Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de me trouver ce matin parmi vous, à l'occasion du stage organisé par votre Association des Professeurs d'histoire et de géographie et consacré à l'Europe. Je tiens à vous féliciter de cette initiative et à vous remercier de me donner ainsi l'occasion d'évoquer la vision française de l'Europe de demain.
Je souhaite également, avant toute chose, vous exprimer toute ma reconnaissance pour votre inestimable contribution à la formation des citoyens de l'Europe de demain et à la clarification des termes du débat européen. Vous êtes, au vrai sens du terme, les médiateurs indispensables de l'idée européenne.
La question de la réunification de l'Europe - expression que je préfère, pour de multiples raisons, à celle d'élargissement - et des défis qu'elle nous pose est aujourd'hui centrale. Cinquante ans après la déclaration faite par Robert Schuman au Quai d'Orsay, jetant les bases de la CECA et, au-delà, de l'Europe actuelle, l'Union européenne est à un tournant de son histoire. Elle est sur le point de conclure, avec l'entrée en vigueur de l'euro, une phase décisive de sa construction en tant qu'ensemble commercial et financier d'une ampleur unique dans le monde.
De ce fait même, elle est désormais directement confrontée à la question de son avenir, des nouvelles étapes d'un processus dont nous avons toujours souhaité, au contraire d'autres familles de pensée, qu'il aboutisse à une véritable union politique et citoyenne étendue à l'ensemble de l'Europe.
En effet, et je commencerai par ce rappel sans équivoque, la France a toujours considéré que la vocation de la Communauté, puis de l'Union européenne était de rassembler l'ensemble des pays et des peuples du continent. L'Union actuelle, pour quelques années encore, n'est que la résultante de la division de l'Europe due à la guerre froide. Elle n'a jamais été le produit de je ne sais quelle conception élitiste de la construction européenne, réservée à sa moitié occidentale.
Nous sommes donc aujourd'hui engagés avec résolution dans un processus qui nous conduira, d'ici quelques années ou dizaines d'années, à une nouvelle Union européenne, qui pourrait compter une trentaine d'Etats membres, voire plus. Il s'agit d'une perspective historique enthousiasmante, car, pour la première fois, le Continent européen sera unifié et en paix. Il s'agit , dans le même temps, d'un défi considérable, pour l'Union actuelle comme pour les futurs membres.
Qui pourrait en effet soutenir que la perspective d'une extension de l'Union, doit être traitée de la même manière que les élargissements précédents, c'est-à-dire par simple translation du cadre existant, conçu à l'origine par et pour les 6 membres fondateurs ?
Sans retarder en rien l'élargissement, mais, au contraire, en cherchant à en relever le défi, nous devons donc commencer à poser clairement les grandes questions qu'il soulève, à nous interroger sur les finalités de l'entreprise. Ces défis, qui s'adressent à l'Europe, j'essaierai de les ramener à trois questions dont l'énoncé, au moins, est très simple :
- L'Europe réunifiée, jusqu'où ?
- L'Europe réunifiée, comment ?
- L'Europe réunifiée, pour quoi faire ?
1- Première question, donc : l'Europe réunifiée, jusqu'où?
Evoquer la réunification de l'Europe, c'est se confronter, de façon préliminaire, à la question des frontières de l'Europe, tant je suis convaincu que les citoyens européens ne pourront se sentir à l'aise dans un espace en perpétuelle progression.
J'évoquerai, tout d'abord - et brièvement, car, pour eux, le processus est en marche - les pays d'Europe centrale et orientale.
Vous le savez, les négociations sont en cours depuis 1998 avec six pays, l'Estonie, la Hongrie, la Pologne, la Slovénie, la République tchèque, ainsi que Chypre. Lors du prochain Conseil européen d'Helsinki, dans quelques jours, sept autres pays devraient être reconnus officiellement comme candidats: les deux autres pays baltes, la Lituanie et la Lettonie, la Slovaquie, qui a réglé les problèmes politiques qui l'avaient handicapée lors de la définition du "premier train", la Roumanie et la Bulgarie, qui ont toute leur place dans le processus, en dépit de leurs difficultés économiques, Malte et, enfin, dans une situation un peu différente, la Turquie.
Au delà de ces pays, qui nous feront passer, dans quelques années, à une Europe d'environ 25 membres, nous entrons dans la zone plus incertaine, celle des frontières ultimes de l'Europe.
Je mentionne, tout d'abord, pour mémoire, les quelques pays de la moitié occidentale de l'Europe qui n'ont pas fait, en tout cas pour le moment, le choix de l'Europe. Il est bien clair que la place de la Norvège, de l'Islande ou encore de la Suisse en Europe, est évidente, le jour où les gouvernements et les peuples opteront en faveur de l'adhésion.
Les deux questions beaucoup plus délicates et complexes sont, bien sûr, celles des Balkans occidentaux et celle de la frontière orientale de l'Europe. Comment, parmi les pays qui forment ces zones grises, décider de leur vocation à adhérer à l'Union européenne ?
Mon propos n'est pas, devant les historiens et les géographes qui sont ici, d'énumérer les critères qui, séparément ou conjointement, dessineraient l'Europe de demain. Nous le savons tous: aucun critère n'est réellement satisfaisant. Aucun n'est, en soi, d'un réel secours. Je crois qu'il faut admettre que, ni la géographie ni l'histoire ne nous mettent en mesure d'apporter des réponses définitives à la question des frontières de l'Union européenne.
Nous savons l'imprécision du Traité de Rome, selon lequel "tout Etat européen peut demander à devenir membre de l'Union" ; c'est sur ce seul ce critère que la candidature du Maroc a été écartée. Mais dans d'autres cas, je pense à la Turquie et à Chypre, une réponse étroitement géographique n'est pas aisée et a politiquement peu de sens.
Nous savons également les arrière-pensées politiques des cartographes de Pierre Le Grand, inventeurs de la formule de "l'Europe de l'Atlantique à l'Oural" rendue populaire par le général de Gaulle, mais qui n'est in fine d'aucun secours pour penser les frontières de l'Union à l'Est.
Cela étant dit, et malgré les difficultés de l'exercice, je souhaiterais néanmoins faire part de mes sentiments sur les deux régions que j'ai évoquées :
- S'agissant de la partie occidentale des Balkans, c'est-à-dire des Etats issus de l'ex-Yougoslavie et de l'Albanie, il me parait important de dire aujourd'hui, après dix ans de conflit et quelques mois après la crise du Kosovo, que nous devons offrir clairement à ces pays la perspective de l'intégration européenne.
Il s'agit là d'une question de logique et de cohérence, car les Balkans ont toujours joué un rôle crucial dans l'histoire et la culture européennes, car ils sont une pièce indispensable du puzzle européen. Mais il s'agit aussi d'une question de solidarité politique. Nous devons offrir à ces pays une perspective de paix et de démocratie. Nous devons leur dire clairement, dans notre intérêt comme dans le leur, que la place de l'ensemble des pays de L'ex-Yougoslavie, y compris la Serbie, une fois en paix, une fois démocratisés, est au sein de l'Union européenne élargie de demain, ou disons plutôt d'après-demain. Il en va de la stabilité et de la paix de l'ensemble du Continent.
J'ai d'ailleurs toujours quelques interrogations, à ce sujet, à l'égard de l'expression selon laquelle il conviendrait aujourd'hui d'européaniser les Balkans. Je la comprend, bien sûr. Pour autant, je pense qu'il n'y a pas à européaniser les Balkans car les Balkans sont partie intégrante de l'Europe. Ils l'ont toujours été. Mais enfin, ceci n'est peut-être qu'un problème de vocabulaire.
Ceci m'amène à une remarque importante, qui vaut pour l'Albanie, pour la Bosnie-Herzégovine, comme pour la Turquie : je souhaite dire avec force que les questions religieuses ne doivent être en aucun cas un obstacle sur la voie de l'intégration des Balkans en Europe. L'Union européenne n'a jamais eu vocation à n'être qu'un club de nations majoritairement chrétiennes. L'Europe possède une dimension multiconfessionnelle depuis des siècles. Quel serait le sens de notre ambition politique, si elle revenait à nier l'histoire ou à la réécrire ?
J'en viens maintenant à la question de la frontière orientale de l'Europe. Je vous le précise tout de suite, quitte à vous décevoir, je ne vous indiquerai pas aujourd'hui, par un tracé sur une carte, où doit selon moi s'arrêter l'Europe.
- S'agissant des marches occidentales de l'ancienne Union soviétique, la Biélorussie, l'Ukraine et la Moldavie, nous devons bien être conscients que, au fur et à mesure de l'adhésion de leurs voisins baltes, polonais, slovaques, hongrois ou roumains, leur volonté de rejoindre l'Union sera plus forte et qu'elle n'est pas totalement sans logique.
Reste ensuite l'immense question de la Russie et de sa vocation - ou non - à rejoindre, un jour, l'Union européenne. Je n'aurai pas l'outrecuidance de vous rappeler que le débat existe depuis longtemps en Russie même. Il existe également dans nos pays. Certains, comme Jacques Attali, dans un rapport récent, estiment qu'il convient dès à présent d'indiquer à la Russie qu'elle a vocation, le moment venu, à nous rejoindre. D'autres estiment que la Russie est à elle seule un continent, s'étendant jusqu'au Pacifique, et que son adhésion déséquilibrerait l'ensemble européen.
Je ne trancherai pas la question aujourd'hui et je ne suis pas sûr, d'ailleurs, qu'il convienne aux responsables politiques européens de s'enfermer dans cette contrainte. Ce qui est certain, c'est que la stabilité de la Russie est essentielle à celle du continent tout entier et que l'Union se doit, en dépit des difficultés, en dépit des tentations de désengagement, de bâtir une relation spéciale et forte avec Moscou. C'est ce à quoi s'emploie le gouvernement français.
On le voit, la question des frontières de l'Europe ne pourra trouver une solution précise et rapide. Elle progressera dans le temps, notamment en fonction des effets qu'auront les adhésions des actuels candidats sur les voisins extérieurs à l'Union.
Il est donc d'autant plus important que cette question - certes incontournable - ne nous éloigne pas d'une autre question centrale: comment mener la réunification de l'Europe ?
2 - J'en viens donc aux conditions d'une réunification réussie de l'Europe.
Je l'ai dit en introduction, l'unification de l'Europe est une chance pour les pays d'Europe centrale et orientale comme pour l'Union actuelle.
Aux premiers, elle permettra de tourner définitivement la page de la guerre froide. Elle sera aussi une formidable chance de développement économique et social, l'opportunité de rattraper plus rapidement les retards dus aux impasses des politiques menées par les régimes de ces pays dans l'après-guerre.
Mais l'élargissement est également une chance pour les membres actuels de l'Union. Une Union plus large, se rapprochant des frontières naturelles de l'Europe, accueillant des peuples avec leurs atouts, leur génie propre, c'est une Europe plus forte.
Pour autant, et je voudrais y venir maintenant, l'élargissement représente également un réel défi, pour les pays candidats comme pour l'Union actuelle. Pour les pays candidats, l'effort demandé pour reprendre, selon le jargon européen, "l'acquis communautaire", c'est-à-dire l'ensemble des règles et disciplines qui conditionnent le fonctionnement de l'Union, est tout à fait considérable : nous en avons conscience. Les pays candidats ont un niveau de développement économique encore bien inférieur à la moyenne communautaire, ils possèdent des structures économiques et sociales différentes. Or il est bien clair que leur immersion précipitée dans un environnement totalement concurrentiel, en même temps que leur participation à un marché régi par des disciplines contraignantes et des contrôles rigoureux, pourrait représenter une menace pour leur équilibre économique, social, voire politique.
Les pays candidats doivent réformer des pans entiers de leur économie, de leur structures sociales pour les adapter à ce nouveau contexte. Beaucoup de ces réformes ont été engagées. Nombre d'entre elles auraient été, de toute façon, nécessaires.
Je veux insister également, au-delà des aspects sociaux, économiques, commerciaux, sur le fait qu'il est essentiel que les pays candidats adhèrent totalement et sans ambiguïté à ce qui constitue l'essence de la construction européenne, c'est-à-dire aux valeurs de démocratie et de liberté qui fondent nos sociétés.
C'est pour cette raison, par exemple, que la Slovaquie n'avait pas été incluse dans le premier groupe de candidats, avec lesquels les négociations ont été engagées en 1998.
C'est la raison pour laquelle, également, les négociations ne pourront s'engager avant longtemps avec la Turquie, même si son statut de candidat est confirmé par le Conseil européen. Il est clair que les autorités turques - avec lesquelles je me suis entretenu, à Istanbul, au début de cette semaine - devront faire des progrès décisifs en ce qui concerne la question des Droits de l'Homme et qu'elles devront avancer, avec la Grèce, vers un règlement satisfaisant de la question chypriote.
Enfin, il est certain que l'adhésion des pays de L'ex-Yougoslavie ne deviendra envisageable que lorsqu'ils auront établi des relations pacifiques et de bon voisinage entre eux et, au sein de chaque pays, entre les communautés ethniques ou religieuses différentes et, ce qui est lié, lorsqu'ils se seront dotés d'institutions démocratiques stables.
L'effort de préparation à l'élargissement est d'une nature différente, mais tout aussi considérable, pour les pays actuels de l'Union. Il est vital, en effet, pour nous, que l'élargissement ne se traduise pas par une perte de substance pour l'Union européenne, pour la force intégratrice de ses politiques communes et pour ses ambitions politiques. L'élargissement ne doit pas entraîner la dilution de l'idée européenne dans une zone de libre-échange.
Le premier défi, pour l'instant relevé avec succès, est celui de la réforme du cadre financier et des politiques communes de l'Union afin de les adapter à la perspective de l'entrée de pays qui auront, au départ, et en dépit de leurs efforts, des capacités contributives modestes au budget européen et, en revanche, des besoins considérables en matière de solidarité, qu'il s'agisse de la politique agricole ou des politiques structurelles.
L'accord sur "l'Agenda 2000", c'est-à-dire le cadre financier de l'Union pour les années 2000-2006, obtenu au printemps dernier à Berlin, a constitué une étape importante. Il va permettre de réformer les politiques communes dans le sens de la rigueur budgétaire, d'une meilleure efficacité et d'un meilleur ciblage vers les régions ou les activités qui ont réellement besoin d'un effort de solidarité.
Le deuxième impératif, qui va dominer toute l'année prochaine, notamment pendant la Présidence française, au second semestre, est celui de la réforme institutionnelle.
Il est clair que l'Union européenne ne pourrait pas fonctionner avec 25 Etats membres, ou plus, si rien n'était modifié dans l'agencement actuel. Depuis plusieurs années, la France indique donc de la manière la plus claire qu'il est impératif qu'une réforme des institutions ait lieu avant tout nouvel élargissement. Cette réforme est nécessaire: il n'y aura pas d'Europe forte avec des institutions faibles.
Nous souhaitons aboutir, d'ici la fin 2000, aux réformes indispensables pour préparer l'Union aux prochaines adhésions de nos voisins d'Europe centrale et orientale. Il s'agit principalement de résoudre les trois grandes questions institutionnelles sur lesquelles la négociation avait échoué lors du Traité d'Amsterdam en 1997.
Premièrement, nous devons maîtriser la taille de la Commission européenne. J'estime, pour ma part, que le chiffre actuel de 20 Commissaires ne devrait pas être dépassé, quel que soit le nombre d'Etats membres dans le futur. Ensuite, il est essentiel d'étendre, et même de généraliser le recours au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Dès à présent, le nombre de secteurs où l'unanimité est encore requise rend impossible des avancées dans de nombreux domaines. Je pense en particulier aux questions fiscales, mais aussi à l'action dans le domaine culturel, par exemple. Avec un nombre croissant de membres, nous irions à la paralysie.
Parallèlement, il conviendra de revoir la pondération des voix entre Etats, de telle sorte que le poids des Etats les plus peuplés soit mieux reflété qu'il ne l'est aujourd'hui et que l'on évite le risque de mise en minorité de ces Etats par des coalitions hétéroclites de "petits" pays.
Tel sera l'objet de la prochaine Conférence intergouvernementale. Je sais que certaines voix, notamment à la Commission et au Parlement européen, s'élèvent pour souhaiter que l'on entame dès à présent une réforme plus large, allant même, éventuellement, jusqu'au projet d'une Constitution européenne.
Je comprends cette ambition et la respecte. Je pense simplement qu'à trop vouloir "charger la barque", on s'interdira simplement d'aboutir rapidement, sous notre Présidence de l'Union au second semestre 2000, et que le résultat sera de retarder les premières adhésions, ce que nous ne souhaitons pas.
En revanche, il est certain qu'au delà de ces premières réformes, d'autres seront nécessaires pour dessiner le fonctionnement d'une Europe à trente.
L'ensemble des institutions européennes, des modes de fonctionnement de l'Europe, devront certainement être revus, dans le sens d'une plus grande efficacité, d'une plus grande souplesse, sans doute d'une plus grande "modularité" des projets européens. Une Europe à Trente ne pourra avoir les mêmes ambitions collectives que l'Europe à Quinze. Tous ne pourront pas suivre les mêmes politiques, en tout cas pas au même rythme. Mais il est justement essentiel que ces évolutions soient anticipées, programmées, organisées, faute de quoi l'ambition européenne se diluera.
Je souhaiterais maintenant dire un mot des négociations d'adhésion elles-mêmes et de la fameuse - trop fameuse, sans doute - question de la date des adhésions. Nous ne sommes pas démagogues. Nous voulons être réalistes et sérieux dans la conduite des négociations. Nous souhaitons aider les pays candidats à satisfaire, le plus rapidement et dans les meilleures conditions possibles, aux exigences requises par l'adhésion.
Je voudrais justement souligner que, ce qui importe le plus, à mes yeux, c'est la conduite sérieuse de ces négociations, sans qu'il soit utile d'être obsédé par la date de leur conclusion. Il est important et positif que les pays candidats se fixent des objectifs et un calendrier de nature à mobiliser leurs administrations et leurs opinions publiques: la Hongrie, la Pologne et la République tchèque espèrent entrer en 2002.
En revanche, il serait hasardeux que l'Union se livre au même exercice. Une telle date pourrait nous devenir opposable, alors même que l'évolution des négociations et des travaux internes à l'Union comporte des inconnues. Elle serait, par ailleurs, très ambiguë : à quels pays l'appliquer ? Comment concilier la différenciation souhaitable des candidats - chacun devant être jugé sur ses "mérites propres" - et la définition d'un seul et même objectif dans le temps ?
Je pense, en revanche, que l'Union pourrait indiquer la date à laquelle elle sera prête à accueillir les premiers nouveaux membres, sans que cela ne constitue une date-cible, rigidement fixée et donc contre-productive.
3 - J'en viens maintenant à la question de la finalité de la réunification de l'Europe, c'est à dire du projet politique que nous devons avoir pour notre continent, au siècle prochain.
Cette question est cruciale. Le dessein européen ne peut pas s'inscrire indéfiniment dans un avenir sans horizon, ou sans cesse repoussé. Il se réduirait alors, littéralement, à une utopie incertaine. Depuis 1957, l'objectif est une union sans cesse plus étroite. A Six, à Dix, à Quinze encore, nous pouvions progresser sans avoir, en permanence, l'oeil rivé sur l'objectif et sur les moyens d'y parvenir. A 25 ou 30, la question de la finalité de la construction européenne est en revanche posée.
Elle l'est d'autant plus que nous faisons face à deux défis: sur le plan interne, nos opinions publiques nous mettent au défi de démontrer que l'Europe peut être plus qu'une brillante et complexe construction technocratique et qu'elle peut répondre à leurs préoccupations quotidiennes. Sur le plan externe, la mondialisation des échanges et des modèles politiques, économiques, sociaux et même culturels met l'Europe au défi de défendre son modèle et ses valeurs.
Face à cela, j'estime que l'ambition de l'Europe réunifiée de demain doit être triple: l'ambition de la croissance économique et du bien être social, l'ambition de l'Europe-puissance politique et, enfin, l'ambition de l'Europe citoyenne fondée sur nos valeurs communes.
Tout d'abord, l'Europe, après l'entrée en vigueur réussi de l'euro, doit avoir l'ambition d'une politique économique au service de la croissance et de l'emploi. Nous ne devons pas considérer que le chapitre économique et social de la construction européenne s'est clos avec l'euro. Au contraire, cette étape doit ouvrir la voie à une nouvelle ambition économique pour l'Europe, à une plus grande affirmation de l'Europe dans le monde.
Un pôle économique et politique doit apparaître, aux côtés de la Banque centrale européenne, afin que l'euro devienne un véritable instrument au service de la croissance. L'Euro-11 commence à jouer ce rôle. Ses orientations contribuent au climat de confiance actuel et au retour à une croissance soutenue dans toute l'Europe, après le "trou d'air" de la fin de l'année dernière et du début de cette année.
Nous devons également avancer dans le domaine fiscal, afin d'écarter les risques de concurrence déloyale, qu'il s'agisse de la fiscalité des sociétés ou de celle de l'épargne. Je sais que certains de nos partenaires, luxembourgeois et britanniques au premier chef, demeurent réticents face à cette perspective, mais je continue de penser que cette évolution est un aspect essentiel de l'achèvement du marché unique.
La croissance doit être à son tour mise au service de l'emploi. Je me réjouis que la politique européenne ait été réorientée en ce sens depuis deux ans. Certes, le "Pacte européen pour l'emploi", adopté au Conseil européen de Cologne en juin dernier, n'a pas été à la hauteur de nos ambitions et de nos espérances. Mais la dynamique doit se poursuivre et la Présidence française, au second semestre de l'an 2000, sera, après les réalisations attendues sous la présidence portugaise, une occasion, je l'espère, de lui donner plus de chair.
Je souhaite maintenant insister sur le fait que notre ambition économique pour l'Europe doit être également de défendre notre modèle de développement économique et social -qui est unique et qui participe de notre identité européenne. Il est essentiel, selon moi, que l'Europe puisse affirmer ses intérêts fondamentaux dans les négociations commerciales internationales.
Les discussions qui s'ouvrent dans le cadre de l'OMC, à Seattle la semaine prochaine, seront difficiles. Que les choses soient claires : je défends le principe même de ces négociations, qui sont la meilleure garantie d'une mondialisation maîtrisée, le meilleur rempart contre la tentation de l'unilatéralisme, c'est-à-dire le règne de la loi du plus fort, à laquelle certains de nos partenaires mondiaux ne résistent pas toujours. Mais l'Europe devra faire preuve à Seattle d'une grande fermeté et d'une grande solidarité.
En particulier - et votre réunion me semble un endroit particulièrement approprié pour le réaffirmer - nous estimons indispensable de préserver l'exception culturelle - ou la diversité culturelle, peu importe le terme. Nous sommes pleinement satisfaits, cette fois-ci, que cette préoccupation ait été partagée par l'ensemble de nos partenaires, comme en témoigne le mandat de négociation donné à la Commission. L'Union aborde ces négociations de façon nettement plus unie et combative que la dernière fois.
La deuxième ambition est que l'Europe puisse disposer d'un poids politique sur la scène internationale qui soit en mesure avec sa puissance économique. Le conflit du Kosovo, au printemps dernier, n'a fait que renforcer ma conviction qu'il est nécessaire de repenser l'action de l'Europe pour la paix. Il a montré aussi bien l'étendue du "besoin d'Europe", qui existait aux marches mêmes de l'Union, que l'insuffisante autonomie militaire des Européens.
Un premier pas vient d'être franchi avec l'entrée en fonctions, il y a quelques jours, de M. Javier Solana, comme Haut représentant de l'Union pour la Politique étrangère et de sécurité commune, autrement dit "M. PESC". Désormais, la politique étrangère européenne aura un visage et une voix.
S'agissant de la défense, des pas essentiels ont été accomplis depuis deux ans. La France et - je tiens à le souligner - la Grande Bretagne de Tony Blair ont joué un rôle moteur dans cette évolution, par la déclaration de Saint-Malo, en 1998, appelant à une capacité autonome européenne de défense. L'Allemagne s'est ensuite joint à ce mouvement de manière décisive, en partageant cette ambition, avant qu'elle ne soit reprise par l'ensemble des Quinze lors du Conseil européen de Cologne en juin dernier. Hier même, au Sommet franco-britannique de Londres, nous avons continué à avancer.
Ce qui doit être notre ambition première, c'est de rapprocher nos politiques nationales, puis de mettre en place les structures politico-militaires nécessaires, afin que l'Europe soit en mesure d'intervenir rapidement dans la résolution des crises régionales.
Enfin, l'Europe doit ensuite continuer à se forger une identité commune, face aux incertitudes d'un monde global : c'est ce que j'appelle l'exigence d'une Europe citoyenne.
L'abstention considérable qui a caractérisé les élections européennes de juin dernier a montré, en dépit des facteurs politiques propres à chaque pays, quels étaient les doutes de nos concitoyens européens à l'égard de la construction européenne. Ils la jugent trop obscure, trop éloignée de leurs véritables préoccupations, à la fois incapable de répondre aux grands défis de nos sociétés - le chômage, l'insécurité, les problèmes urbains... - et toujours prête, en revanche, à interférer inutilement avec ce qui fait l'identité de chaque peuple.
Ces critiques sont souvent sévères, elles sont parfois justifiées. Je n'y trouve pas, pour ma part, un motif de découragement mais, au contraire, une incitation à oeuvrer en faveur d'une Europe plus transparente, plus efficace, plus proche des préoccupations de chacun. La France entend donc insister tout particulièrement sur ces aspects dans la perspective de sa présidence, d'autant plus qu'il s'agit, là aussi, de mettre en avant un modèle européen - un certain humanisme - qui nous est propre et qui fonde notre identité commune.
Je citerai deux exemples. Tout d'abord, le domaine de la sécurité et de la justice. Nous devons montrer à nos concitoyens que l'Europe peut signifier pour ses citoyens plus de sécurité et plus de justice, grâce à une meilleure coopération entre justices et polices nationales, grâce à une harmonisation du droit, loin des fantasmes de certains sur "l'Europe passoire".
Chacun est bien conscient que les phénomènes tels que la criminalité organisée, les trafics de stupéfiants, ne peuvent plus être combattus efficacement au seul plan national. Le récent Conseil européen extraordinaire de Tampere, consacré exclusivement à ces questions, le mois dernier, a commencé à donner une réalité concrète à ces orientations, d'une façon tout à fait conforme aux orientations de la France. Je m'en réjouis.
Ensuite, et tout particulièrement devant vous, je voudrais citer le domaine de l'éducation. Il est essentiel que, face à la mondialisation de l'économie, pour préserver son modèle social et profiter pleinement de l'ensemble de ses richesses intellectuelles, l'Europe existe plus dans ce domaine. J'ai lancé l'idée d'un Espace européen de la connaissance dont l'objet serait de réaliser, par exemple à l'horizon 2005, la liberté complète de circulation et d'établissement des élèves, des étudiants, des diplômés, professeurs et chercheurs, ainsi que le droit à la formation permanente, tout au long de la vie, dans toute l'Europe.
Vous le voyez - et je conclurai ainsi - la tâche qui nous attend, au seuil du prochain siècle est considérable tout autant qu'exaltante. Si notre énergie ne fait pas défaut, je suis persuadé que nous saurons nous montrer digne, cinquante ans après, des bâtisseurs de l'Europe de l'après-guerre, qui souhaitaient allier l'ambition du rêve à la force du réalisme. Nous pourrons faire face aux défis du monde global en préservant cette combinaison unique entre performance économique et exigence sociale et citoyenne qui fait la particularité et la richesse du modèle européen.
Auprès des citoyens européens de demain, vous avez, vous-mêmes, un rôle déterminant à jouer pour dire comment nos ambitions trouvent leurs racines dans l'histoire et la géographie de notre continent et pour témoigner que notre espoir est bien désormais de réconcilier, enfin, l'histoire et la géographie de l'Europe. Je vous encourage donc à continuer à remplir cette mission avec détermination et enthousiasme.
Je vous remercie./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 1999)
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de me trouver ce matin parmi vous, à l'occasion du stage organisé par votre Association des Professeurs d'histoire et de géographie et consacré à l'Europe. Je tiens à vous féliciter de cette initiative et à vous remercier de me donner ainsi l'occasion d'évoquer la vision française de l'Europe de demain.
Je souhaite également, avant toute chose, vous exprimer toute ma reconnaissance pour votre inestimable contribution à la formation des citoyens de l'Europe de demain et à la clarification des termes du débat européen. Vous êtes, au vrai sens du terme, les médiateurs indispensables de l'idée européenne.
La question de la réunification de l'Europe - expression que je préfère, pour de multiples raisons, à celle d'élargissement - et des défis qu'elle nous pose est aujourd'hui centrale. Cinquante ans après la déclaration faite par Robert Schuman au Quai d'Orsay, jetant les bases de la CECA et, au-delà, de l'Europe actuelle, l'Union européenne est à un tournant de son histoire. Elle est sur le point de conclure, avec l'entrée en vigueur de l'euro, une phase décisive de sa construction en tant qu'ensemble commercial et financier d'une ampleur unique dans le monde.
De ce fait même, elle est désormais directement confrontée à la question de son avenir, des nouvelles étapes d'un processus dont nous avons toujours souhaité, au contraire d'autres familles de pensée, qu'il aboutisse à une véritable union politique et citoyenne étendue à l'ensemble de l'Europe.
En effet, et je commencerai par ce rappel sans équivoque, la France a toujours considéré que la vocation de la Communauté, puis de l'Union européenne était de rassembler l'ensemble des pays et des peuples du continent. L'Union actuelle, pour quelques années encore, n'est que la résultante de la division de l'Europe due à la guerre froide. Elle n'a jamais été le produit de je ne sais quelle conception élitiste de la construction européenne, réservée à sa moitié occidentale.
Nous sommes donc aujourd'hui engagés avec résolution dans un processus qui nous conduira, d'ici quelques années ou dizaines d'années, à une nouvelle Union européenne, qui pourrait compter une trentaine d'Etats membres, voire plus. Il s'agit d'une perspective historique enthousiasmante, car, pour la première fois, le Continent européen sera unifié et en paix. Il s'agit , dans le même temps, d'un défi considérable, pour l'Union actuelle comme pour les futurs membres.
Qui pourrait en effet soutenir que la perspective d'une extension de l'Union, doit être traitée de la même manière que les élargissements précédents, c'est-à-dire par simple translation du cadre existant, conçu à l'origine par et pour les 6 membres fondateurs ?
Sans retarder en rien l'élargissement, mais, au contraire, en cherchant à en relever le défi, nous devons donc commencer à poser clairement les grandes questions qu'il soulève, à nous interroger sur les finalités de l'entreprise. Ces défis, qui s'adressent à l'Europe, j'essaierai de les ramener à trois questions dont l'énoncé, au moins, est très simple :
- L'Europe réunifiée, jusqu'où ?
- L'Europe réunifiée, comment ?
- L'Europe réunifiée, pour quoi faire ?
1- Première question, donc : l'Europe réunifiée, jusqu'où?
Evoquer la réunification de l'Europe, c'est se confronter, de façon préliminaire, à la question des frontières de l'Europe, tant je suis convaincu que les citoyens européens ne pourront se sentir à l'aise dans un espace en perpétuelle progression.
J'évoquerai, tout d'abord - et brièvement, car, pour eux, le processus est en marche - les pays d'Europe centrale et orientale.
Vous le savez, les négociations sont en cours depuis 1998 avec six pays, l'Estonie, la Hongrie, la Pologne, la Slovénie, la République tchèque, ainsi que Chypre. Lors du prochain Conseil européen d'Helsinki, dans quelques jours, sept autres pays devraient être reconnus officiellement comme candidats: les deux autres pays baltes, la Lituanie et la Lettonie, la Slovaquie, qui a réglé les problèmes politiques qui l'avaient handicapée lors de la définition du "premier train", la Roumanie et la Bulgarie, qui ont toute leur place dans le processus, en dépit de leurs difficultés économiques, Malte et, enfin, dans une situation un peu différente, la Turquie.
Au delà de ces pays, qui nous feront passer, dans quelques années, à une Europe d'environ 25 membres, nous entrons dans la zone plus incertaine, celle des frontières ultimes de l'Europe.
Je mentionne, tout d'abord, pour mémoire, les quelques pays de la moitié occidentale de l'Europe qui n'ont pas fait, en tout cas pour le moment, le choix de l'Europe. Il est bien clair que la place de la Norvège, de l'Islande ou encore de la Suisse en Europe, est évidente, le jour où les gouvernements et les peuples opteront en faveur de l'adhésion.
Les deux questions beaucoup plus délicates et complexes sont, bien sûr, celles des Balkans occidentaux et celle de la frontière orientale de l'Europe. Comment, parmi les pays qui forment ces zones grises, décider de leur vocation à adhérer à l'Union européenne ?
Mon propos n'est pas, devant les historiens et les géographes qui sont ici, d'énumérer les critères qui, séparément ou conjointement, dessineraient l'Europe de demain. Nous le savons tous: aucun critère n'est réellement satisfaisant. Aucun n'est, en soi, d'un réel secours. Je crois qu'il faut admettre que, ni la géographie ni l'histoire ne nous mettent en mesure d'apporter des réponses définitives à la question des frontières de l'Union européenne.
Nous savons l'imprécision du Traité de Rome, selon lequel "tout Etat européen peut demander à devenir membre de l'Union" ; c'est sur ce seul ce critère que la candidature du Maroc a été écartée. Mais dans d'autres cas, je pense à la Turquie et à Chypre, une réponse étroitement géographique n'est pas aisée et a politiquement peu de sens.
Nous savons également les arrière-pensées politiques des cartographes de Pierre Le Grand, inventeurs de la formule de "l'Europe de l'Atlantique à l'Oural" rendue populaire par le général de Gaulle, mais qui n'est in fine d'aucun secours pour penser les frontières de l'Union à l'Est.
Cela étant dit, et malgré les difficultés de l'exercice, je souhaiterais néanmoins faire part de mes sentiments sur les deux régions que j'ai évoquées :
- S'agissant de la partie occidentale des Balkans, c'est-à-dire des Etats issus de l'ex-Yougoslavie et de l'Albanie, il me parait important de dire aujourd'hui, après dix ans de conflit et quelques mois après la crise du Kosovo, que nous devons offrir clairement à ces pays la perspective de l'intégration européenne.
Il s'agit là d'une question de logique et de cohérence, car les Balkans ont toujours joué un rôle crucial dans l'histoire et la culture européennes, car ils sont une pièce indispensable du puzzle européen. Mais il s'agit aussi d'une question de solidarité politique. Nous devons offrir à ces pays une perspective de paix et de démocratie. Nous devons leur dire clairement, dans notre intérêt comme dans le leur, que la place de l'ensemble des pays de L'ex-Yougoslavie, y compris la Serbie, une fois en paix, une fois démocratisés, est au sein de l'Union européenne élargie de demain, ou disons plutôt d'après-demain. Il en va de la stabilité et de la paix de l'ensemble du Continent.
J'ai d'ailleurs toujours quelques interrogations, à ce sujet, à l'égard de l'expression selon laquelle il conviendrait aujourd'hui d'européaniser les Balkans. Je la comprend, bien sûr. Pour autant, je pense qu'il n'y a pas à européaniser les Balkans car les Balkans sont partie intégrante de l'Europe. Ils l'ont toujours été. Mais enfin, ceci n'est peut-être qu'un problème de vocabulaire.
Ceci m'amène à une remarque importante, qui vaut pour l'Albanie, pour la Bosnie-Herzégovine, comme pour la Turquie : je souhaite dire avec force que les questions religieuses ne doivent être en aucun cas un obstacle sur la voie de l'intégration des Balkans en Europe. L'Union européenne n'a jamais eu vocation à n'être qu'un club de nations majoritairement chrétiennes. L'Europe possède une dimension multiconfessionnelle depuis des siècles. Quel serait le sens de notre ambition politique, si elle revenait à nier l'histoire ou à la réécrire ?
J'en viens maintenant à la question de la frontière orientale de l'Europe. Je vous le précise tout de suite, quitte à vous décevoir, je ne vous indiquerai pas aujourd'hui, par un tracé sur une carte, où doit selon moi s'arrêter l'Europe.
- S'agissant des marches occidentales de l'ancienne Union soviétique, la Biélorussie, l'Ukraine et la Moldavie, nous devons bien être conscients que, au fur et à mesure de l'adhésion de leurs voisins baltes, polonais, slovaques, hongrois ou roumains, leur volonté de rejoindre l'Union sera plus forte et qu'elle n'est pas totalement sans logique.
Reste ensuite l'immense question de la Russie et de sa vocation - ou non - à rejoindre, un jour, l'Union européenne. Je n'aurai pas l'outrecuidance de vous rappeler que le débat existe depuis longtemps en Russie même. Il existe également dans nos pays. Certains, comme Jacques Attali, dans un rapport récent, estiment qu'il convient dès à présent d'indiquer à la Russie qu'elle a vocation, le moment venu, à nous rejoindre. D'autres estiment que la Russie est à elle seule un continent, s'étendant jusqu'au Pacifique, et que son adhésion déséquilibrerait l'ensemble européen.
Je ne trancherai pas la question aujourd'hui et je ne suis pas sûr, d'ailleurs, qu'il convienne aux responsables politiques européens de s'enfermer dans cette contrainte. Ce qui est certain, c'est que la stabilité de la Russie est essentielle à celle du continent tout entier et que l'Union se doit, en dépit des difficultés, en dépit des tentations de désengagement, de bâtir une relation spéciale et forte avec Moscou. C'est ce à quoi s'emploie le gouvernement français.
On le voit, la question des frontières de l'Europe ne pourra trouver une solution précise et rapide. Elle progressera dans le temps, notamment en fonction des effets qu'auront les adhésions des actuels candidats sur les voisins extérieurs à l'Union.
Il est donc d'autant plus important que cette question - certes incontournable - ne nous éloigne pas d'une autre question centrale: comment mener la réunification de l'Europe ?
2 - J'en viens donc aux conditions d'une réunification réussie de l'Europe.
Je l'ai dit en introduction, l'unification de l'Europe est une chance pour les pays d'Europe centrale et orientale comme pour l'Union actuelle.
Aux premiers, elle permettra de tourner définitivement la page de la guerre froide. Elle sera aussi une formidable chance de développement économique et social, l'opportunité de rattraper plus rapidement les retards dus aux impasses des politiques menées par les régimes de ces pays dans l'après-guerre.
Mais l'élargissement est également une chance pour les membres actuels de l'Union. Une Union plus large, se rapprochant des frontières naturelles de l'Europe, accueillant des peuples avec leurs atouts, leur génie propre, c'est une Europe plus forte.
Pour autant, et je voudrais y venir maintenant, l'élargissement représente également un réel défi, pour les pays candidats comme pour l'Union actuelle. Pour les pays candidats, l'effort demandé pour reprendre, selon le jargon européen, "l'acquis communautaire", c'est-à-dire l'ensemble des règles et disciplines qui conditionnent le fonctionnement de l'Union, est tout à fait considérable : nous en avons conscience. Les pays candidats ont un niveau de développement économique encore bien inférieur à la moyenne communautaire, ils possèdent des structures économiques et sociales différentes. Or il est bien clair que leur immersion précipitée dans un environnement totalement concurrentiel, en même temps que leur participation à un marché régi par des disciplines contraignantes et des contrôles rigoureux, pourrait représenter une menace pour leur équilibre économique, social, voire politique.
Les pays candidats doivent réformer des pans entiers de leur économie, de leur structures sociales pour les adapter à ce nouveau contexte. Beaucoup de ces réformes ont été engagées. Nombre d'entre elles auraient été, de toute façon, nécessaires.
Je veux insister également, au-delà des aspects sociaux, économiques, commerciaux, sur le fait qu'il est essentiel que les pays candidats adhèrent totalement et sans ambiguïté à ce qui constitue l'essence de la construction européenne, c'est-à-dire aux valeurs de démocratie et de liberté qui fondent nos sociétés.
C'est pour cette raison, par exemple, que la Slovaquie n'avait pas été incluse dans le premier groupe de candidats, avec lesquels les négociations ont été engagées en 1998.
C'est la raison pour laquelle, également, les négociations ne pourront s'engager avant longtemps avec la Turquie, même si son statut de candidat est confirmé par le Conseil européen. Il est clair que les autorités turques - avec lesquelles je me suis entretenu, à Istanbul, au début de cette semaine - devront faire des progrès décisifs en ce qui concerne la question des Droits de l'Homme et qu'elles devront avancer, avec la Grèce, vers un règlement satisfaisant de la question chypriote.
Enfin, il est certain que l'adhésion des pays de L'ex-Yougoslavie ne deviendra envisageable que lorsqu'ils auront établi des relations pacifiques et de bon voisinage entre eux et, au sein de chaque pays, entre les communautés ethniques ou religieuses différentes et, ce qui est lié, lorsqu'ils se seront dotés d'institutions démocratiques stables.
L'effort de préparation à l'élargissement est d'une nature différente, mais tout aussi considérable, pour les pays actuels de l'Union. Il est vital, en effet, pour nous, que l'élargissement ne se traduise pas par une perte de substance pour l'Union européenne, pour la force intégratrice de ses politiques communes et pour ses ambitions politiques. L'élargissement ne doit pas entraîner la dilution de l'idée européenne dans une zone de libre-échange.
Le premier défi, pour l'instant relevé avec succès, est celui de la réforme du cadre financier et des politiques communes de l'Union afin de les adapter à la perspective de l'entrée de pays qui auront, au départ, et en dépit de leurs efforts, des capacités contributives modestes au budget européen et, en revanche, des besoins considérables en matière de solidarité, qu'il s'agisse de la politique agricole ou des politiques structurelles.
L'accord sur "l'Agenda 2000", c'est-à-dire le cadre financier de l'Union pour les années 2000-2006, obtenu au printemps dernier à Berlin, a constitué une étape importante. Il va permettre de réformer les politiques communes dans le sens de la rigueur budgétaire, d'une meilleure efficacité et d'un meilleur ciblage vers les régions ou les activités qui ont réellement besoin d'un effort de solidarité.
Le deuxième impératif, qui va dominer toute l'année prochaine, notamment pendant la Présidence française, au second semestre, est celui de la réforme institutionnelle.
Il est clair que l'Union européenne ne pourrait pas fonctionner avec 25 Etats membres, ou plus, si rien n'était modifié dans l'agencement actuel. Depuis plusieurs années, la France indique donc de la manière la plus claire qu'il est impératif qu'une réforme des institutions ait lieu avant tout nouvel élargissement. Cette réforme est nécessaire: il n'y aura pas d'Europe forte avec des institutions faibles.
Nous souhaitons aboutir, d'ici la fin 2000, aux réformes indispensables pour préparer l'Union aux prochaines adhésions de nos voisins d'Europe centrale et orientale. Il s'agit principalement de résoudre les trois grandes questions institutionnelles sur lesquelles la négociation avait échoué lors du Traité d'Amsterdam en 1997.
Premièrement, nous devons maîtriser la taille de la Commission européenne. J'estime, pour ma part, que le chiffre actuel de 20 Commissaires ne devrait pas être dépassé, quel que soit le nombre d'Etats membres dans le futur. Ensuite, il est essentiel d'étendre, et même de généraliser le recours au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Dès à présent, le nombre de secteurs où l'unanimité est encore requise rend impossible des avancées dans de nombreux domaines. Je pense en particulier aux questions fiscales, mais aussi à l'action dans le domaine culturel, par exemple. Avec un nombre croissant de membres, nous irions à la paralysie.
Parallèlement, il conviendra de revoir la pondération des voix entre Etats, de telle sorte que le poids des Etats les plus peuplés soit mieux reflété qu'il ne l'est aujourd'hui et que l'on évite le risque de mise en minorité de ces Etats par des coalitions hétéroclites de "petits" pays.
Tel sera l'objet de la prochaine Conférence intergouvernementale. Je sais que certaines voix, notamment à la Commission et au Parlement européen, s'élèvent pour souhaiter que l'on entame dès à présent une réforme plus large, allant même, éventuellement, jusqu'au projet d'une Constitution européenne.
Je comprends cette ambition et la respecte. Je pense simplement qu'à trop vouloir "charger la barque", on s'interdira simplement d'aboutir rapidement, sous notre Présidence de l'Union au second semestre 2000, et que le résultat sera de retarder les premières adhésions, ce que nous ne souhaitons pas.
En revanche, il est certain qu'au delà de ces premières réformes, d'autres seront nécessaires pour dessiner le fonctionnement d'une Europe à trente.
L'ensemble des institutions européennes, des modes de fonctionnement de l'Europe, devront certainement être revus, dans le sens d'une plus grande efficacité, d'une plus grande souplesse, sans doute d'une plus grande "modularité" des projets européens. Une Europe à Trente ne pourra avoir les mêmes ambitions collectives que l'Europe à Quinze. Tous ne pourront pas suivre les mêmes politiques, en tout cas pas au même rythme. Mais il est justement essentiel que ces évolutions soient anticipées, programmées, organisées, faute de quoi l'ambition européenne se diluera.
Je souhaiterais maintenant dire un mot des négociations d'adhésion elles-mêmes et de la fameuse - trop fameuse, sans doute - question de la date des adhésions. Nous ne sommes pas démagogues. Nous voulons être réalistes et sérieux dans la conduite des négociations. Nous souhaitons aider les pays candidats à satisfaire, le plus rapidement et dans les meilleures conditions possibles, aux exigences requises par l'adhésion.
Je voudrais justement souligner que, ce qui importe le plus, à mes yeux, c'est la conduite sérieuse de ces négociations, sans qu'il soit utile d'être obsédé par la date de leur conclusion. Il est important et positif que les pays candidats se fixent des objectifs et un calendrier de nature à mobiliser leurs administrations et leurs opinions publiques: la Hongrie, la Pologne et la République tchèque espèrent entrer en 2002.
En revanche, il serait hasardeux que l'Union se livre au même exercice. Une telle date pourrait nous devenir opposable, alors même que l'évolution des négociations et des travaux internes à l'Union comporte des inconnues. Elle serait, par ailleurs, très ambiguë : à quels pays l'appliquer ? Comment concilier la différenciation souhaitable des candidats - chacun devant être jugé sur ses "mérites propres" - et la définition d'un seul et même objectif dans le temps ?
Je pense, en revanche, que l'Union pourrait indiquer la date à laquelle elle sera prête à accueillir les premiers nouveaux membres, sans que cela ne constitue une date-cible, rigidement fixée et donc contre-productive.
3 - J'en viens maintenant à la question de la finalité de la réunification de l'Europe, c'est à dire du projet politique que nous devons avoir pour notre continent, au siècle prochain.
Cette question est cruciale. Le dessein européen ne peut pas s'inscrire indéfiniment dans un avenir sans horizon, ou sans cesse repoussé. Il se réduirait alors, littéralement, à une utopie incertaine. Depuis 1957, l'objectif est une union sans cesse plus étroite. A Six, à Dix, à Quinze encore, nous pouvions progresser sans avoir, en permanence, l'oeil rivé sur l'objectif et sur les moyens d'y parvenir. A 25 ou 30, la question de la finalité de la construction européenne est en revanche posée.
Elle l'est d'autant plus que nous faisons face à deux défis: sur le plan interne, nos opinions publiques nous mettent au défi de démontrer que l'Europe peut être plus qu'une brillante et complexe construction technocratique et qu'elle peut répondre à leurs préoccupations quotidiennes. Sur le plan externe, la mondialisation des échanges et des modèles politiques, économiques, sociaux et même culturels met l'Europe au défi de défendre son modèle et ses valeurs.
Face à cela, j'estime que l'ambition de l'Europe réunifiée de demain doit être triple: l'ambition de la croissance économique et du bien être social, l'ambition de l'Europe-puissance politique et, enfin, l'ambition de l'Europe citoyenne fondée sur nos valeurs communes.
Tout d'abord, l'Europe, après l'entrée en vigueur réussi de l'euro, doit avoir l'ambition d'une politique économique au service de la croissance et de l'emploi. Nous ne devons pas considérer que le chapitre économique et social de la construction européenne s'est clos avec l'euro. Au contraire, cette étape doit ouvrir la voie à une nouvelle ambition économique pour l'Europe, à une plus grande affirmation de l'Europe dans le monde.
Un pôle économique et politique doit apparaître, aux côtés de la Banque centrale européenne, afin que l'euro devienne un véritable instrument au service de la croissance. L'Euro-11 commence à jouer ce rôle. Ses orientations contribuent au climat de confiance actuel et au retour à une croissance soutenue dans toute l'Europe, après le "trou d'air" de la fin de l'année dernière et du début de cette année.
Nous devons également avancer dans le domaine fiscal, afin d'écarter les risques de concurrence déloyale, qu'il s'agisse de la fiscalité des sociétés ou de celle de l'épargne. Je sais que certains de nos partenaires, luxembourgeois et britanniques au premier chef, demeurent réticents face à cette perspective, mais je continue de penser que cette évolution est un aspect essentiel de l'achèvement du marché unique.
La croissance doit être à son tour mise au service de l'emploi. Je me réjouis que la politique européenne ait été réorientée en ce sens depuis deux ans. Certes, le "Pacte européen pour l'emploi", adopté au Conseil européen de Cologne en juin dernier, n'a pas été à la hauteur de nos ambitions et de nos espérances. Mais la dynamique doit se poursuivre et la Présidence française, au second semestre de l'an 2000, sera, après les réalisations attendues sous la présidence portugaise, une occasion, je l'espère, de lui donner plus de chair.
Je souhaite maintenant insister sur le fait que notre ambition économique pour l'Europe doit être également de défendre notre modèle de développement économique et social -qui est unique et qui participe de notre identité européenne. Il est essentiel, selon moi, que l'Europe puisse affirmer ses intérêts fondamentaux dans les négociations commerciales internationales.
Les discussions qui s'ouvrent dans le cadre de l'OMC, à Seattle la semaine prochaine, seront difficiles. Que les choses soient claires : je défends le principe même de ces négociations, qui sont la meilleure garantie d'une mondialisation maîtrisée, le meilleur rempart contre la tentation de l'unilatéralisme, c'est-à-dire le règne de la loi du plus fort, à laquelle certains de nos partenaires mondiaux ne résistent pas toujours. Mais l'Europe devra faire preuve à Seattle d'une grande fermeté et d'une grande solidarité.
En particulier - et votre réunion me semble un endroit particulièrement approprié pour le réaffirmer - nous estimons indispensable de préserver l'exception culturelle - ou la diversité culturelle, peu importe le terme. Nous sommes pleinement satisfaits, cette fois-ci, que cette préoccupation ait été partagée par l'ensemble de nos partenaires, comme en témoigne le mandat de négociation donné à la Commission. L'Union aborde ces négociations de façon nettement plus unie et combative que la dernière fois.
La deuxième ambition est que l'Europe puisse disposer d'un poids politique sur la scène internationale qui soit en mesure avec sa puissance économique. Le conflit du Kosovo, au printemps dernier, n'a fait que renforcer ma conviction qu'il est nécessaire de repenser l'action de l'Europe pour la paix. Il a montré aussi bien l'étendue du "besoin d'Europe", qui existait aux marches mêmes de l'Union, que l'insuffisante autonomie militaire des Européens.
Un premier pas vient d'être franchi avec l'entrée en fonctions, il y a quelques jours, de M. Javier Solana, comme Haut représentant de l'Union pour la Politique étrangère et de sécurité commune, autrement dit "M. PESC". Désormais, la politique étrangère européenne aura un visage et une voix.
S'agissant de la défense, des pas essentiels ont été accomplis depuis deux ans. La France et - je tiens à le souligner - la Grande Bretagne de Tony Blair ont joué un rôle moteur dans cette évolution, par la déclaration de Saint-Malo, en 1998, appelant à une capacité autonome européenne de défense. L'Allemagne s'est ensuite joint à ce mouvement de manière décisive, en partageant cette ambition, avant qu'elle ne soit reprise par l'ensemble des Quinze lors du Conseil européen de Cologne en juin dernier. Hier même, au Sommet franco-britannique de Londres, nous avons continué à avancer.
Ce qui doit être notre ambition première, c'est de rapprocher nos politiques nationales, puis de mettre en place les structures politico-militaires nécessaires, afin que l'Europe soit en mesure d'intervenir rapidement dans la résolution des crises régionales.
Enfin, l'Europe doit ensuite continuer à se forger une identité commune, face aux incertitudes d'un monde global : c'est ce que j'appelle l'exigence d'une Europe citoyenne.
L'abstention considérable qui a caractérisé les élections européennes de juin dernier a montré, en dépit des facteurs politiques propres à chaque pays, quels étaient les doutes de nos concitoyens européens à l'égard de la construction européenne. Ils la jugent trop obscure, trop éloignée de leurs véritables préoccupations, à la fois incapable de répondre aux grands défis de nos sociétés - le chômage, l'insécurité, les problèmes urbains... - et toujours prête, en revanche, à interférer inutilement avec ce qui fait l'identité de chaque peuple.
Ces critiques sont souvent sévères, elles sont parfois justifiées. Je n'y trouve pas, pour ma part, un motif de découragement mais, au contraire, une incitation à oeuvrer en faveur d'une Europe plus transparente, plus efficace, plus proche des préoccupations de chacun. La France entend donc insister tout particulièrement sur ces aspects dans la perspective de sa présidence, d'autant plus qu'il s'agit, là aussi, de mettre en avant un modèle européen - un certain humanisme - qui nous est propre et qui fonde notre identité commune.
Je citerai deux exemples. Tout d'abord, le domaine de la sécurité et de la justice. Nous devons montrer à nos concitoyens que l'Europe peut signifier pour ses citoyens plus de sécurité et plus de justice, grâce à une meilleure coopération entre justices et polices nationales, grâce à une harmonisation du droit, loin des fantasmes de certains sur "l'Europe passoire".
Chacun est bien conscient que les phénomènes tels que la criminalité organisée, les trafics de stupéfiants, ne peuvent plus être combattus efficacement au seul plan national. Le récent Conseil européen extraordinaire de Tampere, consacré exclusivement à ces questions, le mois dernier, a commencé à donner une réalité concrète à ces orientations, d'une façon tout à fait conforme aux orientations de la France. Je m'en réjouis.
Ensuite, et tout particulièrement devant vous, je voudrais citer le domaine de l'éducation. Il est essentiel que, face à la mondialisation de l'économie, pour préserver son modèle social et profiter pleinement de l'ensemble de ses richesses intellectuelles, l'Europe existe plus dans ce domaine. J'ai lancé l'idée d'un Espace européen de la connaissance dont l'objet serait de réaliser, par exemple à l'horizon 2005, la liberté complète de circulation et d'établissement des élèves, des étudiants, des diplômés, professeurs et chercheurs, ainsi que le droit à la formation permanente, tout au long de la vie, dans toute l'Europe.
Vous le voyez - et je conclurai ainsi - la tâche qui nous attend, au seuil du prochain siècle est considérable tout autant qu'exaltante. Si notre énergie ne fait pas défaut, je suis persuadé que nous saurons nous montrer digne, cinquante ans après, des bâtisseurs de l'Europe de l'après-guerre, qui souhaitaient allier l'ambition du rêve à la force du réalisme. Nous pourrons faire face aux défis du monde global en préservant cette combinaison unique entre performance économique et exigence sociale et citoyenne qui fait la particularité et la richesse du modèle européen.
Auprès des citoyens européens de demain, vous avez, vous-mêmes, un rôle déterminant à jouer pour dire comment nos ambitions trouvent leurs racines dans l'histoire et la géographie de notre continent et pour témoigner que notre espoir est bien désormais de réconcilier, enfin, l'histoire et la géographie de l'Europe. Je vous encourage donc à continuer à remplir cette mission avec détermination et enthousiasme.
Je vous remercie./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 1999)