Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à "La Liberté de l'Est" le 17 juillet 2003, sur le plan de soutien à l'économie vosgienne, la décentralisation, les mesures pour faire face aux effets de la sécheresse, l'annonce d'un projet de loi en faveur du monde rural et les perspectives de croissance pour l'année 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement de Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à Epinal (Vosges) le 17 juillet 2003

Média : La Liberté de l'Est

Texte intégral

Ce département vous est-il familier ? A quelle image l'associez vous naturellement ?
- Dans ma jeunesse j'ai eu l'occasion de travailler en proximité avec plusieurs élus vosgiens dont Albert Voilquin. Plusieurs rencontres nationales ont eu lieu dans les Vosges et j'y ai participé avec plaisir. Ministre je me suis rendu sur place pour travailler sur les filières bois et textile. Comme marcheur, j'aime aussi beaucoup les Vosges, un département qui sait accueillir.
Lors de la présentation du plan de revitalisation de l'économie vosgienne, Christian PONCELET avait laissé entendre que d'autres aides étaient à l'étude pour le tourisme hivernal et la filière bois notamment. Qu'en est-il aujourd'hui ?
- Le plan de soutien à l'économie vosgienne approuvé lors du CIADT du 26 mai prévoit un important volet consacré aux activités et équipements touristiques du département : plus de 18 millions d'euros y seront consacrés. Toutes les dimensions du tourisme sont traitées, y compris le tourisme vert, la formation aux métiers touristiques, la valorisation de certains sites comme celui du Grand ou du canal des Vosges. Les infrastructures hivernales sont très concernées par des actions de modernisation, notamment sur les 5 stations de Rouge-Gazon, des Hautes-Navières, Larcenaire, la Bouloie et Brabant. Pour la filière bois, si importante dans ce département qui est l'un des rares à disposer d'une filière complète, le plan de soutien va appuyer les démarches interprofessionnelles et notamment la coopération interentreprises. Nous soutiendrons également les efforts du pôle forestier vosgien en matière de recherche liée au bois.
Christian PONCELET a récemment déploré " un déficit de communication du gouvernement " sur le projet de décentralisation. Plus généralement, les élus locaux réclament des garanties fiscales et financières sur le sujet, en demandant le transfert de certaines ressources provenant de la TVA ou de la CSG vers les collectivités. Quelles sont vos intentions en la matière ?
- La décentralisation, ce sont des décisions prises au niveau où elles s'appliquent. C'est davantage de proximité. C'est aussi une meilleure prise en compte des besoins locaux. Des Assises des Libertés locales ont été organisées l'hiver dernier. Elles ont permis un large débat sur l'ensemble du territoire. Au Parlement, c'est au final cinq textes sur la décentralisation qui auront été débattus. Déjà la réforme de la Constitution a été votée. Deux projets de loi sont en discussion au Parlement : l'un sur la démocratie participative et le référendum, et l'autre sur les expérimentations. Avant la fin de l'année : le texte sur les transferts de compétences, qui fait l'objet d'une large concertation en amont, et le texte sur les finances, notamment la péréquation, qui sera intégré à la loi de Finances, seront votés. La réforme avance bien ! Les ressources financières correspondantes aux transferts seront mises en place. Il faudra trouver de nouvelles sources de financement. Pour l'instant, nous envisageons de transférer une partie des taxes sur l'essence (la TIPP).
L'année est calamiteuse pour l'agriculture. Après le gel, voici maintenant la sécheresse. Dans les Vosges, le monde paysan prétend qu'elle est encore plus marquée qu'en 1976. Envisagez-vous un recours à la solidarité nationale ?
- Je suis effectivement soucieux devant l'ampleur des incidents climatiques graves dont les agriculteurs ont souffert cette année. C'est pourquoi le gouvernement agit vigoureusement pour le développement durable. Concernant la sécheresse, nous avons prévu, en Europe, la possibilité de faucher ou de faire pâturer les troupeaux sur les terres mises en jachère dans 54 départements. D'autres pourront en bénéficier si la sécheresse s'aggrave. C'est une première mesure importante. Par ailleurs j'ai décidé la semaine dernière d'installer une cellule de suivi, pour faire la synthèse des actions en cours dans les domaines de la protection des forêts contre l'incendie, de soutien aux éleveurs dans une situation difficile pour nourrir leurs animaux, des restrictions à l'utilisation de l'eau par les industries grosses consommatrices et les particuliers, afin de pouvoir réagir rapidement en cas d'incident grave. Le gouvernement et notamment le ministre de l'Agriculture, Hervé GAYMARD, sont pleinement mobilisés.
Votre gouvernement prépare un projet de loi destiné à dynamiser le monde rural. Quelles sont les grandes lignes de ce projet ?
- Le projet de loi que prépare Hervé Gaymard sera présenté au Conseil des ministres du 27 août. Il va améliorer la situation des territoires ruraux en renforçant leur activité, leur attractivité économique et leur couverture téléphonique et numérique, et assurer de meilleurs services publics et privés en milieu rural. C'est un texte important dont le Parlement se saisira dès l'automne. Il est également prévu pour la fin de l'année deux Comités Interministériels à l'Aménagement du territoire, l'un consacré au monde rural, l'autre consacré aux " grands projets interrégionaux".
Christian PONCELET refuse catégoriquement que le conseil général finance la galerie de sécurité du tunnel de Sainte-Marie, si elle ne s'accompagne pas de la création d'un bi-tube. Gilles de Robien s'est dit favorable à cette option début avril. Quelle est votre position ?
- Effectivement, Gilles de ROBIEN a été sensible aux arguments de Christian PONCELET sur la nécessité de se donner les moyens de rouvrir dans les meilleurs délais ce tunnel à l'ensemble des trafics, dans le cadre des nouvelles règles de sécurité qui s'imposent depuis l'accident tragique du Mont Blanc. Le ministre de l'équipement doit confronter cette exigence à l'ensemble des autres paramètres, notamment économiques.
Votre lettre aux Français n'a toujours pas été distribuée à nombre de foyers vosgiens. Que s'est-il passé ?
- Nous avons engagé une profonde réforme des retraites pour sauver le système par répartition et avec lui le principe de la solidarité entre les générations. La réforme proposée, c'est plus de justice, plus de liberté, plus de progrès social. Les Français peuvent être désormais rassurés sur l'avenir de leurs retraites. Les décisions sont prises, les mécanismes de révisions existent. J'ai souhaité que chaque Français en soit personnellement informé. La diffusion de la lettre a été réalisée en région par la Poste. Elle est maintenant pratiquement terminée, mais je sais qu'il y a eu des anomalies dans la distribution et je le regrette.
L'OCDE et le FMI prévoient un taux de croissance de O,8 % en 2003. Vous maintenez vos prévisions à 1,3 %. N'êtes-vous pas un peu optimiste ? Et comment dans ce contexte, alors que le déficit budgétaire se creuse allez-vous pouvoir respecter la promesse d'une baisse d'impôt de 30 % en 5 ans faite par Jacques Chirac ?
- Je suis optimiste sur notre capacité à rebondir. La croissance dépend aussi de l'état de nos voisins. Pour sa part le gouvernement veut favoriser le travail et l'initiative par la baisse des prélèvements et la valorisation des fruits du travail. Les créations d'entreprise repartent à la hausse. C'est un signe encourageant. Je fais confiance aux Français. Nous avons les moyens d'être une économie plus dynamique qui créé des emplois si nous savons libérer les énergies de chacun d'entre nous.
Sur le plan fiscal, le Président de la République vient de le rappeler : l'objectif est la baisse des impôts. Le gouvernement se bat également pour des taux réduits de TVA. Une première manche est acquise avec le maintien de la TVA à 5,5 pour le bâtiment. Nous avons convaincu la Commission de proposer un taux réduit pour la restauration. Il nous faut convaincre demain les 14 autres Etats-membres et "pousser les feux" pour le disque.
Des rumeurs de remaniement se font insistantes. Quelles sont vos intentions ?
- Le Président de la République m'a demandé de conduire un gouvernement de mission. Au cours de cette année, nous avons tenu les engagements pris devant les Français. Le gouvernement mène un travail d'équipe, une équipe unie avec la majorité, à qui je rends hommage ainsi qu'aux membres de mon gouvernement pour leur action. Je ne vois pas aujourd'hui la nécessité de changer une équipe qui a tenu ses engagements
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 17 juillet 2003)