à qui sait attendre, et aujourd'hui ce n'est pas le temps des ambitions, c'est le temps de l'action et je pense que tout le monde est dans cet état d'esprit."
Et à J.-P. Raffarin, pour bien commencer l'an 2 ? Son an 2.
- "Je lui souhaite d'abord une bonne réussite dans la réforme des retraites. C'est le premier Premier ministre qui s'est attaqué à ce problème lancinant mais essentiel pour sécuriser nos concitoyens, pour qu'ils regardent l'avenir avec confiance, et lui le fait. Ceux qui ne l'ont pas fait dans le passé sont mal placés pour donner des leçons. Donc chapeau J.-P. Raffarin de s'attaquer aux réformes difficiles, et ensuite eh bien une fois cette réforme passée, il y a beaucoup d'autres choses à faire pour moderniser notre pays, et là encore redonner confiance aux Français qui souvent doutent d'eux-mêmes alors qu'ils ont de l'or dans les mains, de la matière grise, du talent, de l'innovation. Moi, je suis confiant dans notre pays à condition qu'on retrousse les manches tous ensemble et qu'on y arrive."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 mai 2003)