Texte intégral
La politique régionale européenne est une des politiques les plus originales de l'Union, mais aussi la plus mal connue. Originale, elle l'est en ce qu'elle est source de subventions pour les collectivités locales dans leur projet de développement. Mais bien plus qu'une politique de guichet, elle recherche une cohésion territoriale qui allie cohésion sociale et cohésion économique.
Le père fondateur de cet ambitieux projet, Jacques Delors était parti d'un constat simple : il n'y aurait pas de développement harmonieux des pays membres de l'Union si les écarts entre les régions devaient s'accroître. En effet, sans cette volonté de rééquilibrage, le marché risque d'aggraver les disparités régionales, source de déséquilibres sociaux, notamment par des migrations internes à l'Europe, mais aussi source de déséquilibres économiques devant les crises sectorielles qu'ont enregistrées les pays de l'Union (sidérurgie, charbon...). La politique régionale a contribué à assurer une véritable cohésion entre les régions et c'est une réussite que l'on nous envie.
C'est grâce en partie à ces fonds structurels que des pays en retard de développement comme la Grèce ou surtout l'Irlande ont pu se rapprocher de la moyenne communautaire, devenant ainsi des marchés potentiels. La politique régionale a été un formidable vecteur d'intégration à l'Union européenne.
Cette réussite, la France doit militer pour son maintien dans une politique régionale ambitieuse. La politique régionale, au travers des fonds structurels mis à disposition des régions françaises, est l'un des moyens les plus efficaces de rendre concrète l'Europe à nos concitoyens.
Les élus que nous rencontrons dans nos déplacements en région ne s'y trompent pas. Que serait le projet fondamental pour la Haute-Normandie de Port 2000 sans l'appui du Feder ? Comment le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pourrait développer son Ecole de la deuxième chance s'il n'avait pas reçu le label du Fonds social européen ? Le Musée de l'or à Saint-Amand-Montrond doit son succès au soutien, là encore, de la manne financière de l'Union européenne. La modernisation de la criée du Guilvinec témoigne elle aussi du soutien européen au développement local. Les exemples sont multiples dans toutes les régions éligibles à ces fonds structurels en France métropolitaine et, bien sûr, dans les régions d'outremer, exemples de microprojets mais aussi de projets d'envergure. Port 2000 au Havre doit se voir comme un projet fédérateur européen en matière de conteneurisation ; l'Ecole de la deuxième chance de Marseille a été dupliquée dans plusieurs Etats membres.
Certes, les fonds structurels apparaissent encore trop difficiles d'accès, les élus se plaignent des lenteurs administratives, de la longueur des remboursements mettant en péril la trésorerie des associations ou des entreprises. Les tracasseries administratives sont d'autant moins bien supportées que les besoins en termes de retard de développement ou de reconversion de nos régions sont manifestes.
Le gouvernement, sous l'impulsion du Premier ministre, a entrepris un vaste chantier afin de mieux mobiliser ces crédits au profit du développement local qui s'élèvent, rappelons-le, à plus de 16 milliards d'euros sur la période 2000-2006. Les effets de ces réformes en profondeur, car elles touchent à la réforme même de l'Etat et à sa modernisation, se font déjà sentir. Le nombre de projets retenus a déjà doublé depuis l'été dernier, permettant à la France de retrouver la moyenne européenne. Cependant, la mobilisation doit encore et toujours s'accroître afin qu'aucun euro ne soit rendu à la Commission dès la fin de cette année. La règle dite du dégagement d'office, justifiée en termes de bonne gestion financière, risque de ternir l'image même de cette politique.
La période est en effet délicate pour l'avenir de la politique régionale européenne. Si le principe de cohésion territoriale est affirmé dans le projet de future Constitution préparée par la Convention, elle risque d'être vidée de tout son sens si les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous, certains Etats membres parlent même de renationaliser cette politique.
Les pays issus de la réunification seront tout naturellement les principaux bénéficiaires de la politique régionale après 2006, c'est le principe même de cette politique de cohésion de combler le retard entre les régions les plus pauvres et les plus riches. Cependant, tout en respectant nos engagements de maîtrise budgétaire stricte, il y a de l'espace pour une politique régionale imaginative, proche des citoyens, lui donnant une image positive car proche de ses préoccupations de l'Union européenne.
Le défi qui s'ouvre collectivement à nous tous, élus locaux, services de l'Etat, associations ou entreprises, est double : prouver aux autres membres de l'Union que nous savons utiliser ce qui est mis à notre disposition et, surtout, être une force de proposition active dans le cadre de la préparation de la période 2007-2013. Les simplifications devront être poursuivies, notamment par la disparition des zonages trop souvent complexes vu du terrain et l'adoption d'un seul fonds structurel plus aisé à manier.
La logique régionale devra s'appuyer sur une logique sectorielle, où le projet retrouve sa vraie place au centre de la politique, sans être bridé par les procédures anesthésiantes. Il s'agira, dans des enveloppes en diminution, de privilégier les actions à forte valeur ajoutée européenne : les politiques urbaines de la montagne, des littoraux sont avancées, tout comme des actions dans la préservation des milieux naturels ou dans la prévention des risques naturels. Les élus en partenariat étroit avec l'Etat doivent investir pleinement ce domaine dans l'intérêt de leurs concitoyens. Aux élus, nous disons : mobilisez-vous, participez pleinement aux instances de programmation et de suivi, préparez activement les modifications à mi-parcours des programmes, démontrez aux Français que la deuxième politique communautaire européenne se préoccupe de leur avenir. L'Europe est aussi et avant tout concrète, il faut l'expliquer à nos concitoyens./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juillet 2003)